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23 mai 2025
L'AXE TRUMP-MUSK MENACE LE MONDE
Derrière les déclarations fracassantes du président américain sur Gaza se cache un projet bien plus vaste : l'instauration d'un apartheid mondial soutenu par la puissance numérique, selon une analyse du fondateur de Medipart, Edwy Plenel
(SenePlus) - Dans une analyse alarmante publiée sur Mediapart, Edwy Plenel décrypte l'émergence d'un nouvel ordre mondial marqué par l'alliance entre le pouvoir politique de Donald Trump et l'oligarchie technologique incarnée par Elon Musk. Cette convergence dessine les contours d'une gouvernance mondiale inédite, où la technologie se met au service d'une idéologie séparatiste et suprémaciste.
Le 4 février dernier, lors d'une conférence de presse à la Maison-Blanche, Donald Trump a dévoilé sans ambages sa vision pour Gaza, aux côtés de Benyamin Nétanyahou, lui-même visé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. "Nous la posséderons" et "nous ferons tout simplement le ménage", a déclaré le président américain, évoquant sans détour un projet de transformation radicale du territoire palestinien en une "Riviera du Moyen-Orient", après l'expulsion de sa population vers l'Égypte et la Jordanie.
Selon l'analyse de Mediapart, cette vision pour Gaza n'est pas qu'un simple projet régional, mais le prototype d'une nouvelle conception des relations internationales. Loin de la destruction du Hamas initialement revendiquée après le 7 octobre, l'objectif apparaît désormais clairement : "la disparition de la Palestine, la destruction de son idée même, l'effacement de son peuple du territoire conquis par Israël."
Cette nouvelle administration Trump incarne ce que Plenel nomme "l'empire d'un mal politique radical", caractérisé par "la négation assumée de toute humanité commune" et "l'affirmation internationale de la loi du plus fort". Le slogan "Make America Great Again" prend ici tout son sens : rien ne doit résister à la volonté de puissance américaine, qu'il s'agisse des nations souveraines, des migrants ou des marchandises étrangères.
Cette doctrine de l'illimitisme trouve un écho particulier dans l'oligarchie technologique qui soutient Trump. Comme le souligne Mediapart, cette "oligarchie technophile portée par la révolution numérique" a atteint "un niveau de richesse incommensurable qui l'ancre dans la certitude de l'absolu et de l'impunité de son pouvoir."
L'analyse révèle qu'un véritable coup d'État est en marche aux États-Unis, orchestré notamment par Elon Musk depuis sa position non élue au département de l'efficacité gouvernementale. Le 28 janvier, rapporte Plenel, une action sans précédent a été menée : "deux millions d'employés fédéraux ont reçu un e-mail les invitant à démissionner", tandis que les bases de données du Trésor américain passaient sous le contrôle de l'équipe de Musk.
Le texte de Plenel établit un parallèle historique édifiant avec l'apartheid sud-africain, système de ségrégation raciale instauré en 1948. Ce n'est pas un hasard si les principales figures de ce "techno-féodalisme oligarchique" - Elon Musk, Peter Thiel et David Sacks - sont issues de l'Afrique du Sud de l'apartheid. Selon le fondateur de Mediapart, ils portent en eux cette vision d'un monde fondé sur "la séparation et la ségrégation, le rejet de l'humanité et le tri des êtres."
Cette nouvelle alliance représente, selon l'analyse de Mediapart, un "défi de civilisation" majeur. Elle incarne la résistance d'un "vieux monde de prédation qui ne veut pas mourir" et qui, pour survivre, "enfante des monstres dans l'espoir d'éradiquer définitivement l'espérance d'un monde meilleur."
Ce programme politique, qualifié de "foncièrement séparatiste" par Plenel, rompt avec l'idéal d'un monde commun. Il cible non seulement les peuples, mais aussi "les droits des femmes, les questions de genre, les luttes des LGBTQI+ et, plus largement, toutes les supposées minorités dont les prises de conscience bousculent les conservatismes."
Face à cette menace globale, le journaliste appelle à une prise de conscience urgente qui transcende "des querelles secondaires et des divergences momentanées." L'enjeu n'est plus simplement politique ou économique, mais civilisationnel : il s'agit de la survie même des valeurs humanistes et démocratiques face à l'émergence d'un système technologique d'apartheid mondial.
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GOUVERNANCE DIOMAYE : LE CAP EST BON
EXCLUSIF : Le haut représentant du président de la République, Aminata Touré, estime que la gouvernance du nouveau régime est satisfaisante en évoquant les différentes initiatives prises comme la reddition des comptes et la rationalisation des ressources…
Dans cette interview exclusive accordée à SenePlus, la Haut Représentante du Président de la République, Aminata Touré, évoque la nouvelle dynamique impulsée par le nouveau régime, qu’elle juge salutaire. Selon elle, des efforts notables sont faits en matière de bonne gouvernance, de reddition des comptes et de mise à disposition de semences pour le monde paysan, entre autres.
Pour l’ancienne ministre de la Justice, le cap est bon car les différents actes posés par le duo Diomaye-Sonko en matière de gouvernance répondent aux attentes des Sénégalais. Aussi, contrairement aux acteurs de la société civile, initiateurs du Pacte national de bonne gouvernance démocratique, Aminata Touré considère que la mise en œuvre de cet outil de gouvernance est déjà effective, si l’on se fie aux différentes initiatives lancées par le régime, qui, selon elle, a toujours associé la société civile depuis son avènement.
Femme politique expérimentée, Aminata Touré a été candidate à la dernière présidentielle de mars 2024. Recalée, comme beaucoup d’autres candidats, pour non-conformité supposée des parrainages, elle a décidé de soutenir le candidat du Pastef, Bassirou Diomaye Faye. Après la victoire du Pastef, l’ancienne Première ministre – deuxième femme à occuper ce poste au Sénégal – a été nommée Haut Représentante du Président de la République, un poste de conseil et de représentation du chef de l’État aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
Elle possède sans doute l’expérience nécessaire pour assurer cette mission, au vu de son parcours politique et de son expérience en tant qu’ancienne fonctionnaire des Nations unies pendant plus de 24 ans.
par l'éditorialiste de seneplus, Arona Oumar Kane
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SILENCE, ON DÉPENSE !
EXCLUSIF SENEPLUS - Il est indispensable d’expliquer aux Sénégalais comment nous en sommes arrivés à dépenser près de 30 milliards de FCFA en frais médicaux pour 1% de la population, sans aucun rapport avec le contexte sanitaire
Arona Oumar Kane de SenePlus |
Publication 08/02/2025
Les frais d’hospitalisation des agents de l'Administration publique sénégalaise ont connu une hausse record en 2024. D’après les chiffres publiés par la DPEE[1], ils atteignent pour la première fois le montant exceptionnel de 29,9 milliards de FCFA en 2024, pulvérisant ainsi le précédent record de 15,3 milliards de FCFA qui avait logiquement été établi en 2020, année de la Covid-19.
30 milliards de FCFA en 2024 : Près du double des dépenses de la Covid
Depuis la fin de la pandémie, ce poste de dépense était resté sur une tendance annuelle baissière jusqu’à descendre sous les 12 milliards en 2023. Ce saut spectaculaire de +18 milliards par rapport à l’année dernière, soit une hausse de +149%, ou +14,6 milliards par rapport à l’année Covid, soit une hausse de +95,4%, paraît donc tout à fait exceptionnel.
Pour rappel, les agents de l'Administration publique, actifs et retraités, bénéficient, avec leurs familles, d’une couverture partielle de leurs frais médicaux (hors achat de médicaments). Pour obtenir cette couverture, le bénéficiaire demande une “imputation budgétaire” auprès de la Direction de la Solde, un sésame qui lui permet ensuite de ne payer que 20% des frais, l’Etat prenant en charge les 80% restants. Pour les hospitalisations, l’Etat règle l’intégralité de la facture et effectue une retenue sur salaire des 20% dûs par l’agent. Cette prise en charge peut également passer par des mutuelles de santé auxquelles certains agents sont affiliés, moyennant une cotisation retenue sur leurs salaires que l’Etat complète et verse à ces organismes.
Les montants imputés sont publiés tous les mois par la DPEE et les données disponibles, que nous avons analysées, remontent à janvier 2006. Cette perspective de 18 ans permet de voir le caractère inhabituel de cette hausse.
Deux facteurs pour expliquer cette explosion en 2024
Tout d’abord, un montant de 4,5 milliards a été enregistré sur le mois de janvier 2024, probablement pour une régularisation par rapport aux deux précédents mois, novembre et décembre 2023, sur lesquels un montant nul (0 FCFA) a été enregistré. Cette probable régularisation pourrait toutefois ne pas être la seule explication du montant très élevé de janvier 2024 car, comme nous le signalions dans une précédente publication, des mouvements suspects avaient également été constatés sur la masse salariale à la veille de l’élection présidentielle.
L’autre facteur, plus évident, se trouve dans l’augmentation continue des dépenses mensuelles sur ce poste, depuis l’avènement du nouveau pouvoir. En effet, alors que les frais d’hospitalisation mensuels des fonctionnaires tournaient, depuis quelques années, autour d’un milliard de FCFA, ils ont commencé à croître de façon soutenue depuis le mois d’avril 2024, passant de 1,1 milliard à 1,5 puis à 1,6, puis 1,7 jusqu’à atteindre 2,5 milliards de FCFA en Novembre, avant d’exploser littéralement à 9,5 milliards en décembre !
Une nécessaire clarification
Dans un contexte de fortes incertitudes pesant sur la situation économique du pays, et de marges de manœuvre budgétaires et financières qui n’existent quasiment plus, pour reprendre l’expression du président de la République, ces chiffres sur les frais d’hospitalisation des agents de l'Etat posent problème et doivent être adressés par le gouvernement. Il est indispensable d’expliquer aux Sénégalais comment nous en sommes arrivés à dépenser près de 30 milliards de FCFA en frais médicaux pour 1% de la population, sans aucun rapport avec le contexte sanitaire.
Ces dépenses de santé sans précédent doivent faire l’objet d’une clarification, à l’image du déficit abyssal de plus de 2200 milliards de FCFA creusé dans le budget 2024 - autre record historique. Si ces chiffres publiés par la DPEE correspondent effectivement à des décaissements destinés à régler les frais médicaux des fonctionnaires, alors il va falloir expliquer pourquoi ils ont atteint ces proportions. Il en va de la crédibilité et de la réussite du Projet. La Vision Sénégal 2050, tant vantée, n’aura de matérialisation concrète qu’au prix d’une gestion rigoureuse et transparente des deniers publics. Les Sénégalais doivent avoir foi dans la manière dont leur argent est dépensé si on veut les mobiliser autour d’un projet national.
Plaidoyer pour un accès plus large aux informations financières de l’Etat
Enfin, nous profitons de cet article pour rendre un hommage mérité aux agents de la DPEE et de l’ANSD[2], et les remercier pour la qualité de leur travail de collecte et de diffusion des données économiques et financières.
Nous avons pu réaliser cette étude, et celles qui l’ont précédée, grâce à des données rendues publiques à travers ces deux structures. Nous rappelons, comme nous l’avons écrit dans l’article intitulé le Projet est mal parti, que ce travail s’inscrit dans une action de veille citoyenne et d’alerte à l’endroit des autorités. Il s’agit d’un exercice rigoureux et honnête d’analyse et de vérification, basé exclusivement sur des données officielles et publiques. Nous lançons donc un plaidoyer pour un accès plus large aux informations financières de l’Etat - dans les limites légales, bien entendu - pour nous permettre de faire ce travail de veille et d’alerte avec plus d’efficacité.
Direction de la Solde - DPEE - Direction Général du Budget
Calculs et Analyse Graphique avec SIADE, Système Intégré d’Analyse de Données Économiques, par Bangath Systems
[1] Direction de la Prévision et des Etudes Economiques
[2]Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie
par Makhtar Diouf
MIEUX COMPRENDRE NATIONS NÈGRES ET CULTURE
EXCLUSIF SENEPLUS - Cheikh Anta Diop s’inscrit dans ce que Louis Aragon nommait ‘la rééducation de l’homme par l’homme’, une lutte pour sortir des ténèbres. En Afrique, ces ténèbres furent imposées par le colonialisme et l’esclavage
L’ouvrage le plus connu de Cheikh Anta Diop est Nations nègres et culture. De l'antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l'Afrique Noire d'aujourd'hui publié à Paris en 1954.
La falsification de l’histoire
Pour Cheikh Anta Diop (1923 – 1986), l'humanité a pris naissance en Afrique dans la région des Grands Lacs à cheval sur la Tanzanie, l'Ethiopie, le Kenya et la vallée de l'Oromo.
L'Afrique est aussi le berceau de la civilisation. Les premiers Egyptiens qui étaient des Nègres, ont inventé la philosophie, les mathématiques et la médecine. La Grèce est à l'origine de la civilisation occidentale, mais ses plus grands savants (Thalès, Pythagore, Archimède, Platon, Hippocrate ...) sont tous allés puiser leur science dans l'Egypte nègre. Tous ces faits, tient à préciser l'auteur, portent les témoignages des fouilles archéologiques et de grands historiens de l'Antiquité comme Hérodote, Diodore, Strabon, Pline, Tacite. Et de rappeler que l'histoire n'est rien d'autre que découverte d'une vérité oubliée. C’est sans doute pour cela que Hegel a tenu à séparer l’Egypte de l’Afrique.
En dehors des historiens de l’Antiquité gréco-romaine, Cheikh Anta Diop s’est inspiré d’auteurs plus récents, partisans de l’antériorité des civilisations nègres. Ils ont pour noms : Volney (1757 – 1820), Abbé Henri Grégoire (1750-1831), Jean-François Champollion dit Champollion le jeune (1790 -1832), Antênor Firmin (1850-1911), Maurice Delafosse (1870 – 1926), Leo Frobenius (1873 – 1938).
De ces écrits, il ressort que les habitants de l’ancienne Egypte étaient de teint noir et étaient en avance dans les domaines scientifiques et philosophiques. Selon l’Allemand Leo Frobenius, ces Africains étaient civilisés jusqu’à la moelle de leurs os. Il ajoute qu’il ne connaît aucun peuple du Nord susceptible d’être comparé à ‘’ces primitifs’’ en terme de civilisation.
Cheikh Anta ayant lu ces écrits, soutient que le colonialisme a tout fait pour rendre les Africains amnésiques de leur passé : le but est d'arriver, en se couvrant du manteau de la science, à faire croire au Nègre qu'il n'a jamais été responsable de quoi que ce soit de valable, même pas de ce qui existe chez lui… L'usage de l'aliénation culturelle comme arme de domination est vieux comme le monde. Chaque fois qu'un peuple en a conquis un autre, il l'a utilisée. C'est pour les besoins de la colonisation de l'Afrique, « pour lui apporter la civilisation », que l'histoire a été falsifiée... La colonisation politique et économique est indissociable de l’entreprise de colonisation des esprits. Pour justifier la traite négrière et l'oppression coloniale, le thème de l'absence de culture (de l'esprit) chez les Noirs d'Afrique est invoqué (Diop 1954, 3° imp. 1979 : 14).
Cheikh Anta élabore ce livre dans la période 1948-53, en pleine période d’effervescence intellectuelle du Paris de l’après-guerre. Il n’a pas ses habitudes dans les cafés ‘’Flore’’ et ‘’Deux Magots’’ du quarter Saint-Germain-des-près de l’intelligentsia française, plutôt présent dans les bibliothèques pour ses recherches. Alors que les écrivains noirs s’intéressent les uns à la dimension culturelle, les autres à la dimension politique pour émotivement demander l’indépendance, il se met en symbiose sur les deux positions. Si l’Afrique a été colonisée pour lui apporter la civilisation, dans la mesure où il est révélé que la civilisation africaine est antérieure à la civilisation occidentale qui lui est même redevable, c’est tout le socle de la justification de la colonisation qui s’écroule. L’indépendance devient logiquement une exigence historique, cette fois scientifiquement démontrée. Comme il le dit : il ne s’agit pas de se créer de toutes pièces une histoire plus belle que celle des autres de manière à doper moralement le peuple pendant la période de lutte pour l’indépendance nationale, mais de partir de cette idée évidente que chaque peuple a une histoire…Si par hasard notre histoire est plus belle qu’on ne s’y attendait, ce n’est là qu’un détail heureux qui ne doit plus gêner dès qu’on aura apporté à l’appui assez de preuves objectives, ce qui ne manquera pas d’être fait ici (Nations nègres, éd. 1979, t. 1, p. 19).
Lorsqu’il assiste au Congrès des écrivains et artistes noirs en 1956, il a déjà écrit Nations nègres et culture. Cheikh Anta Diop revient sur ces thèses dans des publications ultérieures comme Antériorité des civilisations nègres (1967), Parenté génétique de l’égyptien pharaonique et des langues négro-africaines (1977), et dans son dernier ouvrage Civilisation ou Barbarie. Anthropologie sans complaisance (1981).
Remuements intellectuels autour de Nations nègres et culture
Nations nègres et culture est présenté par Aimé Césaire comme le livre le plus audacieux qu'un Nègre ait jusqu’ici écrit et qui comptera à n’en pas douter dans le réveil de l’Afrique (‘’Discours sur le colonialisme’’,1955, pp. 33/34).
Dans la France coloniale de l’époque, et même dans la France d’après 1960, les thèses de Cheikh Anta sont ressenties comme une onde de choc, comme un séisme psychique. Elles dérangent, donc rencontrent inéluctablement des détracteurs. C’est le sort fait partout dans le monde et à toutes époques de l’histoire à tous ceux qui professent des idées nouvelles. Le phénomène de résistance au changement est tenace et universel.
Les turbulences intellectuelles provoquées par ce livre font penser à cet incendie allumé par les idées, dont parlait Marx dans ses écrits de jeunesse. L’histoire abonde de situations où des porteurs d’idées nouvelles sont traités de fous et persécutés.
Le savant astronome italien Galileo Galilée (1564-1642) en avait fait les frais au 17ème siècle par emprisonnement. Son ‘’crime’’ avait été de reprendre la thèse de l’héliocentrisme développée au siècle précédent par l’astronome polonais Nicolas Copernic (1473 – 1543) selon laquelle la terre tourne autour du soleil. La croyance tenace à l’époque était que c’est le soleil qui tourne autour de la terre.
S’y ajoute en France l’hostilité des nostalgiques de la colonisation et des militants du néocolonialisme. Les écrits d’anthropologues et historiens européens sur l’antériorité des civilisations nègres n’étaient pas très connus, et émanaient de Blancs. On pouvait les ignorer, les classer dans la marginalité. Mais lorsque des écrits plus percutants sur le même thème proviennent d’un Nègre dont on pensait que la capacité intellectuelle était très limitée, c’est une autre histoire. Mais Cheikh Anta a eu la réaction scientifique attendue d’un intellectuel du type idéal.
Lorsqu’en 1970 il est sollicité par le Français René Maheu, directeur général de l’Unesco, pour la rédaction d’une Histoire générale de l’Afrique, il pose des conditions pour sa participation : que l’ouvrage traite de l’histoire ancienne de l’Afrique avec l’origine des anciens Egyptiens, que l’Unesco organise d’abord un Colloque auquel il sera fait appel aux plus grands spécialistes mondiaux de l’égyptologie, qu’ils soient informés deux ans avant pour leur permettre de se préparer, de fourbir leurs armes pour une confrontation scientifique des thèses, et que le colloque se tienne en Egypte même, au Caire.
Le Colloque se tient au Caire du 28 janvier au 3 février 1974, en présence d’une vingtaine de scientifiques d’Amérique (Canada, Etats-Unis), d’Europe, (Finlande, France, Suède), d’Afrique (Egypte, Soudan), de six observateurs et de deux représentants de l’Unesco. Cheikh Anta y vient avec son disciple l’historien congolais Théophile Obenga. Ils y font une grosse impression. Dans le rapport final présenté par le professeur français Jean Devisse, pourtant contestataire des thèses de Cheikh Anta, on peut lire : la très minutieuse préparation des communications des professeurs Cheikh Anta Diop et Obenga n’a pas eu, malgré les précisions contenues dans le document de travail préparatoire envoyé par l’Unesco, une contrepartie aussi égale. Il s’en est suivi un véritable déséquilibre dans les discussions.
Ce qui signifie qu’il n’y a pas eu photo : on sait qui sont les vainqueurs de cette confrontation scientifique.
Leurs présentations argumentées, convaincantes, comme le souligne le rapport final amènent l’Unesco à admettre les racines noires et linguistiques de l’Egypte pharaonique : les anciens Egyptiens étaient de teint noir ; leur langue n’est pas une langue sémitique comme l’arabe ; c’est une langue négro-africaine. Ce qui fait que l’Afrique entre de plain-pied dans l’histoire de l’humanité, contrairement à la thèse du philosophe allemand Hegel qui ne reposait sur aucune base scientifique. L’ouvrage Histoire générale de l’Afrique va être publié en huit volumes à partir de 1980 avec cette nouvelle donne.
Après le Colloque du Caire et la publication de cet ouvrage, on pouvait penser que le débat était clos. Que non ! L’hostilité à l’égard des thèses de Cheikh Anta en France ne connaît pas de répit.
L’Antillais Jean Yoyotte, professeur au Collège de France, présenté comme égyptologue, l’attaque agressivement : Cheikh Anta Diop était un imposteur. Un égyptologue incapable de lire le moindre hiéroglyphe. Son œuvre est nulle, remplie d’erreurs. Il dit tout cela dans une interview avec des propos d’une extrême incohérence. Lui, l’idée d’indépendance des Antilles de ses ancêtres ne l’a jamais effleuré.
L’université française était pourtant bien représentée à ce colloque par Jean Devisse, Jean Vercoutier, Nicole Blanc et Jean Leclant. Aucun de ces éminents spécialistes n’a tenu de tels propos sur Cheikh Anta. Celui-ci troublait leurs convictions antérieures, mais ils le respectaient. Il se trouve seulement qu’il n’est pas aisé pour un professeur au bord de la retraite de remettre en cause ce qui lui a été enseigné et qu’il a lui-même enseigné durant des décennies.
Toute œuvre est sujette à des critiques. Mais pourquoi attendre que l’auteur dont on est contemporain ne soit plus là pour lui adresser des critiques condamnées à être sans réponses de sa part ? Comme le fait cet autre, Alain Froment dans les années 1990 avec son article ‘’Science et conscience : le combat de Cheikh Anta Diop’’, avec ces propos : des préjugés dans la recherche du passé africain ; des procédés discutables ; des affirmations sans preuves ; des concepts ambigus ; la tentation raciste. Cheikh Anta serait un raciste ? L’historienne française spécialiste de l’Afrique Catherine Cokery-Vidrovitch porte à Froment une réplique cinglante dans la même revue Cahiers d'Etudes Africaines, 1992.
Comment se fait-il que ces ‘’éminents égyptologues’’ n’aient pas été invités au Colloque du Caire qui avait réuni les plus grands spécialistes mondiaux de l’égyptologie ? Pourquoi n’ont-ils pas attaqué Cheikh Anta de son vivant ? Pourquoi n’ont-ils pas été aussi irrespectueux à l’égard des scientifiques français qui ont établi que les anciens Egyptiens étaient noirs, remarquablement civilisés et pénétrés de sciences ? Ils n’ont eu que des réactions épidermiques, n’ont lancé que des procès d’intention, prêtant à leur adversaire (ou ennemi) des motivations inavouables.
La démarche scientifique de Cheikh Anta Diop
Après avoir écrit Nations nègres et culture, Cheikh Anta Diop ne prétend pas fermer la porte à des précisions à apporter à cet ouvrage : l’ensemble du travail n’est qu’une esquisse où manquent toutes les perfections de détail. Il était humainement impossible à un seul individu de les y apporter : ce ne pourra être que le travail de plusieurs générations africaines. Nous en sommes conscients et notre besoin de rigueur en souffre : cependant les grandes lignes sont solides et les perspectives justes (p. 29-30, tome 1, ed. 1979).
Il est du devoir intellectuel de ceux qui se considèrent comme ses disciples de répondre à cet appel à s’activer sur ces pointillés qu’il a tracés.
Le substrat préexistant
Cheikh Anta n’a rien inventé. Et il le précise bien dans la préface de la première édition 1954 : Cet ouvrage n’est pas une « invention » de données. L’invention doit être distinguée de la découverte. On invente quelque chose qui n’existait pas, on découvre quelque chose qui existait. Il s’est lui, inscrit dans la découverte. Il n’est pas parti creatio ex nihilo, c’est-à-dire de rien. Il est parti creatio ex materia, c’est-à-dire création à partir d'un substrat préexistant conçu autour de deux éléments : le premier est constitué par les écrits d’auteurs anciens et modernes qu’il cite abondamment en plus des travaux archéologiques. Ces auteurs, historiens et anthropologues n’étaient préoccupés que par le constat scientifique de l’antériorité des civilisations nègres, sans s’impliquer dans la quête d’indépendance des peuples africains colonisés. La vérité scientifique était leur seule motivation.
Le second élément est constitué par les partisans de la thèse ‘’’l’Afrique a été colonisée pour être civilisée’’.
Qui sont ces colonisateurs des esprits ? Cheikh Anta n’en cite qu’un seul : Gobineau, qui n’a fait que disserter sur les thèses négrophobes de ses prédécesseurs pour conclure que les Noirs n’avaient que des dons artistiques. Cheikh Anta ne parle d’ailleurs de Gobineau que lorsqu’il reproche à Senghor de s’être inspiré de celui-ci pour dire que l’émotion est nègre, la raison est hellène. En fait, Senghor avait pastiché Aristote qui disait que la femme est centre d’émotion et l’homme centre de raison.
Les mentors négrophobes de Gobineau comme Montesquieu, Voltaire, Victor Hugo, Albert Sarraut, Jules Ferry, Paul Broca et ses disciples de la Société d’Anthropologie de Paris (SAP) ne sont pas mentionnés dans Nations nègres … même pas dans la bibliographie. C’est en se plongeant dans leurs élucubrations négrophobes qu’on arrive à mieux comprendre le bien-fondé du projet de Cheikh Anta en écrivant ce livre.
La SAP a été créée par Paul Broca comme un laboratoire de ‘’racisme scientifique’’. Elle utilise des méthodes anthropométriques comme la craniométrie avec l’usage d’un goniomètre pour mesurer la taille du cerveau. Elle utilise aussi la phrénologie (science du cerveau) pour établir que les circonvolutions du cerveau du Nègre sont différentes de celles du cerveau du Blanc. Pour démontrer ‘’scientifiquement’’ l’infériorité intellectuelle du Nègre qui est d’une race inférieure.
La SAP créée en 1859 est reconnue d’utilité publique par le ministère de l’Instruction publique qui lui alloue des fonds en plus de ceux de mécènes libéraux intéressés. C’est un instrument utilisé sous la Troisième République pour l’entreprise coloniale de la France avant la Conférence de Berlin de 1885 du partage de l’Afrique.
L’esprit scientifique : Gaston Bachelard
Dans les années 1940, étudiant en philosophie à La Sorbonne, Cheikh Anta a eu comme professeur Gaston Bachelard qui y a enseigné la philosophie de 1940 à 1954.
Les biographies sommaires de Cheikh Anta mentionnent cette étape de son parcours universitaire. Et c’est tout. N’y a t-il pas quelque rapport entre ces cours et les écrits de Cheikh Anta Diop ?
Lorsque Cheikh Anta commence à écrire, Bachelard (1884 – 1962) avait déjà publié trois de ses ouvrages :
- Le Nouvel Esprit scientifique, 1934 ;
- La Formation de l'esprit scientifique. Contribution à une psychanalyse de la connaissance objective, 1938 ;
- La Philosophie du non : essai d'une philosophie du nouvel esprit scientifique, 1940.
Le concept présent dans ces trois ouvrages est ‘’esprit scientifique’’. Il renvoie à la connaissance scientifique objective, avec la qualité qui doit être celle de l’intellectuel chercheur. Mais il peut arriver que celui-ci s’arcboute à ses connaissances antérieures, les jugeant immuables, victime de ce que les psychosociologues appellent ‘’phénomène de résistance au changement’’. C’est parce que, dit Bachelard, l'esprit aime mieux ce qui confirme son savoir que ce qui le contredit. Alors que pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S'il n'y a pas eu de question, il ne peut y avoir de connaissance scientifique. La démarche intellectuelle du chercheur est, dit Bachelard, de sortir l’esprit de l’enfance, rendre à la raison humaine sa fonction de turbulence et d’agressivité. Ce faisant, le chercheur rencontre ce que Bachelard appelle des obstacles épistémologiques (l’épistémologie est la théorie de la connaissance) qui sont durs à éradiquer, car ils ont une consistance psychologique.
Bachelard propose des armes intellectuelles de bombardement de ces obstacles à la connaissance scientifique : rupture, brisure, césure, coupure, fracture. Pour Bachelard l’histoire des sciences ne se fait pas dans la continuité mais dans la discontinuité. En cela, il se distingue de l’autre philosophe français Henri Bergson (1859 -1962) partisan de la continuité. C’est par questionnement, en rectifiant des erreurs qu’on arrive à la connaissance scientifique. C’est la coupure épistémologique qui permet de passer d’un raisonnement à un autre. Il s’agit en fait de régler des comptes avec une conscience philosophique d’autrefois comme disait Marx dans son cas personnel.
Cheikh Anta est parti de ces écrits antérieurs en leur appliquant ce que j’appelle ‘’la méthode Bachelard’’. Le terme esprit fréquent chez Bachelard vient aussi dans les propos de Cheikh Anta qui parle de colonisation des esprits.
Il démonte ainsi le vieux paradigme de la falsification de l’histoire selon laquelle l’Afrique aussi noire que la couleur de ses habitants, plongée dans les ténèbres a été colonisée pour lui apporter la civilisation.
Lorsque le 9 janvier 1960, il soutient, à la Sorbonne, sa thèse de Doctorat d’État ès Lettres L’Afrique noire précoloniale et L’unité culturelle de l’Afrique noire, il met au début du manuscrit cette dédicace :
A mon Professeur Gaston Bachelard, dont l’enseignement rationaliste a nourri mon esprit.
Encore le mot ‘’esprit’’. La dette intellectuelle de Cheikh Anta Diop à l’égard de Gaston Bachelard n’a pas encore été bien mise en évidence. Louis Althusser, Pierre Bourdieu, Michel Foucault avec son livre L’Archéologie du savoir (1989) sont présentés comme des héritiers de Gaston Bachelard. Cheikh Anta Diop doit être ajouté sur la liste au plan de la méthode.
Deux écrits postérieurs à Cheikh viennent ajouter à une meilleure compréhension de Nations nègres et culture.
L’idéologie scientifique : Georges Canguilhem
L’un est celui d’un autre intellectuel français proche de Bachelard dont il se veut le continuateur. Il s’agit de Georges Canguilhem (1904-1962), philosophe, historien des sciences et médecin. Canguilhem propose le terme idéologie scientifique dans un ouvrage de 1977 Idéologie et rationalité dans l'histoire des sciences de la vie. Ce qui déroute dans la mesure où les termes ‘’idéologie’’ et ‘’science’’ sont généralement conçus comme antinomiques, contradictoires.
Canguilhem définit l’idéologie scientifique comme une pensée préscientifique’, qui n’est rien d’autre qu’une aventure intellectuelle antérieure à la science qui elle, se constitue en passant par des exigences méthodologiques. L’idéologie scientifique est ainsi une sorte de proto-science, c'est-à-dire une science non encore arrivée à maturité. Ce qui fait qu’elle est pénétrée par des idées et des valeurs qui lui sont étrangères, mais qui en retour légitiment les pratiques sociales et l'ordre politique et économique.
Ce livre de Canguilhem est publié 17 ans après Nations nègres…, mais il vient en appui à la démarche de Cheikh Anta qui dénonce ceux qui se couvrent du manteau de la science. Ils sont partis du postulat de l’infériorité des nègres pour essayer d’en faire une démonstration scientifique.
On peut ainsi comprendre que la littérature négrophobe et les écrits pseudo-scientifiques de la Société ‘Anthropologie de Paris relèvent de l’idéologie scientifique. Leurs préjugés et leurs convictions sur les Noirs et sur l’Afrique ont été la cible de Cheikh Anta dans une démarche scientifique et non dans une réaction émotionnelle.
D’un paradigme à l’autre : Thomas Kuhn
L’autre écrit qui vient en appui à une meilleure compréhension de Nations nègres et culture est le livre de l’Américain Thomas Samuel Kuhn, historien des sciences, La structure des révolutions scientifiques, 1962.
Le terme paradigme d’origine grecque signifiant modèle ou exemple est remis à l’honneur par Kuhn. Il reconnaît avoir été frappé par le nombre et l’étendue des désaccords entre spécialistes des sciences sociales. Ce qui l’a amené au concept de paradigme. Il définit le paradigme comme ce qui est partagé par les membres d’une communauté scientifique, et la communauté scientifique est constituée par ceux qui partagent un paradigme. Le paradigme est ainsi une certaine façon de penser.
Mais, ajoute Kuhn, lorsque par la suite, un paradigme est confronté à des problèmes qu’il ne peut résoudre, qu’il est contesté, il cède la place à un nouveau paradigme On passe ainsi d’un paradigme à l’autre. Ce que Cheikh Anta a fait.
Cheikh Anta par son parcours universitaire peu commun (Philosophie, Histoire, Linguistique, Mathématiques, Physique, Chimie) ne peut pas comprendre la thèse de l’infériorité intellectuelle du nègre. Combien d’intellectuels occidentaux pouvaient se prévaloir d’un tel background intellectuel ? Il estime qu’il est lui-même le produit d’un héritage ancestral. La condition de l’homme africain est au centre de ses préoccupations. Il l’exprime clairement dans son dernier livre Civilisation ou barbarie de 1981 :
L’Africain qui nous aura compris est celui-là qui après la lecture de mes ouvrages aura senti naître en lui un autre homme, animé d’une conscience historique, un vrai créateur, un Prométhée porteur d’une nouvelle civilisation et parfaitement conscient de ce que la terre entière doit à son génie ancestral dans tous les domaines de la science, de la culture et de la religion.
Cheikh Anta se situe ainsi dans ce que l’écrivain communiste Louis Aragon appelait la rééducation de l’homme par l’homme en le sortant des forces des ténèbres. Dans le cas de l’Afrique, les ténèbres ont été installées par le colonialisme après l’esclavage pour inférioriser l’homme africain.
Sans l’exprimer, Cheikh Anta Diop nourrissait le rêve de voir les jeunes Africains dans leur grande majorité se hisser à la hauteur de la densité intellectuelle pluridisciplinaire qui était la sienne, lorsqu’il leur lançait : Armez-vous de science jusqu’aux dents !
SERIGNE GUÈYE DIOP DÉVOILE SA FEUILLE DE ROUTE POUR 2025
Parmi les axes prioritaires figurent la fusion de l’industrie et du commerce, la protection du tissu industriel national et la transformation des produits locaux pour réduire la dépendance aux importations.
Le ministre de l’Industrie et du Commerce, Serigne Guèye Diop, a décliné, hier, au Centre international de conférences Abdou Diouf (Cicad) de Diamniadio, la feuille de route de son ministère. C’était à l’occasion de la traditionnelle cérémonie de présentation de vœux et d’annonces des différents programmes et projets du ministère pour l’année 2025.
Lors de la présentation de sa feuille de route pour 2025, hier au Cicad, Serigne Guèye Diop a rappelé le rôle central de son ministère, celui de l’Industrie et du Commerce, dans la mise en œuvre du nouveau référentiel des politiques publiques : Agenda de transformation du Sénégal à l’horizon 2050. Pratiquement tous les quatre moteurs de croissance énumérés dans cette vision relèvent de son ministère, à savoir le secteur extractif (le pétrole, le gaz, les phosphates), celui de l’industrie agroalimentaire, les manufactures et les services.
Il précise que tant que ces moteurs ne seront pas allumés, notre pays va continuer à importer l’équivalent de 7 000 milliards de FCfa, soit 2500 produits chaque année. Pour renverser la tendance, Serigne Guèye Diop souligne que son ministère a un rôle crucial à jouer pour la transformation des produits locaux afin de favoriser la création de valeur. Pour ce faire, le ministre a annoncé des mesures consistant à fusionner en interne les entités de l’industrie et du commerce. Le but est d’avoir plus d’efficacité dans le développement et la protection du tissu industriel qui demeure pour le moment embryonnaire. Fusion de l’industrie et du commerce Serigne Guèye Diop constate que la cartographie du tissu industriel est polarisée autour du triangle Diamniadio-Thiès-Mbour. En dehors de ce triangle, observe-t-il, c’est le néant en matière d’industrie.
« Comment peut-on développer un pays qui n’a pas d’usines ? », s’interroge-t-il. De ce fait, il s’inspire des modèles japonais et chinois qui ont fusionné ces deux entités. Le ministre assigne au secteur du commerce la régulation de ce qui rentre dans notre pays en termes de produits finis et de faire en sorte que tous les produits du pays soient protégés. « Il va falloir qu’on protège notre embryon de tissu industriel et qu’on le développe. C’est le rôle des agropoles et de l’Agence d’aménagement et de promotion des sites industriels [Aprosi] », défend Serigne Guèye Diop. Pour la réussite de cette ambition, le ministère s’appuie sur deux leviers : le commerce et l’industrialisation.
UN LICENCIEMENT COLLECTIF EN VUE APRÈS LA FERMETURE DES BASES MILITAIRES FRANÇAISES
Dans une notification adressée à l’Inspecteur Régional du Travail, les EFS ont confirmé que 162 employés en contrat à durée indéterminée, dont 12 délégués du personnel, seront licenciés à compter du 1ᵉʳ juillet 2025.
Les bases militaires françaises au Sénégal fermeront définitivement leurs portes, entraînant un licenciement collectif du personnel sénégalais employé par les Éléments Français au Sénégal (EFS). Cette décision fait suite aux annonces du président de la République du Sénégal, lors de ses discours du 28 novembre et du 31 décembre 2024, affirmant la fin de toute présence militaire étrangère sur le sol sénégalais dès 2025.
Dans une notification adressée à l’Inspecteur Régional du Travail, les EFS ont confirmé que 162 employés en contrat à durée indéterminée, dont 12 délégués du personnel, seront licenciés à compter du 1ᵉʳ juillet 2025.
Face à cette situation, les EFS sollicitent l’accompagnement des autorités compétentes, notamment pour les autorisations nécessaires dans le cadre de cette cessation d’activité. Ils invoquent un cas de force majeure, lié à la mise en œuvre des décisions prises au plus haut sommet de l’État sénégalais.
Ce licenciement collectif marque une nouvelle étape dans le processus de retrait des forces françaises du Sénégal, après plusieurs décennies de présence militaire dans le pays.
Cependant, cette décision risque de plonger plusieurs familles dans le désarroi, en raison de la perte de leurs emplois. D’où la nécessité pour l’État de prendre en charge cette question sociale.
LA RÉVOLUTION LINGUISTIQUE SILENCIEUSE
"Notre société nous commande de parler dans nos langues" : Abdourahmane Diouf défend l'usage des langues nationales alors qu'un récent débat budgétaire en wolof à l'Assemblée témoigne d'une transformation profonde dans les institutions sénégalaises
(SenePlus) - Une transformation silencieuse mais profonde est en train de s'opérer au sein des institutions sénégalaises, comme en témoigne une scène remarquable qui s'est déroulée récemment à l'Assemblée nationale. Lors de son intervention dans l'émission "Belles Lignes" du jeudi 6 février, le ministre de l'Enseignement supérieur Abdourahmane Diouf a mis en lumière un phénomène qui illustre parfaitement comment la société civile devient le moteur du changement linguistique dans le pays.
"La société ambiante est en avance sur nos institutions", a déclaré le ministre, expliquant comment les citoyens poussent naturellement vers l'utilisation des langues locales. Cette pression sociale s'est manifestée de manière éclatante lors des récentes sessions parlementaires consacrées à l'étude du Budget. Pour la première fois, les débats se sont déroulés presque entièrement en wolof, y compris pour des discussions techniques complexes que "même les intellectuels francophones qui ne sont pas érudits sur les questions de finances publiques ne pourraient comprendre."
Cette évolution répond à une demande sociale profonde : "Notre société nous commande de parler dans nos langues, nos sociétés nous exigent de parler dans nos langues pour se faire comprendre", souligne le ministre Diouf. L'utilisation du wolof à l'Assemblée a permis une démocratisation réelle des débats, rendant les discussions budgétaires accessibles à tous les députés et, par extension, à l'ensemble de la population.
Le contraste entre cette réalité sociale et le cadre institutionnel hérité de la colonisation est saisissant. Le ministre rappelle que la constitution sénégalaise reste largement inspirée de "la cinquième république de De Gaulle", créant ce qu'il qualifie de "constitution halogène qui ne retranscrit pas nos réalités." L'exemple le plus frappant de ce décalage reste l'obligation constitutionnelle de maîtriser le français pour accéder à la présidence de la République, une règle qui exclut de fait de nombreux citoyens compétents.
Cette avancée à l'Assemblée nationale illustre comment la pression sociale peut faire évoluer les pratiques institutionnelles, même en l'absence de changements constitutionnels formels. C'est la société civile qui, par sa pratique quotidienne et ses exigences de compréhension, pousse les institutions à s'adapter et à reconnaître la légitimité des langues nationales dans la sphère publique.
Ce mouvement de fond pourrait préfigurer des changements plus profonds dans l'organisation institutionnelle du pays. Comme le suggère le ministre, la société sénégalaise montre qu'elle est prête pour une transformation plus radicale de ses institutions, afin qu'elles reflètent mieux la réalité linguistique et culturelle du pays.
Par Baba DIENG
DIOMAYE-SONKO, DEUX MARCHANDS DE CAUCHEMARS AU SERVICE DU DESESPOIR
Le Sénégal est dramatiquement devenu un pays où le rêve -ce moteur des sociétés humaines-, à cause de ses dirigeants, n’est plus permis. Tout participe à son abandon. Les utopies ne libèrent plus, elles enchaînent
Le Sénégal est dramatiquement devenu un pays où le rêve -ce moteur des sociétés humaines-, à cause de ses dirigeants, n’est plus permis. Tout participe à son abandon. Les utopies ne libèrent plus, elles enchaînent. C’est désormais une «grande nuit» qui s’annonce, avec les hantises de sa pénombre. Les temps sont durs. Et nos dirigeants, qui nous vendaient le «miracle» il y a à peine quelques mois, sont déterminés à nous le faire comprendre. Nos imaginaires de décollage économique spectaculaire sont à nouveau calfeutrés. Nos peurs et inquiétudes, elles, par contre, émergent.
L’antienne de l’apocalypse est aujourd’hui de mise : «Il n’y a rien sous nos tropiques.» L’indigence est notre seconde nature. Rien n’est plus efficace que cette rengaine désespérante pour momifier nos énergies. Là où il n’y a pas d’espoir, dit Camus, il faut l’inventer. Car, sans espoir, nos forces sont en hibernation.
Rêver dans un pays en ruine ? Pas si facile… L’émigration circulaire -ce subterfuge aux allures d’un aveu d’incompétence de ces gens-là, chantres d’un souverainisme forcené- est là pour nous en donner une idée claire : les jeunes, nos vaillants bras, veulent partir, et l’Etat ne s’y oppose pas ! Abass Fall, comme Ulysse de retour à Ithaque, a fièrement brandi l’accord qu’il a obtenu pour exporter, au Qatar, une bonne partie de nos têtes bien faites. L’Espagne et ses travaux champêtres, eux, sont convoités et font rêver.
Le Premier ministre, toujours paré de ses atours d’opposant, avait déclaré, à la stupéfaction générale, que le pays est au fond du gouffre, que nos chiffres sont falsifiés. En termes clairs : il n’y a rien dans le Sénégal dont ils ont hérité ; tout a été gaspillé, bradé, volé, truqué. Un pays en décombres. Et qu’il faudra serrer la ceinture, car la marche vers le progrès économique sera longue et inextricable.
Nous étions en train de ruminer la déclaration cauchemardesque du Pmos avant que le Président Diomaye, lui aussi, s’invite au drame : l’Etat est financièrement asphyxié jusqu’à l’évanouissement. Mais que son train de vie, lui, ne se refuse rien. Aporie ! Il a déploré ceci : «D’abord, un Etat contraint dont les marges de manœuvre budgétaire et financière n’existent quasiment plus, une Administration républicaine, mais manquant de cohérence et figée dans des schémas dépassés, alors même que les réalités socio-économiques évoluent rapidement, marquées notamment par la transformation numérique et l’essor de l’Intelligence artificielle.» Diomaye aime les mauvaises nouvelles, il se «lamente», dira un esprit peu fréquentable.
Récemment, et très exceptionnellement, l’on a eu droit, de la part du Pmos, à une bonne nouvelle : 60 projets de transformation systémique du pays vont sortir de terre. Fait-il du Mao ou du Wade ? C’est toujours appréciable, en tout cas, de donner aux gens des raisons d’espérer de meilleurs futurs. La politique, c’est aussi l’art de transformer des préoccupations en espoirs.
L’espoir, c’est comme le pain, il est vital. Il faut le garder en lieu sûr, à l’abri de ce qui peut le corrompre ou le travestir. Ce travail se fait dans la production d’imaginaires, par le truchement de discours.
L’exigence de vérité et de transparence doit cohabiter en bons termes avec la nécessité de maintenir l’espoir. Le «lexique d’optimisme officiel» dont parle Armand Farrachi est parfois salvateur, surtout pour cette jeunesse si tentée par l’ouverture de nouvelles utopies, celles émancipatrices. Vendez-nous du rêve, de l’espoir ! C’est ce dont nous avons besoin. Soyez des «marchands de rêves», et non de cauchemars : sic itur ad astra !
RAP’ADIO RESSUSCITE
25 ans. 25 longues années d’attente. C’est le temps que les fans du mythique groupe de rap Rapadio ont passé à guetter la sortie d’un opus. L’attente se conjugue au passé. Ci Laytay Bassi Bammel (de la couche à la tombe) est sorti il y a une semaine
Il y a des histoires sans fin. Et celle de Rapadio en fait partie. Ada Knibal, Gun Mor, Julio l’Absolu et Meuz Goren ont décidé de perpétuer l’héritage. Ils ont mis sur le marché un nouvel album. Le message envoyé est que le mythique groupe de rap est un patrimoine qui ne doit pas disparaître, d’où le titre «Ci Laytay Bassi Bammel,», présenté en concert hier soir à Sorano. Qui va être présenté en concert ce soir à Sorano.
25 ans. 25 longues années d’attente. C’est le temps que les fans du mythique groupe de rap Rapadio ont passé à guetter la sortie d’un opus. L’attente se conjugue au passé. Ci Laytay Bassi Bammel (de la couche à la tombe, en wolof) est sorti il y a une semaine. Sur les 14 titres qui le composent, Ada Knibal, Gun Mor, Julio l’Absolu et Meuz Goren vont perpétuer l’héritage tout en s’efforçant d’y apporter une touche nouvelle. Le titre est assez illustratif du concept qui a été à la base de cet opus. En effet, l’objectif est de faire savoir au public que Rapadio est un patrimoine culturel qui va traverser le temps. Certes les précurseurs ne sont plus dans le «game», mais Rapadio va continuer à rayonner.
Ainsi, la couleur musicale reprend les codes des années 90 sur un beat dépoussiéré pour rester dans son époque. Ci Laytay Bassi Bammel ne se décrit pas. Il s’écoute. Et ceux qui ont fait le déplacement, ce soir au Théâtre Daniel Sorano, en auront eu le cœur net. Ils y verront vu du Rapadio réactualisé. Les titres du projet sont ceux des deux albums du groupe Rapadio, notamment Kara Dindi, Soldarou Mbedd, Li guddi gi murr, Tewal Real hip-hop, Life in da Jungle…, tout en excluant les titres solos. «En marge de l’alternance politique, accorder une plus grande place à l’art et aux artistes dans notre vie quotidienne devrait être une préoccupation constante des plus hauts responsables de l’Etat», plaide l’équipe qui pilote le projet.
A l’origine, quatre jeunes hommes
Créé en 1992 par quatre jeunes à l’orée de la vingtaine : Dëgg Iba, Kool Te Meuneu Dem (KTMD), abrégé en Keyti quelques années plus tard, Cool Koc Sis et Mc Wakh, le groupe Ňuul Te Rapadio se crée rapidement une petite notoriété dans l’underground dakarois. Puis il se fait remarquer auprès du grand public avec deux hits, Lady Sinaï et Rang bi Dematoul, sortis dans le projet de compile «Senerap 2», produit en 1995 par des pionniers du hip-hop au Sénégal, Positive Black Soul (PBS). Le groupe a su résister aux deux départs survenus moins d’un an après sa création. Il s’agit des départs de Koc Sis, pour rejoindre «Pee Froiss», et Mc Wakh, qui est parti poursuivre des études dans une université française. C’est autour du noyau dur Dëgg Iba et Keyti que se construira la légende. Si le titre Lady Sinaï, du nom de la rappeuse qui les rejoint en 1995, flirte avec le rythme reggae, qui fait fureur à Dakar, c’est par un retour à l’essence même du hip-hop que le groupe acquiert ses titres de noblesse : thèmes innovants, textes acérés, beats rugueux et flows puissants. Les rappeurs sont ainsi devenus des références d’une jeunesse paupérisée par la dévaluation du franc Cfa et les crises (scolaire, sociale et économique) qu’elle a entraînées. Ils sont également les héros des quartiers populaires dont ils dépeignent fidèlement le quotidien. Lady Sinaï, Braham T et Big Moz ont successivement renforcé le groupe. Mais, c’est une recrue de taille qui va donner à Rapadio une autre dimension. Daddy Bibson, transfuge de Pee Froiss, apporte sa notoriété et son style incandescent à l’album «Ku Weet Xam sa Bopp», sorti le 18 août 1998.
Cet ovni musical connaît un début fulgurant. Toutes les copies sont épuisées moins d’une heure après la sortie. Plusieurs dizaines de milliers de copies s’écoulent en quelques semaines. L’animateur star de la télévision nationale, Moïse Ambroise Gomis, ne peut s’empêcher de s’extasier devant ce succès musical et commercial dans son émission Midi Première : «Je ne sais pas qui sont ces artistes, mais les cassettes de Rapadio se vendent comme des petits pains.» Des tubes retentissants, notamment dans «Xibaaru Underground», leur titre d’ouverture, aliènent à jamais une partie des ténors du hip-hop qu’ils ont égratignés, tous sans exception. Le style disruptif inquiète les anciennes générations. Ce qui constitue une rupture dans la direction de la création hip-hop et impulse une nouvelle dynamique. Mais les B. Boys se régalent. Les artistes, qui arborent la cagoule pour leurs sorties, sont les anonymes les plus célèbres de Dakar. Des concerts d’anthologie ont lieu à travers le Sénégal jusqu’en Mauritanie.
Le départ de Daddy Bibson, vite remplacé par Makhtar Le Kagoulard, n’empêche pas une collaboration fructueuse entre lui et ses anciens acolytes du groupe qui a pris le nom de Rapadio, plus court et aisé à prononcer. Après des collaborations remarquées sur l’album, Frères ennemis, Gunman Xuman et surtout l’indépassable «100 commentaires», Rapadio sort une masterclass avec son second album «Soldaaru Mbedd» aujourd’hui, en passant le témoin à une jeune génération tout aussi talentueuse, le groupe roule vert l’immortalité.
JE PREPARE UN LIVRE SUR ABDOULAYE WADE ET LE PDS
L’ancien patron du Groupe Avenir communication revient sur l’expérience tirée de son escapade en politique, ses relations avec Macky Sall et Amadou Ba, l’actuelle gouvernance, ainsi que ses nouvelles occupations et les ambitions qu’il nourrit pour son pay
Dans cette seconde et dernière partie de l’entretien qu’il a accordé au journal Le Quotidien, l’ancien patron du Groupe Avenir communication revient sur l’expérience tirée de son escapade en politique, ses relations avec Macky Sall et Amadou Ba, l’actuelle gouvernance, ainsi que ses nouvelles occupations et les ambitions qu’il nourrit pour son pays.Vous êtes allé aux élections sur la liste «Jamm ak Njerign» dirigée par Amadou Ba. Néanmoins, étant 15ème sur la liste, vous n’aviez pas beaucoup de chances d’être élu, au vu de la dispersion des candidatures dans l’opposition. N’avez-vous pas eu le sentiment que les gens ont utilisé votre renommée et votre réputation, et fait de vous juste un faire-valoir ?
Par rapport aux investitures pour ces élections législatives, j’avais pour ligne de conduite de ne rien demander, rien exiger. J’ai laissé la latitude aux responsables de la coalition, notamment Amadou Ba et ses collaborateurs, de procéder aux investitures. J’avais indiqué clairement que j’étais candidat et m’engageais à être candidat, quelle que soit la position. J’ai découvert ma position d’investiture au même titre que tous les Sénégalais. Peut-être que j’aurais pu avoir une meilleure prétention que celle-là, mais c’était pour moi une première expérience. D’autant plus que j’aurais pu penser que cette investiture à cette 15ème place que vous soulignez, aurait pu être une motivation pour les électeurs, qui souhaitaient me voir siéger, pour me donner assez de voix pour être élu. Cela n’a pas été le cas, et c’est une expérience que je note.
L’autre leçon à tirer de cet engagement politique, est ce que je pourrais appeler la vénalité des acteurs politiques. J’ai pu comprendre qu’il faudrait peut-être que l’on songe à faire la politique autrement. Ne pas faire la politique pour la simple recherche de sinécure ou de recherche d’opportunités, de possibilités d’enrichissement ou de promotion personnelle. Dans des situations comme celles-là, d’aucuns sont plus préoccupés par leur situation politique, par leur carrière, leur devenir ou par leur confort personnel, plutôt que par l’intérêt général. Certains sont incapables de s’élever sur une dynamique commune. De ce point de vue-là, l’égoïsme des gens a beaucoup pesé, et c’est une des leçons que je retiens de la politique. Nous devrions travailler à faire en sorte que la politique ne soit pas un métier, que nous fassions de sorte que les gens puissent se valoriser autrement et ne pas faire de la politique leur métier, et que quand on entre en politique, on porte des causes justes et avec la conviction et la volonté de servir l’intérêt général. Ce mauvais esprit m’avait d’ailleurs poussé, vous pouvez l’avoir remarqué, à battre campagne en solo, de mon côté, en gardant mon identité propre, sans trop participer à des groupes au sein desquels la loyauté et la bonne camaraderie n’étaient que de façade.
Il faut aussi dire que les acteurs politiques, notamment de l’opposition, dans laquelle nous étions, n’ont pas su transcender leurs clivages, leurs antagonismes ou leurs petites mesquineries personnelles, pour les mettre en-dessous de l’intérêt général, ce qui, peut-être, n’avait pas permis de constituer une liste commune de l’opposition pour ces Législatives. Je crois que si l’opposition était partie unie, en unissant ses forces, en faisant preuve de générosité, on aurait pu obtenir mieux que les résultats de novembre 2024.
Vous vous êtes toujours vanté urbi et orbi, de vos relations d’amitié avec l’ancien Président Macky Sall qui, lui, a dirigé la liste «Takku Wallu». Beaucoup de gens n’ont pas compris votre choix de ne pas aller sur la liste qu’il dirigeait.
J’étais plus en phase avec Amadou Ba, et je trouvais sa liste plus crédible que la liste dirigée par Macky Sall, et la candidature de Amadou Ba plus crédible que celle de Macky Sall. La preuve, j’avais clairement dit que Macky Sall ne siégerait pas à l’Assemblée nationale, que ce serait une candidature qui n’aurait pas de sens et serait perdue d’avance. Je l’avais même dissuadé, en vain, de poser cette candidature. Moi, j’ai assumé mes propos de ce point de vue-là. Je lui ai dit qu’être candidat, ce serait diviser les voix de l’opposition. Je l’avais dit publiquement, et c’est ce qui est justement arrivé. Je pense que s’il n’y avait pas la candidature de Macky Sall, pour diviser les voix de l’opposition, certainement que celle-ci aurait pu avoir un meilleur score à ces élections législatives. A l’analyse, cette candidature était faite contre Amadou Ba.
Et puis, quand on parle de relations avec Macky Sall et Amadou Ba pour fonder mon choix, je crois qu’on ne doit pas déterminer l’engagement politique par des affinités personnelles. C’est important certes, mais cela ne détermine pas tout. Et même pour les affinités personnelles, je rappelle tout de même que j’ai connu Amadou Ba, et je l’ai pratiqué bien avant de connaître et de pratiquer Macky Sall. Nos relations n’ont jamais changé. Et cela est ressorti dans les livres que j’ai écrits sur Amadou Ba et sur Macky Sall. Donc, sur ce point-là, je suis à l’aise. D’autant plus que je garde des relations très franches et très amicales avec les deux. Ce qui me met à l’aise dans ces bons rapports avec les deux, c’est que j’ai le loisir de dire à l’un comme à l’autre, le fond de ma pensée, et de la manière la plus objective.
J’ai pour principe de m’interdire de dire devant Macky Sall ce que je ne souhaiterais pas que Amadou Ba apprenne. J’ai aussi la même posture de m’interdire de dire devant Amadou Ba ce que je craindrais que Macky Sall apprenne. Tous les deux le savent. Nous avons des rapports très francs, et même je n’hésite pas quand… même si je ne dis pas des vertes et des pas mûres à l’un comme à l’autre, mais je leur parle en toute franchise. Ils peuvent ne pas être d’accord avec ce que je leur dis. Mais Dieu a fait que je n’ai jamais fait, à l’un comme à l’autre, une recommandation qu’il ait eu à regretter par la suite. Au contraire, c’est parfois en ne suivant pas mes conseils que l’on s’est mordu les doigts.
On voit aujourd’hui, plusieurs acteurs politiques et même des hommes d’affaires, poursuivis ou rattrapés par des dossiers estampillés «Reddition des comptes». Que pensez-vous de ces poursuites, comme celles de Farba Ngom et d’autres, et de la manière dont elles sont menées ?
Je crois que la reddition des comptes est une chose nécessaire dans la démocratie et dans la gouvernance publique. Je l’encourage vivement et je pense que chaque fois que l’on a eu à gérer des deniers publics, que l’on puisse répondre de sa gestion. Il faut aussi que l’on puisse en tirer des leçons, pour qu’à l’avenir, s’il y a des failles ou des dérives, on puisse les corriger et faire des recommandations fortes. C’est le rôle des corps de contrôle et des juridictions qui s’occupent de ces questions-là. Le nouveau régime en place a tenté cela, c’est tout à fait logique et attendu. Ils ne pouvaient pas faire autrement. Mais nous sommes dans un Etat de Droit, et il faudrait respecter la légalité procédurale, et cela n’est pas toujours le cas. Je le regrette et le fustige. Si on prend le cas de Farba Ngom que vous avez cité, je reste sur ma faim de voir que l’on a pu lever l’immunité parlementaire d’un député sans que l’on n’ait donné le fond du dossier à la Représentation parlementaire, pour que les gens puissent analyser le bien-fondé de la procédure.
Ousmane Sonko avait fait l’objet de la levée de son immunité parlementaire, dans une législature antérieure. Je ne pense pas que les gens l’aient fait dans des conditions pareilles. Au contraire, il y avait un dossier, et les gens avaient eu des discussions de fond, il y avait des éléments d’enquêtes qui avaient été portés à l’attention des députés, qui votaient en connaissance de cause. Mais là, les députés ont voté à l’aveugle, et je ne crois pas que ce soit la bonne procédure. On aurait pu éviter la justice des vainqueurs. Du temps de Macky Sall, je l’avais dénoncé, concernant les poursuites contre Karim Wade devant la Crei, qui ne me semblaient pas pertinentes. Et j’avais trouvé que la Crei était une juridiction inique qui n’avait pas de raison d’être dans notre arsenal de Droit positif. Donc, j’étais sur des positions de principe, et ces mêmes positions de principe m’autorisent aujourd’hui à pouvoir dire qu’en toute chose il faut respecter la procédure et la légalité. C’est la responsabilité des hommes politiques, mais aussi des magistrats et des acteurs judiciaires.
Quid des indemnisations payées à des anciens détenus pour les évènements de 2021 et 2024 ?
C’est une aberration ! C’est une récompense versée à des voyous qui étaient envoyés casser des biens publics et privés, des vandales qui avaient pillé et tué, et avaient répondu à des appels publics à l’insurrection. Cela heurte la morale et le Droit. C’est comme une prime ou leur part d’un butin. Ces gens se présentent comme des héros et leurs victimes passent pour être les bourreaux. J’imagine le malaise qui doit traverser les Forces de défense et de sécurité et les magistrats qui avaient tenu pour préserver la République et l’Etat de Droit. J’ai entendu des gens essayer de se justifier affirmant que Macky Sall avait procédé de même pour indemniser des victimes des tragiques heurts de 2011. Je regrette, mais l’analyse et le bien-fondé ne sauraient être comparables. En 2012, il n’était pas question de soustraire à l’action de la Justice un homme que ses turpitudes et faiblesses avaient amené à commettre des actes punissables par la loi. Il reste que mes amis de l’Apr sont mal placés pour faire la leçon à qui que ce soit sur le sujet. Ce sont eux qui avaient porté cette loi d’amnistie et l’avaient votée, en dépit de la fine bouche de Pastef. Rappelez-vous que lors du vote de cette inique loi d’amnistie, le principe de l’indemnisation avait été clairement posé et retenu. Je vous renvoie à la déclaration devant les députés, de Me Aïssata Tall Sall, ministre de la Justice. Aujourd’hui, le régime Pastef fait ce que mes amis de l’Apr auraient sans doute fait sans état d’âme, s’ils étaient restés an pouvoir !
J’imagine qu’étant devenu maintenant écrivain, vous ferez un jour un livre sur vos escapades dans le Landerneau politique…
Vous faites bien de le dire. Je ne sais pas si c’est à titre de mon expérience personnelle ou pas, mais je suis en train de finaliser un livre sur le Président Abdoulaye Wade. L’année 2024 coïncide avec les 50 ans du Pds. Ce parti a été fondé le 31 juillet 1974, son premier congrès d’investiture s’est tenu en 1975 à Kaolack. Ces 50 ans du Pds sont un parcours assez éloquent qui mérite une analyse ou une rétrospective. En mars prochain, ce sera les 25 ans de l’accession de Wade au pouvoir. Ce sera une date-repère pour une analyse sur le parcours et la gouvernance du Président Abdoulaye Wade. C’est pour cela que j’ai entamé ce travail éditorial, qui est presque bouclé. Il me reste deux ou trois interviews de personnalités pour pouvoir publier à l’horizon du mois de mars, afin de caler avec l’anniversaire de l’accession de Abdoulaye Wade au pouvoir. C’est sur ce travail que je suis.
J’avais dit que je prenais du recul pour faire des livres. J’ai sorti un premier roman, sur l’émigration irrégulière, là je vais sortir un autre livre sur un sujet politique, ou comme vous dites, sur le Landerneau politique, et peut-être, plus tard, sur d’autres questions.
Qu’est-ce qui vous fait courir maintenant, Madiambal ? Vous avez connu plusieurs étapes dans votre vie, fonctionnaire de l’Etat, employé d’Ong, patron de presse, ayant pris du recul dans ce domaine, et maintenant vous vous lancez dans l’écriture. Y’a-t-il encore autre chose qui vous passionne ? Bon,… je suis un actif, peut-être un hyperactif.
Un oisif heureux ? (rires)
En tout cas, je suis quelqu’un qui travaille beaucoup, et je ne m’impose pas de limites. Je suis exigeant vis-à-vis de moi-même et de mes collaborateurs. Quand je fais quelque chose, je veux le faire bien. J’ai encore la force de travailler, de réfléchir et de participer à des choses utiles pour moi-même, pour ma famille et pour mon pays. Je vais les poursuivre, tant que j’aurais l’énergie nécessaire, la force et la clairvoyance nécessaires. J’entreprendrais des choses, qui peuvent réussir ou ne pas réussir. Mais c’est le propre de l’homme d’entreprendre, et je crois que j’ai l’esprit entrepreneurial, et je crois que c’est cet esprit qui m’a permis d’en arriver où j’en suis. C’est un parcours plein d’embûches, mais aussi plein de leçons, que je partage avec mes collaborateurs, et avec mes proches. Je suis sur des choses sur lesquelles je travaille, comme homme d’affaires, comme investisseur. Je suis aussi sur des travaux de recherche, sur lesquels je travaille actuellement avec des structures qui sont aux Etats-Unis. Cela m’occupe et me permet de participer à la vie publique de mon pays.