UNE REOUVERTURE FORCEE POUR UN DIPLOME «BIAISE»
Cette fois-ci, les services de Mamadou Talla peuvent se féliciter d’avoir réussi le pari d’une reprise des enseignements pour les classes d’examens face au contexte de Covid 19.

Le rendez-vous entre enseignant et apprenant a bien eu lieu dans la région dakaroise hier, jeudi. Cette fois-ci, les services de Mamadou Talla peuvent se féliciter d’avoir réussi le pari d’une reprise des enseignements pour les classes d’examens face au contexte de Covid 19. Même si le respect des mesures barrières requiert plus de suivi, avec des masques et cache-nez enfilés dans les poches des potaches, des groupuscules formés pour le bavardage en plein air. Reportage sur une reprise au forceps des enseignements qui, si elle ne garantit pas un diplôme au rabais, peut être en tout cas à la source d’un diplôme polémique selon certains acteurs.
Pour la deuxième rentrée des classes en contexte de Covid-19, le rendez-vous enseignant-apprenant a eu lieu dans la majorité des écoles dakaroises. Hormis certains établissements qui ont été réquisitionnés par l’État dans le cadre de la distribution des kits alimentaires, à l’exemple du collège d’enseignement moyen (Cem) Hlm Grand-Yoff, le collège privé « les Pédagogues », qui se situait à quelques mètres de ce dernier, a ouvert ses portes pour accueillir ses élèves candidats aux différents examens. Ainsi, très tôt, on a pu constater la formation de groupuscules d’élèves dont plusieurs sans porter de masques se livraient gaiement à un exercice de bavardage en plein air.
Pis, ces élèves étaient tous munis de leurs masques mais bien enfoncés et froissés dans leurs poches. Pour se justifier, Souleymane Diagne évoque « la chaleur » et « l’essoufflement » comme handicap au port du cache-nez. Après avoir hoché la tête pour indiquer son accord par rapport à l’opinion de son camarade de classe, Bénédicte Sène pointera son doigt en direction d’un des professeurs dudit établissement qui avait son masque dans la main gauche et, dans l’autre main, des produits alimentaires. « Vous voyez avec moi que même les professeurs ne peuvent pas respecter ces consignes. Le masque étouffe en cette période-ci. Les salles de cours ne sont ni climatisées ni ventilées. C’est naturellement un foyer de chaleur en cette période. Alors vouloir porter un masque dans de telles conditions me semble être du suicide », a laissé entendre la jeune élève en classe de Terminale.
Opposé à cette argumentation, M. Mbaye, directeur de l’élémentaire de cet établissement scolaire n’est pas du même avis que ses apprenants partisans de « l’abandon des masques », compte tenu de la chaleur, et fait remarquer le dispositif sanitaire composé d’un thermo flash et d’une boite de gel hydro alcoolique déployé à l’entrée de l’établissement. « Nous essayons de faire de notre mieux pour faire respecter les mesures sanitaires indiquées par les autorités et éviter tout cas de contamination dans notre école », a-t-il indiqué. Non sans confirmer « qu’avec la chaleur, le port du masque n’est pas une chose plaisante » mais de soutenir, « qu’importe cette chaleur, on se doit de porter le masque pour d’abord se protéger ainsi que ceux qui sont à proximité».
Le directeur du cycle élémentaire dudit établissement n’a pas manqué l’occasion d’attester la présence de la majorité des élèves mais de renseigner « 11 cas d’absences ». Au collège catholique Hyacinthe Thiandoum, la reprise est effectivement actée. Professeurs, maîtres et élèves sont peu à rater le rendez-vous de cette reprise des cours après plus de 03 mois de vacances obligés. « J’avais hâte de venir à l’école pour retrouver les amis », a fait savoir Réné Codjo, élève en classe de 3e dans ledit établissement. Aussi, pour un des professeurs de cet établissement, « la tâche s’annonce difficile » car, « les élèves ont tout oublié. On dirait qu’ils venaient de commencer la rentrée». Et de poursuivre tout en voulant garder l’anonymat, « même avec les multiples incisions sur le programme normal par l’inspection, j’ai bien peur que les élèves ne soient pas dans les prédispositions pour continuer les cours». Même constat au niveau du Lycée Sergent Malamine Camara. D’ailleurs, certains élèves n’ont pas hésité à se débarrasser de leurs sacs pour se livrer à une partie de football devant la façade dudit lycée.
« JE NE DIRAI PAS UN DIPLOME AU RABAIS MAIS CE SERA UN DIPLOME POLEMIQUE »
Le directeur du collège Sacré-Cœur ne semble pas, lui, être enchanté ni par la couture du programme proposée par le ministère de l’Education nationale et encore moins par les horaires imposés par l’inspection. Très tôt, dans la matinée d’hier, jeudi, après avoir reçu la visite de Mamadou Talla, le chef de cet établissement avoue que « l’État a voulu reprendre coûte que coûte » mais « il y aura des répercussions sur le niveau des élèves ».
Des conséquences qui ne seraient pas des moindres, selon Marcelin Coly, car « même quand on regarde les horaires, de 09h à 14h y compris les temps de pauses, ce sera compliqué. Ça va porter préjudice aux élèves étant donné qu’il y a un gap qu’il faut nécessairement atteindre. Je ne dirai pas un diplôme au rabais mais ce sera un diplôme polémique ». Et de poursuivre : « lorsque vous regardez le réaménagement du programme proposé, vous réalisez qu’il y a des fois plus de 08 chapitres supprimés. Ces chapitres n’étaient pas dans le programme pour la forme. Donc, il est évident qu’il y aura des répercussions non seulement sur le niveau des élèves mais aussi sur leur diplôme».
Dans la même veine, Babacar Niasse, directeur des études du groupe scolaire « Yalla Suur En » de confier qu’il « ose espérer que les autorités en charge de l’éducation sénégalaise savent ce qu’elles font. De toute façon, il est évident que les élèves ne s’en sortiront pas comme dans une année normale ». Par ailleurs, sur la problématique de l’utilisation de la craie qui peut constituer un vecteur de contamination, Babacar Niasse fait savoir « qu’il n’a pas de solution spécifique à cette question ». Et d’indiquer : « Tout ce que j’ai pu faire, c’est de mettre des boîtes de craie à la disposition de chaque professeur. Il n’est plus question qu’un professeur partage la même boîte de craie avec un autre ». Non sans oublier de préciser que « la circulation du cahier de texte de mains en mains est aussi arrêtée ».