MACRON ET L'AFRIQUE : LES RÉSULTATS SONT MITIGÉS
À la veille de la présidentielle, quel bilan tirer de son mandat pour le continent africain ? Éléments de réponse avec Sina Schlimmer, chercheuse à l’Ifri

Le 28 novembre 2017, à l'université de Ouagadougou, Emmanuel Macron avait affiché sa volonté d'un dialogue « direct » et « décomplexé » avec les sociétés civiles, en rupture avec la Françafrique. Durant son mandat, le président a régulièrement pris le contre-pied de ses prédécesseurs, fustigeant la période désormais révolue, selon lui, de la Françafrique. Privilégier le dialogue avec la société civile et la jeunesse africaines plutôt qu'avec ses dirigeants : l'exercice était, dans sa forme, inédit.
Mais la réalité des relations entre le continent et la France s'est rapidement rappelée à lui. Sur le volet sécuritaire, d'abord. En effet, malgré l'opération Barkhane et le soutien de Paris au G5 Sahel, la situation n'a fait que s'enliser. Jusqu'au retrait des troupes françaises, acté le 17 février dernier, remplacées par des agents de la société privée russe Wagner.
Politiquement, ensuite. Ardent défenseur d'une relation renouvelée avec l'Afrique, Emmanuel Macron s'est pourtant affiché, tout au long de son mandat, avec ses chefs d'État controversés. Le président français n'a, par exemple, pas hésité à chaudement féliciter le fils du défunt président Idriss Déby Itno, Mahamat Idriss Déby, après sa nomination à la présidence. Une prise de pouvoir dynastique qui, en Afrique comme ailleurs, a pourtant été très dénoncée.
Comment Emmanuel Macron a-t-il traversé ces cinq dernières années, entre désir de rupture et realpolitik ? Sina Schlimmer, chercheuse au centre Afrique subsaharienne de l'Institut français des relations internationales (Ifri), répond au Point Afrique.
Le Point Afrique : Dans son bilan, l'Élysée affirme avoir construit de 2017 à 2022 un « nouveau partenariat » avec l'Afrique, basé sur « l'apaisement des mémoires », la restitution des œuvres d'art et la réforme du franc CFA, notamment. Selon vous, ces critères ont-ils suffi à l'élaboration d'une nouvelle relation avec le continent ?
Sina Schlimmer : Ce sont en effet les éléments qui sont régulièrement mis en avant par la communication de l'Élysée en ce qui concerne sa politique africaine. Emmanuel Macron les avait présentés lors de sa visite à Ouagadougou en 2017. Ces piliers ont été jusqu'ici régulièrement mis en lumière par le président. Mais il y a évidemment d'autres éléments du mandat à prendre en compte, dont certains ont d'ailleurs quelque peu dégradé la relation entre l'Afrique et la France.
Que voulez-vous dire ?
À Ouagadougou, Emmanuel Macron avait affirmé vouloir instaurer une forme horizontale des échanges. Il souhaitait s'adresser à un autre public, celui de la société civile. En France, il a voulu faire le lien avec la diaspora africaine. Cette manière de procéder, en contournant les acteurs plus classiques de la diplomatie et de la politique, et notamment des chefs d'État, n'a pas convaincu tout le monde. Certains ont pu se sentir mis à l'écart, au profit d'échanges plus disruptifs.