SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
13 août 2025
MULTIPLE PHOTOS
REVUE DE PRESSE DU 2 MAI 2025 : PACTE SOCIAL, TEMPETES JUDICIAIRES ET PASSIONS SPORTIVES
Entre promesses de paix sociale, tempêtes judiciaires, dynamiques politiques naissantes et attentes sportives, la presse sénégalaise reflète aujourd’hui une société en pleine mutation.
(SenePlus) Ce vendredi 2 mai 2025, les quotidiens sénégalais s’accordent à accorder une large place à l’actualité sociale marquée par la signature du Pacte de stabilité sociale et d’émergence économique entre le gouvernement et les principales centrales syndicales. Cet accord, censé garantir une trêve durable dans un contexte social souvent explosif, fait l’objet d’interprétations diverses dans la presse nationale. Parallèlement, une importante affaire de reddition des comptes secoue la classe politique et l’administration publique, pendant que le sport, toujours fédérateur, tente de ramener un peu de légèreté.
STABILITE SOCIALE : ENTRE ESPOIR ET SCEPTICISME
La cérémonie de signature du Pacte de stabilité sociale, hier à Dakar, a fait la une de la majorité des quotidiens. Le journal Le Soleil, fidèle à sa ligne institutionnelle, salue « Une signature de première main », mettant en avant l’implication directe du président Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko. Il s’agit, selon le journal, d’un engagement fort pour « pacifier le climat social » et favoriser l’émergence économique du pays.
Dans la même veine, Sud Quotidien titre : « Le PR Diomaye Faye s’engage », insistant sur la volonté politique d’inscrire ce pacte dans la durée. Le journal Yoor-Yoor fait écho à cet optimisme en affichant : « Le Président Diomaye s’engage – Le Premier ministre Sonko ratifie », montrant une alliance gouvernementale unie sur ce front social.
Mais la tonalité n’est pas uniforme dans la presse. WalfQuotidien opte pour une formule ironique et prudente : « Trêve de grève ! », laissant entendre que la paix sociale annoncée reste à vérifier sur le terrain. L’Enquête constate que « Les cœurs n’étaient pas à la fête », évoquant une ambiance pesante et un manque d’enthousiasme manifeste lors de la cérémonie.
Tribune, quant à lui, adopte une posture plus frontale avec un titre provocateur : « Le pacte de la trahison ». Le journal accuse certaines centrales d’avoir cédé aux sirènes du pouvoir au détriment des revendications profondes des travailleurs. Même Le Quotidien reste prudent : « OUI MAIS… », illustrant les réserves exprimées par certaines parties prenantes sur l'applicabilité réelle des engagements pris.
JUSTICE : UNE TRAQUE INEDITE DANS LES FINANCES PUBLIQUES
Autre dossier majeur : la justice sénégalaise lance une vaste opération de traque contre la mauvaise gestion des deniers publics. C’est L’Observateur qui sonne l’alerte : « La justice lance une traque inédite », en s’appuyant sur une lettre explosive de l’ancien président de la Cour des comptes adressée au Garde des Sceaux.
Le journal Libération entre dans les détails et annonce : « 450 dépôts de 20,787 milliards de Fcfa au cœur du dossier ». Le quotidien révèle que des centaines de documents ont été versés à l’enquête, mettant en cause plusieurs hauts responsables de l’ancien régime.
Dans Les Échos, les anciens ministres Ndèye Saly Diop et Moustapha Diop tentent de se défendre et « démontent tout », tout en dénonçant un « acharnement » et une « injustice » dans le traitement de leur dossier.
Ce grand déballage judiciaire ravive le débat sur la gouvernance passée et alimente les inquiétudes sur de possibles règlements de comptes politiques.
POLITIQUE : UN TANDEM DIOMAYE–SONKO SOUS SURVEILLANCE
Plusieurs quotidiens reviennent sur la relation entre le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko. SourceA titre avec une pointe de malice : « Sonko tout sucre, tout miel », suggérant une volonté de conciliation et d’harmonie au sommet de l’État. Cette entente cordiale, bien que saluée, reste sous la loupe des observateurs qui redoutent les premiers désaccords politiques d’envergure.
SPORT : DUEL SENEGALO-ESPAGNOL ET INCERTITUDES AUTOUR DE SADIO MANE
Sur le plan sportif, Record annonce un match très attendu : « Le Sénégal défie l’Espagne cet après-midi » en Beach Soccer. Une affiche alléchante qui mobilise les passionnés de ballon rond.
Mais une autre actualité sportive inquiète : celle de Sadio Mané, dont l’avenir semble compromis. Stades affiche à la une : « Sadio Mané se dirige vers une nouvelle saison blanche… ». L’attaquant vedette des Lions, blessé à plusieurs reprises, pourrait manquer une nouvelle fois les échéances majeures de l’année.
Malgré tout, Point Actu Sport garde l’espoir intact avec un titre plein d’optimisme : « Et si c’était enfin la bonne pour les Lions ? », évoquant la préparation de l’équipe nationale pour les prochaines compétitions.
CULTURE ET SOCIETE : EVENEMENTIEL ET MEMOIRE OUVRIERE
Rewmi People met à l’honneur les Cauris d’Or, un événement de référence dans le paysage culturel et entrepreneurial sénégalais : « L’épopée – Les derniers réglages d’un événement d’excellence ».
En revanche, Tribune adopte un ton sombre et revendicatif en publiant une image d’un cercueil symbolique avec ce titre fort : « Un cercueil pour symboliser la mort des travailleurs », dans un contexte post-1er mai, où les conditions de travail restent au cœur des préoccupations.
Babacar Korjo Ndiaye
LE TER DÉRAILLE
EXCLUSIF SENEPLUS - À quoi sert la vitesse si elle ignore la sécurité ? À quoi bon la modernité si elle abandonne les plus vulnérables ? Le TER, ce mercredi 30 mai, n’a pas juste raté un départ. Il a manqué un rendez-vous avec notre dignité
Mercredi 30 mai 2025, nous sommes montés à bord du TER aux environs de 17h30, à destination de Dakar. Le train était déjà bondé : toutes les places assises prises, et une foule debout, tassée dans les allées, dans une chaleur lourde. Ce qui devait être un symbole de modernité et de progrès allait se transformer en un calvaire collectif, révélateur des failles structurelles de notre service public.
À plusieurs reprises, les haut-parleurs nous informent de soucis techniques. Le TER finit par démarrer... avant de s’arrêter après à peine 600 mètres. Puis, il redémarre, pour s’immobiliser à nouveau, cette fois à plus d’un kilomètre de la gare de Diamniadio. Là, l’attente dure plus d’une heure, dans un silence pesant, ponctué de soupirs, de fatigue et de colère sourde.
Les portes restent verrouillées. Aucun urinoir. Aucune ventilation suffisante. Des femmes debout vacillent, des personnes âgées s’asseyent à même le sol, faute de mieux. Une femme enceinte a du mal à se déplacer jusqu’au wagon de première classe où l’on tente de la soulager – mais comment la faire redescendre de ce train immobilisé, sans passer par l’impossible ?
Finalement, le personnel décide de nous évacuer par la porte arrière du dernier wagon. Il faut marcher en sens inverse sur les rails, sous les fils électriques haute tension, sur des pierres coupantes, sans aucun chemin sécurisé, sans assistance médicale, sans communication claire.
Un TER à l’arrêt, sans plan B. Et si un incendie s'était déclenché ? Et si une urgence médicale s'était produite ? Que faire, dans cette zone inaccessible aux véhicules de secours ? Rien n’est prévu. Rien n’est pensé. On a construit le train mais oublié l’humain.
À la gare de Diamniadio, la SETER tente de se racheter en annonçant un remboursement des tickets. Un geste certes louable, mais dérisoire au regard de l’épreuve traversée. Car à la sortie, les passagers tombent dans un autre piège : celui des chauffeurs de clando, sans vergogne, qui triplent leurs tarifs, profitant de la détresse générale pour faire du chiffre.
Le TER devait être l’orgueil du Sénégal moderne. Il devient parfois le reflet d’une gestion hasardeuse, d’une absence de prévoyance, d’un service public où la dignité du citoyen est reléguée au second plan.
Ce n’est pas seulement un train qui a déraillé ce soir-là, c’est la confiance d’un peuple en ses infrastructures, l’idée même d’un progrès à visage humain.
À quoi sert la vitesse si elle ignore la sécurité ? À quoi bon la modernité si elle abandonne les plus vulnérables ? Le TER, ce mercredi 30 mai, n’a pas juste raté un départ. Il a manqué un rendez-vous avec notre dignité.
La presse italienne de droite soupçonne le président français de manœuvrer en coulisses pour influencer l'élection du prochain souverain pontife, ravivant les tensions diplomatiques entre Paris et Rome
(SenePlus) - À quelques jours du conclave qui débutera le 7 mai, une polémique enfle dans les médias italiens concernant une supposée ingérence d'Emmanuel Macron dans le processus de succession du pape François, décédé le 21 avril dernier. Selon plusieurs journaux italiens de droite, le président français tenterait d'influencer l'élection du prochain souverain pontife au profit de candidats jugés progressistes.
"Macron veut même choisir le pape", titrait le journal La Verità le 29 avril, tandis que Libero accusait le président français de "[s'incruster] même dans le conclave", comme le rapporte Le Monde dans son édition ce 1er mai 2025. Plus virulent encore, le quotidien romain conservateur Il Tempo dénonçait "l'interventionnisme digne d'un Roi-Soleil moderne" du chef d'État français.
Ces accusations trouvent leur origine dans deux événements récents. D'abord, un déjeuner organisé le 26 avril à l'ambassade française près le Saint-Siège, au lendemain des funérailles du pape François. Selon Le Monde, cette rencontre a réuni Emmanuel Macron et quatre des cinq cardinaux français électeurs, dont Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, considéré comme un "papabile" (candidat potentiel à la papauté).
La veille, un dîner au célèbre restaurant Dal Bolognese sur la Piazza del Popolo entre le président français et Andrea Riccardi, fondateur de la communauté catholique Sant'Egidio, avait également attiré l'attention. Cette proximité alimente les spéculations, d'autant que Sant'Egidio, mouvement catholique créé après le concile Vatican II en 1968 et comptant "plus de 70 000 membres laïcs dans 74 pays", est connu pour son influence au Vatican et ses positions progressistes.
La méfiance des médias italiens de droite s'explique notamment par les liens entre Emmanuel Macron et Sant'Egidio, communauté réputée pour "son action de diplomatie parallèle couplée à des efforts de médiation, en particulier sur le continent africain". Sous le pontificat de François, cette organisation "a joué un rôle important dans les relations internationales du Saint-Siège", explique Le Monde.
Au cœur de cette polémique figure également le cardinal Matteo Zuppi, archevêque de Bologne et président de la conférence épiscopale italienne, lui-même issu des rangs de Sant'Egidio. Considéré comme un "papabile", ses positions en faveur des migrants et contre les projets de réformes constitutionnelles du gouvernement Meloni en font une cible pour la droite italienne, qui le soupçonnerait d'être "soutenu par la France contre les intérêts du gouvernement italien".
Cette affaire s'inscrit dans un climat de relations tendues entre Emmanuel Macron et Giorgia Meloni. Le quotidien italien Il Foglio ironisait ainsi le 30 avril sur le "gros complot" attribué à Macron par la droite, faisant allusion aux "sentiments antifrançais attribués à certains membres de l'entourage de Mme Meloni et à leurs préférences supposées pour des candidats plus conservateurs".
La première rencontre entre les deux dirigeants, organisée à la hâte en octobre 2022 lors d'un déplacement d'Emmanuel Macron à Rome pour une rencontre sur la paix justement organisée par Sant'Egidio, avait d'ailleurs été marquée par "une poignée de main crispée et des visages tendus", selon Le Monde.
Du côté de la communauté Sant'Egidio, on réfute ces accusations, affirmant que "Macron cherche à comprendre le processus, pas à l'influencer". À l'approche du conclave, cette controverse illustre les tensions qui entourent la succession du pape François, entre courants conservateurs et progressistes au sein de l'Église catholique.
MULTIPLE PHOTOS
L'ODYSSÉE MUSICALE D'ALUNE WADE
EXCLUSIF SENEPLUS - Comment les percussions africaines ont-elles façonné le jazz? Le musicien sénégalais partage sa quête transatlantique dans "Tukki", un projet à présenter prochainement à Dakar et Saint-Louis avant sa diffusion mondiale
(SenePlus) - Le bassiste et compositeur sénégalais Alune Wade lance un projet pluridisciplinaire ambitieux qui explore les racines africaines du jazz et les liens musicaux entre l'Afrique de l'Ouest et la Nouvelle-Orléans. Nommé "Tukki" (qui signifie "voyage" en wolof), ce projet comprend un documentaire, un nouvel album intitulé "New African Orleans", une série de conférences et une parade festive, selon le dossier de presse officiel de l'événement.
Ce projet unique inverse le parcours musical traditionnel. Au lieu de suivre le chemin habituel des musiciens américains vers l'Afrique, Alune Wade a entrepris un voyage depuis le Sénégal et le Nigeria jusqu'à la Louisiane, explorant comment les traditions musicales africaines ont traversé l'océan pour influencer la naissance du jazz aux États-Unis.
"J'explore un monde qui va des racines aux branches perdues de l'autre côté de l'Atlantique", explique le musicien sénégalais. "L'idée m'est venue lors du festival Jazz à Gorée que j'ai organisé en 2014. Cela m'a fait réfléchir à l'idée d'inverser le voyage musical que la plupart des personnes font des États-Unis vers le continent africain."
Un documentaire révélateur sur les origines du jazz
Le film documentaire "Tukki, des Racines au Bayou" suit l'enregistrement de l'album d'Alune Wade à travers trois destinations clés : les fanfares au Sénégal, les percussions et les cuivres au Nigeria, et la finalisation de l'album à la Nouvelle-Orléans avec des musiciens locaux.
Le documentaire pose des questions essentielles sur l'origine du jazz : comment les brass bands se sont retrouvés à la Nouvelle-Orléans et dans la culture africaine alors que les fanfares étaient initialement européennes et militaires ? Comment les percussions et rythmiques africaines ont atterri dans le jazz de la Nouvelle-Orléans ?
Des entretiens avec d'éminents musiciens et historiens comme Christian Scott Chief Xian aTunde Adjuah, Femi Kuti, Orchestra Baobab et des spécialistes comme Freddi Williams Evans et Ibrahima Seck enrichissent le film, d'après le dossier de presse.
Un album qui célèbre les connexions transatlantiques
"New African Orleans", le sixième album d'Alune Wade, sera publié ce 2 mai 2025 sur le label allemand Enja et Yellowbird. Cet album célèbre les jonctions entre les rythmes originaires du Sénégal et de l'Afrique de l'Ouest, l'afrobeat de Lagos et le répertoire des fanfares immortalisé à la Nouvelle-Orléans.
L'album propose des réinterprétations de standards comme "Watermelon Man" de Herbie Hancock, "Voodoo Child" de Jimi Hendrix (chanté en wolof), "Water No Get Enemy" de Fela Kuti, et "Gris-Gris Gumbo Ya Ya" de Dr. John. Des compositions originales comme "From Congo to Square" (avec la chanteuse Somi) explorent l'odyssée des fanfares depuis les côtes africaines jusqu'à Congo Square à la Nouvelle-Orléans, où les Africains se réunissaient dès 1724 pour jouer de la musique.
Ce projet musical a également une dimension personnelle pour Alune Wade, dont le père, Serigne Fallou Wade, était musicien de la fanfare de l'armée sénégalaise et compositeur mêlant sonorités traditionnelles sénégalaises aux fanfares classiques.
Un événement culturel majeur au Sénégal
L'ensemble du projet sera présenté au public sénégalais du 22 au 30 mai 2025 à Dakar et Saint-Louis, avant sa diffusion internationale. Le programme comprend :
L'avant-première mondiale du film le 22 mai au Pathé Dakar
Un concert exceptionnel le 23 mai à l'Institut français de Dakar
Une conférence le 24 mai au Musée des civilisations Noires
Des projections et débats à l'Université Cheikh Anta Diop et ailleurs
Des master classes, concerts et une parade festive à Saint-Louis du 29 au 30 mai
Des historiens et universitaires de renom comme Ibrahima Seck, Maguèye Kassé, Pape Ndiaye, Helen A. Regis et d'autres participeront aux discussions sur "L'histoire des hommes et du Jazz de l'Afrique de l'Ouest à la Nouvelle-Orléans, et de son impact à travers le monde".
Ce projet pluridisciplinaire d'Alune Wade représente un hommage puissant à la résilience et à l'impact des traditions musicales africaines qui ont survécu aux horreurs de la traite transatlantique pour donner naissance à l'une des formes musicales les plus influentes au monde.
par Moussa Ngom
« MÉDIAS NON CONFORMES », LA FAUSSE ROUTE DU MINISTÈRE DE LA COMMUNICATION
EXCLUSIF SENEPLUS - La loi ne peut aller au-delà des clous conventionnels. Des journalistes indépendants ont déjà été honorés. Il faut abandonner la vision selon laquelle le foisonnement des médias (en ligne) serait un frein à la qualité de la presse
Ce texte expose un ensemble de raisons pour lesquelles la démarche adoptée par les autorités pour restructurer le secteur des médias est contraire aux engagements internationaux de l’État du Sénégal et, plus que tout, contre-productive.
Commençons par dire que la logique proclamée de strict respect de la loi n’a pas été poursuivie jusqu’au bout. Le décret d’application de 2021, sur les avantages et obligations attachés au statut d’entreprises de presse, établit expressément que les entreprises doivent « être à jour de leurs obligations administratives, sociales et fiscales ». L’application de ce critère cumulatif aurait entraîné des conséquences bien prévisibles sur le nombre et les noms des médias abusivement dits « reconnus », communiqués dernièrement.
Pour publier une liste finale de médias « conformes », l’autorité a donc fait des concessions sur un manquement précis et s’est fondée sur d’autres manquements pour dépouiller des centaines de médias de leur capacité à publier des informations, sous peine de sanctions allant jusqu’à un an de prison. Mais là n’est pas l’objet de cette contribution.
La réglementation du secteur des médias est un exercice sensible, car elle peut vite aboutir à une ingérence injustifiée sur la liberté d’informer, une activité somme toute universelle. C’est pourquoi les États démocratiques prennent soin, au besoin, d’aménager un cadre adapté, dédié aux professionnels de l’information sans considérer comme une propriété concédée, ce droit naturel de tous les citoyens.
Les conventions internationales sur le sujet, auxquelles le Sénégal déclare avoir adhéré dans sa Constitution, enjoignent donc aux pays de ne pas établir de limitations indues à cette liberté. La philosophie standard des législations sur la presse correspond généralement à la recherche d’un équilibre : assurer que la liberté renforcée des journalistes s’accompagne d’une responsabilité devant la loi.
Il s’agit de les inciter à déclarer leurs activités et propriétaires, permettre l’identification des personnes devant répondre en cas de dérive mais surtout, de leur faire bénéficier d'un régime approprié à l'activité journalistique professionnelle incluant, par exemple, la sauvegarde du secret des sources ou l’accès à toute information d’intérêt public.
Motivées par « la nécessité de restructurer le secteur », dixit le ministre Alioune Sall, appuyées et aidées par une partie de l’establishment de la corporation, les autorités s’attellent non pas (seulement) à établir une cartographie des médias, objectif louable, mais à déterminer, de facto, sur des critères inadéquats, quel média devrait avoir le droit d’exister.
Et pourtant, la Déclaration de principes sur la liberté d’expression de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples conseille que les systèmes d’enregistrement des médias soient mis en place « à des fins exclusivement administratives » et n’imposent pas « des redevances excessives ou autres restrictions. » (Principe 12). Il en est de même pour la pratique du journalisme qui ne doit pas faire l’objet « de restrictions légales injustifiées » (Principe 19).
Il peut être tentant de penser à l’article 11 de la Constitution (« Le régime de la presse est fixé par la loi. ») mais le débat récent sur l’amnistie permet de rappeler aisément que la loi ne peut aller au-delà des clous conventionnels.
Les limitations ou efforts de régulation doivent servir strictement des buts légitimes et bien définis, comme la prévention de la concentration des médias, son corollaire, la promotion de la pluralité (notamment dans le paysage audiovisuel classique où les fréquences ne sont pas illimitées), la lutte contre l’incitation à la haine, la prévention des atteintes à la dignité humaine, ou encore à l'ordre public. Ce dernier concept a été instrumentalisé sous le régime précédent, dans un discours vague sur des volontés de déstabilisation, pour censurer la couverture des manifestations politiques.
Le code de la presse, bien que plébiscité par des acteurs souhaitant faire du domaine leur espace réservé, offre un terrain limité et des possibilités d’existence dépassées par l’évolution de la technologie et les opportunités offertes par le numérique.
En l'appliquant, l'État s’immisce dans la configuration interne de l’entreprise, aussi formelle soit-elle sur le plan administratif, et lui impose, sans offrir une variété de choix, de souscrire à des modèles figés pour son fonctionnement.
C’est ainsi qu’il est exigé une expérience professionnelle respective de 10 et 7 années au directeur de publication et au rédacteur en chef, et un effectif minimal de 3 employés. Aucun des pays voisins immédiats du Sénégal ne prévoit de dispositions similaires aussi restrictives.
Plus significatif encore, la Cour de justice de la CEDEAO a déjà ordonné au Nigéria, en 2023, de modifier sa loi qui établissait un âge minimum de 25 ans pour être rédacteur en chef d’une publication ainsi que d’autres règles d’exercice de la fonction de journaliste comme l’appartenance à un média traditionnel.
Cette décision, donnant raison à une plainte de deux journalistes locaux, a jugé impératif l’alignement de la législation nigériane sur la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples tout en s’inspirant, entre autres, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (tous ratifiés par le Sénégal).
Dans un formidable exposé, les juges de l’instance communautaire se sont attachés à démontrer comment la règlementation nigériane – vieille de 1992 mais plus souple que le code sénégalais de 2017 - n'était pas en phase avec « l’évolution rapide de la frontière numérique et le dynamisme des plateformes d’expression d'opinion ». « Cette évolution de l'espace médiatique justifie une reconceptualisation du journalisme, de sa pratique et de ses praticiens […]. Les paradigmes traditionnels de contrôle […] ne sont plus appropriés. », ajoute la Cour.
En effet, passées les questions légales, ces règles sénégalaises sont absolument préjudiciables à la liberté d’informer, à la corporation mais avant tout aux jeunes journalistes.
Il est étonnant qu’elles soient avalisées par un ministère qui, dans un autre département, celui du Numérique, promeut à juste titre l’entrepreneuriat, les capacités d’innovation des jeunes (souhaitant même l’ancrer dans le parcours éducatif) et « un destin porté par un écosystème jeune, dynamique et créatif » (discours sur le New Deal technologique).
Autant le président Bassirou Diomaye promet de « promouvoir l’auto-emploi » dans son programme (« initiative Goungué »), ces questions d’entreprenariat et d’auto-emploi des jeunes ont encore été rappelées lors du dernier Conseil des ministres du 30 avril 2025.
Pour en revenir à l’engouement pour les jeunes dans la Tech du ministère, il aurait été salutaire si le ministère le mettait également à profit des organes de presse, où la transition générationnelle et un souffle neuf sont nécessaires.
Au contraire, la capacité à apporter de nouvelles dynamiques est bridée et assumée, à rebours des tendances mondiales dans le domaine. La plateforme Substack doit en partie son succès fulgurant aux newsletters proposées par des journalistes indépendants, spécialisés et qui trouvent leur public sans avoir à passer par les médias traditionnels. Des journalistes indépendants ont remporté des Prix Pulitzer ou Albert-Londres pour des ouvrages d’une qualité journalistique rare. Il en est de même avec l’attrait du public pour les podcasts professionnels, cités en exemple par la Cour de justice de la CEDEAO.
Faut-il mentionner l’exemple de la réinvention actuelle de plusieurs anciens employés du groupe Emedias, par opposition au destin de leur ex-groupe à l’échec spectaculaire ?
La démarche est ensuite un pied de nez aux écoles de journalisme qui se donnent pour mission de mettre sur le marché des produits formés, conscients de leur responsabilité et qui ont besoin de rester productifs dans un contexte de faibles opportunités d’emploi.
Les solutions sont à portée de main pour renforcer le professionnalisme dans un secteur gangréné. Il faut d’abord que les autorités, comme la corporation abandonnent la vision selon laquelle le foisonnement des médias (en ligne) serait un frein à la qualité de la presse, alors même que le naufrage médiatique durant la séquence politique 2021-2024 ou les différentes alternances connues par notre pays prouvent le contraire.
LE CRODT OUVRE UNE ENQUÊTE APRÈS L’ÉCHOUAGE D’UN JEUNE RORQUAL DE BRYDE À CAYAR
Des prélèvements ont été effectués pour élucider les causes de cet événement rare, qui relance le débat sur la vulnérabilité des écosystèmes marins au Sénégal.
Un jeune rorqual de Bryde a été découvert échoué sur la plage de Cayar ce lundi 28 avril 2025. Le Centre de Recherches Océanographiques de Dakar-Thiaroye (CRODT) s’est immédiatement déployé pour procéder à des prélèvements et tenter d’éclaircir les causes de cet événement rare.
Le littoral sénégalais a été le théâtre d’un phénomène inhabituel ce 28 avril 2025 : une baleine, identifiée comme un Rorqual de Bryde (Balaenoptera brydei), a été retrouvée échouée à proximité de la station de Cayar, à environ 60 km de Dakar, selon l'environnementaliste Mbacké Seck.
Selon les premières observations de l’équipe du CRODT, dépêchée sur les lieux :
Il s’agissait d’un jeune spécimen mesurant 10,4 mètres ;
Le corps était intact, mais présentait des traces de sang coagulé autour de la bouche ;
Des prélèvements de chair ont été effectués pour des analyses complémentaires en laboratoire.
La position géographique exacte a été relevée : 14°56,026'N - 17°54,685'O. Les conditions météorologiques au moment de l’échouage faisaient état d’une marée montante avec un vent modéré de direction nord-sud.
Cet incident interpelle les scientifiques et rappelle l’urgence de renforcer la surveillance des écosystèmes marins. Le CRODT poursuit ses investigations afin de déterminer les causes de cet échouage, qu’il s’agisse de facteurs environnementaux, sanitaires ou liés aux activités humaines.
À SAINT-LOUIS, LES PÊCHEURS INTERPELLENT BP ET KOSMOS SUR LEURS ENGAGEMENTS
À l’occasion du 1er mai, les communautés de la Langue de Barbarie ont organisé une marche pacifique pour dénoncer les impacts des projets pétroliers offshore et exiger le respect des promesses faites par les opérateurs.
À l’occasion de la Fête du Travail 2025, les communautés de la Langue de Barbarie ont organisé une marche pacifique à Saint-Louis pour rappeler à BP et Kosmos Energy leurs engagements vis-à-vis des populations affectées par les projets pétroliers et gaziers.
Ce 1er mai 2025, jour symbolique dédié aux travailleurs, les communautés de pêcheurs de la Langue de Barbarie se sont fortement mobilisées dans les rues de Saint-Louis.
Leur objectif : attirer l’attention sur les impacts environnementaux et sociaux des projets d’exploitation de pétrole et de gaz offshore, menés notamment par BP et Kosmos Energy.
Munis de pancartes et de banderoles, les marcheurs ont exprimé une série de revendications urgentes. Parmi les principales exigences figurent :
La réalisation d’un audit environnemental indépendant pour évaluer les conséquences des activités pétrolières sur l’écosystème marin et les moyens de subsistance locaux ;
La mise en place de mesures de prévention immédiates contre les risques écologiques et sanitaires ;
Le respect strict des engagements pris par BP et Kosmos Energy à l’égard des communautés riveraines ;
La défense et la préservation de la pêche artisanale, qui constitue l’activité principale et le pilier économique de nombreuses familles dans la région.
L'ONG Lumière Synergie pour le Développement,une organisation de la societé civile sénégalaise qui se bat auprès de ces communautés adhére au combat de ces populations affectées. Elle a d'ailleurs pris part à la marche à Saint-Louis.
LE PRÉSIDENT FAYE SALUE LES TRAVAILLEURS ET APPELLE À UN DIALOGUE SOCIAL RENFORCÉ
À l’occasion de la fête du Travail, le chef de l'Etat a insisté sur la nécessité de promouvoir un travail décent, de moderniser l’administration du travail et de renforcer les échanges avec les syndicats.
À l’occasion de la célébration de la fête du Travail, prévue ce jeudi 1er mai 2025, le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, a adressé ses félicitations chaleureuses et son soutien à l’ensemble des travailleurs du Sénégal. Il a salué leur contribution déterminante au développement économique et à la stabilité sociale du pays.
Le chef de l’État a invité le Gouvernement à renforcer le dialogue social avec les organisations syndicales, tout en mettant l’accent sur la promotion d’un travail décent, dans le respect strict du Code du travail et des conventions internationales ratifiées par le Sénégal.
Le président Faye a également chargé le Premier ministre de repositionner l’administration du travail, avec pour objectif de moderniser ses moyens d’action et de mettre à jour le dispositif réglementaire encadrant les comités d’hygiène et de sécurité dans l’ensemble des ministères.
Dans le cadre des traditions républicaines, le président de la République recevra les responsables des centrales syndicales l’après-midi du 1er mai, lors de la remise solennelle des cahiers de doléances. Une rencontre symbolique qui traduit l’attachement du chef de l’État à la concertation sociale et à l’écoute des revendications du monde du travail.
GALOPER SUR LES TOMBES DE THIAROYE
Retrouvé dans une boîte à gâteaux, le journal d'un officier français témoin du massacre des tirailleurs expose sans fard la mentalité coloniale de l'époque. "Promenade à cheval... L'ambiance est très gaie", note le sous-lieutenant Jean Henry 3 jours après
(SenePlus) - Un petit carnet bleu de 94 pages, dissimulé pendant des décennies dans une boîte à gâteaux au fond d'une malle, vient de resurgir pour éclairer - ou peut-être obscurcir davantage - l'un des épisodes les plus sombres de l'histoire coloniale française. Le journal du sous-lieutenant Jean Henry, témoin direct du massacre de Thiaroye survenu le 1er décembre 1944 au Sénégal, a été versé aux archives du Service historique de la défense (SHD) le 4 mars dernier, comme le révèle Le Monde ce 1er mai 2025.
"8 h 30. Les moutons sont rassemblés, les autres essaient de résister. Une salve en l'air." C'est par ces mots froids que débute dans le journal de Jean Henry la description du massacre où des dizaines de tirailleurs africains, anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale tout juste libérés des camps allemands, ont été tués par l'armée française pour avoir réclamé leurs pensions et soldes.
Le récit se poursuit, implacable : "Les rebelles essaient de s'emparer d'une A.M [automitrailleuses]. Des meneurs excitent les autres à la rébellion. C'est le signal du baroud. Les tirailleurs du 7e et quelques artilleurs ouvrent le feu. Les autres ripostent avec des 9 mm et des 7,65, ainsi qu'une ou deux mitraillettes. Finalement la force reste aux troupes de l'ordre. Plusieurs rebelles sont sur le carreau. Les autres sont sérieusement assoupis."
Le militaire conclut sobrement : "Enfin on a pris les mesures nécessaires. [...] Bilan de la journée : 35 morts, 59 blessés", reprenant ainsi les chiffres officiels avancés par les autorités françaises à l'époque.
Ce témoignage unique, rédigé par un officier présent sur les lieux, relance le débat sur ce massacre colonial dont le bilan reste au cœur d'un contentieux mémoriel entre la France et le Sénégal. Selon plusieurs historiens français et sénégalais, le nombre réel de victimes serait bien plus élevé, atteignant près de 400 soldats tués et enterrés dans des fosses communes.
L'authenticité même du document suscite la controverse parmi les spécialistes. Pour l'historienne Armelle Mabon, ce récit serait "une pure invention" visant à "remettre le récit officiel au-devant de la scène". Elle souligne les incohérences du témoignage : "Écrire que les tirailleurs tentent de s'emparer de mitrailleuses, cela permet de justifier la répression sanglante. Or, plusieurs rapports notent qu'ils n'avaient que des poignards ou des baïonnettes."
D'autres chercheurs, comme Martin Mourre, auteur d'un ouvrage de référence sur l'événement, considèrent au contraire le document comme "tout à fait authentique", même s'il reflète "le point de vue d'un jeune officier qui n'apporte pas d'éléments décisifs pour comprendre ce qui s'est réellement passé."
Les services du ministère des Armées, qui ont authentifié le document avant son intégration aux archives, défendent également sa crédibilité : "Nous nous sommes fondés sur la concordance du vocabulaire employé, des noms cités, de l'idéologie et des lieux pour le juger crédible", indique une source au ministère citée par Le Monde.
Au-delà de la description du massacre lui-même, le journal de Jean Henry témoigne de la montée des tensions dans les semaines précédant le drame. Dès le 30 octobre 1944, un mois avant le massacre, il note : "Les tirailleurs de Rennes rouspètent. Ils n'ont pas été payés et n'ont pas eu d'avancements au contraire d'autres détachements."
Le 27 novembre, quelques jours avant le drame, l'officier rapporte : "Je change aux tirailleurs leur argent français contre des billets d'AOF [Afrique occidentale française]. L'après-midi se passe à classer la monnaie française. [...] Le soir, à titre de remerciements, les Noirs rééditent le coup de Morlaix, refusant de partir s'ils n'ont pas tous leurs droits. Manque total de logique ou rouerie. Il y a, à mon avis, des meneurs à enfermer de suite. Mais, pas d'histoires !"
Le 28 novembre, Jean Henry pressent l'affrontement : "Dans l'ensemble la révolte gronde. [...] Le général Dagnan venu pour leur parler se voit interdire la route du retour. Il ne peut partir qu'après avoir fait de nouvelles promesses. A mon avis la situation devient intolérable. On ne peut pas continuer à abdiquer."
Ce document constitue également un témoignage troublant sur la mentalité coloniale qui prévalait alors dans l'armée française. Le manque d'empathie du sous-lieutenant est frappant lorsque, trois jours seulement après avoir décrit froidement le massacre, il relate ses moments de détente : "Promenade à cheval avec Mourret. Nous allons galoper un peu dans les sables, puis on revient à travers les marigots vers Thiaroye-plage", écrit-il le 4 décembre.
Il poursuit : "Nous emmènerons jusqu'à Abidjan le reliquat des mutins. Nous passerons la journée de demain à Dakar. Je suis invité par le colonel Durand à déjeuner demain. Le soir apéritif d'adieu à Thiaroye. L'ambiance est très gaie."
Le fils de Jean Henry, Alain, à l'origine de la transmission du document aux archives, défend la sincérité du témoignage de son père : "Quand ma mère a trouvé le journal dans une boîte à gâteaux au fond d'une malle en vidant sa cave, nous avons été abasourdis. Mon père ne nous avait jamais parlé de Thiaroye. On a reconnu sa voix, son ton, son écriture."
Il conteste néanmoins la thèse des centaines de victimes : "Nous sommes mal à l'aise face à la thèse des 400 morts. Il y a ce sentiment qu'on raconte une histoire qui n'est pas la vraie. Mon père n'aurait pas gardé ce ton léger s'il avait assisté à l'exécution de tant de soldats à l'automitrailleuse."
Pour Mamadou Fall, historien sénégalais membre de la commission chargée d'étudier ce massacre, le document est "précieux" mais "ne bouleverse pas nos certitudes sur ce qui s'est passé le 1er décembre." Il ajoute : "Le bilan nous semble n'être qu'une variante de la version officielle. Je continue donc de penser que le nombre de victimes dépasse bien cette échelle minimaliste."
Les autorités sénégalaises, sous la présidence de Bassirou Diomaye Faye, ont placé la mémoire du massacre de Thiaroye au centre de leur politique mémorielle. Une commission de chercheurs, qui a également reçu une copie du journal, doit prochainement remettre un livre blanc au président sénégalais.
Ce sera finalement aux fouilles archéologiques prévues sur le site de Thiaroye qu'il reviendra peut-être de déterminer le nombre réel de victimes et de résoudre "l'une des énigmes tenaces du massacre", conclut Le Monde.