LES NOUVEAUX ATHEES
Le recteur de l'UGB nommé en mai 2018, justement pour « calmer les esprits » après la tragédie qui a coûté la vie à l’étudiant Fallou Sène, affronte la négation de la connaissance

Le Pr Ousmane Thiaré, recteur de l’Université Gaston Berger (Ugb) de Saint-Louis, fait face, depuis quelques heures, à pire que « l’hypothèse de Riemann » ; problème mathématique non encore entièrement résolue depuis son énoncé, en 1859, à moins que le chercheur ne fasse appel à référentiel autre que le raisonnement, base de sa discipline, mais aussi de toute élaboration d’un processus « humain » normal, pour trouver une explication au déferlement de haine, de violence, d’indiscipline et d’impunité qui s’est abattu sur son bureau en début de semaine. En effet, l’universitaire, nommé il y a moins d’un an (mai 2018), justement pour « calmer les esprits » après la tragédie qui a coûté la vie à l’étudiant Fallou Sène, tombé sous des balles après de violents affrontements avec les gendarmes de la légion nord de Saint-Louis, affronte la négation de la connaissance, la relégation du savoir dans les décharges de colère, le déni de l’autorité académique. Pour cause de « non respect des engagements pris par les autorités, le silence sur le cas Fallou Sène et des problèmes d’assainissement », des étudiants de l’Ugb (pourtant une satisfaction de notre système universitaire) ont bloqué la route nationale. Classique ! Les forces de l’ordre ayant libéré la Rn2 qu’ils avaient bloquée, ils se sont rendus dans le bureau du recteur pour le mettre à sac, y déverser des eaux provenant de fosses septiques… Le Saes Ugb a décrété 72 heures de grève, convoqué une assemblée restreinte de l’université et l’activation de la commission de discipline de l’établissement. Là encore, classique !
Les étudiants qui ont saccagé le bureau de leur recteur, nouveaux croisés du «hors-la-loi» académique, sont dans un ordre «religieux» comportemental structuré autour d’un paradoxal athéisme tendu contre l’autorité.
Les coupables s’inscrivent dans un registre bien connu, la religion de l’indiscipline, avec un œcuménisme dans l’impunité qui ne déparerait pas, toutes choses égales ailleurs, dans la pire des zones de nondroit. Ils sont dans un ordre « religieux » comportemental structuré autour d’un paradoxal athéisme tendu contre l’autorité. Athées, car contre le culte de l’apprenant qui (en religion comme en apprentissage professionnel) doit adopter une posture de contrition si nécessaire, de demandeur en tout cas. Athées, car contre toute foi en leur capacité à trouver des compromis salvateurs à la hauteur de leur stature de diplômés, de sélectionnés parmi des milliers d’autres jeunes bacheliers. Athées, car libérés de la croyance que « la violence est l’arme des faibles », sauf à penser que l’action physiquement agressive est un dogme à respecter devant toute contradiction. Athées, car en dépit des dévotions que beaucoup d’entre eux affichent avec ostentation, ils sont foncièrement rétifs à s’inscrire dans la trame des bons usages qui fondent les respects réciproques dans la bonne compréhension des frontières érigées entre l’enseignant livreur de connaissances et l’étudiant nourri, logé, blanchi. Plus de respect dans le pays ! Si les œuvres sociales dans nos campus connaissent des manquements, elles ne sont pas les seules dans ce cas.
Les mots de Platon dans sa « République » résonnent fort encore : « Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants ; lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles ; lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter ; lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au dessus d’eux l’autorité de rien ni de personne ; alors c’est là, en toute beauté et en toute jeunesse, le début de la tyrannie… » C’est connu, les régimes de libertés enfantent leurs pires ennemis…