Les trois mousquetaires inspirent les thuriféraires du régime
L'INSTRUMENTALISATION DE LA JUSTICE À L'ORIGINE DE LA CRISE
L'émission Washington Forum accueille sur VOA, René Lake, Louis Magloire Keumayou et Pierre Sané pour débattre de la situation en cours au Sénégal, marquée de violences meurtrières. La conséquence de l'affaissement progressif des principes de la justice
Washington Forum avec Jacques Aristide : la situation explosive au Sénégal, où des violences meurtrières ont éclaté récemment, après la condamnation de l'opposant Ousmane Sonko dans une affaire de mœurs. Le chef du parti Pastef, détracteur farouche du chef de l’État Macky Sall, allègue être victime d'un complot politique pour l’empêcher d’être candidat à l'élection présidentielle de 2024.
Quelles sont les causes et les conséquences de ces troubles, sur fond de ras-le-bol des Sénégalais, dont de nombreux jeunes, face à la crise économique et sociale ? Quel avenir pour le dialogue entre le pouvoir et l'opposition ? Quel rôle jouent les réseaux sociaux et les médias dans la mobilisation populaire ?
Analyse et commentaires avec René Lake, Louis Magloire Keumayou et Pierre Sané.
LA DÉCHÉANCE
Plus de 30 morts, entre mars 2021 et juin 2023. La logique de conquérir le pouvoir ou de s’y maintenir pour se partager le butin met de plus en plus au pas celle de l’appartenance à une même nation, à une même patrie
Plus de 30 morts, entre mars 2021 et juin 2023, les partis politiques se manifestent de plus en plus dans une violence meurtrière, en lieu et place d’une formation militante. La logique de conquérir le pouvoir ou de s’y maintenir pour se partager le butin met de plus en plus au pas celle de l’appartenance à une même nation, à une même patrie.
Tous les moyens sont bons pour accéder au pouvoir. Cette vérité est de plus en plus tenace dans la logique de certains politiciens, tous bords confondus. Résultat : l’arène politique est de plus en plus violente, de plus en plus haineuse, de plus en plus meurtrière. Entre mars 2021 et juin 2023, plus de 30 morts ont été enregistrés à cause des violences politiques. Soit quatorze au mois de mars 2021, officiellement 16 morts pour juin 2023, sans compter les trois jeunes et adolescents morts il y a un an, à la veille des précédentes élections législatives, pour des questions de listes.
Mais comment en est-on arrivé à ce niveau de violence inouïe ? De l’avis du président de Legs Africa, Elimane Haby Kane, ceci est le résultat d’un long processus qui a chassé la fonction formatrice des partis politiques et instauré la logique de partage de butin. ‘’Avec les changements intervenus depuis les années 2000 ou à la fin des années 1990, il est devenu presque impossible pour un parti de gagner seul des élections, d’où la naissance des coalitions hétéroclites, des alliances politiques qui ne respectaient plus aucune logique, si ce n’est l’efficacité par rapport à la conquête du pouvoir, en vue de participer au partage du butin. Dès lors, on assiste à des combines de toutes sortes, de la ruse… À partir de ce moment, les partis explosent parce que c’est devenu un fonds de commerce, un moyen de participer au partage du butin et chacun crée son parti. C’est le début de la déliquescence’’, diagnostique le sociologue.
Dans la même veine, renchérit-il, la façon de gouverner fait que ceux qui sont au pouvoir bénéficient de tous les privilèges. Ceux qui ne sont pas au pouvoir sont souvent écrasés. ‘’Les opposants sont réduits à leur plus simple expression comme on dit, s’ils ne sont pas tout simplement écartés du jeu politique. Cela a contribué à radicaliser encore plus les postures. Le contexte aidant, avec la démographie galopante, la précarité qui s’accentue au niveau de certaines couches de la population, à côté de l’arrogance et de l’impunité dont bénéficient ceux qui profitent des ressources, voilà la lame de fond qui attise la colère et les frustrations de certaines populations. Si l’on y ajoute une jeunesse laissée pour compte, qui commence à développer des tendances suicidaires – ‘barsa wala barsax’. Lequel combat est redéployé sur le territoire national, pour devenir ‘pouvoir wala barsax’. Il faut qu’on impose notre candidat ou bien on est prêt à mourir… Voilà où nous en sommes. Mais c’est un long processus qui a abouti à ce que nous vivons actuellement’’.
Dans une tribune, le Dr Moussa Diop, enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication, revient sur une lettre qu’il avait publiée en juin 2021, après avoir passé presque trois ans à observer l’apparition de discours et des postures violents au sein de l’espace public et politique, avec des phénomènes comme Maitre El Hadj Diouf, qui ne serait à ses yeux qu’un épiphénomène face à certaines figures plébiscitées par les médias ou dans leurs appareils idéologiques : Akhenaton, Mollah Morgun, Dji Dji, Baye Ndiaye, Kayz Fof, Ousmane Tounkara...
‘’Je disais, rappelle-t-il, que nous courrions un risque grave de guerre civile. Car notre pacte social, notre idée de nation étaient en phase de démantèlement par l’action dangereuse de figures politiques dont l’agenda est l’affaissement de l’État du Sénégal et la destruction pure et simple des socles de sa nation…’’.
Dr Moussa A. Diop : ‘’À tort ou à raison, des acteurs ayant ‘pognon sur rue’ organisent une lutte fratricide entre les Sénégalais’’
Dans sa tribune plus que jamais actuelle, l’analyste politique dénonçait, de manière presque prémonitoire : ‘’Ce pays est en passe d’être coulé par une classe politique dont les pires des paltoquets confisquent la nation au gré de leurs turpitudes, leurs égos, leurs fantasmes, leurs rêves de puissances inassouvies. Tout dans la nature, le contenu des échanges et les postures incarnées par certains acteurs politiques, de même que de faux acteurs de la société civile montrent que nous allons droit vers un affrontement au sein de la grande nation sénégalaise, un face-à-face orchestré...’’
Les événements de mars 2021, selon lui, insuffisamment analysés, ne sont là que pour en attester. ‘’Dans le même ordre d’idées, indexer ‘un système’ ou assimiler une entreprise à des intérêts étrangers, le tout sans consistance intellectuelle ajoutée à une simplification dangereuse, est une manipulation des opinions publiques doublée d’une malhonnêteté intellectuelle inouïe. À tort ou à raison, des acteurs ayant ‘pognon sur rue’ organisent une lutte fratricide entre les Sénégalais, inscrits par défaut dans des identités résiduelles, des appartenances de circonstance face au pessimisme ambiant et au manque d’alternative véritable’’.
Dans un style qui lui est propre, le Dr Moussa Diop tournait ainsi en dérision certains slogans souvent populistes ou va-t-en-guerre, mais qui accrochent au sein d’une jeunesse qui se cherche de plus en plus. ‘’PSE, Na Barr, Jotna, France dégage, Mortal Kombat, Tibb Tank, Sénégal Tampi...’’
Voilà, à l’en croire, quelques ‘’ressorts véritables de tous les populismes’’, sans parler de ce qu’il appelle ‘’la messianisation et la mahdi-isation d’une figure politique, supposément suscitée par la volonté divine et apporteuse de solution paradisiaque. L’Immaculée Conception qu’incarnerait l’homme politique Sonko ‘Mu sell mi’ (le saint), ‘’Tiobaré Yallah ji’ (la volonté de Dieu), ‘’Sonko Ku ko sooru, sanku’ (sera maudit quiconque s’en prend à lui)... C’est bien la simplification, abusive, de la réalité par nature complexe, le développement d’un regard manichéen d’un monde multi centré et complexe’’, ajoutait l’analyste politique.
À l’instar d’Elimane H. Kane, lui aussi note qu’il y a quelque chose de processuel, qui ne date pas d’aujourd’hui, même s’il reconnait une certaine exacerbation. Il en veut pour preuve les ‘’comités d’action’’, les ‘’calots bleus’’ (PDS), ‘’les marrons du feu’’ (APR)… Aujourd’hui, soutient-il, ‘’il y a ceux qui se disent les patriotes’’. ‘’Ce sont tous des entrepreneurs de la violence au service d’un groupe politique bien défini et contre notre idéal de nation. À ce titre, il faut reconnaitre que le pourrissement de notre espace public ainsi que les violences graves qu’on remarque aujourd’hui ne sont que le résultat du ‘pouvoirisme’ incarné par deux postures : une volonté de conserver et gérer le pouvoir comme un patrimoine personnel, une obsession inouïe d’accéder au pouvoir. Cela, même en marchant sur des cadavres…’’, a-t-il souligné.
S’il y a quelqu’un qui donne à ce beau monde du grain à moudre, c’est bien le président de la République Macky Sall.
D’abord, par son obsession à refuser de lâcher la justice s’émanciper comme l’ont toujours réclamé certains magistrats ; ensuite, par la décision de ne pas clarifier sa posture sur la question du troisième mandat. ‘’… Nos gouvernants entretiennent volontairement et constitutionnellement parlant le flou sur des questions aussi déterminantes : ‘le troisième mandat’, les deux corps du président à la fois chef d’État et chef de parti...’’, assénait le Dr Moussa Diop.
Elimane H. Kane : ‘’Le problème fondamental, c’est celui du respect de l’État de droit et de l’équilibre des institutions’’
Pour Elimane Kane, nous sommes simplement dans une ‘’impasse démocratique’’. Et si nous en sommes arrivés à ce stade, c’est aussi parce que la justice n’a pas été mise dans les conditions de jouer le rôle qui aurait dû être le sien dans un État démocratique.
‘’Le problème fondamental qui se pose, c’est celui de l’État de droit et de l’équilibre des institutions. Si l’on considère le cas des deux procès de M. Sonko qui ont été à l’origine de ces émeutes, nous constatons tous le poids de l’action du procureur... Et comme le procureur lui-même est lié à l’autorité politique qu’est le ministre de la Justice, on peut penser que la justice peut être instrumentalisée, non pas par l’État, mais par le régime en place. Ainsi, le parti au pouvoir peut toujours instrumentaliser la justice pour combattre des adversaires. À partir de ce moment, la justice devient un ennemi de la démocratie…’’.
Cela dit, le président de Legs Africa est largement revenu sur la responsabilité des partis politiques qui ont oublié une de leurs vocations fondamentales : la formation de citoyens. ‘’Aujourd’hui, cette fonction formatrice des militants n’est presque plus remplie. Les gens s’engagent en politique tout simplement pour participer au partage du butin, comme je l’ai dit. Pour les uns, c’est devenu un moyen de bénéficier de sinécures, d’utiliser l’ascenseur social. Pour d’autres, c’est pour pouvoir maintenir un train de vie ou simplement gagner des privilèges. Dans ces conditions, les confrontations deviennent sans pitié. C’est à la guerre comme à la guerre et chaque chapelle compte utiliser tous les moyens possibles pour arriver à ses fins. Voilà malheureusement ce qui a engendré certains clivages, surtout une sorte de bipolarisation de l’espace autour de groupes de partis’’.
Elimane H. Kane : ‘’Les organisations de la société civile qui sont censées être apolitiques devraient se garder de s’allier aux politiques…’’
Aujourd’hui, que faire pour renverser la tendance ? Quel doit être le rôle de la société civile ou des sociétés civiles ? De l’avis d’Elimane Kane, rien que ce concept de société civile mérite tout un dossier, en raison de sa grande diversité ainsi que de ses principes de fonctionnement.
Depuis la fin des années 90, rappelle-t-il, les OSC se sont fortement impliquées dans les élections, dans les questions de gouvernance… À partir de ce moment, reconnait-il, on peut donc s’interroger sur leur rôle. ‘’À mon humble avis, les organisations de la société civile, qui sont censées être apolitiques, devraient se garder de s’allier aux politiques, quels que soient les combats qu’elles mènent. Moi, je pense qu’il faut rester dans cette posture indépendante, même si les combats qu’elles mènent peuvent converger avec celles d’une partie. La différence est que les partis politiques, quand ils sont dans l’opposition peuvent toujours s’accommoder à la société civile, mais une fois au pouvoir, ils changent de camp et déclarent même la société civile comme ennemie. Cette relation très ingrate contribue à discréditer l’objectivité de certaines organisations dites de la société civile. Elles ont donc tout intérêt à éviter ces accointances’’.
Selon lui, même si à travers certains combats de principe, les rôles peuvent converger, la société civile gagnerait à conserver son identité. ‘’Nous constatons souvent que, pour mener certains combats de principe, les OSC ont tendance à se liguer avec les appareils politiques. Ces postures créent des proximités entre la société civile et les partis politiques et souvent, il y a une sorte de convenance qui se crée et souvent des accointances dont il est difficile de situer les limites. C’est cela le danger. En se liguant avec des partis d’opposition, on est dans une posture de faire face à d’autres partis qui sont au pouvoir. La ligne rouge est alors difficilement identifiable dans ces situations. C’est à éviter, d’autant plus qu’il y a souvent des basculements de la société civile vers la politique ou vice-versa’’.
par l'éditorialiste de seneplus, ada pouye
L’ANE DE BURIDAN
EXCLUSIF SENEPLUS - Il mesure sa popularité au nombre de manifestations de soutien comme du temps glorieux de Mobutu et s’enorgueillit, mais avec une modestie bien feinte
L’homme politique a souvent la réaction rapide face à l’usure du pouvoir tout en restant placide tant que l’événement qu’il commente est favorable à la préservation de sa carrière. Il rallie ainsi à sa cause, évidemment noble et salutaire, de nouveaux partisans tous partisans du conservatisme qui demain, il l’espère, seront les artisans de son évidente conservation du pouvoir. Il mesure ainsi sa popularité au nombre de manifestations de soutien comme du temps glorieux de Mobutu et s’enorgueillit, mais avec une modestie bien feinte, que sa parole évangélise d’autres relais d’opinion. Il sent que son heure de gloire est toute proche et qu’il va ressusciter les velléités de l’entre-nous et susciter l’adhésion des bénéficiaires de la ploutocratie. Les manifestations grandeur nature, les siennes mais surtout celui de ceux qui l’entourent, est son principal outil de propagande puisqu’il enregistre et diffuse tout de ses déclarations et prises de position et de son bilan.
Mais le smartphone a de la mémoire et archive pour les VAR. C’est là que ce viscéral objet d’immédiate communication qui a supprimé la conversation d’hier tant il a réussi la conversion d’une majorité à survoler les faits, peut devenir pour lui un redoutable levier d’adversité. Bonjour les VAR, la coupure provisoire du signal des TV dissidentes, d’internet et des réseaux sociaux. Circulez, il n’y a rien à voir !
Bon, la veille du grand matin des élections, le candidat à sa reconduction a la fonction suprême, fort de l’onction populaire qui valide son aura, s’épanche sur la situation évidemment reluisante de son pays, dénonce les dérives populistes des oppositions et confirme essentiellement qu’il veut finir les chantiers qu’il a ouvert et son état d’esprit volontaire et solidaire pour conserver la grandeur, honneur et bonheur au pays.
Le citoyen en rêvait. Que la réalité advienne.
Bien avant midi, après les festives agapes de sa réinvestiture, les distributions de fonction, les promesses à quand même réaliser, les voyages diplomatiques, les promotions claniques, les inaugurations spectaculaires, les stériles conférences continentales, les sondages coûteux, les premières critiques et la flatterie courtisane, le démocrate en son palais trouve qu’il mérite bien mieux que de simplement présider !
Avant de déjeuner avec de rares privilégiés, il concocte quelques curieuses tactiques pour pouvoir faire avaler à son peuple sa faim de maîtriser plus rigoureusement son avenir, le sien bien sûr, celui du pays en bénéficiant aussi, promis, juré. À l’heure de se mettre à table, sa décision est arrêtée : n’en déplaise aux tortueux, scabreux, belliqueux, calomnieux et autres envieux de tous bords, il sera autocrate… à nuance bienveillante si le peuple ne gronde pas trop. Celui-ci est à plat, mais devant la promesse autoritaire de l’auto-promu de lui accorder une part du dessert, il rêve encore, mais ne dort que d’un œil. C’est qu’il se doute qu’un cauchemar est possible.
De 14h à 16h, le chef absolu désormais s’invente des exploits économico-sociaux, vante ses relations internationales, évente quelques rumeurs malveillantes sur les râleurs et les emmerdeurs, réarme sa sécurité et s’alarme de sa baisse de popularité. Mais surtout, il s’isole dans ses certitudes et se convainc qu’il peut faire encore plus que mieux pour lui. À savoir durer, durer en son palais et privatiser sa gouvernance à la César.
De 16h à 19h, il affine son plan, dessine le contour de son coup d’éclat illégitime et met dans la confidence ses plus obligés et zélés encenseurs. Après un court éclair de lucidité, il renonce à s’autoproclamer empereur, mais dictateur lui sied bien.
Au journal télévisé de 20h, à l’instant de la soupe populaire pour les gens d’en haut, le pays digère très mal l’information. Les maux citoyens resurgissent. La rue s’éveille.
Aucun dictateur ne se reconnaîtra dans cette fiction, puisqu’il s’agit d’une fiction. Et ce pays est imaginaire. Personne ne peut en effet songer que son pays puisse bousculer ses certitudes démocratiques et basculer dans l’oppression. Mais beaucoup ont l’impression que la réalité peut dépasser la fiction, et des frictions éclater !
UN RETOUR TIMIDE DES ACTIVITES
Après les heurts, l'accalmie. Une atmosphère favorable à un retour des activités aux Parcelles-Assainies, une des localités les plus touchées par les récentes émeutes.
près les heurts, l'accalmie. Une atmosphère favorable à un retour des activités aux Parcelles-Assainies, une des localités les plus touchées par les récentes émeutes. Dans ce quartier populaire de Dakar, les petits commerces ainsi que le transport se sont remis sur les rails.
Parmi les zones les plus affectées par les manifestations de ce début de mois, celle des Parcelles-Assainies occupe une vraie place de choix. Des allées du marché Dior au croisement de l'Unité 22, en passant par le rond-point Case Ba, les séquelles des échauffourées restent encore bien visibles. Des traces de pneus brûlés jonchent encore certaines parties du trottoir, des amoncellements d'ordures accompagnés d'une odeur fétide qui titille les narines et les voitures calcinées viennent s'insérer dans le décor.
Mais dans ce "chaos" apparent, certains ont pris leur courage à deux mains pour vaquer à leurs occupations, comme à l'accoutumée. Cette trêve forcée n'a que trop duré pour ces travailleurs qui, pour la plupart, sont dans l'auto-emploi.
Ici, au grand marché de Dior, juste en face de l'école privée du même nom, les commentaires fusent. Les clients marquent leur présence, mais ce n'est pas encore le grand rush et rares sont les cosmétiques qui n'ont pas encore rouvert. Mais c'est déjà là le signe d'un espace commercial qui reprend du poil de la bête, après trois jours assez compliqués.
"Cette fin de semaine a été pénible pour nous. Nous avons dû serrer la ceinture pour nous en sortir. Quand on évolue dans l'informel, rester deux à trois jours sans activité n'est pas l'idéal. Nous vivons au jour le jour. Maintenant, c'est l'accalmie, mais nous osons espérer que la situation sera pérenne et que les acteurs concernés dans cette affaire trouveront un terrain d'entente pour le bien de tous", laisse entendre Khadim, gérant d'un magasin cosmétique.
Tout en reconnaissant aux protestataires leur droit à la manifestation, le commerçant désapprouve leur approche de la "terre brûlée". Car il craint que les pots cassés soient imputés au citoyen lambda. "Manifester reste un droit fondamental, garanti même par la Constitution, si je ne m'abuse. Mais cet acte citoyen a été complètement dénaturé, entre le jeudi, vendredi et samedi derniers. On peut brûler des pneus, barrer la circulation à la limite, mais ne pas s'en prendre aux biens d'autrui. Des banques, magasins, voitures, etc., tout a été saccagé. Les dégâts sont énormes. Et cette facture très salée, c'est le contribuable qui va la payer à un prix fort'’.
Le marché Dior est moins bruyant que d'habitude
Cette ‘’résurrection’’ du marché Dior est aussi marquée par le retour de la clientèle, sans qui les commerçants auraient sans doute prolongé leurs ‘’vacances’’. Jean bleu ciel déchiré entre les mains, Astou, en plein marchandage pour acquérir le produit qu'elle tient, était sans doute pressée de retrouver son jardin. "J'avais prévu de faire cet achat ce week-end, mais les malheureux événements sont passés par là. Je me réjouis de ce retour au calme. Car, ici à Dior, les articles vendus sont accessibles aux bourses les plus modestes. Si les commerçants sont obligés de mettre la clé sous le paillasson pour des raisons sécuritaires, les clients sont aussi très touchés. Nous espérons qu'une issue heureuse à cette crise sera rapidement trouvée. Nous avons besoin de retrouver notre quiétude, car sans sécurité, point d'activités économiques, donc point de vendeurs, encore moins d'acheteurs", commente la Parcelloise.
Au rond-point Case Ba, les vendeuses de légumes, conducteurs de moto "tiak-tiak" ont aussi réinvesti les chantiers du Bus Rapid Transit (BRT). Ici, les réactions sont unanimes : on apprécie ce retour à la normale. Au milieu de ses tas de carottes, aubergines, ignames et autres légumineuses, Aminata, malgré la canicule à ce moment de la journée et la poussière, ne retient juste qu’une chose : la reprise de son commerce. "Ces deux à trois derniers jours, toutes nos activités ont été à l'arrêt. Cela s'est forcément ressenti dans le panier de la ménagère. On en a souffert, pour tout vous dire. Même si les conditions sont encore un peu difficiles, nous sommes obligés de reprendre nos activités", explique la commerçante.
Moins nombreux que d'habitude, les conducteurs de moto ‘’tiak-tiak’’ ont aussi regagné leur lieu de stationnement, à quelques encablures du pont du BRT qui surplombe le rond-point Case Ba, ainsi que banques, commerces et autres services qui essaient, petit à petit, de se régénérer.
Toujours est-il que les activités reprennent tant bien que mal leur cours normal dans cette commune, à l'image des autres zones du département de Dakar.
Cependant, pour un retour effectif aux habitudes, c'est-à-dire marchés bondés et embouteillages monstres notamment, il faudra encore patienter au moins une semaine.
L’ACSIF DÉNONCE UN LOURD PRÉJUDICE
Le constat est fait depuis hier après le retour au calme au Sénégal. C’est la ruée devant les banques après plusieurs jours d’indisponibilité liée aux heurts qui ont suivi la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme
Le constat est fait depuis hier après le retour au calme au Sénégal. C’est la ruée devant les banques après plusieurs jours d’indisponibilité liée aux heurts qui ont suivi la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme pour corruption de la jeunesse par la Chambre criminelle, le 1er juin dernier.
Le préjudice est lourd, estime le président de l’Association des clients et sociétaires des institutions financières (Acsif), Famara Ibrahima Cissé. Contacté par emedia, il relève pour s’en désoler que “les usagers des institutions financières ont vécu avec beaucoup de peine et de difficultés les manifestations survenues ces derniers jours.”
Et pour cause, souligne-t-il : “Des banques ont été caillassées, des banques ont fermé boutique.” Cissé en profite d’abord “pour dénoncer et condamner les saccages orchestrés contre certaines banques.” Parce qu’”en réalité, justifie-t-il, la banque ne perd jamais. Tous les dommages qui lui sont causés sont répercutés sous forme de frais, de pénalités ou d’intérêts sur les usagers qui ont ouvert des comptes.”
“C’est pourquoi, insiste-t-il, nous dénonçons avec la dernière énergie les saccages notés dans certaines banques.” Revenant sur le “lourd préjudice causé aux usagers”, il rappelle que ces derniers “n’ont pas pu accéder à leur compte pendant cette période” ni “opérer des transactions financières.”
Il s’y ajoute, regrette-t-il, “que le réseau internet a été suspendu. Donc, cela a fait qu’aucune transaction n’était possible.” Ce qui “a entraîné un lourd préjudice et des pertes énormes de vente.” Parce qu’aujourd’hui, dit-il, “nous sommes dans l’ère du télétravail, de la digitalisation et du numérique. Par conséquent, il y a ce que les banques ont initié notamment la banque en ligne. On pouvait rester chez soi, entrer dans son compte via smartphone ou son ordinateur et mener les transactions.” Malheureusement, “avec la suspension de la connexion, les usagers ne pouvaient n’y accéder physiquement à leur compte via les guichets automatiques, ni accéder à leur compte via les guichets des agences, ni accéder à leur compte via la connexion internet. Cela a entraîné des pertes de chiffres d’affaires”, se désole-t-il.
D’où son plaidoyer : “ Il faudrait que l’Etat comprenne que la boutique, le magasin et le point de vente ne sont plus physiques mais, plutôt virtuels. Les start up, les très petites et moyennes entreprises fonctionnent avec la connexion internet. Si l’Etat prend la décision de suspendre la connexion internet, c’est toute l’économie qui est suspendue. Donc, des pertes énormes ont été notées chez les utilisateurs de ces services parce que ne pouvant pas faire des commandes ou consulter le statut de leur commande et mener les transactions qui sied pour leur bénéfice, leur valeur ajoutée, leur chiffres d’affaires.”
Au moment où certaines agences opèrent un service minimum de 08 à 13 heures, d’autres agences sont jusqu’à présent fermées. Dans tous les cas, soutient Cissé : “La banque étant au coeur de l’économie, rien ne doit justifier ces fermetures d’autant plus que depuis 48 heures l’accalmie est revenue sur l’ensemble du territoire national. C’est pourquoi, nous les exhortons à l’approche de (la Tabaski prévue entre le 28 et le 29 juin prochains) à prendre des dispositions permettant aux agenciers de mener leurs actions et de satisfaire les besoins des usagers.”
Dans ce cadre, l’Acsif demande “à ce que les banques comme les usagers soient davantage sécurisés, que la digitalisation fasse l’objet de large consensus et de sensibilisation pour qu’en cas de manifestation que tout le monde puisse utiliser via internet l’outil numérique et que l’Etat ne s’aventure plus à couper ou à suspendre la connexion internet. C’est un droit universel. C’est un bien universel utilisé par tous les services parce qu’aujourd’hui nous parlons de télétravail pour pouvoir faire marcher l’économie de notre pays, faire rouler la roue économique.” Et, préconise à l’avenir, “que des assurances garantissent les biens des usagers en cas de manifestation, vol ou perte”, comme cela se fait ailleurs. “Il faudrait qu’on pense à cela très rapidement. Mais aussi que la connexion soit plus performante en cas de manifestation pour permettre aux utilisateurs d’effectuer ou d’opérer des transactions via la banque en ligne, faire en sorte que les gaps fonctionnent”, conclut son président.
NDEYE NDACK LIBÉRÉE INDEMNE
Après trois jours entre garde à vue et retours de parquet, Ndeye Ndack Touré est libre. L’ancienne animatrice de la Tfm vient d’être libérée et selon son avocat, Me Moussa Sarr, aucune charge n’a été retenue contre elle.
Après trois jours entre garde à vue et retours de parquet, Ndeye Ndack Touré est libre. L’ancienne animatrice de la Tfm vient d’être libérée et selon son avocat, Me Moussa Sarr, aucune charge n’a été retenue contre elle.
Arrêtez sur sur instruction du Procureur de la République, puis placée en garde à vue à la gendarmerie de Faidherbe, elle s’était vue reprochée des faits d’appel à l’insurrection. Sur ses réseaux sociaux, elle avait notamment alerté, à l’annonce de sa convocation. « Je suis convoquée aujourd’hui à 10h à la brigade de Faidherbe. La peur est un poison qui tue l’âme. Se taire devant cette crise que traverse le Sénégal est une trahison envers la nation. Ne prends pas partie mais parle ».
Très active dans ce qu’elle qualifie de lutte pour la démocratie et la liberté au Sénégal, Ndeye Ndack Touré fait également partie des soutiens assumés de l’opposant Ousmane Sonko sur les différentes plateformes digitales.
Après trois jours entre garde à vue et retours de parquet, Ndeye Ndack Touré est libre. L’ancienne animatrice de la Tfm vient d’être libérée et selon son avocat, Me Moussa Sarr, aucune charge n’a été retenue contre elle.
Arrêtez sur sur instruction du Procureur de la République, puis placée en garde à vue à la gendarmerie de Faidherbe, elle s’était vue reprochée des faits d’appel à l’insurrection. Sur ses réseaux sociaux, elle avait notamment alerté, à l’annonce de sa convocation. « Je suis convoquée aujourd’hui à 10h à la brigade de Faidherbe. La peur est un poison qui tue l’âme. Se taire devant cette crise que traverse le Sénégal est une trahison envers la nation. Ne prends pas partie mais parle ».
Très active dans ce qu’elle qualifie de lutte pour la démocratie et la liberté au Sénégal, Ndeye Ndack Touré fait également partie des soutiens assumés de l’opposant Ousmane Sonko sur les différentes plateformes digitales.
PAR Farid Bathily
AUX ÉTATS-UNIS, LE SECTEUR DES CRYPTOMONNAIES EST SOUS PRESSION
L'autorité américaine de régulation des marchés boursiers poursuit en justice deux des plus grandes plateformes d'échange de cryptomonnaies du monde, les accusant notamment d'activités illégales
La Securities and Exchange Commission (SEC), l'organisme en charge de la réglementation et de la supervision des marchés financiers aux États-Unis, a décidé le lundi 5 juin 2023, d'engager des poursuites judiciaires contre Binance, la plus grande plateforme d'échange de cryptomonnaies au monde.
Un dossier de plus de 130 pages déposé devant le tribunal fédéral du district de Washington fait état de la violation de 13 législations américaines, y compris celle relative aux valeurs mobilières. L'entreprise et son fondateur, Changpeng Zhao, plus connu sous le nom de CZ, sont également accusés d'avoir trompé les régulateurs et les investisseurs, et de s'être enrichis à leurs dépens.
Vague de mesures répressives
La nouvelle de cette action en justice n’était pas encore retombée que la SEC a lancé une autre offensive. En effet, elle a annoncé le lendemain, le 6 juin 2023, qu’elle poursuivrait Coinbase, le marché d’échange de cryptomonnaies le plus important des États-Unis en termes de nombre d’utilisateurs, devant les juridictions américaines.
La société est notamment accusée d’avoir vendu, au moins depuis 2019, des titres sans autorisation pour des montants estimés à plusieurs milliards de dollars.
"Les échecs présumés de Coinbase privent les investisseurs de protections essentielles, y compris des règles qui empêchent la fraude et la manipulation", a déclaré le président de la SEC, Gary Gensler.
Coinbase et Binance rejettent ces accusations. Ce dernier promet notamment de se défendre "vigoureusement". Il n'en demeure pas moins que les plaintes de la SEC surviennent dans un contexte difficile pour le secteur des actifs numériques.
Le tournant du scandale FTX
L'industrie et tous ses acteurs sont étroitement surveillés par les autorités publiques depuis l'éclatement du scandale FTX. Cette plateforme d'échange de cryptomonnaies, autrefois très prisée des utilisateurs et grande rivale de Binance, a dû déposer le bilan fin novembre 2022.
Son fondateur, Sam Bankman-Fried, risque désormais jusqu'à 115 ans de prison aux États-Unis pour des accusations de fraude et de blanchiment d'argent, entre autres. Cet épisode, aux répercussions encore indéterminées, a profondément terni l'image des organismes de régulation financière à travers le monde.
Depuis lors, l'offensive contre le secteur s'est intensifiée outre-Atlantique. Des amendes ou avertissements ont été adressés à des acteurs tels que Nexo, Genesis, Kraken, Paxos, Terraform Labs, rien que cette année.
"Nous n'avons pas besoin de plus de monnaies numériques", a déclaré Gary Gensler, mardi sur NBC.