L'ANCIEN COLONISATEUR CONTINUE DE FAIRE PREUVE D'ARROGANCE À L'ÉGARD DES AFRICAINS
Peu de choses dépendent de la France. Il lui faut surtout cesser de s’imposer comme le gendarme de l’Afrique. Mais le grand changement radical et fondamental repose avant tout sur les dirigeants africains - ENTRETIEN AVEC PAAP SEEN
Le Monde Afrique |
Coumba Kane |
Publication 21/12/2022
« De Dakar à Djibouti, radioscopie de la relation Afrique-France » (1). Le journaliste sénégalais prédit une amplification du rejet que suscite la France auprès d’une partie de la jeunesse africaine.
A 37 ans, Paap Seen est l’un des animateurs les plus affûtés du débat politique au Sénégal. Editorialiste et coauteur de Politisez-vous ! (United Press Editions, 2017), il porte un regard sans concession sur l’acrimonie grandissante entre une frange de la jeunesse sénégalaise et la France. Une histoire de « blessure profonde », d’« arrogance », mais aussi de destins inextricablement liés.
Avez-vous un souvenir précis de votre première rencontre avec la France ou sa culture ?
Paap Seen Oui, cela s’est produit dès l’enfance, à l’école, lorsque j’apprenais à déchiffrer le monde. Comme tout enfant sénégalais scolarisé, cette découverte cruciale s’est faite en français et dans une forme d’aliénation. J’ai appréhendé ce qui m’entoure dans une langue qui n’est pas celle de mes parents. Les premiers romans que j’ai lus étaient écrits dans cette langue. Tout comme ceux d’auteurs africains ou issus d’autres continents. Mon imaginaire n’a donc pas échappé à la vision du monde que sous-tend la civilisation française même si, contrairement à mes parents et à mes grands-parents, on ne m’a pas appris que mes « ancêtres étaient Gaulois ».
Par ailleurs, je viens d’une ville, Rufisque, dont les habitants, comme à Saint-Louis, Dakar et Gorée, avaient le statut de citoyens français de plein droit durant la colonisation. Cette présence française se fait, aujourd’hui encore, sentir dans les noms des rues.
La langue française s’est-elle également immiscée dans votre intimité ou était-elle cantonnée à l’école ?
Je suis issu de la petite bourgeoisie sénégalaise avec un père cadre dans l’administration et une mère qui travaillait pour des organisations internationales. Même si on parlait wolof à la maison, le français était très présent en tant que langue de la culture académique. Mon père, marxiste-léniniste très actif, lisait beaucoup de théories politiques et de littérature française. Très tôt, j’ai donc été en contact avec les romans de Balzac, Hugo, Malraux.
Vous décrivez une forme de décolonisation inaboutie des imaginaires. Qu’est-ce que cela engendre intimement chez un Sénégalais comme vous, né bien après les indépendances ?
C’est un combat difficile que d’extirper nos représentations de l’aliénation qu’on a subie. D’après des penseurs comme Ngugi Wa Thiong’o, Cheikh Anta Diop ou Boubacar Boris Diop, il nous faut repartir de nos langues. Car, contrairement à une idée répandue, la diversité linguistique des pays africains n’est pas un facteur de division mais une richesse. Elles disent le monde avec nos yeux. Et contrairement à l’écrivain algérien Kateb Yacine, je ne considère pas le français « comme un butin de guerre ».
Le rejet qu’exprime une partie des jeunes Africains contre la France repose aussi sur la prédominance de la langue. Il nous faut construire et inventer des récits centrés sur nos visions du monde, nos langues, tout en épousant une dimension humaniste et universaliste. Hélas, nous manquons d’une volonté politique forte pour réellement africaniser nos écoles.
Je tente pour ma part de me réapproprier cette partie perdue par la colonisation. Je travaille actuellement sur un roman en wolof. Mais c’est un effort intellectuel immense car j’ai appris à penser dans une langue qui n’est pas celle de ma mère. Il me faut apprendre à écrire, m’approprier la grammaire et le vocabulaire wolof. Réapprendre à apprendre.
Décryptage de la venue du président et chef de guerre ukrainien à Washington ce mercredi 21 décembre avec René Lake sur VOA Afrique.
QUAND LE STADE DE TIVAOUNE DIVISE
Le stade municipal de Tivaouane (ouest) est impraticable depuis trois ans, et la mairie, accusée d’en être responsable, s’en défend et invoque des "difficultés" indépendantes de sa volonté.
Tivaouane, 21 déc (APS) – Le stade municipal de Tivaouane (ouest) est impraticable depuis trois ans, et la mairie, accusée d’en être responsable, s’en défend et invoque des "difficultés" indépendantes de sa volonté.
“Nul ne peut quantifier le manque à gagner pour notre commune (…) Les talents de la commune de Tivaouane en matière de football n'ont pas pu éclore pendant trois ans. C’est déplorable”, s’est indigné le président de l’Organisme départemental de coordination des activités de vacances (ODCAV) de Tivaouane, Lamine Niang.
Le ministre des Sports, Yankhoba Diatara, a récemment déclaré à l’Assemblée nationale que le stade de Tivaouane figurait sur une liste d’infrastructures sportives à rénover par son département ministériel, a dit M. Niang, promettant de soutenir cette initiative.
Selon lui, la pratique du football s’est arrêtée depuis trois ans dans cette ville chef-lieu de département, et les recettes générées par le stade se sont taries à cause de son impraticabilité.
L’actuel maire de Tivaouane, Demba Diop, dit Diop Sy, a promis de faire reconstruire le stade municipal.
Le président de l’ODCAV dit chercher vainement à le rencontrer depuis son élection au début de l’année, pour discuter avec lui de son initiative.
“J'ai rencontré ses adjoints, les membres de la commission sportive de la mairie, ainsi que d'autres responsables locaux. Malheureusement, ils n’ont pas le dernier mot”, a-t-il dit à l’APS.
La mairie de Tivaouane se défend d’être à l’origine des lenteurs de la reconstruction du stade.
La “mission d'orientation et de suivi” confiée à la commission sportive du conseil municipal en vue de la rénovation du stade s’exerce correctement, selon son président, Gora Seck.
“Il peut y avoir des difficultés dans tout travail. Il y a eu des problèmes avec le promoteur. Nous sommes en train de reprendre le travail. Il était question de poser le gazon et de s’occuper de la grille de protection du stade”, a expliqué M. Seck.
Le conseil municipal veut faire en sorte qu'"on puisse utiliser le stade dans les meilleures conditions", a-t-il assuré.
La commission des sports de la mairie de Tivaouane est en même temps à la recherche d’un site en vue de la construction d'un nouveau stade, a promis Gora Seck.
LE DRAME SOCIAL DES MÈRES CÉLIBATAIRES
Le supplice des mères célibataires est une réalité dans bien des communautés au Sénégal, à cause du regard porté sur elles, des pesanteurs sociales et religieuses, du refus de paternité…
Au début du mois de décembre 2022, le juge de la Chambre criminelle du tribunal de grande instance de Dakar a condamné Nicole Faye, présentée comme une activiste, à cinq ans de réclusion criminelle. Elle a été reconnue coupable de crime d’infanticide. Ce récit tragique est des plus courants dans les chroniques sociales. Dans une bonne partie de la société sénégalaise, c’est une forme de « transgression des interdits », une manière de tomber dans le déshonneur. C’est pourquoi certains expliquent le nombre important d’infanticides par ce regard porté par la société sur les mères célibataires et le refus de paternité. Elles supportent le rejet de leur famille et essuient les dédains de la communauté, dont elles ont « transgressé les interdits ». Les grossesses hors mariage ou les naissances dites illégitimes, dans un certain entendement social et religieux, conduisent au supplice dans bien des cas. Elles sont condamnées, quelquefois, à l’isolement.
Jeune et innocente à l’époque, M. D voyait la vie en rose jusqu’au jour où tout a basculé. Un « accident d’un soir » l’a plongée dans la détresse, bouleversant sa vie. Aujourd’hui, mère de deux enfants de pères différents, son récit de vie est des plus douloureux : « j’étais encore très jeune quand je suis tombée enceinte pour la première fois. Le père de mon premier enfant n’était pas assez mature pour prendre ses responsabilités. D’ailleurs, il n’a jamais voulu les assumer envers son fils qui a neuf ans aujourd’hui. Je lui ai même proposé de faire un test Adn, mais il n’a jamais accepté. À cette époque, nous étions tous les deux très jeunes. J’ai vécu des moments difficiles. Ce n’était pas évident à mon âge. Il arrive parfois que mon fils me demande des nouvelles de son géniteur ».
Un autre « accident d’un soir » survient ensuite, un deuxième garçon qui aura bientôt quatre ans. Lui, au moins, son père l’a reconnu. Mais, il ne l’a plus revu « depuis le jour de son baptême ». Se souvient-elle encore, le visage crispé, des nuits blanches, noyée dans son chagrin. Malgré le soutien de sa mère, la pilule est dure à avaler. Les promesses d’amour étaient trompeuses. « Les géniteurs se sont débinés », confie-t-elle, triste.
Le temps n’a pas réussi à briser le cycle infernal de ses tourments, car « c’était compliqué ». Et ce n’est pas fini. « Il ne voulait rien entendre, se disant que c’était impossible. Nous l’avions fait. Et une seule fois », dit-elle, cherchant le réconfort dans cette « seule fois ». Ses souvenirs sont amers. Cette erreur de jeunesse lui a volé une grande partie de sa vie. Une mémoire qui l’affecte toujours : « ce sont des choses qui ne s’oublient pas du jour au lendemain. Les gens seront toujours là à te rappeler que tu as mis au monde un enfant hors mariage. Un enfant qui, en plus, n’est pas reconnu par son père ».
« Je ne suis pas une femme facile »
Une autre dame, préférant garder l’anonymat, a vécu la même mésaventure. Cette dernière, malgré la pression sociale, a su trouver la force et le courage d’élever et de garder ses trois enfants qui n’ont pas été conçus dans les liens du mariage. Âgée de 30 ans, elle raconte son calvaire en des termes touchants : « j’ai eu trois grossesses successives. Pour la première fois, le père de mon enfant a préféré se marier avec une autre fille. Il l’avait engrossée en même temps que moi. Toutefois, mes deux derniers enfants sont du même père. Celui-ci m’avait promis le mariage, mais il n’a pas respecté son engagement. Je n’ai même plus de ses nouvelles ». Mais le regard porté sur les mères célibataires l’incommode davantage, surtout celui-là, inquisiteur et les esprits pervers qui en font des « femmes faciles ».
Épouse apparemment épanouie, Adja n’est pas non plus une « femme facile ». Après avoir « trébuché », comme elle plait à appeler sa grossesse hors mariage, elle a refait sa vie avec un autre homme. « Quand ce dernier m’a épousée, ma mère s’est proposé de garder mon fils obtenu hors des liens du mariage. C’était, pour elle, plus convenant surtout vis-à-vis de ma belle-famille. Mais j’ai dit niet. J’ai fait une erreur, ce n’est pas pour autant que je suis mauvaise », dit-elle, heureuse de ce choix.
Salif Ba, un homme de 43 ans, s’est beaucoup ému du sort d’une de ses vieilles connaissances qui a vu sa vie détruite à cause d’une grossesse hors mariage. Issue d’une famille attachée à la pratique religieuse, son amie n’a pas survécu au matraquage psychologique de ses proches. « Son père ne lui adressait plus la parole. Sa mère, honteuse devant sa coépouse, n’arrêtait pas de lui répéter l’opprobre dont elle l’a couverte. Elle a fini par dépérir et perdre goût à la vie. L’homme qui l’a mise enceinte voulait l’épouser, mais, pour des considérations religieuses, son père s’y est opposé au grand dam de sa fille, laissée à elle-même. Son amoureux a fini par se lasser et est allé chercher son bonheur ailleurs », se rappelle Salif. Elle ne s’est plus jamais relevée jusqu’à sa mort à l’âge de 27 ans. Triste fin.