LE SÉNÉGAL SERA LE QATAR D'AFRIQUE AVEC LE PÉTROLE ET LE GAZ
Auteur de plusieurs ouvrages sur le continent, l'ambassadeur Ahmet Kavas revisite les relations diplomatiques entre Ankara et Dakar, tout en mentionnant les échanges qui ont plus que doublé de 2019 à 2022 - ENTRETIEN
C’est un diplomate familier au Sénégal qui le quitte, avec beaucoup d’émotions, après plusieurs années comme ambassadeur de la Turquie. C’est parce que Ahmet Kavas en connaît beaucoup sur l’Afrique de manière générale et sur le Sénégal en particulier qu’il a visité pour la première fois dans les années 1990. Auteur de plusieurs ouvrages sur le continent, M. Kavas revisite, avec le Soleil, les relations diplomatiques entre Ankara et Dakar, tout en mentionnant les échanges qui ont plus que doublé de 2019 à 2022.
Comment se portent les relations diplomatiques entre le Sénégal et la Turquie ?
Je viens de lire un rapport ancien qui montre qu’avant 2000, nous avions cinq à six ambassades africaines à Ankara. Aujourd’hui, nous en sommes à 40 à peu près. La Turquie en a 45 sur le continent. Nous avons ouvert une trentaine de nouvelles ambassades en Afrique depuis lors. L’ambassade turque au Sénégal a été inaugurée en 1963 et je suis le 18e ambassadeur. Dakar a ouvert la sienne à Ankara en 2009 ou 2010. En 1993, pour venir au Sénégal, c’est le consulat français qui m’avait délivré un visa. Maintenant, nos deux ambassades facilitent nos échanges. Depuis mon arrivée, le Président Macky Sall a visité trois fois la Turquie. Le Président turc, Recep Tayyip Erdogan, est venu deux fois au Sénégal en trois ans. Comme Premier ministre turc, il a fait 56 voyages officiels en Afrique, dont six fois au Sénégal.
Lors de la visite du président turc, Recep Tayyip Erdogan, au Sénégal, en février 2022, il était question de booster les échanges entre les deux pays. Presqu’un an après, est-ce que ce vœu a été suivi d’effet ?
Je suis venu au Sénégal pour la première fois, il y a 30 ans exactement. Cela a coïncidé avec les 30 ans d’anniversaire de notre ambassade ici. J’ai quitté le Mali pour venir connaître et faire connaître le Sénégal en Turquie et vice-versa. Aujourd’hui, on a chez vous des entreprises turques telles que Summa, Fks, Karpower. Nous avions 300.000 étudiants étrangers, dont 200 Sénégalais sur 60.000 Africains. Ce qui était très peu. Maintenant, nous sommes à 1500 étudiants sénégalais en Turquie. Nos échanges commerciaux avec le Sénégal en 2019 s’élevaient à 350 millions de dollars. En 2022, malgré la Covid-19, nous sommes à 720 millions de dollars, soit deux fois plus. L’ambassade de Turquie facilite l’obtention de visas, nous ne cherchons pas beaucoup d’argent pour en délivrer. Je connais le Soleil, dont je garde des exemplaires de 30 ans. Il y a beaucoup de choses à faire dans notre coopération, notamment dans le domaine touristique. Les relations avec les universitaires, les médias des deux pays, les commerçants vont donner des résultats dans quelques années. En termes de grands projets, on a l’aéroport, la Cicad, le stade, Karpowership qui assure 15 à 20 % de la production énergétique du Sénégal. Il y a aussi le projet sidérurgique Chalk Energy à Bargny. Le Sénégal n’a pratiquement pas de coupure électrique, c’est un grand exemple en Afrique.
En faveur de quel pays penche la balance commerciale ?
Le président Erdogan avait remarqué, auprès de son homologue sénégalais, que la balance des échanges entre les deux pays était plus à l’avantage de la Turquie. Sur un volume d’une valeur de 705 millions de dollars, les Turcs ont payé au Sénégal seulement 15 millions de dollars. Il a demandé aux hommes d’affaires sénégalais d’équilibrer les échanges entre les deux pays. Au lieu d’importer, beaucoup d’hommes d’affaires sénégalais peuvent « acheter » chez nous des usines. Le Sénégal a beaucoup de choses qu’il peut produire et vendre à la Turquie. Il peut devenir un grand exportateur de produits agroalimentaires. L’Afrique doit passer de continent de consommation à continent de production et du consommer local. Le Congo tout seul peut nourrir l’Afrique, assurer l’eau potable à tout le continent. La route de l’Union africaine qui va d’Alger à Lagos et Ndjamena va faciliter le commerce intra-africain. L’Afrique a été et restera toujours riche, mais il faut qu’elle reste riche avec ses peuples. Le concept international de gagnant-gagnant doit profiter à tous, mais pas être du 90% contre 10 % pour l’Afrique.
Quels sont les produits qui peuvent être échangés ?
L’arachide, un peu de zircon acheté par une société turque. Le Sénégal est dans le top 5 mondial en production de zircon, qui est indispensable à la fabrication de certains produits tels que les téléphones portables, les lunettes, les télévisions… Le Sénégal exporte son phosphate vers l’Inde, la Turquie, d’une valeur de 700 millions de dollars. J’écris régulièrement des articles sur la valeur de l’Afrique en me référant souvent au Sénégal, qui sera le Qatar d’Afrique avec le pétrole et le gaz. Dans cinq ans, on verra, tout d’un coup, le Sénégal accélérer son développement grâce au pétrole et au gaz devenus très chers. Le Sénégal a beaucoup de moyens dont des eaux poissonneuses. Pour tirer profit de ses ressources halieutiques, pourquoi le Sénégal n’achète pas de grands bateaux de pêche et vendre au monde entier ; le poisson est devenu un produit introuvable ?
Le Sénégal peut aussi produire de l’énergie hydraulique et solaire, c’est un pays qui s’épanouit économiquement. Quand Amadou Mahtar Mbow était Directeur général de l’Unesco (1974 à 1987), je n’avais pas 15 ans. Il avait quels moyens pour atterrir à la Direction générale de l’Unesco ? Il faisait son travail comme il faut. Je l’ai connu par la suite, il est incroyable. Quand j’ai lu le roman « L’aventure ambiguë » de Cheikh Hamidou Kane, c’est incroyable… Je connais aussi l’histoire de El Hadji Oumar Tall avec ses livres. Grâce à l’effort humain, ces Sénégalais se sont fait connaître au monde entier. Je suis ravi d’avoir servi au Sénégal comme ambassadeur, comme africaniste. Je me sens Sénégalais. Ce pays est un symbole, grâce à ses conditions géographiques, stratégiques, économiques, il peut réussir trois fois plus vite que le Rwanda.
Les réalisations d’infrastructures turques au Sénégal sont-elles été accompagnées de transfert de connaissance ?
Il faut aller sur les chantiers pour voir comment Turcs et Sénégalais travaillent. Au cours de la construction du stade de Diamniadio, il y avait 5000 travailleurs, dont 4000 Sénégalais. Et ce ne sont pas seulement des ouvriers, mais des ingénieurs aussi. Par exemple, lors de la construction de notre nouvelle ambassade, il y avait deux à trois Turcs contre 500 Sénégalais. Les travailleurs sur ces projets sont souvent constitués à plus de 80 % de Sénégalais. Ils ont tous appris le métier. À Fks, il y a, je crois, à peu près 10.000 emplois indirects créés.
Dans la même dynamique, de plus en plus d’Africains vont étudier ou se soigner en Turquie. Est-ce que vous avez pensé à aider les pays africains à former des médecins spécialisés ou nouer des partenariats avec des universités du continent ?
Les grands travaux de l’hôpital du Cap Manuel sont finis. Il fera partie des hôpitaux les plus modernes au monde. Des médecins sénégalais, mais aussi turcs vont faire des opérations sur place. Il faut garder les contacts d’étudiants sénégalais qui étudient la médecine ou en ingénierie pour préparer leur retour après acquisition de connaissances. L’Afrique n’a pas expérimenté la deuxième révolution à cause de la colonisation, elle a la possibilité d’adopter la quatrième révolution. Par exemple, Fks fabrique chaque jour 700 tonnes de farine sans intervention humaine. La quatrième révolution industrielle n’est pas un danger. Les patrons sénégalais doivent investir dans ce sens et ne pas attendre que les étrangers le fassent. En 50 ans, les Coréens se sont développés. En Afrique, le Rwanda qui a vécu le pire (génocide) est devenu un exemple dans plusieurs domaines. Ce n’est pas un miracle, mais une volonté.
Qu’est-ce qui différencie votre pays des puissances étrangères souvent accusées de ne s’intéresser qu’aux ressources du continent ?
Le nom de notre pays, c’est Türkiye et non Turkey, qui signifie dinde en anglais. Pendant que beaucoup de pays occidentaux ferment leurs ambassades en Afrique, la Turquie augmente les siennes. Si vous êtes absent diplomatiquement d’un pays, c’est comme si vous n’y êtes pas. Les investisseurs turcs en Afrique partagent leurs expériences avec le pays d’accueil. Nous avons près de 60.000 jeunes africains qui étudient dans nos universités. De grandes compagnies internationales de transport aérien ne veulent pas venir en Afrique. Turkish airlines, c’est 41 pays, 62 destinations vers les capitales africaines. Cela marque déjà notre différence avec les autres pays présents sur le continent. Bien sûr, on gagne, mais côté prix, nous sommes moins chers. Les investisseurs turcs comme Summa, Fks, s’intéressent au Sénégal en y amenant de la production, des emplois, de l’expertise en matière de gestion d’entreprise. Aussi, le regard des Turcs sur l’Afrique est très bon.
Malheureusement, il n’y a pas de traduction en turc d’ouvrages tels que ceux de Cheikh Anta Diop, Cheikh Hamidou Kane ; il faudra y réfléchir. Pourquoi ne pas les traduire en wolof, une langue que j’ai apprise en 1994, à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) de Paris. Sinon beaucoup de mots disparaitront avec l’oralité, contrairement à l’écrit. Quand je suis arrivé au Sénégal, j’ai vu la grandeur de cette langue dynamique, qui a fait des emprunts à l’arabe, mais reste une grande langue. Le pulaar est aussi une grande langue internationale ; il faut écrire dans cette langue comme l’a fait Amadou Hampathé Ba.
Comment entrevoyez-vous la suite des relations turques avec le continent africain
Dans 10 à 20 ans, ce sera peut-être Air Sénégal en Turquie tous les jours, des intellectuels sénégalais qui se distinguent dans les arts, l’architecture grâce à notre coopération. Des jeunes ont une vision internationale qui ouvre des perspectives sur l’avenir. Ce seront les bâtisseurs de nos relations.
UN PEU DE RESPECT, MONSIEUR LE PRÉSIDENT
EXCLUSIF SENEPLUS - Sans l’air d’y toucher, monsieur Abdourahmane Sarr réduit mon ouvrage à « une interview réussie pour le poste de Premier ministre » et affirme que « le Sénégal aurait gagné à avoir Boubacar Camara à ce poste
« Boubacar Camara pourrait être le Premier ministre de ce président qui gagnerait et s’occuperait de « mettre de l’ordre » pour nous en mettant en œuvre les réformes administratives contenues dans son livre ». Voilà ce que trouve à dire, en substance, monsieur Abdouramane Sarr dans un article illustré par sa propre photo et publié le 1er février 2023, dont le titre « Boubacar Camara, président ou Premier ministre ? » renvoie à un pronostic politique comme savent bien s’y adonner ceux qui, bien vautrés dans leur salon, refont le monde.
En parcourant le texte, on se rend compte qu’il s’agit d’un compte rendu de lecture de mon ouvrage « Construire le Sénégal du Futur » paru chez l’Harmattan. Je l’en remercie bien sincèrement et surtout j’apprécie l’occasion qu’il m’offre de revenir sur quelques points essentiels de mon ouvrage notamment ma vision, mon option pour la création de richesses et ma conception du positionnement politique.
Un malentendu profond sur la vision
Après avoir formulé une appréciation générale de l’ouvrage et exprimé sa « perception de la sincérité de son auteur dans son engagement pour le Sénégal » sa volonté de « contribuer à attirer l’attention sur son importance», monsieur Sarr commence par conclure que la vision déclinée dans le livre doit être reformulée ainsi : « Un Sénégal associé à ses proches voisins dans un État fédéral libre, développé, et bien géré dans la solidarité à travers l’industrialisation financée par le troc de ressources naturelles en échange des investissements nécessaires ». De plus, il corrige le titre du livre et propose : « Le Sénégal leader dans une Afrique nouvelle ». Pour renforcer la nouvelle formulation de la vision qu’il propose, il plaide pour que le dernier chapitre sur une meilleure ouverture à l’Afrique soit ramené à la première place.
C’est un premier malentendu.
En effet, la vision qui constitue le fil conducteur de notre travail est sans équivoque et consacre un changement de cap et une rupture radicale par rapport aux options prises jusque-là : « Bâtir un Sénégal prospère par un capital humain épanoui à partir de l’exploitation judicieuse des ressources naturelles notamment l’optimisation de toutes les chaines de valeur des produits, en renforçant les acteurs essentiels de la société pour un développement durable » (p.28)
Monsieur Sarr biffe sans hésiter l’essentiel : « le capital humain épanoui ». Tandis que pour moi, l’homme est « au début et à la fin du développement », il passe sous silence les acteurs à renforcer qui constituent la préoccupation principale et la finalité du projet de société que je propose : l’État, le travailleur, l’entreprise, la femme et la jeunesse.
C’est donc sans étonnement qu’aucune réaction de l’auteur n’ait été enregistrée sur l’Education (Chapitre 4, pp. 65-99 soit 34 pages) et la Santé (Chapitre 5, pp. 101-123 soit 22 pages), points sur lesquels un changement de cap fondamental est opéré : le retour de l’État dans la prise en charge de l’éducation et la santé comme un investissement réfléchi et non plus comme une charge à transférer aux ménages sur injonction des bailleurs de fonds.
C’est également sans surprise que monsieur Sarr ignore tous les développements sur les fondamentaux pour un nouveau socle pour la nation avec des principes directeurs et des valeurs cardinales consensuels qui doivent bâtir et justifier un nouveau pacte de citoyenneté. Je suis convaincu que le processus de formation des États et nations africaines doit être repensé et parachevé pour espérer un développement durable dans la paix, la stabilité et la volonté de vie commune (voir les trois premiers chapitres pp.31-63 soit 32 pages).
C’est en s’attelant à ces préalables qu’il est possible de s’engager dans la transformation structurelle de l’économie avec une production optimale dans tous les secteurs, notamment ceux qui permettent d’obtenir une croissance inclusive, de manager autrement et mieux l’administration publique et de s’ouvrir correctement à l’Afrique.
De plus, il ne s’agit point de plaider pour un leadership du Sénégal pour une Afrique nouvelle introuvable. Il convient, dans une démarche réaliste et prudente, de mutualiser les ressources humaines et naturelles des pays dont les potentialités peuvent permettre d’améliorer durablement la vie des citoyens. Monsieur Sarr s’est peut-être trompé de livre.
A ce stade, on aurait pu clore le débat car le malentendu est profond.
Une erreur manifeste d’appréciation du levier financier des ressources naturelles
Par endroits, Monsieur Sarr met de l’avant ses propres contributions précédentes, son « offre publique d’Adhésion à un Sénégal de liberté, de patriotisme, et de progrès à la classe politique partisane » pour conforter les points des vues « des libéraux qu’ils sont » sans aller jusqu’au bout de la confrontation avec ce qui est proposé dans mon ouvrage.
C’est surtout sur la création de richesse que monsieur Sarr commet une erreur manifeste d’appréciation en tentant de formuler des critiques sur le schéma de financement à partir des ressources naturelles.
Il procède de deux manières.
D’abord, il établit une liste des avantages du financement classique dont il n’est pas question ici et qu’il considère comme une panacée. Pourtant, les résultats médiocres de ce schéma crèvent les yeux et placent nos pays, même les meilleurs élèves des bailleurs de fonds, dans un cercle infernal d’une croissance qui ne rabote pas la pauvreté. Il est constant que le financement habituel du développement par les bailleurs de fonds n’a pas encore changé l’Afrique. L’allergie au recours souverain aux ressources naturelles peut bien se comprendre de sa part.
Ensuite, pour discréditer le recours aux ressources naturelles comme levier de financement, il dresse un tableau noir rempli d’une longue liste d’inconvénients qui ne se rattachent à aucune des propositions que j’ai formulées. C’est un procédé bien connu. En voici un échantillon : « le troc de ressources naturelles pour des investissements pourraient hypothéquer notre avenir inutilement », « une monnaie sénégalaise ou fédérale aux mains d’un État fédéral dirigiste ne serait également pas désirable, à l’échelle nationale, elle impliquerait un état déconcentré plutôt que décentralisé source de convoitises corruptrices, et à l’échelle fédérale, un consensus sur une stratégie de développement qui n’est pas imaginable à court terme », « la gestion de sa banque centrale est hors de portée de l’état développementaliste comme c’est le cas de notre banque centrale régionale », « le Sénégal est diffèrent des pays qui n’ont pas accès aux marchés financiers internationaux pour d’autres raisons », « on risque de sombrer dans la dépendance vis-à-vis de partenaires spécifiques », « il ne serait pas indiqué de dépenser les ressources correspondantes car l’inflation que ça générerait, au vu des capacités de production limitées à court terme, détruirait notre économie « , « ce recours a effectivement lié les mains de plusieurs pays africains qui ont hypothéqué leurs ressources naturelles à la Chine (suivez mon regard !) en échange d’infrastructures », « le risque se lier les mains par le troc avec des partenaires spécifiques », et des évidences du genre « nous ne pouvons pas emprunter toute la valeur actuelle de nos ressources naturelles en une fois ». Quoi encore ? Cela me paraît assez fort de café !
Ce qui est le plus surprenant de sa part est le jugement de valeur de ma démarche auquel il procède en affirmant que monsieur Camara a choisi l’option d’un État stratège pour la création de richesse et « conscient de la contrainte de financement de cet état, il s'est rabattu sur les ressources naturelles à échanger pour financer ses interventions ».
Pas du tout. Au contraire, conscient des énormes potentialités de notre pays et de l’Afrique en général, aussi bien du capital humain que des ressources naturelles, de leur sous exploitation et de l’aliénation abusive dont elles sont l’objet, je considère ces ressources naturelles comme le levier principal pour financer le développement. Il ne s’agit pas d’une solution de secours pour surmonter une contrainte de financement, il s’agit d’un changement de cap qui consiste à rompre avec la contradiction aberrante qui consiste à « s’assoir sur de l’or et à quémander du fer rouillé ».
Ce n’est pas parce que le Sénégal n’aurait pas de difficultés d’accès aux marchés financiers internationaux comme certains pays que le choix du recours aux ressources naturelles doit être écartée ou reléguée au second plan.
Plus qu’une nécessité, c’est une exigence de l’heure de restaurer la souveraineté sur nos ressources naturelles et de structurer des financements en procédant à un troc de nos ressources naturelles pour financer le développement. Le tout, c’est de bien le faire. Il ne s’agit absolument pas, comme l’auteur le subodore, de reconduire les manquements enregistrés dans les négociations des autres pays ou d’adopter les pratiques de mauvaise gouvernance.
Il n’a jamais été question de cela. Au contraire, l’évaluation du « bartering » « Réalisation d’infrastructures – Projet industriel de transformation locale des ressources naturelles » à laquelle j’ai eu la chance de participer, montre que cette option ne signifie nullement le refus de recourir aux marchés financiers internationaux. On s’y présente autrement avec des garanties solides qui renforcent les capacités de négociation des États et les libèrent de l’endettement public excessif et met les États dans une position plus confortable dans les partenariats public-privé.
Plusieurs autres avantages de ce mode de financement sont connus notamment la combinaison souple entre le prêt actionnaire sans intérêt, le prêt sur les marchés financiers, les études de faisabilité et l’audit des titres miniers validés conjointement, l’attribution de pas de porte, l’assistance technique et financière, les modalités de remboursement souples et variées, la prise en compte des contributions fiscales et douanières consenties.
Le troc envisagé offre l’opportunité d’assurer simultanément la réalisation d’infrastructures utiles et le développement industriel. Ces investissements nécessitent des financements colossaux qu’il n’est pas aisé de mobiliser.
En effet, pour le volet infrastructurel, le recours aux finances publiques est assorti à des conditionnalités macro-économiques et de rating, difficiles à remplir. De plus, les exigences des partenaires techniques et financiers et les conditions de remboursement notamment le paiement régulier des charges de la dette constituent des contraintes sur les finances publiques. La convention de troc permet de lever ces contraintes.
Pour le volet industriel, les conditions classiques d’attribution des permis d’exploitation obéissent à des procédures complexes et les clés de répartition sont souvent désavantageux pour l’État du fait des lourds investissements à l’étape de l’exploration consentis par le cocontractant. De plus, les retombées sur les populations et les recettes de l’État sont relativement négligeables. La convention de troc permet d’identifier un partenaire, de lui confier le développement minier ou autre et, en contrepartie, il procède aux investissements nécessaires pour réaliser des infrastructures retenues d’un commun accord.
L’autre avantage réside dans la disponibilité d’un partenaire financièrement solide et doté d’une expérience avérée qu’il convient évidemment de sélectionner dans des conditions transparentes.
Il appartient à l’État contractant ou son représentant de veiller à ce qu’il ne subsiste pas de déséquilibre préjudiciable à ses intérêts dans la répartition du capital de la société véhicule du projet, la mise en œuvre des conditions de remboursement, le recours au secteur privé national, les mécanismes de remboursement, les capacités d’absorption des crédits, entre autres.
Le choix des infrastructures doit également se faire de façon pertinente et obéir à un objectif stratégique précis (l’aménagement pertinent du territoire en reliant notamment des parties du territoire défavorisées par le chainon manquant d’une route ou d’une ligne de chemin de fer, la réalisation de projets jugés hautement structurants etc.).
Enfin, il convient bien évidemment de bien prendre en compte les points critiques et risques du schéma adopté qu’il faut surveiller strictement y compris avec l’aide d’organismes compétents en la matière. Il s’agit entre autres de la gestion de la dette, du contrôle de la quantité des gisements extraits, de l’effectivité des travaux réalisés et leur qualité, d’une valorisation correcte des actifs, du coût réel des infrastructures et d’une plateforme de gouvernance efficiente.
Un État stratège solvable du fait de ses ressources naturelles bien exploitées n’a pas besoin de recourir à titre principal à la dette fongible, du moins pour les infrastructures de rattrapage qu’il est urgent de réaliser pour garantir une croissance soutenue. Cet État n’hésite pas un instant à mettre en jeu une partie de ses ressources pour garantir son développement durable. C’est évident.
Il doit être clair pour tous que les ressources naturelles sont l’épine dorsale du modèle de développement que je propose et servent à la fois de levier et source de financement équitable.
Le plus étonnant dans l’analyse de Monsieur Sarr, c’est la personnalisation du débat.
Un plaidoyer réducteur pour un poste de Premier ministre administratif
Sans l’air d’y toucher, monsieur Sarr réduit l’ouvrage à « une interview réussie pour le poste de Premier ministre » et affirme que « le Sénégal aurait gagné à avoir Boubacar Camara « à ce poste pour mener une réforme de notre administration qui la purgerait de l’influence de la politique politicienne et de la corruption. Il en a la crédibilité. ». Il soutient sans sourciller qu’il ne me reste qu’à chercher le candidat à soutenir et à me consacrer au management de l’administration et à m’éloigner du cercle du leadership car mon « parcours professionnel d’inspecteur d’État » m’y confine. Il n’est point besoin d’aller plus loin car monsieur Sarr se décrit comme ce président en affirmant avec majesté qu’un « Boubacar Camara aurait toute notre confiance au vu de la connaissance qu’il en a et qu’il a brillamment démontré dans son livre ». A vos ordres, monsieur le président ! Devrais-je applaudir ?
Là aussi, monsieur Sarr se trompe de livre. Les positions à occuper dans un échiquier politique ou administratif ne sont pas ma préoccupation dans cet ouvrage. Je connais bien le chemin.
Monsieur Sarr, s’éloignant de l’objet de son article, se place sur le piédestal d’un donneur de leçons qui redresse la pensée de ceux qui pensent différemment et fixe le périmètre de mon intervention m’invitant à m’investir « dans le chantier de la restauration de la dépolitisation de l’administration sénégalaise, son efficience, son efficacité, et sa probité en œuvrant pour l’élection d’un président de la République qui s’engagerait sur cette voie ». Quelle humilité !
Au-delà du mépris évident pour les fonctionnaires qui s’aventurent dans le domaine du « cœur » et du débat sur le « leadership » consacré aux « grands » comme lui au lieu de se contenter de s’occuper de la « raison » et du « management administratif », monsieur Sarr fait preuve d’un manque de discernement aveuglant. Ne sait-il pas que les gouvernants qui politisent l’administration publique et s’adonnent à la corruption le font pour avoir la main mise sur un système qui leur permet de brader les ressources naturelles et s’attribuer les marchés publics ? La gouvernance vertueuse est un bloc politique et administratif indissociable.
Les tentatives de réduire à leur plus simple expression les réformes fondamentales proposées n’y feront rien. L’entreprise consistant à effacer les divergences de fond avec les politiques publiques de Macky que « j’aurais jugées bonnes dans l’ensemble » ne passera pas. La négation de la clarté du changement de cap préconisé qui constitue le fil rouge fondant mon opposition au régime actuel et les vagues allusions aux « thèses de Sonko » sont autant de procédés de dévalorisation du travail produit qui n'échappent pas à tout observateur attentif.
Au-delà des appréciations positives et un peu trop flatteuses parfois, l’article rend compte d’une volonté de montrer sa propre différence avec les vues de l’auteur à moins qu’il s’agisse d’une pièce de l’entreprise du pouvoir qui consiste à « décrédibiliser Kamâh dont la stratégie est basée sur la connaissance, le savoir et l’expérience ». Soit. Ouvrons le débat, de manière franche, sur les différentes offres des leaders politiques.
En ce qui me concerne, il doit être définitivement acté que je ne me suis pas investi en politique pour jouer les seconds couteaux. Ma vision est claire et j’ai l’ambition de mettre en œuvre une voie nouvelle pour un Sénégalais épanoui dont le bien être n’est pas une variable d’ajustement.
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