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8 août 2025
AMINATA LY, PETITE MONNAIE, GRANDE HISTOIRE
Depuis 25 ans, cette numismate au tarif fixe de 100 FCfa rend un service essentiel aux commerçants et pêcheurs confrontés au défi de la petite monnaie dans une économie où circulent des billets de plus en plus gros
À la même place depuis 25 ans, Fatoumata Ly officie au marché Soumbédioune. Elle possède toutes les pièces de monnaie et petites coupures en circulation dans la zone Uemoa. Son travail : faire de la monnaie contre un tarif fixe de 100 FCfa par billet de banque. Elle est numismate, en wolof on l’appelle « wécci-kat ».
Il est compliqué d’avoir de la petite monnaie avec un billet de 10.000 FCfa alors que des rumeurs font état que la Bceao s’apprêterait à mettre en circulation un billet de 25.000 FCfa. Évidemment, il s’agit d’une fausse information. Cependant, cela aurait tellement plu à Fatoumata Ly ! Cette dame de 67 ans fait partie des rares personnes dont le travail, depuis plus de 20 ans, consiste à faire de la monnaie aux clients du village artisanal de Soumbédioune et aux pêcheurs. Elle vous évite les longues marches et les achats inutiles à la recherche de menus billets, contre 100 FCfa. Nous parlons bien d’une numismate. À ses côtés, se dégage une senteur. C’est cette odeur caractéristique des vieux billets flasques passés par toutes les mains du monde. Désagréable à l’odorat, mais ô combien rassurante ! Ce paradoxe est incarné par Aminata Ly. Derrière son vieux wax, éprouvé par les solutions basiques de lessive et le soleil, se cache une femme au sens aigu des affaires. Beaucoup la confondrait avec celles qui font la manche, mais il n’en est rien. Elle fait la petite monnaie aux commerçants du village artisanal de Soumbédioune et aux pêcheurs souhaitant se partager leur butin après le débarquement. Le principe de travail d’Aminata Ly est simple : elle fait la monnaie contre 100 FCfa, quelle que soit la somme initiale. Ce tarif est inchangé depuis plus de 20 ans, et le service qu’elle propose est toujours utile.
Native de la Médina, Aminata a très tôt détecté les opportunités découlant de la difficulté qu’ont les artisans à rendre la monnaie à leurs clients. En général, ces derniers sont des touristes fraîchement sortis des bureaux de change.
Initiée par un pionnier
La plupart ne disposent pas de petites coupures. Ils viennent généralement avec des billets de 5.000 voire 10.000 FCfa pour acheter des articles parfois pas coûteux. Perspicace, Aminata Ly a vite abandonné son ancien travail pour devenir numismate. Nous sommes en 2000. « Comme j’habitais à la Rue 23 de la Médina, je venais au village artisanal pour vendre du jus et des beignets. Au fur et à mesure que je fréquentais les lieux, j’ai compris qu’il y avait là une opportunité de travail », raconte Aminata Ly, d’une voix posée et pleine de courtoisie. Mais la question est : où cette dame trouve-t-elle les pièces de monnaie et les petites coupures ? Eh bien, c’est elle-même qui les recherche, parfois jusque dans les institutions bancaires. « Pour faire mon travail, je dois avoir de la monnaie, c’est mon outil de travail. C’est pour cela que je la cherche partout où je pense en trouver. Avant de déménager de la Médina, j’allais dans les banques de la place pour avoir de la monnaie, mais maintenant que j’habite Yeumbeul Benn Barack, c’est devenu un peu plus compliqué pour moi », explique-t-elle. Aminata explique que c’est en 2000 qu’elle a décidé de changer de travail. « J’étais avec un vieil homme qu’on appelait Diop. Il fut le premier à faire ce travail et était originaire de Saint-Louis. C’est lui qui m’a initiée à cette activité. Lui et moi étions les seuls à proposer le service de la monnaie en pièces ou en petites coupures », confie-t-elle, avec beaucoup de reconnaissance envers cet homme. Pleine de gratitude, elle se rappelle son maître décédé. A 67 ans, Aminata Ly est la seule numismate du village artisanal de Soumbédioune. « Il s’asseyait là, juste à ma droite. Mais il est décédé, et depuis je suis seule », ajoute-t-elle.
Dépendante du tourisme et des bonnes marées
Néanmoins, l’activité de numismate s’est beaucoup développée entre-temps. Enfin, pas techniquement, mais en termes de nombre de personnes qui la pratiquent. Aminata confie que d’autres personnes proposent le même service. « Au début, il n’y avait que moi et mon mentor, le vieux Diop. Mais depuis quelques années, d’autres personnes se sont intéressées à l’activité, notamment du côté du débarcadère de Soumbédioune. Évidemment, je gagne moins », dit la doyenne sans rancune, malgré le manque à gagner.
Malgré la baisse de ses gains, Aminata Ly tient toujours à son activité. Ce travail lui permet de subvenir à ses besoins, malgré la conjoncture économique difficile. Aminata Ly confie que ses activités ont connu un ralentissement depuis quelques années. Vu son positionnement entre le village artisanal et le quai de pêche de Soumbédioune, ses gains dépendent de l’affluence des touristes et de l’abondance des ressources halieutiques. Ces gains ont drastiquement baissé comparativement à ses débuts, en 2000.
Elle explique, sans volonté de se plaindre, qu’il y avait beaucoup plus de touristes au village artisanal de Soumbédioune. « Ils sont moins nombreux et ceux qui viennent font de moins en moins des achats. Nous qui dépendons du tourisme, subissons directement les effets de la conjoncture économique. Il y a aussi d’autres villages artisanaux un peu partout dans le pays. Soumbédioune a perdu son monopole, et nous aussi par la même occasion », argumente-t-elle. Aminata se souvient de l’époques où elle pouvait gagner beaucoup d’argent grâce à son travail et à la générosité des touristes. « Maintenant, il arrive souvent que je gagne juste de quoi payer mon transport de Dakar à Yeumbeul. Vous pouvez le constater vous-même : cela fait plus de 30 minutes que vous êtes là, et je n’ai eu que trois clients, soit 300 FCfa. Mais je rends grâce à Dieu car j’arrive au moins à subvenir à mes besoins et à entretenir ma famille », informe-t-elle. Depuis qu’elle exerce ce métier, Aminata en a vu des vertes et des pas mûres. Entre les épieurs malintentionnés tapis dans l’ombre, à la quête d’une proie facile, et les escrocs, la dame fait appel à son intelligence et à son expérience pour ne pas se faire avoir. Assise devant une petite boutique, Aminata dispose d’une chaise en fer forgé, d’une table en bois sur laquelle est posé un seau de 20 litres incliné vers elle.
Une activité à risque
Ce vieux récipient apparaît comme une relique de son ancienne vie de vendeuse de crème et de beignet. C’est là que se déroulent les opérations financières. Le récipient contient l’argent. Tous les billets et toutes les pièces y sont. Après chaque client, Aminata referme le sac dans lequel se trouve son outil de travail. Elle sait se faire discrète. Le regard alerte, elle veille sur ses fonds, à l’affût de toute tentative d’escroquerie. Et à ce propos, elle en a des anecdotes. « Une fois, un inconnu m’a remis la somme de 30.000 FCfa pour que je lui fasse de la petite monnaie. Je ne me suis pas rendu compte que c’étaient de faux billets. C’est la seule fois où je me suis fait avoir », rigole-t-elle, laissant entrevoir discrètement un joli diastème. Aminata garde par devers elle ces faux billets et a su, depuis ce jour, les distinguer des vrais rien qu’en les touchant. Cependant, elle reste toujours sur ses gardes et veille à ne pas tomber dans les pièges des agresseurs à la tombée de la nuit.
En effet, Aminata Ly quitte chaque jour son lieu de travail au crépuscule pour rallier la banlieue de Dakar. « J’ai un itinéraire sûr pour ne pas me faire dépouiller. Et même si cela arrive, les bandits rentreront bredouilles, car je ne me promène pas avec une certaine somme d’argent. Je les laisse en lieu sûr », prévient Aminata.
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UN DIALOGUE DE FAÇADE ?
Yoro Dia lève le voile sur ce qu'il considère comme une manœuvre institutionnelle du gouvernement. Le dialogue national ne serait qu'un habillage pour donner plus de pouvoirs à Sonko, au risque de fragiliser l'équilibre démocratique du pays
Invité du Grand Jury de RFM ce dimanche, l'ancien ministre et politologue Yoro Dia n'a pas mâché ses mots concernant le dialogue national sur le système politique prévu le 28 mai prochain. Pour lui, cette initiative constitue une "perte de temps" qui cache en réalité une volonté de modifier les institutions pour accroître les pouvoirs du Premier ministre Ousman Sonko.
"Ils veulent donner plus de pouvoirs au premier ministre. Réduire les pouvoirs du président", a déclaré Yoro Dia, dénonçant une adaptation des institutions à un individu plutôt qu'à l'intérêt général. "On ne peut pas adapter les institutions pour un individu", a-t-il insisté.
Le politologue révèle que derrière le discours officiel sur le dialogue se cache une volonté de modifier le régime présidentiel actuel vers un "parlementarisme renforcé", donnant ainsi plus de pouvoirs à Ousmane Sonko qui ne se cache pas d'être "le chef de la majorité".
Yoro Dia s'inquiète particulièrement des déclarations du Premier ministre qui affirme "qu'il y a pas matière à s'opposer" à l'Assemblée nationale. "Un fanatique ne cherche pas à convaincre, il cherche à convertir", analyse-t-il, ajoutant que ce type de discours relève plus de la religion que de la politique.
L'ancien ministre souligne le paradoxe : comment dialoguer avec quelqu'un qui estime qu'il n'y a pas matière à s'opposer et qui qualifie l'opposition de "résidus" ? "Quand on dit résidu, c'est qu'il faut s'en débarrasser", rappelle-t-il, faisant écho à des discours historiquement dangereux.
Le véritable enjeu : l'économie, pas les institutions
Pour Yoro Dia, le Sénégal n'a pas besoin de réformes institutionnelles mais de réformes économiques. "Le Premier ministre a enfin compris que le Sénégal n'a pas un problème politique, le Sénégal a un problème économique", se félicite-t-il, tout en déplorant que le dialogue porte sur les institutions plutôt que sur l'économie.
Le politologue met en garde contre ce qu'il appelle la "démocratie de Sysiphe" du Sénégal, cet "éternel recommencement" où chaque nouveau régime veut modifier les règles du jeu. Il rappelle que les mêmes questions étaient déjà posées en 1998 dans le rapport de Mbaye Ndiaye sur le statut de l'opposition.
"Le président de la République n'a pas encore posé une première pierre", note l'invité de RFM, soulignant l'urgence économique face au temps perdu en concertations. Il appelle plutôt à convoquer les hommes d'affaires plutôt que les politiciens pour trouver des solutions concrètes aux défis économiques du pays.
Le message est clair : au lieu de chercher à adapter les institutions aux ambitions d'Ousmane Sonko, le régime devrait plutôt se concentrer sur l'économie, seul véritable défi du Sénégal selon Yoro Dia.
DES REINS KENYANS POUR RICHES ALLEMANDS
Un rein vaut entre 2 000 et 200 000 dollars selon que l'on est du côté kenyan ou du côté allemand du trafic. Der Spiegel a remonté la filière qui fait du Kenya la nouvelle plaque tournante du commerce illégal d'organes pour les patients européens
(SenePlus) - Des Allemands en attente de transplantation rénale se rendent au Kenya pour acheter un organe. Derrière ce réseau se cache un mystérieux Israélien recherché par les autorités depuis des années.
Le choc de la nouvelle le 23 mai 2022 a marqué la fin d'une longue période d'espoir pour Sabine Fischer-Kugler. Les résultats sanguins étaient sans appel : son taux de créatinine atteignait 3,6, largement au-dessus de la norme de 1. Elle savait que son rein greffé il y a près de 30 ans ne tiendrait plus longtemps.
Un an plus tard, son médecin l'appelle avec de nouveaux résultats. Le taux de créatinine dépasse maintenant 6. Il lui dit de se préparer, et un taxi arrive trente minutes plus tard pour l'emmener à l'endroit qu'elle avait juré ne jamais revoir : la station de dialyse. Trois fois par semaine, cinq heures à chaque fois. Pour plusieurs années, probablement – le temps de gravir lentement la longue liste d'attente en Allemagne, de milliers de personnes attendant un nouveau rein, s'affaiblissant au fil du temps.
"Pourquoi ne pas chercher à l'étranger ? L'essentiel est que j'aie à nouveau un rein et que je n'aie pas à retourner en dialyse", explique Fischer-Kugler depuis son salon dans le nord de la Bavière, six semaines après son opération. Le 4 février, elle a été opérée au Kenya. Depuis, tout va bien. Sa créatinine est revenue à 0,67. "C'est un jeune rein, comme on peut le voir immédiatement à l'échographie. Il est totalement sain."
Son donneur ? Fischer-Kugler ne l'a rencontré que brièvement – un jeune homme de 24 ans d'Azerbaïdjan qui a pris l'avion pour le Kenya pour se faire prélever l'organe et repartir, probablement avec "quelques milliers d'euros en poche". Comment va-t-il, six semaines plus tard, avec un seul rein ? Elle ne sait pas. Elle ne connaît même pas son nom et ne veut pas le savoir.
C'est là que l'histoire prend une dimension sinistre. Comme le rapporte Der Spiegel, des reins kenyans sont proposés ouvertement sur internet – en allemand sur un site enregistré en Allemagne. Sous la photo d'un homme aux cheveux grisonnants en blouse blanche, une promesse qui est – légalement – pratiquement impossible n'importe où dans le monde : une "transplantation rénale en seulement quatre à six semaines".
L'adresse fournie dans les mentions légales mène à un chantier de construction à Varsovie. L'immeuble qui s'y trouvait a été démoli en 2023. Mais sur YouTube et Facebook, les marchands d'organes sont beaucoup plus faciles à trouver. Sous des hashtags comme #Nierentransplantation (transplantation rénale) et #Erfolgsgeschichten (histoires à succès), des patients allemands s'extasient sur le "pays des merveilles médicales" qu'est le Kenya.
Les victimes du trafic de reins
L'autre face de cette médaille, ce sont des jeunes Kenyans comme Amon Kipruto Mely, 22 ans, qui pensait que "vendre son rein serait une bonne affaire" pour échapper à la pauvreté. Après la pandémie de Covid-19, la vie était devenue dure dans son village de l'ouest du Kenya. Un ami lui a promis 6 000 dollars, une "occasion de changer de vie rapidement et facilement".
Amon a été emmené à l'hôpital Mediheal d'Eldoret, où des médecins indiens lui ont remis des documents en anglais, une langue qu'il ne comprenait pas. "Ils ne m'ont rien expliqué", se souvient-il. Au lieu des 6 000 dollars promis, il n'a reçu que 4 000 dollars. Avec cet argent, il a acheté "un téléphone et une voiture qui est rapidement tombée en panne". Peu après, sa santé s'est dégradée. Il est devenu faible, a eu des vertiges et s'est évanoui chez lui.
Derrière cette opération se cache Robert Shpolansky, un citoyen israélien qui, selon un acte d'accusation du tribunal de Tel Aviv de 2016, est accusé d'avoir effectué "un grand nombre de transplantations rénales illégales" au Sri Lanka, en Turquie, aux Philippines et en Thaïlande, aux côtés d'un homme nommé Boris Wolfman, qui aurait dirigé le réseau criminel.
L'accusation indique que Shpolansky veillait à ce que "les donneurs et les receveurs fournissent de fausses informations pour donner aux transactions illégales l'apparence de la légalité". Les procureurs ont également allégué que les paiements transitaient par le compte d'une société détenue par Shpolansky en Albanie, et que cette société était utilisée pour blanchir de l'argent provenant du trafic de cocaïne.
L'hôpital Mediheal d'Eldoret est au centre de ces accusations depuis 2020. Selon une enquête menée par le Service kenyan de transfusion sanguine et de transplantation d'organes (KBTTS) en 2023, 372 transplantations rénales ont été effectuées dans cet établissement entre novembre 2018 et 2023.
Le rapport souligne des "violations procédurales", notamment des cas où "les formulaires de consentement n'étaient pas traduits dans des langues que les donneurs ou les receveurs pouvaient comprendre". Il indique aussi que "les donneurs et les receveurs n'étaient souvent pas apparentés biologiquement, contrairement aux protocoles éthiques de transplantation".
Fait troublant, le rapport n'a jamais été rendu public et aucune action n'a été prise. Le fondateur et président du groupe Mediheal est Swarup Mishra, un ancien député d'origine indienne qui entretiendrait de bonnes relations avec le président kenyan William Ruto. Malgré les accusations persistantes de trafic d'organes, le président l'a nommé en novembre dernier président de l'Institut kenyan de vaccins BioVax, un poste qui permet à Mishra de représenter le Kenya auprès de l'Organisation mondiale de la santé.
Un marché lucratif en pleine expansion
Selon un ancien employé de Mediheal qui a témoigné sous couvert d'anonymat, "au début, les receveurs venaient de Somalie et les donneurs du Kenya. Mais à partir de 2022, les receveurs ont commencé à venir d'Israël et, depuis 2024, d'Allemagne". Les donneurs pour ces clients bien payants sont "amenés par avion de pays comme l'Azerbaïdjan, le Kazakhstan ou le Pakistan".
Le business a explosé depuis 2022, chaque receveur payant "jusqu'à 200 000 dollars pour un rein", tandis que les donneurs ne reçoivent "qu'entre 2 000 et 6 000 dollars". Le reste va aux "puissants barons derrière cette entreprise florissante". Willis Okumu, chercheur spécialisé dans le crime organisé à l'Institut d'études de sécurité d'Afrique, estime qu'à Oyugis seulement, "jusqu'à une centaine de jeunes hommes ont vendu leurs reins".
Le système d'exploitation ne s'arrête pas là. Les donneurs kenyans sont encouragés à "recruter de nouveaux donneurs pour une commission de 400 dollars chacun", créant ainsi une chaîne continue d'exploitation. De plus, ils sont "invités à signer des documents déclarant qu'ils étaient des proches de receveurs qu'ils n'avaient jamais rencontrés", sans être informés des risques potentiels pour leur santé.
Pour Fischer-Kugler, l'aspect moral reste flou. "Peut-être ai-je été un peu égoïste parce que je voulais ce rein", admet-elle. "C'est un peu louche. On n'est pas censé payer, mais on paie quand même."
Le système touche des victimes des deux côtés : des Allemands désespérés qui ne peuvent attendre des années sur les listes d'attente officielles, et des jeunes Kenyans poussés par la pauvreté à vendre une partie de leur corps pour quelques milliers de dollars, alors que leur organe se vend 200 000 dollars.
Comme le résume Willis Okumu : "C'est du crime organisé. Je ne pense pas qu'ils vivront jusqu'à 60 ans." Ce trafic d'organes illustre parfaitement la mondialisation du crime organisé, où la misère des uns fait la fortune des autres, sous couvert de légalité apparente et avec la complicité de structures médicales officielles.
Le gouvernement kenyan a finalement lancé une enquête suite au documentaire allemand diffusé en avril 2025, ordonnant l'audit de l'hôpital Mediheal et de sept autres installations de transplantation, et suspendant temporairement les services de transplantation rénale à Mediheal.
L'ARGENT DES ONG PASSÉ AU CRIBLE
Plus de 75% des financements des ONG sénégalaises seraient d'origine étrangère, selon une déclaration qui a fait le buzz en avril. Ouestaf News a mené l'enquête pour vérifier cette affirmation qui interroge l'indépendance de la société civile du pays
(SenePlus) - Dans le paysage complexe de la société civile sénégalaise, une déclaration choc a retenu l'attention d'Ouestaf News. Malick Diop, directeur exécutif de la Plateforme des acteurs non étatiques du Sénégal, a affirmé lors d'une émission sur Radio Futurs Médias le 14 avril 2025 que "plus de 60 à 75 % des financements de la société civile, des ONG, c'est des financements extérieurs". Une allégation qui mérite examen.
Contacté par Ouestaf News, Malick Diop a expliqué que ses chiffres provenaient du "Rapport annuel citoyen sur la contribution de la société civile dans les politiques publiques" (Rascipp) couvrant l'année 2023. Cependant, la vérification de cette source réserve une surprise : "ce rapport ne mentionne pas les chiffres évoqués par Malick Diop dans l'émission de RFM", constate Ouestaf News.
Le journaliste de vérification a donc approfondi l'enquête en consultant le Rascipp I, qui concerne l'année 2022. Ce document, basé sur "un échantillon de 132 ONG", présente des données différentes : "53 % proviennent de l'international, 38 % du national et de l'international ainsi que 9 % du national", indique le rapport.
Ces chiffres, bien qu'ils montrent effectivement une prédominance des financements extérieurs, ne correspondent pas aux "60 à 75 %" avancés par Malick Diop. Comme le note le rapporteur factuel de Ouestaf News, "les chiffres évoqués dans l'émission radio ne se trouvent dans aucun des deux rapports consultés".
La question se complique quand on essaie de définir ce qu'est exactement une ONG au Sénégal. Selon le décret en vigueur depuis septembre 2022, les ONG "sont des associations ou organismes privés, régulièrement déclarés ou autorisés, à but non lucratif, ayant pour objet d'apporter leur contribution à la politique nationale de développement économique, social et culturel".
Mais la confusion persiste entre ONG et organisations de la société civile (OSC). Les auteurs du Rascipp II reconnaissent eux-mêmes que "la société civile est une notion mondialement utilisée qui renvoie à une réalité imprécise et protéiforme". Henriette Niang Kandé, historienne et journaliste, explique que "si les ONG constituent une part importante de la société civile, celle-ci ne peut se composer uniquement d'elles".
Des chiffres contradictoires
Ouestaf News a également mis en évidence des divergences dans le nombre d'organisations recensées. Le site de la Plateforme des acteurs non étatiques avance "3.200 associations, 659 ONG", tandis que le Rascipp II mentionne "quelque 700 ONG internationales et nationales et plus de 32.000 associations". Des données d'archives de l'USAID parlent quant à elles de "plus de 10 000 associations et 589 organisations non gouvernementales".
Cette confusion des chiffres rend difficile toute analyse précise, comme le note le ministère sénégalais de l'Intérieur qui, sollicité par Ouestaf News, n'a pas fourni de données officielles malgré plusieurs relances.
Malgré l'imprécision des pourcentages exacts, plusieurs acteurs de terrain confirment la dépendance aux financements étrangers. Birahim Seck, coordonnateur du Forum civil (branche sénégalaise de Transparency International), reconnaît que "l'essentiel des fonds à la disposition des organisations venait de l'étranger".
Babacar Guèye, président du Collectif des organisations de la société civile pour les élections (Cosce), précise que les financements du Cosce proviennent pour "l'essentiel de l'UE, de la Grande-Bretagne et de l'USAID". Il explique que les rares financements nationaux se limitent à de "petites subventions" insuffisantes pour "mener à bien leurs activités".
Cette situation s'explique par "l'absence d'un dispositif dédié au financement de la société civile au niveau national", comme l'analyse Birahim Seck du Forum civil. Une problématique d'autant plus aiguë que certains financements internationaux, comme ceux de l'USAID, sont aujourd'hui menacés suite aux décisions de l'administration Trump.
Une autonomie en question
Le dernier rapport disponible sur l'indice de durabilité des OSC confirme que "les OSC sénégalaises dépendent principalement des financements étrangers". Les partenaires principaux identifiés sont "l'UE, ses États membres, les États-Unis, le Canada, le Japon et la Corée", avec des contributions moindres des "institutions multilatérales, dont les Nations unies, la Banque africaine de développement et la Banque mondiale".
Cette dépendance soulève des questions cruciales sur l'autonomie réelle de la société civile sénégalaise et sa capacité à représenter les intérêts nationaux sans être influencée par des agendas externes.
Comme le conclut Ouestaf News dans son fact-checking, il est "difficile de se prononcer" sur les chiffres exacts avancés par Malick Diop faute de données officielles, mais "les témoignages recueillis et documents consultés permettent de confirmer qu'une grande partie des fonds destinés aux organisations de la société civile sénégalaise viennent de l'étranger".
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LA MUSIQUE, REFUGE DE LA RÉSISTANCE COLONIALE
Chanter en secret, c'était résister. Le professeur Ibrahima Wane démontre lors d'une conférence à l'Ucad comment la musique populaire a servi de véhicule à la résistance culturelle, préservant l'identité sénégalaise face à l'assimilation coloniale
Le laboratoire de littérature et civilisation africaine de l'université Cheikh Anta Diop a organisé mercredi 30 avril, une conférence exceptionnelle sur les relations entre musique populaire et histoire politique au Sénégal. Le professeur Ibrahima Wane, historien et spécialiste des cultures populaires, y a présenté une analyse approfondie de 60 ans de création musicale sénégalaise.
"La musique est peut-être l'un des rares domaines, pour ne pas dire le seul, à avoir véritablement échappé à l'emprise coloniale", a déclaré le Professeur Wane. Contrairement à la politique, l'architecture ou même la cuisine, la musique sénégalaise n'a pas gardé de traces significatives de la domination française.
Cette résistance culturelle s'est maintenue pendant toute la période coloniale, avec des artistes qui continuaient à chanter des héros de la résistance comme Samory ou Lat Dior, sans que le système colonial ne mesure pleinement le potentiel de contestation que portaient ces œuvres.
Le professeur a souligné un phénomène unique dans l'histoire culturelle sénégalaise : la capacité de la musique à faire coexister différentes mémoires historiques sans conflit. "Il n'y a pas de discontinuité. Les mêmes artistes chantent des figures du 15e siècle et des leaders religieux plus récents dans les mêmes répertoires", explique-t-il.
Cette synthèse culturelle se retrouve même dans les symboles officiels du pays. L'hymne national du Sénégal, bien qu'écrit en français, s'inspire directement du patrimoine musical traditionnel, mentionnant le "lion rouge" et faisant référence à l'histoire de Soundiata Keïta.
Des messages politiques codés
La conférence a également mis en lumière la dimension politique souvent implicite des chansons populaires. Des morceaux emblématiques comme "Sénégal Sunoual" du Baobab, qui renforçaient les thèses politiques de Senghor, ou "L'an 2000" de Patéko, qui évoquait les promesses de développement, portaient des messages politiques codés mais puissants.
"La musique devient le lieu de conciliation de différents stades civilisationnels", note le Professeur Wane, permettant aux artistes de faire passer des messages politiques tout en évitant la censure grâce à leur caractère elliptique.
Contrairement à une idée reçue, le rôle politique de la musique sénégalaise ne commence pas avec le hip-hop des années 2000. "Ce qui se passe en 2000 et en 2012 n'est que le reflet ou peut-être une sorte de paroxisme d'une histoire des relations entre la politique et l'art qui dure depuis des siècles", précise l'historien.
Le mouvement hip-hop s'inscrit ainsi dans une continuité historique, même s'il adopte un ton plus direct et contestataire que ses prédécesseurs.
Un défi majeur : la conservation du patrimoine
La conférence a également abordé un problème crucial : celui de l'archivage musical au Sénégal. "Notre mémoire est ailleurs", déplore le conférencier, soulignant que 90% des archives des grands cinéastes et musiciens sénégalais se trouvent dans les universités américaines.
Ce défi de conservation touche particulièrement les enregistrements sonores, avec des archives qui disparaissent ou qui ne sont pas numérisées. Le projet de "maison de la musique" envisagé par Abdou Diouf, puis repris partiellement par Abdoulaye Wade, reste en suspens.
La conférence a rassemblé des personnalités marquantes de la scène culturelle sénégalaise, incluant Sérigne Mbaye Niane (artiste plasticien), Papa Aly Dieye (photographe et éditeur), et Badara Seck (musicien et membre du groupe Tio). Leurs interventions ont enrichi le débat sur les relations entre musique traditionnelle et moderne.
"Il faut former nos animateurs et nos journalistes en musique", a plaidé Badara Seck, déplorant le manque de connaissance professionnelle dans ce domaine crucial pour la culture sénégalaise.
Cette rencontre illustre l'importance de préserver et d'analyser le patrimoine musical du Sénégal, véritable archive vivante de son histoire politique et culturelle.
L'OMBRE DES FINANCES POLITIQUES
Depuis plus de 40 ans, la loi encadre le financement des partis politiques au Sénégal, mais son application reste problématique. Dans un pays qui compte plus de 400 formations politiques, la question de la transparence financière devient cruciale
Le financement des partis politiques est toujours problématique au Sénégal, où la plupart des militants sont invités à cotiser et à contribuer pour financer les activités du parti. Mais, dans la plupart des cas, c’est le leader qui met la main à la poche. Beaucoup d’observateurs s’inquiètent de l’opacité dans le financement des partis politiques qui, à terme, menace notre démocratie.
Le financement des partis politiques au Sénégal est un vieux serpent de mer qui a longtemps nourri les fantasmes au sein de la classe politique sénégalaise. Selon l’article 3 de la loi n° 81-17 du 6 mai 1981 (modifié par de la loi n° 89-36 du 12 octobre 1989), les sources de financement de toute formation politique doivent provenir des cotisations, dons et legs des adhérents et sympathisants nationaux et de bénéfices réalisés à l’occasion des manifestations. Selon l’article 4 de ladite loi, tout manquement à ce devoir de transparence de la part des partis politiques devrait entrainer sa dissolution de la part du ministre de l’Intérieur. Toutefois, dans la réalité, la plupart des formations politiques sénégalaises font souvent appel à des mécènes et à des grands donateurs pour financer leurs activités politiques. Pis, les chefs de partis sont obligés de participer exclusivement aux financements de leur parti en reléguant au second plan les cotisations et dons provenant des militants et sympathisants.
Les cotisations sont obligatoires pour tous les militants selon les textes, mais dans la réalité leur recouvrement est beaucoup moins strict. Il y a peu de risques de voir un militant exclu pour manque de cotisation. Ce système de financement traditionnel a toutefois montré ses limites à l’heure de nouvelles méthodes de marketing politique et de campagne électorale. Du coté, de la Ligue démocratique on entend faire des cotisations la base de son financement.
« Le financement des activités politiques de la Ld, se fait par les cotisations des militants. La cotisation est un acte militant et est inscrite dans les textes du Parti et s’impose à tous les militants. Les camarades qui sont promus à des responsabilités dans la gestion des affaires du pays (ministres, députés ou autres) sont astreints à des cotisations spéciales.
Nous n’avons pas de mécènes ni à l’intérieur ni à l’extérieur du pays », selon Moussa Sarr, porte-parole. Du côté de l’Alliance des forces du progrès (Afp), le financement qui jadis était entièrement dévolu au fondateur du parti, Moustapha Niasse, s’est finalement reporté sur un collège de responsables chargés de financer les activités du parti, nous renseigne Aliou Diouck porte-parole du parti.
« Le président Moustapha Niasse voulait que les responsables soient à la base d’une alternance générationnelle au niveau du sommet du parti. Ainsi, chaque député donnait une cotisation de 100.000 FCfa tous les mois. Et le président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse donnait sa cotisation de 500.000 FCfa. Pour les ministres qui étaient dans le gouvernement, le montant était de 250.000 FCfa aussi par mois. Les conseillers techniques et autres, donnaient 50.000 FCfa.
C’est sur cette base que le parti a réglé les charges fixes de la permanence et des salaires du personnel qui y travaille », déclare-t-il avant d’indiquer que la formation progressiste tente de moderniser ce mode de financement à travers les cotisations des militants et sympathisants.
Dans un souci de garantir une meilleure expression du pluralisme dans le paysage politique sénégalais, les partis politiques doivent disposer de moyens financiers suffisants et de ressources propres pour financer leurs activités politiques. Certaines formations qui sont dans l’opposition et qui n’ont pas la chance de bénéficier des subsides liés à l’État indiquent parfois devoir renoncer à certaines activités faute de moyens. Contrer les fonds occultes L’absence de transparence concernant le financement des partis peut être à l’origine du manque de confiance qui s’opère entre citoyens et élite politique tout en faisant peser la menace sur la stabilité de notre démocratie.
Sur ce, beaucoup de responsables politiques réclament la mise en place d’un système de financement public qui est le mieux à même de faciliter l’implication des partis politiques dans l’organisation de la vie citoyenne dans notre pays.
« Il est dangereux pour la démocratie et la stabilité du pays que des partis fassent appel à des mécènes extérieurs notamment pour le financement de leurs activités. C’est pourquoi, il faut un contrôle systématique sur des opérations de levée de fonds qui sont généralement très suspectes », affirme le responsable jallarbiste.
Ce dernier s’empresse d’indiquer que « le financement des partis politiques par les fonds publics permettrait à la fois d’assainir la vie publique et d’ancrer l’équité dans la compétition électorale, selon plusieurs observateurs ». Le professeur Babacar Guèye, Président du Collectif des organisations de la société civile pour les élections (Cosce), semble emboucher la même trompette.
D’après le juriste, « le financement des partis politiques basé sur les cotisations des militants est insuffisant pour couvrir toutes les activités d’un parti. D’ailleurs, peu de formations politiques sont financées par les cotisations. C’est en général le leader du parti qui met la main à la poche », déclare-t-il.
Une situation qui met en péril l’existence de nos partis qui parfois apparaissent plus comme des clubs de soutien plutôt qu’une formation politique. Le leader tenant les cordons de la bourse s’entoure souvent de courtisans plutôt que de vrais militants. Toujours, selon le professeur Babacar Gueye, le financement public assorti d’une limitation des dépenses et d’un contrôle strict lui paraît plus équitable pour un bon exercice de la démocratie.
Pour Ibrahima Bakhoum, journaliste, un financement public pour les partis politiques ne peut se faire qu’à la suite d’un processus de rationalisation des partis politiques dont on dénombre plus de 400.
« Nous devons exiger des partis politiques qu’ils tiennent une traçabilité et une comptabilité complète de leurs comptes afin qu’ils se conforment à la loi et évitent qu’ils n’aillent solliciter des fonds étrangers. Cette exigence doit être le prélude à tout financement public des partis politiques qui se doivent d’avoir un siège et de participer régulièrement à des élections », dit-il avant de proposer la création d’un organe public de contrôle des finances politiques pour veiller à la mise en place de ces mesures.
« Cette démarche nous permettra d’assurer un meilleur contrôle des finances de nos partis. Il faut aussi éviter que des partis puissent utiliser des subterfuges comme la vente de cartes souvent effectuée par des grands donateurs du parti pour justifier des financements issus des cotisations des militants », conclut-il.
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VIVE PROTESTATION CONTRE LA PRÉSENCE DE TARIQ RAMADAN À DAKAR
"Aux cris de 'Tariq violeur', des militantes féministes ont tenté samedi de perturber la conférence de l'islamologue suisse dans la capitale, avant d'être contenues par des membres de la confrérie Baye Fall mobilisés pour la sécurité
Une conférence animée samedi par l'islamologue suisse Tariq Ramadan à l'espace Maam Samba sur la route de Ngor à Dakar a été brièvement perturbée par des militantes féministes, avant que des membres de la confrérie Baye Fall n'interviennent pour contenir la situation.
Peu après le début de la rencontre, des protestataires ont tenté d'accéder aux lieux en scandant "Tariq violeur", brandissant des pancartes rappelant les accusations de viol dont l'intellectuel fait l'objet dans plusieurs pays européens.
Les manifestantes, qui dénoncent la présence de Tariq Ramadan au Sénégal, ont été rapidement contenues par les agents de sécurité mobilisés sur place, n'ayant pas réussi à pénétrer dans l'enceinte de la salle.
Les membres de la confrérie Baye Fall, spécialement déployés pour encadrer l'événement, ont joué un rôle clé dans la sécurisation des lieux. Leur intervention a permis d'éviter tout débordement majeur, bien que la conférence se soit poursuivie sous surveillance renforcée.
En visite au Sénégal depuis quelques jours, Tariq Ramadan reste une figure qui divise l'opinion publique. Si l'islamologue conserve une influence certaine dans les cercles intellectuels et religieux musulmans, il demeure au cœur de multiples controverses judiciaires en Europe où plusieurs procédures pour viol sont toujours en cours.
Les accusations qui pèsent sur Tariq Ramadan depuis 2017 continuent de susciter des réactions vives, notamment de la part des mouvements féministes qui dénoncent régulièrement sa présence lors d'événements publics.
Malgré les protestations de samedi, la conférence s'est déroulée jusqu'à son terme sans incident majeur, témoignant de l'efficacité du dispositif de sécurité mis en place par les organisateurs.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
LA PLAIE DE MALICK FALL OU LE RÉCIT EMBLÉMATIQUE DU MASQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - C'est un roman essentiel du patrimoine de la littérature sénégalaise, car il porte en lui l’audace comme un pamphlet, et sa rupture stylistique permet le questionnement, l’auto-critique d’une société en crise
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Depuis sa nouvelle édition parue en 2014 aux éditions Jimsaan, le roman La Plaie de Malick Fall a provoqué de nombreux commentaires et des analyses littéraires qui revisitent en profondeur la portée du récit.
Initialement publié en 1967 aux éditions Albin Michel en France, le récit n’a pourtant pas pris une ride. Il représente même comme une dimension intemporelle qui le rend très moderne.
Même si le roman a paru à la période des Indépendances, le récit s’attache à décrire des situations sociales et culturelles encore contemporaines de la période coloniale.
À la relecture de ce livre, le premier élément significatif qui éclaire notre regard est l’extraordinaire liberté avec laquelle il est composé. Malick Fall nous plonge dans son univers littéraire avec imagination, intelligence et drôlerie. Car le récit oscille entre une épopée métaphorique et une critique acerbe de la société sénégalaise, saint-louisienne en particulier, en prise avec les « masques » de la colonisation et de ses contradictions culturelles.
Magamou, personnage central du roman, est l’incarnation de ce paradoxe identitaire qui se joue entre modernité et tradition, entre partage collectif et réussite individuelle, entre systématisation et cosmogonie, entre technicité et spiritualité, entre illusion et matérialité. Magamou est ainsi l’épicentre de cette dialectique sociale et culturelle. Et l’auteur en fait un personnage picaresque, illuminé, impétueux et drôle. Car la tension romanesque qui se joue est à la fois composée par une forme naturaliste sans concession mais aussi à l’aide d’un langage poétique imaginatif qui a également fonction de représentation.
La plaie que Magamou porte à la cheville, tel un fardeau, est parabolique. Elle est la blessure de l’abandon de la tradition villageoise, représentant la gangrène culturelle de l’esprit colonial mais elle lui permet, dans le même temps, d’exister au sein de la société citadine de Saint-Louis. Quand celle-ci disparaît, au moyen de soins traditionnels, et non pas au moyen des remèdes de l’hôpital des Blancs où on le prend pour un fou, Magamou redevient un anonyme sans repères dans la ville d’où il est exclu. Magamou est ainsi caractérisé comme redevenu un être sans lien, sans famille, autrement dit « personne ». En conséquence, il n’a de cesse ensuite de retrouver sa place de « claudiquant » pour continuer d’exister.
Ce roman est également le lieu de l’expression d’un langage littéraire particulier, très imagé, provoquant, caustique mais souvent juste. Il y a une espèce de pléthore de l’imagination langagière qui devient comme des gimmicks savoureux. Ici, Malick Fall excelle dans la narration de situations truculentes toujours écrites dans un langage expressif entre poésie, réalisme et romanesque.
De même, l’auteur offre une combinaison littéraire perturbante, dans une sorte d’assemblage des récits qui ne se répondent pas vraiment, comme la figure d’un dialogue impossible. La narration intérieure du personnage s’apparente à un monologue parfois inquiétant qui renforce l’exclusion humaine de Magamou. L’esthétique narrative s’accorde à la migration sociale de Magamou jusque dans la forme littéraire.
En quittant le confort rassurant du village, Magamou s’expose à la violence urbaine qui isole « celui venu d’ailleurs », tout en exerçant une sorte de fascination pour ceux qu’il rencontre.
Le chaos social est aussi caractérisé par le délire onirique des personnages, Magamou, Bernady, le médecin blanc, Cheikh Sar, l’interprète déguisé en « sale griot » et en « esclave des Blancs », et Bouna le boucher devenant irrationnel en découvrant Magamou guéri alors qu’il le croyait mort.
De même que l’errance de Magamou qui suit le schéma de la ville comme un code à décrypter, est un élément signifiant d’une sociologie étudiée. Par ce biais, l’auteur fait l’étalage de la ville à l’aide d’une description très détaillée, son architecture, ses rues, son organisation sociale, ses impasses, ses odeurs, ses beautés et ses horreurs, comme un cercle culturel déstructuré, comme une sorte de ville légendaire, entre naturalisme et onirisme.
Récit d’une étonnante modernité, La plaie joue aussi du décalage temporel, comme une sorte de palimpseste du souvenir de la colonisation qui affirme sa toute puissance et en même temps se désagrège.
Ce que nous dit aussi Malick Fall, est que cette emprise historique a produit un squelette de la culture sénégalaise. Le vagabondage symbolique de Magamou a à voir avec une identité bouleversée qui est en quête d’une nouvelle appartenance culturelle, une nouvelle empreinte mémorielle qui ne soit plus un miroir déformant de la société coloniale.
La plaie est un roman essentiel du patrimoine de la littérature sénégalaise, car il porte en lui l’audace comme un pamphlet, et sa rupture stylistique permet le questionnement, l’auto-critique d’une société en crise, gangrénée par les masques de l’imposture. Une thématique qui est au fond à questionner en permanence. Sa relecture permet d’entrer dans cette nouvelle ère de la narration culturelle et d’opérer les dépassements de l’histoire pour ouvrir les voix de la renaissance africaine.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
La plaie, Malick Fall, roman, éditions Jimsaan, Dakar, 2014.
LE SÉNÉGAL ÉLIMINÉ EN DEMI-FINALE DE LA COUPE DU MONDE DE BEACH SOCCER
Le rêve mondialiste s’est brisé ce samedi sur le sable de Victoria. En demi-finale de la Coupe du Monde de football de plage, les Lions se sont inclinés face à la Biélorussie, manquant ainsi l’opportunité historique de disputer sa première finale.
Le rêve s’est brisé sur le sable chaud de Victoria, aux Seychelles. Ce samedi, en demi-finale de la Coupe du Monde de football de plage, l’équipe nationale du Sénégal s’est lourdement inclinée face à la Biélorussie sur le score de 5-2. Une défaite douloureuse pour les Lions, qui voient s’envoler leur espoir de remporter un premier titre mondial.
Méconnaissables, les hommes d’Oumar Ngalla Sylla sont apparus émoussés et dépassés par l’enjeu. Face la Biélorussie, les lions n’ont jamais vraiment trouvé le rythme. Les Ailes Blanches, elles, écrivent une nouvelle page de leur histoire en se qualifiant pour la finale du Mondial pour la première fois.
La scène de fin est cruelle : les Lions, abattus, allongés sur le sable, peinent à réaliser l’ampleur de leur désillusion. Pourtant, tout semblait permis. Après un parcours sans faute jusqu’ici, le Sénégal avait de nouveau fait rêver tout un peuple. Mais la marche vers la finale s’est révélée trop haute cette fois.
Dimanche, les Lions auront l’occasion de se consoler en disputant la petite finale face au Portugal ou au Brésil (14h00 GMT). Une médaille de bronze ne compensera pas l’amertume de l’élimination, mais elle viendrait saluer le parcours exceptionnel d’une équipe toujours aussi ambitieuse sur la scène mondiale.
DISPARITION DE KOYO KOUOH
La curatrice suisso-camerounaise, patronne du plus grand musée d'art contemporain d'Afrique et première femme africaine nommée à la tête de la Biennale de Venise, est décédée samedi 10 mai 2025
(SenePlus) - La curatrice suisso-camerounaise Koyo Kouoh, patronne du plus grand musée d'art contemporain d'Afrique et première femme africaine nommée à la tête de la Biennale de Venise, est décédée samedi 10 mai 2025, a annoncé le musée Zeitz MOCAA du Cap.
Dans le monde de l'art contemporain africain, c'est un vide immense qui vient de se créer. La disparition de Koyo Kouoh, à l'âge de 59 ans, marque la fin d'une trajectoire exceptionnelle qui aura profondément marqué le paysage culturel du continent et au-delà.
Koyo Kouoh incarnait parfaitement la passerelle entre l'Afrique et l'Europe, avec ses racines camerounaises et sa formation helvétique. Son influence s'étendait bien au-delà des frontières géographiques, comme en témoigne son poste à la direction du Musée Zeitz d'art contemporain d'Afrique (Zeitz MOCAA) depuis 2019, selon RFI.
Le Zeitz MOCAA, situé au Cap en Afrique du Sud, représente le plus grand musée d'art contemporain du continent. Sous la direction de Kouoh, l'institution est devenue une référence mondiale pour comprendre et apprécier la diversité et la richesse de la création artistique africaine contemporaine.
L'année 2024 avait marqué un tournant historique dans la carrière de Koyo Kouoh. Première femme africaine désignée pour diriger la Biennale de Venise, elle devait orchestrer l'édition 2026 de cette manifestation considérée comme "l'une des plus importantes expositions d'art contemporain au monde", comme le rappelle RFI.
Cette nomination constituait non seulement une reconnaissance personnelle exceptionnelle, mais aussi un symbole fort pour la représentation africaine dans les grandes institutions culturelles internationales. La Biennale de Venise, qui attire des centaines de milliers de visiteurs du monde entier, allait pour la première fois être dirigée par une commissaire africaine.
L'impact de cette disparition dépasse largement les frontières du musée sud-africain. Koyo Kouoh était en effet devenue une voix incontournable dans le dialogue international sur l'art contemporain, particulièrement pour ce qui concerne la représentation et la reconnaissance des artistes africains sur la scène mondiale.
À travers ses différentes fonctions, Koyo Kouoh a œuvré sans relâche pour mettre en lumière la vitalité et la diversité de la création artistique contemporaine africaine. Son travail de curatrice l'avait amenée à organiser de nombreuses expositions marquantes, contribuant à faire connaître des artistes africains au public international.
Sa disparition laisse un vide immense dans le monde de l'art, mais aussi un héritage considérable. Par son engagement constant, elle a contribué à redéfinir les codes de la muséographie en Afrique et à inscrire durablement le continent dans les circuits culturels mondiaux.
Le Zeitz MOCAA, qu'elle dirigeait, devra maintenant poursuivre sa mission sans celle qui en avait fait une institution de référence. Quant à la Biennale de Venise 2026, elle devra trouver un successeur capable de perpétuer la vision innovante que Koyo Kouoh avait commencé à développer pour cette édition historique.