EXCLUSIF SENEPLUS - La confrontation en cours entre le pouvoir et l’opposition risque de basculer dans un déchaînement de violence funeste. Le peuple demande un changement définitif du paradigme de gouvernance
Wara wax, wax ; wara def, def ! |
Collectif Fonk Sa Reew |
Publication 26/12/2022
Le Sénégal est sous tension. La confrontation en cours entre le pouvoir d’État et l’opposition ainsi que des segments dynamiques et patriotiques de la société civile, risque de basculer dans un déchaînement de violence funeste et destructive. Les signes sont nombreux et inquiétants. Parmi ceux-ci, les interdictions de manifester et les arrestations intempestives, les disparitions et les morts non élucidées, auxquelles s’ajoutent un système d’impunité évident, autant pour les crimes de sang que pour les crimes économiques. Un tel basculement se ferait au détriment des intérêts et des traditions démocratiques des sénégalais et de leur profond désir de paix et de justice.
Face aux responsabilités des acteurs politiques dans cette évolution exécrable, des observateurs et commentateurs ont pris la fâcheuse habitude de renvoyer pouvoir et opposition dos à dos en se disant neutres et républicains. Ceci est une grave erreur. Pourquoi se perdre dans des discussions hypocrites interminables sur les origines multiples du conflit, quand la responsabilité primordiale revient, dans une démarche de résolution pacifique, à celui qui concentre entre ses mains les moyens de le résoudre ? Dans toute société démocratique, c’est l’État qui donne le ton et qui donne l’exemple. D’autant que, depuis les événements tragiques de décembre 1962 et l’avènement de la Constitution de 1963, le Sénégal a sombré dans un présidentialisme où quasiment tous les pouvoirs sont entre les mains du président de la République. C’est lui qui nomme aux responsabilités civiles et militaires et qui chapeaute la hiérarchie judiciaire en tant que président du Conseil supérieur de la magistrature.
Jusqu’aux élections législatives de 2022, il bénéficiait, en outre, d’un parlement captif par le biais – et l’abus – du fait majoritaire. Pour la première fois, en 2022, un parlement relativement équilibré a vu le jour grâce à l’expression du suffrage des sénégalais. Toutefois, cette avancée ne devrait pas masquer le déficit démocratique que constitue son fonctionnement chaotique et le fait que plus de 5 millions de citoyens en âge de voter ne l’ont pas fait. Le parlement doit impérativement en élucider les raisons avant l’élection présidentielle de 2024. Ceci permettrait de sécuriser et de fiabiliser l’expression populaire manifestée par le vote, un droit constitutionnel inaliénable qui devrait être automatiquement octroyé à tout citoyen en âge de voter et jouissant de ses droits civiques.
La responsabilité du régime du président Macky Sall est totalement engagée. Présentement, des dizaines de Sénégalaises et de Sénégalais croupissent en prison pour leurs opinions politiques et sont en attente de jugement. Les opposants et activistes sont réprimés et emprisonnés souvent sans respect de l’esprit des lois ou des règles de procédure judiciaire. La liberté d’opinion et de manifestation, ainsi que les droits à l’information et à la justice, sont bafoués de façon routinière, alors même qu’ils sont inscrits dans la Constitution. Contrairement à l’engagement pris par le président devant l’opinion internationale, des journalistes sont arrêtés et emprisonnés, voire persécutés. C’est le cas désormais emblématique de Pape Alé Niang. Le président de la République dit ouvertement avoir mis des dossiers de corruption « sous le coude » pour des raisons qu’il est le seul à connaître ; des membres ou proches de la coalition au pouvoir sont protégés et leurs délits impunis, au moment où des lanceurs d’alerte, des activistes et des militants de l’opposition sont arrêtés et emprisonnés pour des motifs qui peinent à convaincre. La perte de confiance dans la neutralité et le caractère régulateur des institutions de l’État se généralise.
L’abus du discours alarmiste sécuritaire, ainsi que l’inflation d’accusations sans grande vraisemblance venant de hautes autorités du gouvernement et de la magistrature et relayées par les partisans de la coalition au pouvoir font craindre le pire. En effet, le recours à un vocabulaire catastrophiste, essayant sans cesse de lier les activités ou des figures de l’opposition à des « forces » dites « occultes », « spéciales », « rebelles » ou « terroristes », font craindre la possibilité d’actions désespérées – « sous faux drapeau », comme disent les spécialistes. Nous espérons que le Sénégal n’en arrivera jamais là.
Toutefois, pour éviter que des pratiques criminelles risquées s’installent dans notre pays, il faudra surveiller étroitement tout abus du type de langage ou de mauvaise foi pouvant nous y conduire. Pour le moment, les bases très légères présentées aux Sénégalais pour expliquer les disparitions et autres évènements tragiques survenus depuis mars 2021 n’ont pas convaincu grand monde. Un État ne joue pas avec le feu et avec la sécurité du pays. Il n’affaiblit pas les institutions en les politisant et en s’affranchissant de façon outrancière des normes et des formes que lui impose l’État de droit. Un État responsable et patriote s’attelle à créer les conditions de confiance et de stabilité pour un large consensus de développement transformateur auquel les Sénégalais pourront adhérer sur 20, 30 ou 40 ans, indépendamment des partis ou régimes qui pourront se succéder. Cela doit se faire en briguant de façon loyale et encadrée les suffrages des sénégalais.
Au Sénégal, toutes les grandes avancées démocratiques sont issues des luttes du peuple. Mais c’est l’État, à chaque fois, qui a consacré les conditions d’apaisement en reconnaissant dans la loi et dans son propre comportement, la légitimité des revendications et de la souveraineté du peuple. Par exemple en 1980, le nouveau régime d’Abdou Diouf a créé de telles conditions, en reconnaissant « tous les partis qui en font la demande », une des principales revendications du RND dirigé par le Professeur Cheikh Anta Diop.
Ainsi, au lieu de continuer à souffler sur les braises et à étaler sous nos yeux – et avec notre argent - les signes extérieurs de la puissance d’État et d’une militarisation outrancière et partisane des forces de sécurité, le régime actuel ferait mieux d’utiliser les énormes moyens à sa disposition pour apaiser le pays et donner des gages au peuple qu’il respectera la parole présidentielle sur la fin du dernier mandat de M. Macky Sall en 2024.
FONK SA REEW, Wara wax, wax ; wara def, def ! Empruntée à Cheikh Anta Diop, cette expression veut dire qu’il y a des moments dans l’histoire d’un peuple où il n’est plus possible d’observer passivement ou de se taire. Prenant ses racines dans l’histoire mal connue du mouvement national démocratique et populaire sénégalais qui a contribué de façon centrale à l’avènement d’un Sénégal démocratique, à la sortie de la période sombre de la clandestinité, des arrestations arbitraires et de la torture dans les années 60 et 70, Fonk Sa Reew s’est constitué autour de ce manifeste. Il entend, par ce marqueur, contribuer à empêcher la terrible régression que constituerait pour le Sénégal le reniement de la parole présidentielle par la recherche d’un 3ème mandat en 2024. Il en est de même de tout changement non constitutionnel pouvant découler d’affrontements violents dans le pays. Ces éventualités ne sont pas acceptables.
FONK SA REEW, wara, wax wax ; wara def, def ! est un souffle qui répond à une aspiration et à un mouvement irrépressible du peuple sénégalais pour l’affermissement de sa souveraineté sur ses ressources et le rejet de certaines tendances oppressives et autoritaires de notre État. Le Mouvement inscrit son action dans le continuum des traditions de luttes populaires et démocratiques depuis les années 50 et fonde ses principes sur la solidarité panafricaine, le soutien aux luttes des peuples et les valeurs cardinales de dignité en politique, de respect de la parole donnée publiquement, d’engagement politique et citoyen au service exclusif de l’intérêt supérieur du peuple. Le Mouvement est ancré dans le refus de l’arbitraire, de l’injustice et du non-respect des règles de l’État de droit. Il est né pour contribuer à l’avènement d’un Sénégal nouveau, véritablement indépendant au sein d’une Afrique libre et forte ; un Sénégal économiquement souverain, maitre de son destin et de ses ressources, notamment ses ressources naturelles agricoles, hydrauliques, éoliennes, minières, pétrolières et gazières.
Après deux alternances au pouvoir en 2000 et en 2012, en dépit d’investissements chiffrables en milliers de milliards de francs CFA, notamment dans les infrastructures, la situation socio-économique des sénégalais n’a pas fondamentalement changé. Le pouvoir d’achat des ménages s’effondre sous la pression de la flambée inédite du prix des denrées de consommation courante. Les services sociaux de base tels que l’éducation, la santé, l’assainissement, l’accès à l’eau potable et à l’électricité restent des défis, malgré des progrès réalisés dans certains secteurs. Le chômage endémique, les emplois précaires et le sous-emploi sont le lot de la jeunesse dont 69%, selon l’ANSD, ont moins de 30 ans.
Au lieu de s’atteler à régler les questions structurelles et les problèmes cruciaux des sénégalais, certains tenants du pouvoir semblent surtout préoccupés par l’accaparement de ressources, de positions et de prébendes. La corruption est endémique et d’une ampleur inégalée dans notre histoire. La malgouvernance, le népotisme, la concussion, l’impunité et le clientélisme semblent être érigés en système de gouvernance. Le rapport de la Cour des comptes relatif à la gestion nébuleuse des Fonds Covid-19, pour la période 2020-2021, en est une dernière illustration.
Le peuple demande un changement définitif du paradigme de gouvernance économique, politique et sociale du pays. Celui-ci sera fondé sur le respect des droits des citoyens, la transparence et la fin de la corruption au sein de nos administrations, la souveraineté économique, qui en sera l’assise, avec des choix populaires forts sur la culture et les langues, les sciences et l’innovation, la monnaie et l’énergie, l’agriculture, l’alimentation et l’industrialisation, profitant directement au peuple et au pays tout entier.
Le champ du défi est grand. Il est aussi incompatible avec certains comportements actuels de nos dirigeants. Nous exigeons qu’ils se ressaisissent et qu’ils ne tentent surtout pas de briser ces aspirations profondes des Sénégalais. Les honneurs, les privilèges et même tout l’argent du monde ne le valent pas ; ni l’illusion de puissance que donne l’ampleur des ressources mises à leur disposition par le peuple, ainsi que le mode dépassé d’exercice du pouvoir d’État au Sénégal :
La Cour des comptes demande l’ouverture d’informations judiciaires pour les personnes épinglées dans la gestion des fonds de la force covid-19. La juridiction vers laquelle, ils pourraient être attraits comme le révèle depuis quelques temps, le ministre des Finances et du Budget est la Chambre de discipline financière. Que recouvre cette Chambre ? Comment elle est saisie ? Visite guidée.
La Cour des comptes du Sénégal a été créée en 1999 en tant que juridiction des comptes indépendante. Son champ de compétences porte sur le contrôle juridictionnel des comptables publics, le contrôle de la régularité des recettes et des dépenses et du bon emploi des crédits, fonds et valeurs gérés par les services de l’Etat ou par les autres personnes morales de droit public, le contrôle de l’exécution des lois de finances, le contrôle des entreprises du secteur public et la sanction des fautes de gestion. Pour le cas précis du rapport définitif de la gestion de la force covi-19, les fautifs qui sont la plupart des directeurs de l’administration générale et de l’équipement des ministères pourraient être attraits au niveau de la chambre de discipline financière. Les poursuites devant la chambre de discipline financière (CDF) sont réglementées par la loi organique sur la Cour des comptes en ses articles 50 à 61. La chambre de discipline financière peut être saisie par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale, le Premier ministre, le ministre chargé des Finances et le Premier président de la Cour des comptes. Les demandes de poursuites sont adressées au Procureur général.
Le déclenchement des poursuites (article 69)
» Le Procureur général informe l’intéressé des poursuites dirigées contre lui par tout moyen » transmet le dossier par réquisitoire au président de la CDF, prononce le renvoi de l’affaire ou le classe sans suite. Le conseiller rapporteur a tous pouvoirs d’investigation, sans entrave du secret professionnel. Saisi à l’égard d’une personne déterminée, il communique au Procureur général ses constatations concernant des personnes non visées dans l’ordre de poursuites, afin d’étendre éventuellement son instruction à ces nouvelles personnes. L’instruction peut aboutir à un classement sans suite en l’absence de charges suffisantes. Si le Procureur général estime que l’affaire peut être renvoyée devant la chambre ou s’il a été requis de poursuivre, il prononce le renvoi de l’affaire. Une copie de ses conclusions est adressée à l’autorité qui a saisi la Chambre de discipline financière » (article 71).
• Les droits de la défense
Les articles 72 et 73 aménagent les conditions d’exercice du droit de la défense au profit du mis en cause renvoyé devant la chambre de discipline financière. Il peut obtenir communication de son dossier et bénéficier de l’assistance d’un conseil.
• Le jugement
La procédure du jugement est fixée principalement par l’article 73 de la loi organique. A la suite du rôle d’audience arrêté par le président de la Chambre, le prévenu est cité à comparaître par le greffier de la chambre. S’il réside à l’étranger, la citation à comparaître comportera avertissement qu’il peut demander à être jugé en son absence, par lettre adressée au président. Dans ce cas, son conseil, s’il en a un, est entendu. Le prévenu est alors, si la chambre agrée sa demande, jugé contradictoirement. Des témoins peuvent être entendus, soit à l’initiative de la chambre, soit sur requête du Procureur général ou du prévenu. Les témoins sont entendus sous la foi du serment, dans les conditions prévues aux articles 424 à 444 du code de procédure pénale.
L’intéressé, soit par lui-même, soit par son conseil, est appelé à formuler oralement des observations complémentaires au mémoire déposé. Le Procureur général peut également présenter des conclusions orales complémentaires à ses réquisitions écrites. Des questions peuvent être posées par le président ou avec l’autorisation de celui-ci par le Procureur général ou par les membres de la chambre au prévenu qui doit avoir la parole le dernier. Lorsque le prévenu ne comparaît pas au jour et à l’heure fixés par la citation à comparaître, s’il n’a pas demandé à être jugé en son absence, il est fait application des dispositions des articles 474 à 482 du code de procédure pénale sur le jugement par défaut et l’opposition. Les audiences de la chambre ne sont pas publiques sauf si le prévenu en fait la demande. La chambre siège en présence du commissaire du Droit, avec l’assistance du greffier. La délibération a lieu hors la présence du ministère public. La formation de jugement ne peut siéger qu’en présence de trois au moins de ses membres. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante. Lorsque plusieurs personnes sont impliquées dans la même affaire, leur cas peut être instruit et jugé simultanément et faire l’objet d’un seul et même arrêt.
• La décision
En cas de condamnation, la peine est une amende comprise entre 100 000 F au minimum et le double du traitement ou salaire brut annuel du prévenu à la date où les faits ont été commis ou du traitement ou salaire brut annuel correspondant à l’échelon le plus élevé de la grille indiciaire de la fonction publique à l’époque des faits si l’intéressé n’est pas salarié. La décision de la chambre de discipline financière est revêtue de la formule exécutoire. Elle n’est pas susceptible d’appel. Elle est publiée au Journal Officiel.
Elle peut, en revanche, faire l’objet de pourvoi en révision devant les chambres réunies de la Cour des comptes ou en cassation devant la Cour suprême à l’initiative du prévenu ou du Procureur général. Elle peut aussi faire l’objet d’une rectification en cas d’erreur matérielle.