AU-DELÀ DES SOUPIRS DE SONKO
Loin d'être un simple "figurant", le président Bassirou Diomaye Faye semble imposer ses choix face à un Premier ministre qui multiplie les sorties médiatiques, signe d'une marge de manœuvre plus limitée qu'attendue

«Senghor avait dit que pour être président au Sénégal, il faut être un saint ou un héros. Et je me suis amusé à faire la comparaison. J'ai dit que le président Diomaye, au regard de ce qu'il est, de la manière dont il est apparu, nous avons un garçon merveilleux, tranquille, apaisé, poli et qui écoute. C'est véritablement un saint, et avec sa barbiche et sa moustache, c'est presque un marabout. Et puis il y a Sonko ; lui, c'estle rebelle, lui, c'est l'orage et l'ouragan. Et c'est lui le héros», déclarait le poète Amadou Lamine Sall il y a quelques mois dans l'émission À contre-courant sur «L'As Tv » non sans ajouter que le Sénégal peut s'enorgueillir d'avoir à la fois un héros et un saint à la tête de l'Etat. Toutefois à l'épreuve du pouvoir, ne faut-il pas reconsidérer cette assertion senghorienne et inverser les postures ?
En effet, et c'est presque une lapalissade de le dire, ces dernières années, Ousmane Sonko est le «Goat» de la politique sénégalaise. Et pour reprendre le leader de la France Insoumise Jean Luc Mélenchon, il y a le bruit et la fureur, le tumulte et le fracas. Il a même fait élire, en 2024, grâce à son aura, à l'issue d'une élection âprement disputée, un président de la République en la personne de Bassirou Diomaye Faye. Mais la suprématie de l'actuel Premier ministre Ousmane Sonko semble s'arrêter là. Eu égard, en tout cas, aux nombreuses sorties du leader du Pastef sur la gestion du pays et qui donnent en filigrane des informations sur le tandem Diomaye-Sonko.
Le président Bassirou Diomaye Faye, derrière son visage de «saint» et de «marabout» est loin d'être une caisse de résonance des désirs de son Premier ministre. Et c'est Ousmane Sonko lui-même qui nous le fait savoir à travers ses incessantes déclarations.
Récemment, devant les ressortissants sénégalais en Chine, il a affirmé ceci : Seul Dieu sait pourquoi je ne suis pas président de la République. Si j'étais président, beaucoup de ceux qui parlent et qui devaient raser les murs, se tairont''. Des propos qui ont provoqué l'ire de l'opposition mais qui renseignent aussi sur les limites de la marge de manœuvre du Premier Ousmane Sonko dans le gouvernement. Ses ailes ne se déploient pas manifestement comme il le souhaiterait. Et ses sorties répétées sur la magistrature et la Justice sont un autre exemple. L'on se souvient aussi que lors des dernières élections législatives, il avait critiqué les Forces de défense et de sécurité et la justice, après l'attaque contre les militants du Pastef à Saint-Louis, en lançant cette phrase sur le président de la République : «Su ñépp waxee danga baax, war nga xool sà bopp». Tout cela pour dire que, contrairement à une certaine doxa nationale qui penserait qu'il n'a pas les coudées franches pour diriger le pays, le Président Bassirou Diomaye Faye est visiblement tout sauf un figurant. Et si c'était lui-même le «rebelle» pour reprendre le poète Amadou Lamine Sall.
Dans tous les cas, les soupirs médiatiques du Premier ministre montrent qu'il n'a pas carte blanche sur tout dans le gouvernement. Ceux qui disent qu'il y a un conflit au sommet de l'Etat entre le président de la République et son Premier miistre sont peut-être dans l'excès. Les amarres ne sont pas rompues pour l'instant. Les deux personnalités de l'Etat s'apprécient et se respectent apparemment. Mais si l'on se fie tout simplement à ses dires, Ousmane Sonko est certes le leader incontesté du Pastef, mais il n'est pas le maître du Jeu dans le gouvernement. Bonne ou mauvaise nouvelle ? L'avenir nous édifiera.