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30 avril 2025
LE GOUVERNEMENT DE SONKO ENGAGE UN VASTE CHANTIER
Les appels à plus de probité dans la fonction publique se succèdent. Mais les précédents échecs interrogent sur la détermination réelle du gouvernement. Moderniser l'administration sera-ce enfin une priorité plus qu'un vœu pieux ?
Le nouveau régime veut un changement de comportement à tous les niveaux. L’abandon des mauvaises pratiques devrait commencer par les agents de l’Etat, ce qui justifie la lettre du président de la République, Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre, Ousmane Sonko. Toutefois, on note que ce n’est pas une première qu’un gouvernement milite pour un service public de qualité. Des initiatives dans ce sens, il y en a eu notamment avec le précédent régime de Macky Sall, sans que les résultats escomptés ne soient atteints.
Quelques jours après sa prise de fonction, le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, a écrit à tous les agents de l’administration sénégalaise, sans exception, pour les inviter «à incarner pleinement les principes de Jub, Jubal, Jubanti et que la droiture, la probité et l’exemplarité commandent chacun de leurs actes». Mieux, il les a invités au culte de servir le citoyen sénégalais. Un appel matérialisé plus tard par des mesures de pointage dans quelques services publics, un exercice auquel le nouveau ministre de la Fonction publique, Olivier Boucal, s’est prêté.
L’invite du président de la République a été suivie d’une directive de son Premier ministre, Ousmane Sonko, qui, lui aussi, exige une administration beaucoup plus performante. Dans une correspondance qualifiée de très urgente, le 12 avril dernier, il a donné l’ordre, «afin d’assurer une prise de connaissance et une ferme appropriation des directives du président de la République, Bassirou Diomaye Faye, que sa lettre soit diffusée dans toutes les administrations et qu’un compte rendu lui soit fait dans les plus brefs délais»
Rappelons que malgré son expertise et sa vaillance, des qualité reconnues, l’administration sénégalaise est très critiquée par les usagers. A titre d’exemple, l’accueil dans les hôpitaux, les Sénégalais s’en plaignent. Il s’y ajoute les absences dans de nombreuses structures ou encore le non-respect des horaires de travail. Il ya aussi les longues et lourdes procédures administratives pour disposer de certains documents et le manque d’interlocuteurs dans plusieurs services. Des Sénégalais qui ont des problèmes avec la justice s’offusquent souvent des conditions de la garde à vue et de l’accueil dans les Commissariats de Police et Brigades de Gendarmerie…
Certains services publics sont minés par des pratiques peu orthodoxes qui favorisent la corruption. Des rabatteurs s’infiltrent dans la délivrance de casiers judiciaires, certificats de nationalité et autres documents d’état civil ou des permis de conduire, rendant les irrégularités multiples. Ces exemples ne sont pas des cas isolés, car les mauvais comportements dans les structures publiques sont nombreux. Reste maintenant à voir si le gouvernement du président de la République, Bassirou Diomaye Faye, saura redresser la baraque ?
LE PAMA DE MACKY POUR LA MODERNISATION DE L’ADMINISTRATION DANS LE DUR
En effet, les directives n’ont pas manqué du temps de son prédécesseur, l’ancien président de la République, Macky Sall, sans qu’un véritable changement ne soit noté. En avril 2016, lors du Forum National sur l’Administration à Diamniadio, il avait demandé aux agents du service public, «de s’adapter aux exigences des citoyens et de faire preuve de simplicité, de disponibilité et d’efficacité»
Mieux avait-il trouvé, «l’administration est, à bien des égards, obligée d’apporter les changements nécessaires aux fins d’actualiser son organisation, ses méthodes et ses procédures». L’ancien président de la République, étant convaincu de «l’impérieuse nécessité d’élaborer et de mettre en œuvre un nouveau modèle d'administration publique», lors de ce forum, il avait en outre jugé «qu’il fallait également engager la refondation des structures, des procédures et du management des ressources humaines de l’Administration».
Dans cette optique de la réforme de l’Administration, en vue d’améliorer la qualité des services rendus aux usagers, le président Macky Sall a procédé, le 05 août 2019, au lancement du Programme d’Appui à la Modernisation de l’Administration (PAMA), qui a pour but de contribuer à l’action de modernisation de l’Administration du Sénégal. «Le principal objectif du PAMA est de faire tenir à l’Administration son rôle de moteur dans le processus d’émergence à l’horizon 2035».
Selon le ministère de la Fonction publique et de la Transformation du Service public d’alors, chargé de conduire la réforme de l’Administration, «Le PAMA comporte trois composantes : L’optimisation du cadre organisationnel de l’Administration qui adresse les problèmes de structuration des organisations, de déconcentration et de décentralisation des centres de décisions publics ; L’amélioration de la qualité des services aux usagers qui concourt à renforcer la gestion axée sur les résultats, la transparence, la bonne gouvernance et la qualité des services rendus aux populations ; La professionnalisation de la gestion des ressources humaines qui vise à renforcer les capacités des agents et à promouvoir les principes et les valeurs du service public dans la conduite des politiques publiques et la délivrance des services publics de tous les jours». Constatant toujours peu d’avancées, il a demandé à son gouvernement, en Conseil des ministres du 26 avril 2023, «de prendre toutes les mesures nécessaires pour toujours assurer la continuité́ et la qualité́ du Service public dans l’ensemble des secteurs, en faisant respecter les règles de déontologie».
LES DERNIÈRES FRASQUES DE MACKY SALL
Avant de quitter le pouvoir, l'ancien président a multiplié les décisions controversées. De l'extension des passeports diplomatiques aux marchés publics suspects, son bilan de fin de règne sème le trouble
A quelques jours de la fin de son mandat, l’ancien président de la République, Macky Sall, et ses collaborateurs ont fait naître de nouvelles controverses dans la gestion des affaires publiques. Comme si la bonne gouvernance ne pouvait cesser d’être un vœu pieux, même après douze années de villégiature dans le «Macky». Entre signature de décret élargissant considérablement la liste des bénéficiaires des passeports diplomatiques, recrutements massifs dans les ministères, contrat problématique de dessalement de l’eau de mer et octroi tendancieux de la concession de chantier naval au groupement DakarnavaL/OZata/SHipyard, entre autres scandales ou couacs, la polémique s’est installée.
La controverse a enflé à la fin de règne de l’ancien président de la République, Macky Sall. Entre signatures de décret et de contrat de marchés en catimini, le régime sortant a fini par mettre le président nouvellement élu, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, et son gouvernement dans une situation peu confortable du moins pour certains des engagements pris par Macky Sall et ses hommes, à quelques encablures de la passation de pouvoirs avec le président nouvellement élu. En effet, tout dernièrement, il y a eu l’affaire des passeports diplomatiques, avec la signature du décret du 28 mars 2024, élargissant la liste des bénéficiaires à tous les anciens ministres et leurs conjoints, les ambassadeurs émérites, les ambassadeurs à la retraite, entre autres. Le décret n°2024-843 remplaçait ainsi l’article premier du décret n°90-934 du 27 août 1990.
Autre fait décrié, des recrutements «massifs» ont aussi été signalés au niveau de certains ministères, avec des ordres de service antidatés de six mois avant. Selon le député Guy Marius Sagna, «39 nouveaux recrutements ont été effectués, entre le mercredi 27 et le jeudi 28 mars 2024, bénéficiant de CDI (Contrats à durée indéterminée, ndlr) directs». Aussi, ajoutera-t-il que «205 personnes sont nouvellement incorporées dans les rangs des ASP (Agents de sécurité de proximité-ndlr) entre ces mêmes dates à la Direction générale de l'Agence d'assistance à la sécurité de proximité».
L’ancien ministre de l’Education nationale, Cheikh Oumar Anne, est aussi accusé d’avoir recruté des centaines d’enseignants avant son départ de la tête de ce ministère. «Des centaines d’enseignants ont été recrutés récemment par Cheikh Oumar Anne, ancien ministre de l’Education nationale. C’est du banditisme d’Etat. Vous n’êtes pas sans savoir que toutes les organisations syndicales se sont battues pour qu’on puisse normer le recrutement des enseignants. C’est le seul secteur où, pour y accéder, il faut nécessairement passer par un concours, dans le but d’avoir des enseignants de qualité», avait déclaré l’ancien Secrétaire général du Sels-Authentique, Abdou Faty, dans une radio de la place.
Autres scandales et maladresses hérités du « Macky »
A ces actes qui suscitent moult interrogations sur la volonté prétendue ou non de mettre des bâtons dans les roues du nouveau régime, s’ajoute le problématique contrat de dessalement de l’eau de mer signé avec les Saoudiens, à la veille de l’élection présidentielle. Récemment, des experts du secteur de l’eau ont sorti un communiqué pour dénoncer la signature du contrat et interpeller les nouvelles autorités. «A l’ombre des projecteurs politiques, un contrat de 450 milliards de FCFA a été signé, par entente directe, avec une entreprise privée étrangère, pour l’achat d’eau sur 35 ans, à partir d’une usine de dessalement d’eau de mer de 400.000 m3/j à construire sur la Grande-Côte des Niayes», lit-on dans une tribune qui nous est parvenue, de la part de ces acteurs certifiés du secteur de l’eau. La même source d’ajouter : «Si ce contrat, dont l’ampleur et les implications socioéconomiques suscitent moult interrogations, était confirmé, la réalisation du projet Canal du Cayor serait de facto compromise, car les deux opérations ne peuvent manifestement pas être exécutées sur le même horizon temporel, pour des raisons économiques évidentes». Alors que la polémique est encore loin de s’estomper sur ces dits contrats, décrets et autres décisions pris par l’ancien président de la République, Macky Sall, y compris le changement du président de la Cour suprême, à quelques jours seulement de son départ du Palais, (mesure annulée aussitôt par le président Diomaye Faye), c’est l’affaire de l’attribution des chantiers de réparations navales qui revient au-devant de l’actualité. La concession de DakarNave pour 25 ans à une société turque, en catimini, a été cassée par l’Autorité de régulation de la commande publique (ARCOP), dans sa décision du 12 avril dernier dont Sud Quotidien a obtenu copie.
Le régulateur de la commande publique accède ainsi à la demande du groupement DAMEN/ATMAR/MARITALIA qui avait saisi d’un recours contentieux l’ARCOP, concernant l’octroi de la concession de chantier naval au groupement DAKARNAVAL/OZATA/SHIPYARD par l’ancien ministre des Pêches et de l’Economie maritime , Pape Sagna Mbaye, et la Direction de la Société des Infrastructures de Réparation Navale de Dakar (SIRN), en mars 2024. Ainsi, le processus de renouvellement de la concession de DakarNave, qui prend fin le 24 juin 2025, sonnait comme un scandale du fait de la violation «flagrante» des règles de passation de marché public. Suffisant pour que le Chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye donne des instructions, en Conseil des ministres qu’il a présidé le mercredi 17 avril 2024, pour que lumière soit faite sur cette affaire. Ces actes posés par Macky Sall et ses collaborateurs, à la fin de son mandat, viennent s’ajouter à la longue liste des scandales présumés qui accablent la gouvernance socio-économique du Sénégal, durant ces douze dernières. Une gouvernance où les « scandales » ont fait florès et parmi ceux-ci le non moins grave détournement de 6 milliards du Fonds Force Covid-19, en pleine crise sanitaire confinant tous les Sénégalais et paralysant Gorgorlu dans ses activités quotidiennes de survie au point de recevoir des aides alimentaires de la part des pouvoirs publics.
UN TOMBEAU POUR KINNE GAAJO
Porté par la puissance de l’écriture de Boubacar Boris Diop, il jette un regard acerbe sur des pratiques sociales plombées par la légèreté, l’irresponsabilité et dont la tragédie du bateau le Joola est un stigmate, un objet-témoin.
Rempli à presque quatre fois plus que sa capacité normale, le bateau le Joola qui assurait la liaison Dakar/Ziguinchor/Dakar a coulé dans les profondeurs océanes par une nuit d’orage, entre Ziguinchor et Carabane, avant que l’aurore ne s’éveille. Les secours avaient tardé, alors que pris au piège les passagers s’étaient débattus jusqu’à n’en plus pouvoir, pour finir par s’épuiser et s’effondrer dans les entrailles du bateau le joola.
Avec un lourd bilan estimé à 1884 vies fauchées, cette catastrophe pire que celle du navire de croisière réputé insubmersible le Titanic (1500 morts), survenue en 1912, a par la force des choses, transformé le bateau en un tombeau pour ces corps privés de sépulture donc d’humanité. Une possibilité offerte par contre à celles et ceux qui n’avaient pas « été avalés par l’océan » et ont été rejetés sur la plage. Le drame s’est produit le 26 septembre 2002.
Et dans ce roman plein de douleur et de tendresse on y voit la mort, dans son appétit insatiable, revêtir le visage de Kinne Gaajo, journaliste et écrivaine talentueuse. Ainsi donc, l’amie de toujours, des jours heureux et malheureux, femme immensément libre, était dans le bateau. Iconoclaste, tordant le cou aux choses convenues , suivant son instinct, elle a su par l’impertinence de sa plume , rayonner un peu partout dans le monde et dans son propre pays, en participant à des colloques et autres conférences.
Pour son alter ego, Njeeme Pay, autre personnage central du roman, « le mot naufrage » n’avait plus « le même sens selon qu’il a emporté des milliers d’inconnus ou une plus-que-sœur telle que l’avait été Kinne Gaajo pour moi-même ». Sortie de l’anonymat, palpable, en chair et en os, la mort avait cessé d’être « un évènement abstrait et lointain ». Comment alors protester contre l’absence sinon en la présentifiant, en faisant revenir à la surface un vécu, des rencontres, des échanges avec l’être cher, désormais disparu.
En se jouant ainsi de l’oubli voire de l’abîme qui avait avalé Kinne Gaajo, il ne restait plus à Njeeme Pay qu’à convoquer les souvenirs pour immortaliser le parcours d’une fille, une autre elle-même, que la pauvreté avait malmenée jusqu’à impliquer son corps dans un commerce de survie.
Du fait de blessures secrètes, cette femme immensément libre s’était retrouvée sans enfant, abîmée par une vie dissolue qui l’incitait à s’abandonner dans des bras de hasard. Là-bas à Thiaroye, dans son quartier de NettiGuy, avec ses rues encombrées de jeunes filles en quête de revenus, proposant des sachets d’eau ou de bissap aux passants. A travers cette figure attachante qui irradie le roman ce sont les visages de toutes les autres victimes qui nous reviennent et emportent notre compassion. Avec Kinne Gajoo qui « irrigue désormais ce chiffre (1884 morts) de son sang » la tragédie du « Joola » acquiert « une véritable signification humaine ».
Traduit du wolof par son auteur, « Bàmmeelu Kocc Barma », devenu en français du fait de la centralité du personnage, « le Tombeau de Kinee Gaajo », est un roman structuré autour de réminiscences agitées dans des flash- back où se revivent des scènes de joie, de douleur. Ses affres, ses déchirures, ses interrogations. Porté par la puissance de l’écriture de Boubacar Boris Diop, il jette un regard acerbe sur des pratiques sociales plombées par la légèreté, l’irresponsabilité et dont la tragédie du bateau le Joola est un stigmate, un objet-témoin.