LES MEDIAS FACE À LEURS RESPONSABILITÉS
Après deux années de réflexion collective, les acteurs des médias sénégalais ont présenté hier les conclusions des Assises de la presse. L’exercice, inédit par son ampleur, a permis d’établir un diagnostic lucide sur les défis structurels et conjoncturels

Hier, mardi 1er juillet s’est déroulée dans les locaux de la Fondation Friedrich Ebert, la cérémonie de restitution du rapport général des Assises nationales des médias à l’initiative de la Coordination des Associations de Presse (CAP) avec l'appui de la Fondation des Médias pour l'Afrique de l'Ouest (MFWA). Les recommandations issues de ces travaux sur les défis structurels et conjoncturels qui affectent l’essor du paysage médiatique, posent les bases d’un lendemain performant, plus professionnel et durable du secteur.
Après deux années de réflexion collective, les acteurs des médias sénégalais ont présenté hier les conclusions des Assises de la presse. L’exercice, inédit par son ampleur, a permis d’établir un diagnostic lucide sur les défis structurels et conjoncturels du paysage médiatique national.
En chiffres, ces Assises se traduisent par 78 réunions de commissions – soit 15 réunions par entité – ayant mobilisé 1 465 participants. Les travaux ont abouti à six rapports thématiques, représentant un volume cumulé de 732 pages. Le rapport général, quant à lui, a été ramené à 95 pages, puis synthétisé en huit pages pour une restitution plus accessible, a détaillé Cheikh Thiam, rapporteur général. Ce dernier a plaidé pour un dialogue constant entre le ministère de tutelle et les professionnels. « Au-delà de leur mission de service public, les entreprises de presse doivent être compétitives et performantes, tout en demeurant garantes de l’éthique, de la déontologie et du pluralisme », a-t-il insisté.
Les thématiques abordées couvrent l’ensemble du spectre médiatique : cadre juridique, régulation, autorégulation, conditions de travail, financement ou encore évolution technologique. Sur le plan réglementaire, les participants ont recommandé que le ministère chargé de la communication prenne pleinement en compte les mutations technologiques du secteur dans ses politiques d’encadrement. Le respect des textes existants, notamment sur le dépôt légal pour la presse écrite et les droits d’auteur dans l’audiovisuel, est également une exigence forte.
Parmi les recommandations phares figure la mise à jour du projet de création de la Haute Autorité de Régulation de la Communication Audiovisuelle (HARCA), avec la désignation de son président par appel à candidature. Le renforcement de l’autonomie et de l’indépendance du CORED (Conseil pour l’Observation des Règles d’Éthique et de Déontologie) est également évoqué, tout comme sa reconnaissance officielle comme organe d’autorégulation à part entière. Les acteurs souhaitent aussi l’adoption d’un nouveau Code de la publicité, en phase avec les pratiques contemporaines.
Autre préoccupation majeure : la précarité persistante des professionnels des médias. Les Assises ont mis en lumière l’urgence d’appliquer la convention collective, de renforcer la protection sociale, de promouvoir l’égalité des genres et de lutter contre les violences en milieu professionnel. Un accent particulier a été mis sur les reporters, souvent exposés sans garanties suffisantes.
Pour Matar Sylla, président du comité scientifique des Assises, ce rapport constitue une véritable feuille de route : « Il est temps que les médias sénégalais bâtissent un avenir professionnel et solide », a-t-il affirmé. Selon lui, ces recommandations doivent permettre de structurer le secteur, de le rendre durable, et de l’adapter aux exigences d’un espace démocratique en mutation. Ibrahima Lyssa Faye, coordonnateur du CAP, a pour sa part invité les autorités publiques à prendre leurs responsabilités : « Il faut voir ce qui a été fait, ce qui a été proposé et ce qui peut être mis en œuvre à court et moyen terme », a-t-il déclaré, soulignant que les médias sont aussi des entreprises qui doivent générer de la valeur et assurer le bienêtre de leurs travailleurs.
Venue représenter la Media Foundation for West Africa, Saphie Ly Sow a salué l’initiative, qu’elle décrit comme « un exercice de partage et d’appel à l’action ». Elle a lancé un appel à l’unité : « Presse, société civile, État : avançons ensemble. » Et d’ajouter : « La presse sénégalaise a toujours été un modèle, un pilier de la démocratie. Nous ne pouvons pas la laisser s’effondrer. »
Enfin, la cheffe de mission adjointe de la délégation de l’Union européenne au Sénégal, Mme Harmonie Koutsivitis, a salué l’effort collectif et la qualité du travail fourni. Elle a souligné que les recommandations issues des Assises sont d’autant plus précieuses dans un contexte où la consolidation démocratique et la promotion de la paix passent par une information fiable et accessible. « Les médias sont un pilier de toute démocratie. Ils garantissent la transparence, la participation citoyenne et l’imputabilité des pouvoirs publics », a-t-elle conclu.
Les Assises de la presse tracent ainsi une voie claire. Reste à savoir si les autorités et les professionnels sauront saisir ce moment pour bâtir un nouveau contrat entre la presse et la société.