MALI-FRANCE : JE T'AIME, MOI NON PLUS
L’annonce de l’expulsion de l’ambassadeur de France à Bamako, le 31 janvier, a encore fait monter d’un cran la tension entre Paris et Bamako. Une situation critique, mais qui a connu plusieurs précédents depuis l’indépendance. Décryptage

« Le gouvernement de la République du Mali annonce officiellement la fin de ses relations diplomatiques, militaire et économique avec la France. » Ce communiqué, relayé maintes et maintes fois fin janvier, s’est révélé être un faux. Mais s’il a pu tant circuler, c’est bien que les relations entre les deux pays tombent de Charybde en Scylla. La rupture n’a pas eu lieu, du moins pas encore, mais l’expulsion de l’ambassadeur de France, Joël Meyer, lundi 31 janvier, marque un acte de plus dans la détérioration des relations entre les deux pays. Une décision qui intervient après une série de passes d’armes entre les autorités de Paris et de Bamako. Les sujets faisant l’objet de graves discordes ne manquent pas : le déploiement de sociétés de sécurité privée russe de la nébuleuse Wagner, la prolongation de la transition, les accords de défense…
La tension était sévèrement montée en septembre dernier quand le Premier ministre malien, Choguel Maïga, avait accusé la France, à la tribune de l’ONU, d’ « abandonner le Mali en plein vol » dans la lutte contre le terrorisme. Depuis, elle n’a cessé de croître et les dirigeants des deux pays se sont régulièrement répandus en invectives les uns contre les autres dans les médias.
« Propos inacceptables »
Dernier épisode en date de cette escalade verbale : le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a taxé le pouvoir malien d’ « illégitime » et l’a accusé de prendre des « mesures irresponsables ». Réponse du berger a la bergère : son homologue malien, Abdoulaye Diop, a jugé que « ces insultes et ces propos empreints de mépris [étaient] inacceptables et n’[étaient] pas une preuve de grandeur.
Un échange intervenu après que le gouvernement malien a demandé au Danemark de « retirer immédiatement son contingent déployé dans le cadre de la force [militaire envoyée par des pays européens] Takuba. Selon le gouvernement malien, « ce déploiement est intervenu sans son consentement et sans considération du protocole additionnel applicables aux partenaires d’opérations européens devant intervenir au Mali ». Le fait est que le Status of Forces Agreement (SOFA), en vertu duquel est déployée Takuba, a été négocié par la France, à l’initiative de cette force spéciale de lutte contre le terrorisme. « Nous ne pouvons pas rester en l’état. On va voir comment adapter notre dispositif en fonction de la nouvelle situation », a déclaré Jean-Yves Le Drian, évoquant une « rupture du cadre politique et diplomatique ».
Accros avec Chirac, Sarkozy, de Villepin
Il ne fait pas de doute que les relations entre Paris et Bamako traversent une zone de turbulences. Mais historiquement, la situation n’est pas inédite. Au lendemain de l’indépendance, Modibo Keïta, premier président du Mali et figure du nationalisme panafricain, avait déjà exigé le départ des troupes françaises « pour les mêmes besoins de souveraineté qu’aujourd’hui », rappelle Cheick Oumar Sissoko, ancien leader du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (SADI). En 2005, ce cinéaste réputé, alors ministre de la Culture avait affirmé que les relations entre les deux pays étaient « complexes et mouvantes » et avaient « connu des fortunes diverses », en clôturant un colloque intitulé Mali-France : regards sur une histoire partagée. « Il y a une levée des boucliers dans la plupart des pays en Afrique de l’Ouest pour dénoncer les agissements de la Cedeao, vue comme assujettie à la défense des intérêts de la France, indique Sissoko. Le destin de la France en Afrique est en train de se jouer au Mali en ce moment ».