MALI : L'ARMÉE ET WAGNER ACCUSÉS D'AVOIR COMMIS UN MASSACRE À MOURA
Selon des sources concordantes, entre 200 et 400 personnes auraient été tuées la semaine dernière dans ce village du centre du Mali par des militaires maliens et des mercenaires russes de Wagner

En dix ans de guerre, jamais l’armée malienne n’avait été accusée d’exactions d’une telle ampleur. Selon des ONG locales et des sources onusiennes, entre 200 et 400 civils auraient été tués du 27 mars au 1er avril par l’armée malienne et par des mercenaires du groupe Wagner dans le village de Moura, situé dans le cercle de Djenné, dans le centre du Mali. « Si ces chiffres macabres se confirment, il s’agirait du pire massacre causé par les Fama [les forces armées maliennes] », déplore une source diplomatique occidentale.
Dans un communiqué diffusé le 1er avril, l’armée malienne évoque, elle, « une opération d’opportunité aéroterrestre de grande envergure » dans la zone de Moura, menée du 23 au 31 mars, qui a permis la neutralisation de 203 « combattants des groupes armés terroristes ». « Le respect des droits de l’homme de même que le droit international humanitaire reste une priorité dans la conduite des opérations », poursuit l’état-major général des armées.
Zones d’ombre
Que s’est-il vraiment passé à Moura ? Une semaine après les faits, des zones d’ombre persistent mais des témoignages de survivants commencent à émerger. Fin mars, les Fama et les hommes de Wagner qui les accompagnent en opération dans cette zone depuis janvier auraient été informés que des membres de la katiba Macina, liée au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), étaient présents à Moura.
« Ce village se situe au cœur de la zone inondée, contrôlée depuis plusieurs années par les hommes de la katiba Macina. Mais cela ne veut évidemment pas dire que tous ses habitants sont jihadistes ou qu’ils sont liés aux groupes jihadistes », précise un bon connaisseur de la zone.
Le 27 mars, une foire avait lieu à Moura. Ce jour-là, selon une de nos sources, plusieurs hommes armés appartenant à la mouvance jihadiste étaient bien présents dans le village pour se ravitailler. En fin de matinée, des hélicoptères de l’armée malienne survolent le village et se mettent à tirer indistinctement sur les habitants. Puis les appareils se posent au sol. Plusieurs militaires maliens et mercenaires de Wagner en sortent, pénètrent dans le village et tirent à leur tour sur des civils. Des renforts viennent ensuite les assister. S’en suivent trois jours d’encerclement et d’occupation du village.
Bilan terrible
Les habitants, essentiellement ceux issus de la communauté peule, sont arrêtés et interrogés. « Ils ont rassemblé une partie des gens et ont commencé à procéder à des fouilles. Ceux qui avaient de la poudre à canon sur eux ou chez eux étaient assimilés à des jihadistes, mis sur le côté et tués sur le champ », explique une de nos sources.