L’ÉQUATION DE LA REPRISE DES COURS
L’urgence de l’heure pour sauver notre système éducatif n’est pas de reprendre les cours avant septembre 2020 - DÉCLARATION DE LA PLATEFORME INTÉGRÉE DES ENSEIGNANTS DEBOUT

SenePlus publie ci-dessous, la déclaration de la Plateforme Intégrée des Enseignants Debout (PIED), datée du 29 mai 2020, à propos de la réouverture annoncée de classes ce 2 juin.
« Faut-il le rappeler, le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a élevé l’épidémie relative au Coronavirus au rang de pandémie suite à son évolution inquiétante à travers le monde. Préoccupée par « les niveaux alarmants de propagation et de gravité » de la maladie, l’OMS a appelé les gouvernements à prendre des mesures urgentes et agressives pour stopper la propagation du virus.
La convention internationale des droits humains garantit à chacun le droit au meilleur état de santé possible et oblige les gouvernements à prendre des mesures pour se prémunir contre les menaces à la santé publique et fournir des soins médicaux à ceux qui en ont besoin. La convention relative aux droits humains reconnaît également que dans le cadre de graves menaces pour la santé publique et en cas d’urgences publiques menaçant la vie de la nation, les restrictions de certains droits peuvent être justifiées si elles ont une base légale et sont strictement nécessaires, si elles s’appuient sur des preuves scientifiques qui ne sont ni arbitraires, ni discriminatoires dans leur application, et si elles sont limitées dans la durée, respectueuses de la dignité humaine, sujettes à examen et proportionnées en vue d’atteindre l’objectif fixé.
L’ampleur et la gravité de la pandémie de Covid-19 atteignent clairement dans notre pays le niveau d’une menace à la santé publique qui pourrait justifier des restrictions à certains droits, comme celles qui résultent de la fermeture des écoles, de la mise en quarantaine ou de mesures d’isolement qui limitent le droit de circuler librement.
Au regard de ces fondamentaux inhérents à une gestion efficiente de la pandémie, la Plateforme Intégrée des Enseignants Debout s’interroge sur l’opportunité de la réouverture précoce des écoles notamment les classes d’examens et rappelle que toute solution à cette lancinante question de la reprise des cours passe par la mise en place d’un cadre de partage et de réflexion avec les acteurs de l’école et les professionnels de santé afin de garantir les droits humains notamment celui de la santé en priorité.
La lutte contre la propagation du Covid-19 nécessite que les établissements scolaires disposent d’approvisionnement en eau, d’assainissement, d’hygiène, d’une gestion des déchets notamment les masques et de nettoyage adapté. Ces mesures sont indispensables pour minimiser le risque de la propagation de la maladie. A cet effet, le ministère de l’Education, en relation avec celui de la Santé, devrait en amont s’assurer que le personnel enseignant dispose de compétences sanitaires relatives à ces mesures et que les établissements scolaires disposent aussi d’équipements de protection adaptés. Tel n’est pas le cas à ce jour (Le regroupement de 15.000 enseignants à Liberté 5 et l’approvisionnement faible en matériels de protection de plusieurs établissements scolaires est l’illustration parfaite que le protocole sanitaire est loin d’être respecté).
En plus de ces impairs, il s’y ajoute un dispositif pédagogique incohérent, inefficace et inéquitable en contradiction avec le PAQUET et l’ODD4 (assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie). En mettant le focus essentiellement pour les apprenants des classes d’examens et ne proposant aucune alternative pour les autres niveaux d’enseignements, l’Etat du Sénégal par ce dispositif pédagogique renforce les inégalités et met en péril les efforts consentis en matière d’accès et de qualité.
Ainsi, consciente du danger réel qui menace notre système éducatif relativement au pilotage à vue des autorités de tutelle, la Plateforme Intégrée des Enseignants Debout rappelle au gouvernement que dans ce contexte où les soldats de la guerre contre la Covid-19 sont atteints par l’ennemi, notamment les agents de santé et des éléments de l’armée, l’urgence de l’heure pour sauver notre système éducatif n’est pas de reprendre les cours avant septembre 2020. C’est pourquoi les acteurs éducatifs que nous sommes, appelons les citoyens et les citoyennes à se mobiliser contre cette aventure et exiger du gouvernement une étude sérieuse avec une approche holistique afin de trouver des solutions alternatives pour la continuité pédagogique au profit de ces millions d’enfants et de jeunes qui sont en rupture scolaire.
Des enseignants debout pour un système éducatif performant ! »