C'EST LA CULTURE DU VIOL VERSION FÉODALE QUI PRÉVAUT AU SÉNÉGAL
Le code de la famille contient d'innombrables dispositions discriminatoires contre les femmes. Les mariages de mineur.es, les mariages forcés se poursuivent. Le patriarcat s’enracine avec l’onction religieuse - ENTRETIEN AVEC NDEYE KHAIRA THIAM
Psychologue clinicienne et criminologue, Ndeye Khaïra Thiam est avant tout une fervente militante féministe qui vit entre le Sénégal et la France. Elle intervient régulièrement auprès des instances nationales et internationales comme consultante. Elle était présente lors du Forum génération égalité qui s’est tenu à Paris du 30 juin au 2 juillet 2021.
Même si le dernier rapport de la CEDEF (Convention sur l’Élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des Femmes) a salué en février dernier des avancées dans le traitement des salaires, l’accès à l’éducation et à des postes à responsabilité ainsi qu’à une parité au niveau politique avec une représentativité féminine accrue dans les institutions électives et semi-électives, l’égalité reste extrêmement loin d’être acquise. Certaines villes du Sénégal comme Touba se déclarant « ville religieuse » résistent obstinément à l’application des différentes règles de droit national et aux accords ratifiés par l’Etat.
Au Sénégal, République laïque, démocratique et sociale ainsi que le proclame encore l’article 1er de sa Constitution, le religieux tend à surpasser les pouvoirs institutionnels et le patriarcat s’enracine de plus en plus avec l’onction religieuse. L’inégalité entre les femmes et les hommes est à ce point ancrée dans les mentalités et institutionnalisée que les femmes peinent à accéder à leurs droits fondamentaux et principalement aux droits reproductifs. Le code de la famille n’est toujours pas remanié alors qu’il contient un nombre incalculable de dispositions discriminatoires contre les femmes. Les mariages de mineur.es, les mariages forcés et la polygamie pratiquée, au mépris même des règles islamiques, conduisent régulièrement à des problèmes de santé physique et psychique, notamment de santé mentale, allant jusqu’au suicide ou tentatives de suicides. L’avortement est toujours interdit et, seules, les femmes sont poursuivies pour néonaticide alors que l’article 14 du protocole de Maputo a été signé et ratifié par le Sénégal et n’est toujours pas appliqué en raison du véto des religieux et par manque de courage du gouvernement. Les chiffres de l’excision, des violences conjugales ou des viols n’ont toujours pas diminué voire, ont augmenté depuis la pandémie de Covid. En 2020, une loi a été adoptée criminalisant les actes de viol et de pédophilie. Néanmoins, les affaires présentées devant le juge sont très souvent correctionnalisées afin d’en minimiser les peines.
Comment expliquez-vous ces résistances dans l’application des lois nationales et supra-nationales, des recommandations de la Convention sur l’Élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des Femmes (CEDEF) et des différents accords internationaux en faveur de l’égalité F-H ?
L’ancienne ministre de la femme, l’ancienne directrice du genre et l’ancienne directrice de la famille ont toutes les trois soutenu l’idée que la polygamie n’était pas une forme de violence. Toutes les trois sont des secondes épouses. L’experte onusienne de l’Egypte a failli s’étrangler lors de la dernière réunion de la CEDEF quand celles-ci ont justifié la polygamie par la religion et la culture, sans aucune distance et sans égard pour toutes les femmes, première, seconde, troisième ou quatrième femme qui souffrent dans nos hôpitaux ou dans nos prisons. Sans non plus prendre en considération toutes celles issues de ces familles polygames qui ne veulent pas reproduire ce modèle ou d’autres encore qui ne partagent pas ces pratiques.
A côté de cela, de la police au juge, le taux d’attrition est une catastrophe car tout est fait pour que les victimes n’obtiennent jamais justice puisque c’est la culture du viol version féodale qui prévaut au Sénégal. Certaines associations féminines s’en défendent en arguant des formations ou des actions de sensibilisation qu’elles ont menées avec ces fonctionnaires. Il n’en demeure pas moins qu’au quotidien, on doit slalomer entre les services pour éviter aux personnes que l’on accompagne d’être revictimisées par des propos extrêmement violents ou une désinvolture dans le traitement des plaintes ou demandes des justiciables. Au surplus, les victimes n’ont pas d’aide juridictionnelle, tout est à leur charge alors que les présumés auteurs, eux, l’obtiennent. Rajoutons à cela, le traitement médiatique réservé aux affaires de viol qui est scandaleux ! L’intimité des victimes est étalée partout y compris au mépris du secret médical ou du secret de l’instruction. Devant la CEDEF, l’ancienne ministre avait dû reconnaitre qu’en deux ans il n’y avait que 14 dossiers de viol recensés devant les cours criminelles. Un juge nous a sorti lors d’un atelier de juristes sénégalaises « qu’on ne distribue pas des peines criminelles comme on distribue des bananes » alors que les dénonciations pour viol y compris sur mineures ne font que grimper. Rien qu’au mois d’octobre 2022, il y a eu une série de meurtres plus atroces les uns que les autres. En une semaine, il y a eu quatre féminicides, sans que cela n’émeuve le gouvernement sénégalais.
Une partie de la société civile est sous emprise de l’Etat voire simultanément à la tête de certaines associations travaillent pour l’Etat. Ce dernier les contrôle et ne présente que les rapports partisans de ces groupes aux instances internationales. Celles-ci ferment bien les yeux sur les réalités de terrain et font le jeu du gouvernement pour sécuriser d’autres intérêts. L’ancienne directrice d’ONU femmes est devenue, au dernier remaniement, ministre de l’Économie du gouvernement sénégalais.
Les défenseuses des droits des femmes comme les féministes sont régulièrement la cible d’agressions dans la réalité comme sur les réseaux sociaux. Rien n’est prévu de rapidement fonctionnel pour elles. Sans compter qu’elles subissent des pressions familiales énormes. Et rien n’est prévu non plus pour les aider à prendre soin de leur santé physique et surtout mentale.
La Sénégalaise n’a pas toujours été soumise. Il existait des matriarcats. Y a t’il actuellement un travail de recherche pour réhabiliter l’histoire des femmes en Afrique ?
Le matriarcat n’était pas un gage de liberté des femmes telle qu’elle est aujourd’hui réclamée. La parole des femmes était soumise à celle du frère ou du père, et l’exercice du pouvoir, s’il était bien d’origine matrilinéaire, l’attribuait en priorité aux hommes. Dans le royaume du Waalo, il a fallu un coup d’Etat d’une Linguère au 17/18e siècle pour que ses filles Njeumbet Mbodj et Ndaté Yalla Mbodj prennent le pouvoir.
Des recherches sur l’apport des femmes dans le matrimoine existent mais manquent parfois de rigueur scientifique ou sont totalement partisanes. L’histoire de l’Afrique noire a été remaniée pour des raisons politiques, par les colons qui se sont succédé. Nombre d’archives sont manquantes ou bien sont conservées en France et restent ainsi peu accessibles aux chercheuses et chercheurs sénégalais. C’est compliqué de reconstituer nos histoires en se soustrayant à celle imposée par les colons ou même à l’ethnologie coloniale qui fait encore recette de nos jours et qui nous encombre. Spécialement quand des Européen.nes viennent nous parler de nos histoires ou de nos cultures et cherchent à nous imposer une vision surréaliste de nos pays.
Les Sénégalaises ont toujours lutté pour leurs droits. Il y a eu des mouvements féministes dans les années 70 et 80 qui ont permis de mettre en débat certaines problématiques. En 2018, le #balancetonsaïsaï (pervers) a-t-il eu l’effet d’un raz de marée ? La société sénégalaise a-t-elle pris conscience des violences faites aux femmes ou continue-t-elle dans le déni ?
#balancetonsaïsaï n’a pas pris du tout au Sénégal. On a eu en revanche « l’affaire Songhé » qui a provoqué un énorme scandale. Pendant des jours et des jours, il y a eu des torrents de témoignages sur les viols. Ensuite, un petit groupe de femmes ont maintenu la pression sur les médias. Cependant, j’ai fini toute seule avec cette histoire, mes consœurs s’étant désistées par peur. On a continué à parler régulièrement des viols dans les médias jusqu’en 2019. Cette année-là, une série de viols suivie de meurtres ont été commis et tout le monde est descendu dans les rues pour crier notre ras le bol que ce soit à Dakar comme dans les autres régions du Sénégal. C’est officiellement cette dernière mobilisation qui a conduit à l’adoption de la loi contre les violences faites aux femmes. Mais en réalité, c’est surtout la personnalité de la dernière victime, fille d’un ami du chef de l’état, qui a fait que la loi a été rédigée et adoptée dans la précipitation. Malgré de nombreuses imprécisions, cette loi a le mérite d’exister… Mais à cette période, le mouvement féministe mort dans les années 80, n’était pas encore revenu de ses cendres. Il a fallu attendre 2020 pour qu’il y ait de plus en plus de femmes se déclarant féministes et 2021-2022 pour qu’elles commencent à s’organiser.
La société sénégalaise vit dans le déni de la gravité de sa violence de manière générale mais spécifiquement des violences vis à vis des femmes et des enfants. Les gens ne veulent pas se regarder en face et faire un travail individuel et collectif pour traiter l’Histoire et ses psycho-traumas mais aussi tous les autres psychi-traumas qui se transmettent d’une génération à l’autre dans les familles. Et ça il va falloir qu’on le fasse si l’on veut réguler d’abord les violences et faire de la place au cas particulier des violences faites aux femmes et aux enfants qui ont aussi des fondements patriarcaux (précoloniaux, arabo-musulmans et européens). De plus il va falloir faire un gros travail de déconstruction et c’est là aussi qu’on attend les féministes. Mais on va continuer à espérer…
Vous interviendrez à Paris les 26 et 27 novembre prochain à l’occasion de la 28ème université d’autonome de Ligue des droits de l’homme pour parler de féminismes africains. Quels sont ces féminismes et leurs défis ?
J’ai l’honneur de remplacer la Professeure Fatou Sow, une très très grande universitaire féministe. Je parlerai de ce que j’estime être un » malaise dans le féminisme sénégalais » actuel. Une manière d’abord, de parler de mon rapport au féminisme et à ce qui se fait ou pas au Sénégal et d’essayer aussi de pousser des féministes sénégalaises à intensifier sérieusement la lutte, à avoir le courage de prendre en charge certains sujets laissés en rade et à travailler de manière encore plus hargneuse à déconstruire les poncifs éculés qui tiennent la femmes sénégalaise esclave de l’homme sénégalais alors que l’esclavage est aboli au Sénégal depuis le 23 juin 1848. Il y a urgence aujourd’hui à changer radicalement le visage de la société sénégalaise. Des enjeux économiques et géopolitiques telles que la découverte du pétrole ou du gaz ainsi que la poussée islamiste qui est à nos portes menacent très sérieusement la stabilité du pays mais encore plus directement la vie des femmes sénégalaises.
Les mouvements féministes sénégalais reçoivent-ils l’appui de la diplomatie féministe, stratégie internationale luttant pour l’égalité F-H en appliquant les mesures adoptées par le G7 et le Forum Génération Egalité ?
Je ne sais pas ce que vous appelez la « diplomatie féministe ». Ce qui déjà est en soi signifiant de l’insignifiance de cette « diplomatie » dans nos pays. Il y a des institutions internationales qui gravitent autour de certaines féministes dans le but de capter leur énergie et de la mettre à profit de leurs propres objectifs. C’est-à-dire la schizophrénie diplomatique qui veut l’égalité sans la vouloir vraiment dans les faits en se cachant derrière le non-interventionnisme dans les politiques des pays concernés, qu’ils financent par ailleurs pour ces questions. Pffff ! Les féministes ont démarré leur lutte sans ces institutions et d’autres groupes sont morts à cause de ces mêmes institutions. Vous me permettrez donc d’étaler ma parano à la face du monde quand on me parle d’institutions internationales ou de « diplomatie féministe ». Au Sénégal, les diplomates femmes que nous avons tout comme les quelques rares femmes ministres par exemple, n’ont rien de féministes. Et je parle aussi à celles qui se revendiquent « plus féministes » que les féministes sénégalaises. A bon entendeur ! Elles sont les bonnes garantes du patriarcat qui les salue dès qu’il peut pour leurs bons et loyaux services et qui sont surtout en charge de faire rentrer les récalcitrantes dans le rang. A ma connaissance, il n’y a qu’une seule personne dans le gouvernement qui appuie réellement les féministes dans certaines de leurs actions. A elle seule, elle ne peut pas représenter toute la diplomatie. Il serait nécessaire que les femmes sénégalaises jouent davantage des coudes pour s’imposer comme un contre-pouvoir. Elles ont l’avantage numérique et le cuir plus dur au mal. Qu’elles rompent avec la peur d’être mal vues ! Evidemment que vous serez mal vue par ceux que votre liberté et votre leadership réel (pas celui des grands hôtels ou sommets internationaux) effraient car il risque de leur faire perdre leurs petits avantages de despotes.
EXCLUSIF SENEPLUS- Éclairage sur cette notion galvaudée de secret de la défense nationale ainsi que quelques notions sur la règlementation relative à la protection du secret de la défense nationale
Secret de la défense nationale : quelques réflexions sur un régime juridique non porté à la connaissance des citoyens
« L’invocation du « secret défense » est le joker des affaires d’État, la carte qui permet de passer son tour avec élégance, sans être obligé de mentir pour éviter de s’accuser » - (Edwy Plenel, « La part d’ombre, Stock, 1992, réédition Gallimard 1994, p. 445)
« Le secret de la Défense nationale est nécessaire, il doit être protégé. Il doit être défendu. Et ceux qui le transgressent ou l’utilisent à des fins contraires à la sécurité du pays doivent être punis.Encore ne faut-il pas le galvauder ». (Bernard Grasset, « Secrets défense », Pouvoirs n° 97, 2001) [1]
Le « Secret Défense » est, de plus en plus, invoqué dans le domaine de la commande publique au Sénégal. Rappelez-vous, en 2021, il avait servi d’alibi au gouvernement pour justifier les conditions d’acquisition d’un nouvel avion présidentiel. Dans un communiqué en date du 27 octobre 2022, le gouvernement se réfugie à nouveau derrière le « Secret Défense » en affirmant que le contrat de 45,3 milliards de francs CFA conclu par le ministère de l’Environnement et du Développement durable avec la société dénommée Lavie Commercial Brokers « a été approuvé par les services compétents de l'État, sous le sceau du « secret défense » [2].
Que faut-il entendre par « secret de la défense nationale » ? Bon nombre de citoyens, même les plus avertis (ministres, parlementaires, hommes politiques et journalistes), ignorent le dispositif juridique de protection des informations intéressant la défense nationale.
Nous dirons à ce propos, avec le professeur Danièle Lochak, « Qui, parmi les commentateurs, s'est véritablement attaché à commenter les dispositions législatives (et règlementaires) relatives au secret, qui s’est interrogé sur la légitimité ou l'opportunité de l'interprétation extensive qui en a été donnée ? Très peu de monde (ou personne), en vérité. Or ce travail critique est indispensable si l'on veut éviter des dérives dangereuses, contraires aux fondements mêmes de l'État de droit. [3]».
La présente contribution se propose d’apporter un éclairage sur cette notion galvaudée de secret de la défense nationale ainsi que quelques réflexions sur la règlementation relative à la protection du secret de la défense nationale.
Qu’est-ce que le secret de la défense nationale ?
Pour donner aux mots leur sens, commençons par souligner ce qu’il convient d’entendre par « secret » et « Défense nationale » avant d’évoquer le concept de secret de la défense nationale.
La notion de « secret » et de « Défense nationale »
La définition du secret. C’est quoi un secret. Tout le monde vous dira que c’est « ce qui doit être tenu caché ». Pour définir le secret, nous avons retenu la définition qu’en donne Pierre Le Coz : « Le secret est la possession de ce qui est ressenti par le détenteur comme une vérité énonçable à la connaissance de laquelle il désire que le plus grand nombre de personnes chez lesquelles elle produirait un retentissement contraire à ses attentes et à ses intérêts ne puissent accéder »[4].
En matière de protection des informations dites « classifiées », un « secret » est un ensemble d’informations protégées - documents, procédés, données, photographies, bandes enregistrées, etc. - qui ne doivent être connues que par quelques personnes et que les détenteurs ne doivent pas révéler.
La définition de la « Défense nationale ». Le régime juridique de la défense nationale est institué depuis l’ordonnance n° 60-54 du 14 novembre 1960 portant organisation générale de la Défense, prise en vertu de la loi d’habilitation n° 60-046 du 07 septembre 1960. En 1970, les dispositions de l’ordonnance précitée furent abrogées par la loi n° 70-023 du 6 juin 1970 portant organisation générale de la défense nationale. Avant l’adoption de la loi du 06 juin 1970, est intervenue la loi n° 64-53 du 10 juillet 1964 portant organisation générale de la défense civile. À la lecture de l’intitulé de ladite loi et celui de l’ordonnance n° 60-54, on n’a l’impression que le législateur de l’époque faisait la distinction entre la « Défense nationale » et la « Défense civile ».
Selon l’article premier de la loi n° 70-023 précitée,« la défense nationale a pour objet d’assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d’agression, la sécurité et l’intégrité du territoire, ainsi que la vie de la population. Elle pourvoit de même au respect des alliances, traités et accords internationaux » [5].
Il ressort de cette disposition que le champ d’application de la « défense nationale » ne se limite pas à des aspects uniquement militaires, mais couvre également la sécurité et l’intégrité du territoire ainsi que la protection de la population et plus généralement, la protection de la Nation.
La définition du secret de la défense nationale
Relevons que la loi n° 70-023 n’évoque pas la notion de « secret de la défense nationale ». Cette notion apparait avec le Code pénal qui n’en donne pas cependant une définition précise.
De la lecture combinée des articles 58, 61 à 64 et 431-60 à 431-61 du Code pénal [6], on peut définir ainsi le secret de la défense nationale : Présente un caractère de secret de la défense nationale « un renseignement, objet, document, procédé, donnée numérisée ou fichier informatisé qui doit être tenu secret dans l’intérêt de la défense nationale » et dont la collecte, la possession, la communication, la divulgation, la reproduction, la soustraction et la destruction constituent des atteintes à la défense nationale et à la sûreté de l’État [7].
Le champ d’application du secret de la défense nationale
Les informations couvertes par le secret de la défense nationale dans le Code pénal
Le périmètre d’application du secret de la défense nationale couvre « un renseignement, objet, document, procédé, donnée numérisée ou fichier informatisé qui doit être tenu secret dans l’intérêt de la défense nationale et dont la connaissance pourrait conduire à la découverte d’un secret de la défense nationale ».
On peut être amené à s’interroger sur les critères de ce qui « doit être tenu secret dans l’intérêt de la défense nationale » ou de ce qui « pourrait conduire à la découverte d’un secret de la défense nationale ».
Les informations couvertes par le secret de la défense nationale dans le règlement de 2003
Le législateur n’a pas prévu un texte règlementaire qui décrit l’organisation générale de la protection du secret de la défense nationale. Ce qui n’a pas empeché le Pouvoir exécutif de prendre des textes qui déterminent les niveaux et conditions de classification ainsi que les autorités chargées de fixer les modalités selon lesquelles est organisée la protection des informations concernées. Ainsi, ont été édités:
En 1965, l’instruction générale interministérielle n° 14/PR/SG/ du 25 septembre 1965 sur la protection du secret.
En 2003, le décret n° 2003-512 du 02 juillet 2003 relatif à l’organisation de la protection des secrets et informations concernant la défense nationale et la surêté de l’Etat et l’instruction présidentielle n° 0303/PR du 16 juillet 2003 sur la protectiondu secret.
En 2020, le décret n° 2020-2365 du 23 décembre 2020 relatif à l’organisation de la protection des secrets et des informations concernant la défense nationale et la sûreté de l’État et, en 2021, l’instruction d’application n° 057/PR/SG/DCSSI du 13 janvier 2021 sur la protection du secret. Ces deux textes n’ont pas été publiés [8].
On retrouve les mêmes éléments mentionnés dans le Code pénal, sauf que le décret de 2003 ne mentionne pas les données numérisées et les fichiers informatisés intéressant la défense nationale.
On remarquera que ni le décret ni l’instruction d’application ne précisent également les critères de ce qui est « de nature à nuire à la défense nationale et à la sûreté de l’État » ou ce qui « pourrait conduire à la découverte d’un secret de la défense nationale ».
La protection des informations dites « classifiées »
D’un point de vue juridique, la protection des secrets se limite stricto sensu aux informations intéressant la défense nationale et la sûreté de l’État.
Une information ne peut présenter un caractère de secret de la défense nationale que lorsqu’elle a été préalablement classifiée par l’autorité compétente ou celui qui a reçu délégation de pouvoir de la classifier.
La classification des informations protégées
La décision de classification. « Décider de classifier une information ou un support est un acte important, tant par les mesures de protection contraignantes qui en découlent, que par les conséquences judiciaires que cette décision peut entraîner. » (Cf. Instruction générale interministérielle sur la protection du secret de la défense nationale en France). En effet, la décision de classifier une information de défense nationale a des conséquences au plan disciplinaire et judiciaire. Elle est prise par l’autorité responsable de la prépatation du document. Étant une décision discrétionnaire de l’administration, « il arrive ainsi que la classification soit utilisée de façon abusive ».
En résumé, « La décision de classification (…) constitue ainsi la pierre angulaire de la protection du secret de la défense nationale. C’est elle qui confère son caractère de secret de la défense nationale à une information ou à un support à protéger. C’est également elle qui justifie, en cas de violation de la réglementation applicable, la mise en œuvre des sanctions pénales associées » [9].
Les niveaux de classification. Le décret de 2003 ne donne pas des précisions sur les informations protégées. Il se limite à prévoir que les renseignements, objets, documents ou procédés qui doivent être tenus secrets font l'objet d'une classification comprenant trois niveaux de protection.
Le premier niveau « Très secret » est réservé aux informations dont la divulgation est de nature à causer des dommages très graves à la Nation ou mettre en danger sa sécurité. Cette classification est généralement réservée aux priorités majeures de la Défense.
Le deuxième niveau « Secret » est réservé aux informations dont la divulgation porterait préjudice aux intérêts ou au prestige de la Nation, à une activité gouvernementale quelconque ou serait avantageuse à une nation étrangère [10].
Le troisième niveau « Confidentiel » est réservé aux informations qui n’ont pas un caractère secret mais dont la divulgation pourrait provoquer un embarras administratif ou causer un préjudice à un individu si elles étaient révélées (par tout moyen de communication) à des personnes non qualifiées pour en connaître.
Ces dispositions du décret sont détaillées dans une instruction présidentielle sur la protection du secret.
Observons qu’il n’est pas question dans le décret de 2003 d’une mention « Secret défense ».
Au sens de la norme règlementaire établie en 2003, sont donc considérées comme « Secret de la défense nationale », les informations classées « Très secret » ou « Secret » et sur lesquelles figure la mention de classification correspondante. En d’autres termes, seules les deux mentions « Très secret » et « Secret » sont à même de donner à un document qui les porte un caractère de secret de la défense nationale. En l’absence de l'une ou l'autre de ces deux mentions, rien ne permet d'établir le caractère de secret défense d’un document et rien ne peut permettre au détenteur dudit document de savoir qu'il est en possession d'une information classée « Secret Défense ».
Pour mémoire, avant le décret de 2003, l’instruction générale interministérielle n° 14/PR/SG/ du 25 septembre 1965 sur la protection du secret définissait quatre mentions de classement : « Très secret », « Secret-Défense », Confidentiel défense » et « Diffusion restreinte ». L’utilisation des mentions « Très secret » et « Secret-Défense » était réservée aux informations relevant du secret de la défense nationale. Les deux autres mentions relevaient de la discrétion professionnelle : le « Confidentiel Défense » couvrait des informations de défense et la « Diffusion restreinte » signalait les informations qui ne présentent pas en elles mêmes un caractère de secret mais qui ne doivent être communiqués qu’aux personnes qualifiées pour en connaitre.
La matérialisation de la décision de classification. La décision de classification est matérialisée par l’apposition sur le document d’un cachet à l’encre rouge correspondant à la mention règlementaire de classification.
Les personnes autorisées à connaître ou à détenir des informations couvertes par le secret de la défense nationale
Seules peuvent accéder aux informations protégées les personnes habilitées à cet effet par une autorisation préalable de l’autorité compétente. Elles doivent justifier le besoin de connaitre les informations en question pour accomplir leur mission ou leur fonction. L’habilitation est délivrée après enquêtes de sécurité et de moralité.
« L’existence d’une mesure administrative spéciale de protection est donc le critère fondamental d’existence d’un secret défense. Elle constitue en effet l’élément constitutif objectif des délits réprimés par les articles (61, 62 et 431.60) du code pénal. En application du principe de légalité des délits et des crimes, la divulgation d’un document ultra-sensible mais n’ayant pas fait l’objet d’une procédure formelle de classification, manifestée par l’apposition d’un marquage, ne pourrait pas faire l’objet de poursuites pénales» [11].
Pour terminer, revenons à cette remarque du professeur Danièle Lochak :« Que la transparence absolue des affaires publiques soit difficilement envisageable, c'est un fait. Mais au moins conviendrait-il que l’on se préoccupe de limiter au maximum cette zone d'ombre soustraite aux regards des citoyens et menaçante pour les libertés. Or c'est précisément ce que l'on ne fait pas (…)[12]».
Mamadou Abdoulaye Sow est Inspecteur principal du Trésor à la retraite.
[2] Le marché porte sur « la fourniture d’équipement de sécurité, de véhicules d’intervention, de matériel technique, logistique, de transmission et de communication » .
[4] Le Coz, Pierre. « Que recouvre le « secret » ? Esquisse de définition », Patrick Ben Soussan éd., Peut-on vraiment se passer du secret ?L'illusion de la transparence. Érès, 2013, pp. 17-29.
[5] La loi n° 64-54, par son article premier, définit ainsi la défense civile: « La Défense civile a pour objet d’assurer en tout temps la protection matérielle et morale des personnes et la conservation des installations, des ressources et des biens publics et privés ».
[6] Voir le Livre III,au Titre premier, chapitre premier, Section I et II et au Titre III ,chapitre IX.
[7]L’article 413-9 du Code pénal français donne la définition suivante :
« Présentent un caractère de secret de la défense nationale au sens de la présente section les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès.
Peuvent faire l'objet de telles mesures les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers dont la divulgation ou auxquels l'accès est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d'un secret de la défense nationale.
Les niveaux de classification des procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers présentant un caractère de secret de la défense nationale et les autorités chargées de définir les modalités selon lesquelles est organisée leur protection sont déterminés par décret en Conseil d'État. »
[8] Nous avons eu connaissance de ces deux derniers textes à travers un communiqué non daté du ministre des Forces armées, consacré à un rappel sur les dispositions relatives à la protection du secret.
[10] Il s’agit de « Très secret » tout court et non pas Très secret défense. Il s’agit également de « Secret » tout court et non pas Secret défense.
[11] Avis n° 1552 présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (…) par M. Émile Blessig, député, p. 7. Consulté le 13 novembre 2022 sur https://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r1552.asp Nous soulignons et mettons en gras.
[12] Danièle LOCHAK précité. Nous mettons en gras.
LA RUÉE SUR LE GAZ PROFITERA-T-ELLE AUX PAYS AFRICAINS ?
La "ruée sur le gaz" des puissances occidentales plongées en pleine crise de l'énergie représente une fausse promesse de développement de l'Afrique, s'inquiètent des militants et experts à la COP27, qui voient l'avenir du côté des renouvelables
La "ruée sur le gaz" des puissances occidentales plongées en pleine crise de l'énergie représente une fausse promesse de développement de l'Afrique, s'inquiètent des militants et experts à la COP27, qui voient l'avenir du côté des renouvelables.
L'invasion russe de l'Ukraine a déclenché une tempête sur les marchés de l'énergie et poussé les pays du Nord, particulièrement l'Europe, à s'assurer à tout prix des approvisionnements stratégiques pour leur économie. Les Européens lorgnent donc vers les pays africains, qui entendent, pour certains, profiter de cette nouvelle course.
Le Sénégal ou la République démocratique du Congo (RDC) ont par exemple récemment découvert des ressources pétrolières et gazières nourrissant des espoirs de richesse. Le Mozambique tente de développer un projet géant de gaz naturel liquéfié (GNL), retardé pour des raisons de sécurité.
"L'Europe veut faire de l'Afrique sa station-service", déplore Mohamed Adow, directeur de Power Shift Africa, qui s'inquiète de ces perspectives, comme de nombreux militants africains à la COP sur le climat, qui se tient cette année sur ce continent, dans la ville égyptienne de Charm el-Cheikh. "Mais nous n'avons pas besoin de suivre l'exemple des pays riches qui ont en réalité causé le changement climatique", plaide-t-il.
Pour l'ONG Climate Action Tracker, la course mondiale au gaz représente une "menace sérieuse" pour les objectifs de l'Accord de Paris, qui vise à limiter le réchauffement climatique bien en-deçà de 2°C et si possible à +1,5°C d'ici l'an 2100 par rapport à l'ère pré-industrielle. En Afrique, les projets font aussi peser des risques sur de précieux écosystèmes, par exemple dans le bassin du Congo.
"Vie ou mort"
Mais certains dirigeants africains n'entendent pas renoncer à une manne potentielle. "Nous sommes pour une transition verte juste et équitable en lieu et place de décisions qui portent préjudice à notre processus de développement", a lancé à la tribune de la COP27 Macky Sall, président du Sénégal, dont les réserves sont convoitées par une Allemagne qui peine à se sevrer du gaz russe.
"Nous avons 600 millions de personnes en Afrique qui n'ont pas du tout accès à l'électricité. Plus de 900 millions n'ont pas accès à des énergies modernes pour cuisiner ou se chauffer", rappelle Omar Farouk Ibrahim, secrétaire général de l'Organisation des producteurs de pétrole africains (APPO). Une augmentation marginale des émissions de l'Afrique – qui n'a presque pas contribué au changement climatique – "ferait une différence fondamentale pour la vie ou la mort des gens en Afrique", plaide le Nigérian.
"L'histoire montre que l'extraction dans les pays africains ne s'est pas traduite en développement" ou "en accès à l'énergie pour les gens", rétorque Thuli Makama, de Oil Change International.
"Leader vert"
La soif occidentale causée par la guerre en Ukraine sera "de très court terme" et les pays africains qui auront investi dans de nouvelles capacités resteront avec "des actifs échoués, des frais de dépollution et toute la dévastation qui accompagne cette industrie", juge l'avocate et militante d'Eswatini. Cette notion d'actifs "échoués" renvoie à des produits qui perdent toute valeur. Certains économistes estiment ainsi que les hydrocarbures vont être rapidement marginalisées par des énergies propres, conduisant à leur dévaluation.
Un danger pointé par un rapport de Carbon Tracker publié lundi. Les cours des fossiles vont finir par baisser et les investissements occidentaux s'évaporer, écrivent les auteurs, enjoignant plutôt aux pays africains de parier sur le solaire. "Pour nous aider à nous attaquer au défi de notre pauvreté énergétique, nous devons exploiter le potentiel incroyable dans les énergies renouvelables qui existe en Afrique", propose ainsi Mohamed Adow.
Le continent pourrait ainsi suivre un chemin de développement différent de celui de l'Occident et "sauter" l'étape des fossiles, comme il est passé directement à la téléphonie mobile. L'Afrique peut devenir "un leader vert", estime l'expert et activiste kényan.
La marge de progression est immense: l'Afrique n'a en effet capté que 0,6% des investissements pour les renouvelables dans le monde l'an dernier, selon une étude de BloombergNEF (BNEF), mais elle possède un potentiel énorme, notamment pour le solaire. Selon Carbon Tracker, le continent pourrait bondir de 14 gigawatts de capacités solaires à plus de 400 GW d'ici à 2050, avec des coûts qui vont continuer de chuter.
FACE-À-FACE BIDEN ET XI JINPING
Malgré leur rivalité, Joe Biden et Xi Jinping se sont déclarés prêts au dialogue. Ils l’ont souligné, lundi 14 novembre, au début d’un entretien très attendu. Selon l’AFP, le président américain espère pouvoir éviter un "conflit" entre Pékin et Washington
Malgré leur rivalité, Joe Biden et Xi Jinping se sont déclarés prêts au dialogue. Ils l’ont souligné, lundi 14 novembre, au début d’un entretien très attendu. D’ailleurs, rapporte l’AFP, le président américain espère pouvoir éviter un « conflit » entre Pékin et Washington.
Les deux hommes se voient pour la première fois depuis l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche il y a bientôt deux ans. Cette rencontre au sommet ve se tenir dans un contexte où les relations entre les deux puissances, déjà mal en point sous la présidence Trump, n’ont fait que se dégrader depuis.
Ainsi, l’espoir est peut-être permis avec cette première rencontre qui sera l’occasion de mettre à plat les contentieux qui ont pour noms : Taïwan, guerre commerciale, dossier nord-coréen,entre autres.
LA COTE D’IVOIRE ET LA CAF POSENT UN ACTE MAJEUR
À un peu plus d’un an du plus grand événement continental la Confédération africaine de football (CAF), le gouvernement ivoirien et le Comité d’organisation local (COL) mettent déjà les petits plats dans les grands pour l'accueil de la prochaine CAN 2024
À un peu plus d’un an du plus grand événement continental, la Confédération africaine de football (CAF), le gouvernement ivoirien et le Comité d’organisation local (COL), ont signé vendredi à Abidjan, un accord pour l’accueil de la Coupe d’Afrique des Nations TotalEnergies à Abidjan en 2024.
L’événement a réuni le Premier ministre de Côte d’Ivoire Patrick Achi, le ministre des Sports de Côte d’Ivoire Claude Paulin Danho, le président de la Fédération ivoirienne de football Yacine Idriss Diallo, le vice-président de la CAF, certains présidents d’associations membres africaines et le secrétaire général Veron Mosengo- Omba, note un communiqué de la CAF parvenu à Emedia.
À en croire la même source, l’accord d’accueil entre la CAF et la Fédération Ivoirienne de Football (FIF) est un document par lequel la CAF désigne la FIF comme association hôte pour organiser la 34e édition de la Coupe d’Afrique des Nations TotalEnergies et l’accord de confirmation entre la CAF, la FIF et le Comité d’organisation local (LOC ) où la FIF transfère ses obligations vis-à-vis de la CAF au COL qui à son tour assume l’organisation matérielle de la compétition en Côte d’Ivoire.
Dans tous les cas, souligne la même source, la Coupe d’Afrique des Nations TotalEnergies Côte d’Ivoire mettra fin à une attente de 38 ans pour le pays puisqu’il a accueilli l’événement pour la dernière fois en 1984.
PAR ASSANE SAADA
LA LIBERTÉ D’ÊTRE LIBRE
Ivres de liberté, portés par une illusion, les voici tirés d’une fiction. Face au réel, ils crient au scandale. Appellent à défendre la liberté de la presse. « La base de toutes les autres libertés ».
Ivres de liberté, portés par une illusion, les voici tirés d’une fiction. Face au réel, ils crient au scandale. Appellent à défendre la liberté de la presse. « La base de toutes les autres libertés ». Sans elle, « il n’est point de nation libre », disait Voltaire. Aujourd’hui, c’est un branle-bas. Comme hier, voire fort longtemps. En 1977, Mame Less Dia du journal satirique Le politicien était détenu en prison. Une motion de l’assemblée générale de l’Association nationale des journalistes sénégalais (Anjs) exigeait sa libération. Babacar Niang, alors directeur de publication de Taxaw, organe du Rassemblement national démocratique (Rnd), écrivait : « Le politicien a sa ligne, nous avons la nôtre (…). Il n’empêche que nous demandons (sa) libération immédiate. Que Mame Less Dia soit, au regard des lois pénales, coupable ou non de ‘’recel de documents volés’’ est une chose ; autre chose est le maintien en prison de ce journaliste qui ne peut ni se soustraire à l’action de la justice ni gêner en quoi que ce soit l’instruction en cours. Son maintien en détention est, à juste raison, perçu par ses confrères et par l’opinion publique comme une mesure d’intimidation qui s’ajoute à d’autres mesures tendant à étrangler, dans les faits, la liberté de la presse. »
La liberté est une quête continue dans un monde changeant. Comme la démocratie, ce vivre-ensemble, qui est une construction de tous les jours. Elles n’arrêtent pas d’attirer et de décevoir. C’est un charme de leur énigme. Toutefois, relisons Nelson Mandela dans Un long chemin vers la liberté. Pour lui, « la vérité, c’est que nous ne sommes pas encore libres ; nous avons seulement atteint la liberté d’être libres… » D’après Hannah Arendt, « être libre pour la liberté signifie avant tout être délivré, non seulement de la peur, mais aussi du besoin ». Selon la note éditoriale du livre La liberté d’être libre (H. Arendt), le changement social est un préalable au changement politique. Faites que les masses populaires soient sevrées de peur et de ruse et un changement politique adviendra sans violence, disait Cheikh Anta Diop. Aussi Mandela n’avait-il pas prévenu qu’« être libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres ».
« Avec la liberté viennent les responsabilités »
Des discours et autres écrits fleurissent. Une sympathie, un héroïsme magnifiés. Une insoumission, une désobéissance glorifiées. Une injustice vilipendée. Un débat parfois contradictoire… Quelques-uns tirent sur une ambulance. Rien qui égale une raison que ces mots de Mandela enseignent : « J’ai parcouru ce long chemin vers la liberté. J’ai essayé de ne pas hésiter ; j’ai fait beaucoup de faux pas. Mais j’ai découvert ce secret : après avoir gravi une haute colline, tout ce qu’on découvre, c’est qu’il reste beaucoup d’autres collines à gravir. Je me suis arrêté un instant pour me reposer (…). Mais je ne peux me reposer qu’un instant ; avec la liberté viennent les responsabilités, et je n’ose m’attarder car je ne suis pas arrivé au terme de mon long chemin. »
La responsabilité ! Un défi. Le seul et le vrai qui poussent à la victoire. Cette manière d’être d’un adulte conscient de ses limites et fait, avec elles, ce qu’il peut et ce qu’il doit. En effet, même la liberté n’est pas libre. Son exercice est limité. « Il n’y a point de liberté sans loi », écrivait Jean-Jacques Rousseau. Le but étant de gérer une fragile tranquillité, un équilibre précaire souvent remis en cause par un attachement délicat au respect d’une juste proportionnalité entre restriction des libertés et préservation, voire protection d’intérêts généraux. Des évolutions du monde réduisent fréquemment des espaces de libertés. Des lois spéciales font lésion depuis 1694 que la liberté de la presse a été affirmée pour la première fois en Angleterre. Certes, les restrictions à la liberté, leurs conditions de sanctions possibles doivent être nécessairement établies. Une nécessité pas toujours convaincante. Ainsi quand la liberté ne doit pas, entre autres, porter atteinte à la défense, la sécurité de l’État. Dans nos sociétés modernes, personne n’est omniscient ou tout-puissant pour ne rien perdre de ses libertés qui sont toutes bridées. N’empêche, les populations sont de plus en plus exigeantes sur le respect de leur droit de savoir. Donc, la liberté d’informer.
Dans un combat pour la liberté, malgré une passion, un dégoût pour l’hypocrisie, seule la responsabilité préserve du chaos qui dessert. L’histoire nous l’apprend. Là où les grandes révolutions n’ont pas réussi, un populisme n’a rien apporté sinon pire. La vertu n’a pas supprimé le vice, l’honnêteté n’a pas vaincu la corruption. Une autorité, une tyrannie n’ont pas empêché une décadence. L’Afrique aux multiples coups d’État et guerres civiles végète dans l’instabilité. Elle met en évidence une exception sénégalaise dont les fils sont peu fiers de ses tares. Toutefois, la postérité, gardienne des secrets, n’est-elle pas une fille de la raison ?
QATAR 2022, ZOOM SUR KALIDOU KOULIBALY
Capitaine des Lions de la Teranga à la dernière Coupe d'Afrique des Nation, Kalidou Koulibaly est en lice pour disputé la Coupe du Monde avec ses coéquipiers qu'il a rejoint après avoir porté le maillot de la France en U17 et U20. Zoom sur K. koulibaly
Koulibaly aurait pu jouer pour la France, son pays de naissance, il a fini par brandir la coupe d’Afrique des Nations pour le Sénégal. Et même deux ans après avoir choisi son pays d’origine, Didier Deschamps l’a gardé dans sa ligne de mire sans savoir que c’était déjà perdu. Dans une bourde commise sur plateau TV, le sélectionneur des Bleus évoquait la concurrence à ce poste en mentionnant celui qui est rapidement devenu leader incontesté du Sénégal après avoir porté le maillot de France en U17 et U20. Véritable taulier de la défense des Lions, depuis qu’il a intégré la Tanière, le 5 septembre 2015, lors d’un déplacement à Windhoek, face à la Namibie (victoire 2-0), il est aujourd’hui présenté comme l’une des références mondiales à son poste et constitue naturellement la base de la colonne vertébrale de l’équipe nationale du Sénégal.
Côté jardin, Koulibaly est lié à son amour de jeunesse, Charline Oudenot avec qui il partage plusieurs particularités : les deux sont nés exactement le même jour et dans la même ville, à Saint-Dié-Les-Vosges où ils ont également grandi. En relation depuis plus d’une dizaine d’années, le couple s’est marié en 2014 un an avant que Koulibaly ne réponde à l’appel du cœur en rejoignant la sélection du Sénégal. Par ailleurs, même s’il est né en France, Kalidou Koulibaly a gardé les liens très solides avec Ngano (au nord du Sénégal), le village d’origine de ses parents Ousmane et Kardiatou Sy. « Quand le Sénégal joue, tout le village se retrouve ici pour jubiler, même nos voisins de la Mauritanie sont venus célébrer la coupe avec nous », témoigne un de ses oncles restés au village, où le défenseur de Chelsea a fait construire une grande villa familiale.
QATAR 2022, ZOOM SUR ABDOU DIALLO
International français d'origine Sénégalaise, ABDOU DIALLO fait partir des 26 joueurs sélectionnés par Aliou Cissé pour défendre les couleurs du Sénégal à la prochaine Coupe du Monde au Qatar. Voici un bref aperçu du défenseur central.
Abdou Diallo est un leader-né. Né et formé en France, il s’est très tôt exilé en Belgique puis en Allemagne où il obtient rapidement la reconnaissance. Capitaine des U21 en France, il opère un choix surprenant au moment où il est en pleine ascension et effectue son retour en France sous le maillot du PSG. Le défenseur central décide, en effet, de rejoindre de son propre-chef, la sélection du Sénégal. Cela passe par des vacances au pays de ses parents. Pour la première fois il s’y rend et là, se crée le déclic. Le joueur s’est lui-même rendu disponible pour les Lions et le sélectionneur, Aliou Cissé, tombé sous le charme de cet engagement sans fard, n’a pas hésité.
Rapidement, Diallo est intégré dans le onze de départ pour former la paire inamovible avec Kalidou Koulibaly. En un an et demi, c’est déjà comme s’il avait toujours été là car il est déjà perçu comme l’un des leaders du vestiaire. En dehors du match aller face à l’Égypte lors duquel il sort à la 14e minute sur blessure, le Sénégal n’a jamais perdu de match quand Abdou Diallo est présent : 3 nuls et 14 victoires. Une présence et une assurance qui lui permettent de faire partie des valeurs sûres de cette sélection du Sénégal qui arrivera au Qatar avec beaucoup d’ambitions de faire mieux que la génération de l’entraîneur.