QUOI D'ÉTONNANT À CE QUE L'ON SOUHAITE RENFORCER NOTRE COLLABORATION AVEC LA RUSSIE ?
Report des élections, crise avec la France, alliance avec la Russie… Cinq mois après sa nomination, le Premier ministre malien a reçu « Jeune Afrique ». Choguel Kokalla Maïga n’élude aucun des nombreux sujets qui fâchent

En cinq mois à la tête du gouvernement de transition malien, c’est peu dire que Choguel Maïga n’est pas passé inaperçu. Le Premier ministre, nommé après le second coup d’État en neuf mois dans le pays, a engagé des bras-de-fer sur tous les fronts. Report des élections exigées par la communauté internationale, présence militaire française, coopération avec la Russie… Il a reçu Jeune Afrique dans sa résidence bamakoise. Et a répondu sans langue de bois.
Jeune Afrique : Des élections doivent avoir lieu le 22 février prochain et mettre fin à la transition, mais beaucoup doutent désormais que ce délai soit respecté. Qu’en est-il ?
Choguel Kokalla Maïga : Nous mettrons tout en œuvre pour respecter nos engagements vis-à-vis de la communauté internationale, mais il faut aussi être réaliste. Faut-il, sous la pression extérieure, se précipiter vers des élections, au risque d’aboutir à un nouveau soulèvement ?
Quelques semaines ou quelques mois de report, est-ce la fin du monde ? Il faut se demander quel temps est réellement nécessaire pour mettre en œuvre ce que souhaitent les Maliens. Nous n’avons pas d’autre programme que de traduire les exigences du peuple.
Ne craignez-vous pas une nouvelle crise politique si la transition est prolongée ?
Il faut se poser la bonne question : qu’est-ce qui a conduit au changement de régime ? Partout, on parle de coup d’État mais il n’y en a pas eu stricto sensu. Il y a eu un soulèvement populaire contre un gouvernement incompétent et corrompu qui a truqué les élections. Toute cette crise a été provoquée par la fraude électorale organisée par le régime d’Ibrahim Boubacar Keïta en 2018. Pour éviter que cela se reproduise, il faut donc minimiser tout risque de contestation électorale dans le futur.
Combien de temps supplémentaire vous semble nécessaire pour organiser les élections ?
Cela se décidera aux assises nationales de la refondation qui débuteront courant novembre. Au sortir de ce rendez-vous, nous pourrons dire clairement à la communauté internationale de combien de semaines ou de mois nous avons besoin. Mais il s’agira de délais qui, je l’assure, seront raisonnables.
Il y a déjà eu de nombreuses concertations. En quoi ces assises sont-elles différentes ?
Les conclusions de ces assises seront exécutoires. Des lois seront votées, des dispositions seront constitutionnalisées. Tout ce qui pourra être mis en œuvre à court terme le sera par le gouvernement de transition. Le reste sera transmis au futur gouvernement. Nous ne rangerons pas les conclusions de ces assises dans un tiroir comme ce fut le cas lors des rendez-vous précédents.
Mais celles-ci ne sont pas consensuelles : une partie de la classe politique s’oppose à leur tenue et soupçonne qu’elle ne soit qu’une manœuvre pour que vous vous mainteniez au pouvoir.
Ceux-là sont quasiment tous des tenants de l’ancien régime. S’ils ne veulent pas participer, soit. Le consensus, ce n’est pas l’unanimité.
Depuis le renversement d’Ibrahim Boubacar Keïta, en août 2020, la situation sécuritaire a continué de se dégrader. Le Mali et ses partenaires sont-ils aujourd’hui incapables de faire face à l’expansion de la violence ?
En 2013, quand la communauté internationale est intervenue au Mali, le président français, François Hollande, assurait que l’intervention française visait trois objectifs : détruire le terrorisme, restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national, appliquer les résolutions des Nations unies.