SI WAGNER N'ÉTAIT PAS RUSSE, LES RÉACTIONS AURAIENT ÉTÉ DIFFÉRENTES
Ancien chef d’état-major de l’armée sénégalaise, le général Babacar Gaye revient sur les transitions au Mali et en Guinée, les mercenaires russes et la pression terroriste

De cette sixième édition du Forum de Dakar, qui se veut un espace ouvert de discussions sur les thèmes sécuritaires, le général Babacar Gaye repart satisfait. L’ancien chef d’état-major de l’armée sénégalaise, militaire chevronné rompu aux opérations de maintien de la paix, qui participe régulièrement à de tels événements et à des conférences sur la sécurité collective, se réjouit de voir que les chefs d’États ont « donné le la » de la rencontre.
Du discours du Sud-Africain Cyril Ramaphosa, qui a dénoncé sans détours la « rapacité » des pays européens sur la question des vaccins contre le Covid-19, à celui de son homologue nigérien Mohamed Bazoum sur la lutte contre le terrorisme, le Forum a permis aux dirigeants africains de s’exprimer sur la situation sanitaire et sécuritaire du continent. L’ancien chef de la Minusca a aussi entendu les critiques du président de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, jugeant « obsolète » le modèle actuel de maintien de la paix.
À quelques heures de la fin de ce rendez-vous, le saint-cyrien a répondu aux questions de Jeune Afrique sur les thèmes centraux de l’actualité sécuritaire du continent.
Jeune Afrique : Plusieurs chefs d’État ont fermement affirmé, au cours du Forum de Dakar, la nécessité pour les pays africains de redéfinir leurs relations avec leurs partenaires. Ce type d’évènement est-il un moyen de le faire ?
Babacar Gaye : Absolument. Demander une redéfinition des débats, c’est un premier pas vers l’affirmation de son identité. Nous sommes malheureusement très souvent en situation de demandeurs, mais nous voulons prendre une part plus importante dans la solution des problèmes que nous vivons.
La ministre française des Forces armées, Florence Parly, n’a pas manqué de rappeler que Paris voit d’un très mauvais œil la possible présence de mercenaires russes de Wagner dans la région. Les États africains ont-ils le droit de vouloir diversifier leurs partenaires ?
Les États ont le choix, ou plutôt devraient avoir le choix, de sélectionner leurs partenaires. Chaque pays doit pouvoir définir ses choix stratégiques, pourvu qu’ils soient pertinents. Malheureusement, c’est généralement l’expérience qui permet de le déterminer. Mais personne ne peut dire au Mali ce qu’il doit faire. Évidemment, si cette société privée n’était pas russe, les réactions n’auraient pas été les mêmes. C’est regrettable de voir l’Afrique redevenir un enjeu stratégique dans une guerre froide qui ne dit pas son nom. Quoi qu’il en soit, il est tragique qu’un État en soit réduit à devoir faire appel à une société de sécurité privée. Le vrai drame est là.