LA FRANÇAFRIQUE A PERDU SON PARRAIN SAHÉLIEN
Formé en France et appuyé par les services de renseignement français, Idriss Déby était, pour Paris, un allié à la fois décisif et encombrant. Emmanuel Macron a aussitôt salué la disparition d’un «grand soldat»

Idriss Déby était, de la présidence du Tchad qu’il occupait depuis son coup d’Etat militaire de 1990, le verrou de la «Françafrique». Avant lui, ce rôle de «parrain» des intérêts français sur le continent noir avait été dévolu successivement à l’ivoirien Félix Houphouët-Boigny (décédé en 1993) puis au burkinabé Blaise Compaoré (forcé à l’exil en 2014). Le tchadien Déby, formé dans l’Hexagone comme pilote de transport de troupes militaires au début des années 1970, puis à l’école de guerre, avait toutefois une spécificité, notée par Emmanuel Macron qui a rendu hommage, mardi, à ce «grand soldat disparu» et à «cet ami courageux» de la France: sa nature et son positionnement sur l’échiquier africain – en particulier au Sahel – étaient ceux d’un combattant. Musulman, il était aussi le fer de lance de la lutte anti-djihadiste.
«Déby a toujours été le bras armé de la France, évoque un diplomate africain qui l’a beaucoup côtoyé au début de sa carrière, lorsqu’il évinça par la force Hissène Habré, prenant le pouvoir à N’Djamena en décembre 1990. A la différence des autres alliés africains de Paris, Déby tenait parole sur le terrain. Il était tout sauf un officier de parade.» Un officier à qui la France, par trois fois au moins, avait sauvé la mise en l’aidant à vaincre les putschistes: en 2004, en 2006, puis en février 2008, lorsque deux colonnes rebelles l’avaient assiégé dans son palais rose, avant d’être détruites par la Garde républicaine dont il avait pris le commandement en personne, avec le soutien de forces spéciales françaises.
Dans l’immédiat, la disparition de ce vétéran des «rezzous», les attaques frontales prisées des militaires tchadiens, lancés à l’assaut par rangées de 4x4 équipés de mitrailleuses, pose la question du délitement possible de son armée. Dans une note publiée en janvier, l’observatoire Crisis Group alertait sur la perte d’emprise des autorités de N’Djamena. «Si l’armée tchadienne est conquérante à l’étranger, elle est loin d’être un facteur d’unité nationale sur son territoire, affirme le document. La volonté affichée par le président Déby à son arrivée au pouvoir en 1990 de créer une armée nationale et professionnelle ne s’est jamais concrétisée. Au cours des trente dernières années, les autorités ont certes mené plusieurs réformes, mais aucune n’a permis une réelle restructuration des forces de sécurité et de défense, qui demeurent organisées sur des bases communautaires.»