CHANTAL BIYA, REINE AU PAYS DES INDOMPTABLES
«La première dame du Cameroun aime le luxe et vit comme une reine. C’est la Marie-Antoinette des tropiques. Elle vit pourtant dans un pays où on a l’impression que le temps s’est arrêté, où il n’y a pas de routes, pas d’hôpitaux»

23 avril 1994. Le peuple camerounais fait la rencontre de Chantal Biya. Son mari Paul, qui règne déjà sans partage sur le pays depuis plus d’une décennie, avait croisé sa route peu avant, au cours d’une soirée mondaine, alors qu’il venait de perdre sa première femme, Jeanne-Irène.
Née Chantal Pulchérie Vigouroux, la première dame grandit à Dimako, dans l’est du pays, d’une mère camerounaise et d’un père français, loin de l’opulence et des milieux favorisés camerounais, avant de déménager à Yaoundé. Tantôt serveuse, tantôt mannequin, elle aurait aussi, selon les ragots du village, entretenu des liaisons avec des hommes influents. Déjà mère de jumeaux, 38 ans plus jeune que son mari, celle qu’on surnomme «Chantou» au village est loin de faire l’unanimité à son arrivée dans les hautes sphères de l’Etat.
«Sans diplôme, sans nom», sous-entendu sans carte de visite dans le sérail de la capitale, donc sans l’éducation valorisée par la «bourgeoisie» camerounaise, la jeune Chantal Vigouroux partait avec de lourds handicaps aux yeux de cette «élite», analyse le sociologue et politologue Fred Eboko dans la revue Politique africaine consacrée aux premières dames en Afrique.
La première dame s’en tient alors au protocole en se contentant du rôle d’accompagnatrice publique du président lors de ses déplacements. Mais son attitude atypique ne passe guère inaperçue. Tenues hautes en couleur, coiffures volumineuses et extravagantes, son style détonne face à un Paul Biya austère.
Popularité croissante
Le peuple camerounais, lui, s’identifie à Chantou, car elle incarne l’ascension sociale à laquelle de nombreux Camerounais aspirent. «C’est un personnage maladroit. Sa façon d’être très en dehors du protocole a réussi à gagner le cœur de certains Camerounais», commente Fotimuah Bradley Roland, journaliste camerounais établi en Suisse.
L’engagement humanitaire de «Madame la Présidente», comme aime la surnommer son mari, est venu redorer le blason d’une présidence contestée. En 1994, peu de temps après son entrée en scène, elle inaugure la Fondation Chantal Biya, qui vient en aide aux couches sociales les plus défavorisées, puis l’ONG Les Synergies Africaines, regroupant les premières dames du continent, dont la mission principale est de lutter contre le travail des enfants et contre la pandémie de VIH/sida.