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17 juin 2025
SERIGNE MOUNTAKHA BASSIROU MBACKE, UN RELIGIEUX MULTI DIMENSIONNEL
Hommes d’esprit et de sciences, âme bienveillante, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, Khalife général des Mourides, est un être charmant en plus d’être un guide religieux charismatique.
Hommes d’esprit et de sciences, âme bienveillante, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, Khalife général des Mourides, est un être charmant en plus d’être un guide religieux charismatique. C’est Serigne Ahmadou Bamba Al-Khadim Mountakha Mbacké, son fils, et quelques membres de son cercle proche qui nous livrent, ici, une part de ce religieux multidimensionnel.
Qu’elles sont lourdes, les responsabilités qui pèsent sur lui ! Mais, elles ne semblent pas affecter la charmante bienveillance de celui dont le khalifat a été inauguré, le 10 janvier 2018, après le rappel à Dieu de Serigne Sidi Moukhtar Mbacké. Serigne Mountakha Bassirou Mbacké est auréolé de toutes les belles vertus d’un guide religieux. Pour ce fils de Serigne Bassirou Mbacké, le mieux pour un Mouride est d’arborer les habits de disciple et ne de jamais s’en séparer. C’est son fils, Serigne Ahmadou Bamba Al-Khadim Mountakha Mbacké qui livre, ici, une part de son illustre pater. Trouvé chez lui, dans le quartier de Darou Miname, il impressionne par sa modestie. C’est à peine s’il dirige son regard sur son interlocuteur. Avec le sourire qui fait penser à son père, Serigne Ahmadou raconte son modèle avec joie et humilité.
Bonnet bien en évidence, la barbe blanchie, les phrases entrecoupées de sourires, le fils de l’actuel Khalife général des Mourides est tout aussi séduisant que son père. « C’est un amoureux du savoir. Malgré son âge, il continue de lire des livres », a-t-il dit, parlant de son père. Cependant, ce n’est pas ce qui l’impressionne le plus. En effet, bien avant d’être Khalife, Serigne Mountakha donnait régulièrement le « hadiya » (don pieux) aux fils et petits-fils de Serigne Touba. Bien qu’il soit devenu Khalife général, il continue à le faire. Il a gardé les habits de disciple. Il a les mêmes habitudes qu’avant d’être Khalife », confie-t-il admiratif.
Quand le sage convoque ses fils
En effet, malgré ses lourdes responsabilités, le sage de Darou Miname reste très attaché à l’humain. D’après son fils, « Serigne Mountakha a toujours mis l’humain au cœur de toutes ses actions. Il ne peut pas dire non à une sollicitation. C’est un homme généreux ».
Mais, ce qui impressionne le plus Serigne Ahmadou à propos de son père, c’est sans nul doute son stoïcisme. D’après lui, il est très difficile de connaître les peines de Serigne Mountakha : « Il ne se plaint jamais. Les rares fois qu’il partage des choses, c’est avec ses enfants, et ce n’est pas pour se plaindre, mais pour leur apprendre la vie ».
En effet, malgré l’âge avancé de ses fils, il continue de leur rappeler certaines valeurs essentielles de l’existence terrestre. « Il arrive qu’il nous fasse venir pour un discours parfois très ferme. Pour lui, on ne transige pas avec l’orthodoxie. Il estime qu’on ne finit jamais d’apprendre. Il ne veut pas voir ses enfants être mêlés à des futilités. C’est pourquoi il continue d’être très ferme, malgré sa joie de vivre contagieuse », révèle le fils, fasciné par l’humanité de « Borom mbegté », surnom que lui a valu son sourire légendaire.
« Il n’a jamais porté de gris-gris »
Toujours attaché à la lecture du Coran, Serigne Mountakha Mbacké est quelqu’un qui ne s’intéresse guère aux mondanités, même si sa mise toujours soignée peut faire penser le contraire. Selon les révélations de l’auteur du livre « Cheikh Ahmadou Bamba, le serviteur du Prophète (Psl) et le leader spirituel », c’est quelqu’un qui ne croit qu’en Dieu. Pour lui, rien ne compte, rien n’arrive à l’homme si ce n’est ce que le Seigneur a décidé de lui réserver. Par exemple, dit-il, « il n’a jamais porté de gris-gris, encore moins utilisé de potion magique. Même quand quelqu’un prie pour lui pour des mondanités, c’est à peine s’il lui accorde de l’importance ».
Le natif de Darou Kayel, près de Mboul, en 1933, est dans une quête perpétuelle du savoir. S’il est à l’aise dans le maniement de la langue arabe, c’est parce qu’il accorde une importance capitale à l’apprentissage. C’est ce qui l’a conduit en Mauritanie. Selon les confidences de son fils, après avoir fait ses classes chez les différents érudits du pays, il a demandé à son père, Serigne Bassirou Mbacké, l’autorisation d’aller poursuivre sa quête dans ce pays. L’objectif pour lui était de parfaire ses connaissances en grammaire arabe. Il y passe quelques mois avant de rentrer : « Au début, son père n’était pas très favorable. Mais, il a fini par le convaincre ».
Pour Mame Thierno Mbacké, son fils aîné, si Serigne Mountakha a une préoccupation principale, c’est bien la quête de connaissances utiles. Bien avant d’être Khalife, dit son fils, il avait créé des « daaras », lieux de transmission du savoir avec une prépondérance accordée aux sciences islamiques, l’exégèse (tafsir), la récitation (tajwid), la théologie, avec une pédagogie basée sur la mémorisation.
Coordonnateur du Comité d’organisation du grand Magal de Touba, Serigne Ousmane Mbacké Gaïndé Fatma côtoie le Khalife depuis plusieurs années. C’est à peine s’il ne perd pas le verbe quand il s’agit de parler de Serigne Mountakha. « Ce qui est frappant avec le Khalife, c’est le respect qu’il accorde à l’humain, peu importe son statut social ». Mais, ce qui l’a le plus marqué, c’est le rapport du Khalife à l’orthodoxie. Sa chance, estime-t-il, c’est qu’il a fréquenté tous les derniers Khalifes de Serigne Touba et il était très proche d’eux. « Avec eux, il s’est toujours comporté comme un disciple et ils lui vouaient une très grande estime. C’est cette attitude de disciple dévoué qu’il a gardée malgré son accession au khalifat », confie-t-il, heureux de pouvoir partager des moments avec lui.
Cependant, d’après Serigne Ousmane Mbacké, tout ceci n’est qu’un retour à l’orthodoxie. En effet, rappelle-t-il, Serigne Touba avait réuni sa descendance pour leur rappeler qu’il ne s’agit pas d’être son fils pour prétendre avoir les grâces du Seigneur. « Il faut œuvrer pour le Seigneur. C’est la voie tracée par Cheikh Ahmadou Bamba. Serigne Mountakha s’y est toujours inscrit. Quand il parle, il peut donner l’impression d’être un fanatique, mais c’est ce qu’il vit ; ce qu’il sent au quotidien », a-t-il insisté.
L’humain
Fidèle à l’orthodoxie, la « dahira » Hizbut Tarqiyyah accorde une priorité absolue à la quête du savoir. Une approche qui épouse bien la vision du Khalife général des Mourides, Serigne Mountakha Mbacké. Selon Serigne Youssou Diop, responsable moral de Hizbut Tarqiyyah, depuis les années 1990, le charismatique guide religieux suit avec beaucoup d’intérêt leurs activités. « Il était toujours impressionné par ce qu’était en train de réaliser la « dahira ». Il n’hésitait pas à nous rendre visite régulièrement quand on était à la Sicap rue 10, même s’il le faisait dans l’anonymat. À Porokhane, c’est lui qui nous accueillait. On passait la nuit à réciter les panégyriques. Il dirigeait la prière de l’aube avant de belles causeries », se souvient Serigne Youssou Diop. Pour lui, Serigne Mountakha Mbacké est membre de la « dahira » depuis très longtemps. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, dit-il, il a amené son fils, Serigne Abo, pour en faire un membre à part entière, alors qu’il avait fini ses études coraniques. « C’est un passionné de savoir. Mais, ce qui est le plus impressionnant avec lui, c’est l’importance qu’il accorde à l’humain. Il ne s’attarde jamais sur les insuffisances d’une personne. Pour lui, tout être humain est un ensemble de valeurs, de bonnes choses à chérir. Les défauts n’ont pas d’importance. Et cela, quel que soit le statut social de la personne », renchérit le responsable moral de Hizbut Tarqiyyah. Les éloges enthousiastes des proches de ce sage aimé de tous ne font que confirmer cette bienveillance qui a conquis les cœurs.
BILAN PROVISOIRE DU MAGAL DE TOUBA
La Brigade nationale des sapeurs-pompiers annoncent avoir effectué quelque 235 interventions à Touba et sur les routes menant vers cette ville religieuse, disant constaté 21 décès
Touba, 14 sept (APS) – La Brigade nationale des sapeurs-pompiers annoncent avoir effectué quelque 235 interventions à Touba et sur les routes menant vers cette ville religieuse, disant constaté 21 décès, a-t-on appris, jeudi, du chargé de la communication de BNSP, le lieutenant-colonel Cheikh Tine.
Faisant un bilan d’étape du Magal, l’officier renseigne que ces interventions qu’ils effectuent depuis le 10 septembre ont concerné 574 victimes dont 21 décès, soit un mort de plus après le dernier décompte.
Ces décès, pour l’essentiel, sont liés à des accidents de la circulation, a indiqué le lieutenant-colonel Cheikh Tine
Il précise qu’un décès causé par électrocution et un autre résultant d’une maladie ont été dénombrés au cours de la même période.
Des milliers de pèlerins provenant des 14 régions du Sénégal et d’autres pays se dirigent vers Touba pour la commémoration annuelle de l’exil au Gabon de Cheikh Ahmadou Bamba (1853-1927), le fondateur de la confrérie musulmane des mourides.
FORTE MOBILISATION DES SAPEURS-POMPIERS A TOUBA
La Brigade nationale des sapeurs-pompiers (BNSP) dit avoir mobilisé ‘’plus de 500 agents’’ et mis en place un dispositif comprenant 70 véhicules et engins pour d’éventuelles interventions lors du Magal
Touba, 14 sept (APS) - La Brigade nationale des sapeurs-pompiers (BNSP) dit avoir mobilisé ‘’plus de 500 agents’’ et mis en place un dispositif comprenant 70 véhicules et engins pour d’éventuelles interventions lors du Magal prévu jeudi, a-t-on appris mercredi de source sécuritaire.
Selon le lieutenant-colonel Cheikh Tine, chargé de la communication de la BNSP, ‘’un dispositif important’’ a été mis en place par les sapeurs-pompiers pour cet événement religieux.
‘’Il est composé de 70 véhicules et engins dont une vingtaine d’ambulances et des véhicules d’extinction d’incendie’’, a déclaré ce responsable de la BNSP dans un entretien avec l’APS.
Plusieurs milliers de fidèles sont attendus à Touba pour cet événement religieux annuel commémorant l’exil au Gabon de Cheikh Ahmadou Bamba (1853-1927), le fondateur du mouridisme, l’une des principales confréries musulmanes sénégalaises.
S’agissant du personnel mobilisé, ‘’nous sommes à plus de 500 agents gradés, dont 20 officiers et 10 médecins. Dans ce dispositif, nous avons également une section de motos équipées, de moyens de secours (...) et une section de pompage des eaux pluviales’’, a précisé le lieutenant-colonel Cheikh Tine.
Selon lui, cette section équipée de motos est appelée à se déployer ‘’sur le terrain, avec des équipements lourds, pour évacuer les eaux des zones inondées de Touba en un temps record’’.
‘’En outre, souligne-t-il, ce dispositif nous a permis, dans un premier temps, de couvrir tous les axes menant à Touba et de mettre en place un détachement de sapeurs-pompiers, avec des véhicules installés dans tous les points dangereux de la ville’’.
Ce dispositif ‘’est fonctionnel depuis le 12 septembre et sera maintenu jusqu’à la fin du Magal’’, signale le chargé de la communication de la BNSP.
APPRENTISSAGE DU CORAN À TOUBA, LE LEGS DE BAMBA RÉSISTE AU TEMPS
Depuis quelques années, les apprenants sortis des écoles coraniques de Touba s’illustrent dans les concours nationaux et internationaux de récitation du Coran. La cité religieuse semble récolter les fruits de l’attachement de son fondateur au livre saint
Le temps de la consécration ! Depuis quelques années, les apprenants sortis des écoles coraniques de Touba s’illustrent de fort belle manière dans les concours nationaux et internationaux de récitation du Coran. Au-delà d’un modèle bien huilé, la cité religieuse semble récolter les fruits de l’attachement de son fondateur au livre saint.
Barbe soigneusement peignée, voix basse, marche lente au milieu de centaines d’apprenants, Serigne Amdy Moustapha Diop a ouvert l’école coranique Daroul Habi. Elle compte 330 pensionnaires. M. Diop ne vit que par le Coran. Ses enfants et ses épouses consacrent leur temps à l’apprentissage et à l’enseignement des saintes Écritures. Mais, pour lui, c’est le même modèle qui est répercuté partout à Touba : « C’est une histoire d’amour entre le fondateur du mouridisme et le Coran qui se perpétue ». On y répertorie 1500 daaras pour un total de près 157.000 apprenants. Si l’on en croit le représentant de la Ligue des écoles coraniques du Sénégal, section Touba, Khaly Diakhaté.
Malgré une urbanisation galopante, une modernisation à plusieurs niveaux, Touba est restée très attachée au Livre saint. Mais pour Serigne Ahmadou Bamba Al-Khadim Mountakha Mbacké, c’est le fruit de l’amour particulier que Cheikh Ahmadou Bamba accordait au livre saint. « Il s’est beaucoup sacrifié quand il devait apprendre le Coran. À l’époque, il lui arrivait d’écrire des exemplaires pour les revendre et acheter d’autres ouvrages. C’était sa vie, son passe-temps… C’était sa plus grande richesse. Il n’avait d’yeux que pour le Coran. À Touba, l’accent a toujours été mis sur le Coran avant l’insertion professionnelle. C’est ce qui explique le succès. Malgré les nombreuses évolutions, l’enseignement est resté traditionnel », soutient-il, fier de ce lien de ferveur.
1500 daaras
Au Sénégal, en Afrique ou dans le monde, plusieurs distinctions sont revenues à des apprenants venant de Touba. Pour Serigne Khalil Mbacké, petit-fils de Serigne Saliou Mbacké, il y a une part de baraka. Selon lui, il arrive très souvent que les maîtres coraniques rencontrent des apprenants qui sont dotés d’une capacité de mémorisation hors norme. Les récompenses ne se comptent plus. Les représentants de Touba raflent tout. Lors de l’édition 2022 du concours Senico, du premier au quatrième, le neuvième et le dixième sont tous issus de Touba. En Côte d’Ivoire, Abo Niasse est sorti premier, à Dubaï, le représentant de Touba est sorti deuxième sur 63 pays, d’après Serigne Khaly Diakhaté. D’après le représentant de la Ligue des maîtres coraniques de la section Touba, c’est une tradition dans la ville sainte, même s’il reconnaît une plus grande médiatisation des concours ces dernières années.
« C’est comme la mousse, elle ne vient jamais seule. La mission du Prophète, par exemple, s’est terminée après la descente du Coran. Mais avant son rappel à Dieu, il a tenu à rappeler l’importance du Coran et la nécessité de dupliquer le modèle partout à travers des écoles coraniques. C’est devenu une tradition dans notre religion », soutient-il.
D’après lui, en serviteur proclamé du Prophète, Serigne Touba a fait de ce legs le sien. Il en a fait l’essence de son existence. « Au-delà des recommandations obligatoires, toute sa vie tournait autour du Coran. C’était sa vie. Il a dit que son rapport avec le Coran, c’est comme le non-voyant et son guide. Il a non seulement appris, mais il l’a enseigné. Il avait des personnes qui ne s’occupaient que de l’écriture, d’autres que de la lecture, avec des exigences très fortes. Pendant plus de 50 ans, il a vécu ainsi. Tout était Coran. Lui-même le disait, le Coran était devenu mélangé à tout ce que je faisais. C’est devenu presque une affaire de sang », a-t-il révélé.
Selon Khaly Diakhaté, Serigne Modou Diop Dagana, un des plus grands narrateurs de la vie de Serigne Touba, a raconté une anecdote qui en dit long sur cet amour entre le Cheikh et le Livre saint. Un jour, dit-il, un Maure, doté d’une grande habileté dans l’écriture du Coran, informé des montants que Serigne Touba était prêt à mettre pour un livre bien écrit, a tout simplement décidé d’en faire son gagne-pain. « Il écrivait et vendait à Serigne Touba au prix fort. Il était un amoureux inconditionnel du Coran. Tous ceux qu’il a formés ont ouvert des écoles coraniques partout pour promouvoir l’apprentissage des saintes Écritures », souligne-t-il. Le lancement, cette année, du Grand prix international Cheikh Ahmadou Bamba pour le Saint Coran, qui réunit diverses nationalités, illustre parfaitement cet amour pour le Livre saint dans la cité religieuse.
La « parole » aux sourds-muets
Dans un modeste daara situé à Jannatul Mahwa (Touba), des sourds-muets sont initiés à l’apprentissage du Coran. Le précurseur est Serigne Amdy Moustapha Diop dont le fils souffre de ce handicap.
Au troisième étage d’un bâtiment quelconque dans le quartier Jannatul, le calme est plat. L’endroit semble inoccupé tant le silence est profond. Chose rare dans une école coranique. Ici, les apprenants sont assez particuliers. Ils sont des sourds-muets. Un handicap qui ne les empêche guère d’exceller dans l’apprentissage du Livre saint. Ils forment de petits cercles autour de leur maître. Ce matin, ils font trois groupes. Un pour les filles, un pour les débutants, un autre pour les plus anciens. Ce dernier groupe est sans doute le plus impressionnant. Même l’enseignant est sourd-muet. Alors, comment initier des sourds-muets à l’apprentissage du Coran ? Comment savoir s’ils ont maîtrisé les choses ou pas ?
C’est le précurseur lui-même qui explique la méthode. « Au début, on les aide à identifier les lettres, ensuite les syllabes. Puis, on leur fait écrire sur un grand plat couvert de sable. Ils te montrent qu’ils ont maîtrisé quand ils réussissent à écrire correctement, en respectant l’accentuation », explique Serigne Amdy Moustapha Diop. Depuis un certain temps, les ardoises numériques sont en train de suppléer les plats remplis de sable. Elles permettent un apprentissage plus rapide.
Mourtalla, le déclic
Marié à un proche parent, Serigne Amdy Moustapha Diop savoure la naissance de son premier fils. Le jeune Mourtalla grandit. Mais au moment d’apprendre à prononcer ses premiers mots, son père se rend compte que son fils est un sourd-muet. « On m’a dit que c’est la conséquence de la consanguinité. Sa mère est un parent très proche », explique le pater. Fervent croyant, il accepte la Volonté divine. Mais pour lui, il était hors de question de ne pas initier son fils à l’apprentissage du Coran, même s’il ignore encore par quel moyen : « Je savais qu’il fallait qu’il apprenne ».
Il décide alors d’expérimenter la méthode du plat avec du sable. Le résultat l’impressionne, selon ses propres mots. « C’est grâce à cette méthode qu’il a écrit trois exemplaires du Coran à main levée », révèle-t-il. La méthode commence à faire le tour de la ville sainte. Ses collègues maîtres coraniques le supplient d’amener son fils à un célèbre concours de récital. « Au début, j’étais réticent, mais j’ai par la suite compris que c’était une bonne idée. Les gens ont compris qu’il était possible d’initier un sourd-muet à l’apprentissage du Coran, comme cela se fait avec l’enseignement moderne. Je me suis rendu compte que personne ne connaissait l’existence de cette méthode », confie-t-il.
Aujourd’hui, Mourtalla est en train de perpétuer le modèle de fort belle manière, beaucoup mieux que son père. Selon ce dernier, la transmission est beaucoup plus simple entre sourds-muets. Il encadre dans l’école coranique de son père beaucoup de jeunes sourds-muets.
PAR Farid Bathily
SERENA WILLIAMS, UNE DERNIÈRE MÉMORABLE
L’athlète américaine a dit adieu au tennis au terme d’un match exceptionnel le 2 septembre 2022 à l’US Open. Plus de trois heures de combat caractéristique d’une carrière aboutie
L’athlète américaine a dit adieu au tennis au terme d’un match exceptionnel le 2 septembre 2022 à l’US Open. Plus de trois heures de combat caractéristique d’une carrière aboutie.
Elle n’aura pas réussi à clore le chapitre de sa carrière par un ultime titre comme son compatriote Pete Sampras en 2002. Mais la dernière sortie de Serena Williams sur un court de tennis restera dans les annales malgré sa défaite 7-5, 6-7, 6-1.
Opposée à la Croate Ajla Tomljanović vendredi 2 septembre 2022 au troisième tour de l’US Open, l’ancienne numéro 1 mondiale qui avait annoncé le mois précédent vouloir se retirer du circuit professionnel, a rappelé à tous pourquoi elle était citée parmi les meilleures athlètes de l’histoire de sa discipline.
Dans un stade Arthur Ashe archi-comble, la plus célèbre des sœurs Williams a tenu le public haleine jusqu’au bout de la nuit, grâce à une prestation digne du temps de sa toute-puissance sur les courts.
Refus d’abdiquer
Après avoir perdu le premier set 5-7, la sextuple vainqueure à Flushing Meadows est revenue très vite dans la partie au terme d’une deuxième manche remportée 7-6 au tie-break. 2h12 minutes venaient alors de s’écouler. Le stade chauffé à blanc par 24 000 spectateurs en demandait davantage.
Hélas, la révolte attendue pour le dernier set de la part de Serena Williams n’aura pas lieu. Notamment à cause d’une Ajla Tomljanović impassible et tout en contrôle malgré un public acquis à la cause de son adversaire. Menée 1-5, cette dernière refuse toutefois d’abdiquer. Le jeu suivant est une succession de balles de match écartées par l’Américaine sur le service de la 46e joueuse mondiale au classement WTA.
Serena va en effet repousser son élimination et sa retraite par ricochet, pendant plus de 15 minutes en mettant son vis-à-vis en échec à cinq reprises. Comme si la joueuse de 40 ans avait retrouvé une seconde jeunesse sous les cris d’encouragement de ses fans.
Sortie avec panache
"Je déteste jouer des adversaires qui n’abandonnent rien", dira plus tard Ajla Tomljanović finalement victorieuse sur sa sixième balle de match. Serena Williams a perdu. Mais sa combativité a réconforté le public fortement mobilisé à chacune de ses sorties durant le tournoi new-yorkais, malgré les coûts exorbitants d’accès aux matchs.
Sitôt après la rencontre, les messages ont afflué de partout. De Michelle Obama à Tiger Woods, tous ont salué le parcours remarquable de celle qui 23 ans plus tôt brandissait son premier US Open et marquait ainsi son empreinte indélébile sur le tennis et au-delà. « Merci Serena. Tu te retires tel que tu es arrivée », a ainsi écrit l’acteur américain Samuel L. Jackson, samedi nuit sur Twitter.
Serena Williams prend donc sa retraite après 27 ans de carrière marquée par 73 titres dont 23 du Grand Chelem, et 319 semaines sur le trône de numéro 1 mondiale. Une décision motivée à l’en croire, par le souhait d’agrandir sa famille.
"Ce fut le voyage le plus incroyable de ma vie", a-t-elle notamment déclaré les yeux larmoyants dans un discours plein d’émotion. Elle a par remercié son père, sa mère et surtout sa sœur Venus, "sans qui elle n’aurait pas été Serena".
YOUSSOU DIOP, LE SERVITEUR DÉVOUÉ
Entre le responsable moral de Hizbut Tarqiyyah et son défunt prédécesseur, Serigne Atou Diagne, c’est un compagnonnage de près de 40 ans. Son parcours, son histoire avec la « dahira » et son sens du sacrifice ont fait de lui son successeur naturel
Entre le responsable moral de Hizbut Tarqiyyah, Serigne Youssou Diop, et son défunt prédécesseur, Serigne Atou Diagne, c’est un compagnonnage de près de 40 ans. Son parcours, son histoire avec la « dahira » et son sens du sacrifice ont fait de lui son successeur naturel. Récit de vie d’un homme au service de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké.
« Indigent spirituel, disciple de Cheikh Ahmadou Bamba qui ne loue en lui que la faveur imméritée qu’il a eue de son Seigneur d’être compté parmi les membres de ce cercle de bienheureux dénommé Hizbut Tarqiyyah et à l’endroit duquel il se sentira éternellement redevable ». C’est en ces termes que Serigne Youssou Diop, responsable moral de Hizbut Tarqiyyah, se décrit dans un livre hommage-témoignage dédié à son défunt prédécesseur, compagnon, inspirateur et aîné, Serigne Atou Diagne. Des propos touchants, mais qui prouvent à suffisance comment la vie de Serigne Youssou Diop se confond à l’histoire de cette « dahira ». C’est un témoignage, dit-il, en avant-propos de son ouvrage « qu’il destine à un aîné qui a tout fait pour lui pendant plus de 38 années ».
Arrivé dans la « dahira » en 1983, alors qu’il n’avait que 19 ans, le natif de Rufisque et originaire de Dagana trouve tout de suite ses marques : « J’habitais à deux rues du siège qui était à la Sicap rue 10. Mais, à chaque fois que je les entendais chanter les panégyriques, j’avais des frissons. J’étais dans une autre dimension. J’ai tout de suite senti que c’est ici que je pouvais étancher ma soif de servir Serigne Touba et c’est tout ce qui m’intéressait ». Exit son Bep en Comptabilité. Pour lui, rien d’autre ne comptait désormais, si ce n’est suivre cette voie et y consacrer sa vie. C’est ainsi qu’il devient membre permanent en 1984.
Le continuum
Ici, il trouve le premier permanent de la « dahira », le défunt Serigne Atou Diagne, ce diplômé de l’École normale supérieure qui a sacrifié sa carrière de professeur pour être au service exclusif de Cheikhoul Khadim. Leurs chemins ne se sépareront qu’au rappel à Dieu, le 22 janvier 2021, de celui qu’il a remplacé. « Pendant les 38 ans que nous avons passés ensemble, il m’a inspiré. Il avait compris le sens du sacrifice. C’était un modèle pour moi. Je peux témoigner de sa sincérité. Trente-huit années de parcours durant lesquels je n’ai jamais vaqué à une occupation autre que la sienne. Il me faisait entièrement confiance », confie-t-il, la voix grave.
C’est cet homme qui l’a façonné. En des termes plus touchants, il est écrit, dans son ouvrage (avant-propos) : « Il fut pour lui un tuteur, un modèle, un compagnon de même but, un éducateur qui a su l’encadrer sans relâche et annihiler en lui toutes les traces et séquelles d’une enfance tumultueuse passée au cœur de la capitale sénégalaise et qui ne présageaient en rien un avenir de soumission intégrale à la cause du Mouridisme ou une assimilation de valeurs islamiques authentiques, encore moins des responsabilités les plus minimes dans le service si sanctifiant de notre vénéré guide, Khadimou Rassoul ». Un compagnonnage connu de tous. C’est donc tout naturellement que le Khalife général des Mourides le désigne comme son successeur : « Il ne m’a même pas consulté. Je n’y ai jamais pensé ».
Les « Xassaïd » et la machine à boules
Sitôt arrivé, sitôt impliqué. Alors qu’il était encore novice dans la « dahira », Serigne Youssou Diop se voit coopter dans une mission aussi noble que prestigieuse. Alors Khalife général des Mourides, Serigne Abdoul Ahad Mbacké recommande la traduction de certains poèmes en français. La commission pour ce travail était dirigée par feu Serigne Atou Diagne avec l’appui de Serigne Sam Mbaye. Serigne Youssou Diop, fort de ses notions en dactylographie acquises lors de sa formation en comptabilité, se charge de la saisie. « C’était en 1984. Nous avions une machine à boules de marque Ibm. Ensuite, on les amenait en reprographie. C’est comme cela qu’on avait travaillé sur plusieurs poèmes. Il n’y avait pas autant de machines à l’époque », se souvient-il en brandissant des exemplaires de ces saisies d’une autre époque.
Si sa désignation comme successeur de Serigne Atou Diagne n’a souffert d’aucune contestation, c’est en partie parce que la vie de Serigne Youssou Diop se confond à celle de la « dahira » au service de laquelle il s’active depuis ses 19 ans. Aujourd’hui, il en a 58.
Secrétaire permanent, Secrétaire général, Superviseur de la Coordination technique centrale, Responsable de l’Institut international d’études et de recherches sur le Mouridisme (Iierm) créé en 2006, Serigne Youssou a gravi « tous les échelons », toujours aux côtés de son aîné, Serigne Atou. Il devient, par la suite, responsable de la mise en œuvre des mécanismes financiers dans les cellules ainsi que dans la supervision de la Direction des études techniques et des grands projets d’aménagement de Hizbut Tarqiyyah, avant d’être désigné Responsable du Comité directeur chargé de la préparation du grand Magal de Touba au sein de cette célèbre « dahira ».
Dans le domaine des Technologies de l’information et de la communication, il a été chargé de l’implantation de l’imprimerie au « daara ». Il a acquis une solide expérience en tant que Chef de projet de la mise en place du Système d’information et de gestion des membres de Hizbut Tarqiyyah et de l’intranet. Avant d’être Responsable moral, il a été, pendant longtemps, Secrétaire général de la Direction générale de Hizbut Tarqiyyah, en charge des dossiers de la coopération et des partenariats.
L’Organisation islamique du Mouridisme, Hizbut Tarqiyyah (ex-« dahira » des étudiants mourides de Dakar), a été fondée au cours de l’année académique 1975-76, sous le khalifat de Serigne Abdoul Ahad Mbacké, troisième Khalife général des Mourides. La trajectoire de vie de Serigne Youssou Diop est intimement liée à cette illustre institution qu’il continue de servir avec ferveur.
À L'ORIGINE DU TITRE FONCIER DE TOUBA
Après une dernière extension, en 2005, sous Serigne Saliou Mbacké, beaucoup d’habitations se trouvent en dehors du tracé du titre foncier. Il se pose, dès lors, le débat sur l’élargissement de cette assiette foncière
D’un bail signé, en 1930, par l’autorité coloniale, la cité religieuse jouit d’un Titre foncier au nom de Cheikh Ahmadou Bamba. Après une dernière extension, en 2005, sous Serigne Saliou Mbacké, beaucoup d’habitations se trouvent en dehors du tracé du Titre foncier. Même si Touba bénéficie d’un statut d’exterritorialité, il se pose, dès lors, le débat sur l’élargissement de cette assiette foncière.
Quel endroit est mieux indiqué que Bëyti pour conter l’histoire du Titre foncier de Touba ! La demeure est située non loin de la Grande mosquée. Tout un symbole. Juste après la prière de l’Asr (Takusan), Serigne Ousmane Mbacké, fils de Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma, et quelques disciples s’y retrouvent. Une demeure majestueuse. La vaste cour est bien nettoyée avec son sable fin et propre. Des nattes sont étalées à même le sol. Le chef religieux, par ailleurs Coordonnateur du Comité d’organisation du grand Magal de Touba, et les disciples y prennent place autour d’un sachet rempli de cacahuètes. Le café Touba est aussitôt servi à volonté. Bëyti est un pan important de l’histoire de Touba, la cité de Cheikh Ahmadou Bamba. Ville emblématique, ville sainte, « ville idéale » fondée par Cheikh Ahmadou Bamba, Touba est devenue la deuxième plus grande ville du Sénégal en termes de population.
Cependant, ce qui fait la spécificité de Touba est qu’elle bénéficie d’un statut d’exterritorialité. Touba est un Titre foncier au nom de Serigne Touba, précise d’emblée Ahmadou Ndiaye Nguirane, tasse de café Touba à la main. Maître coranique, mais aussi chercheur mouride, M. Nguirane informe que cette cité est le deuxième village fondé par Cheikh Ahmadou Bamba après Darou Salam. Cependant, ce qui fait sa spécificité est que son fondateur voulait en faire une ville religieuse, un endroit pour adorer Dieu. « Ce n’est pas une terre qu’il a cherchée pour développer l’agriculture ou l’élevage. C’est Dieu qui l’a guidé vers cette terre. Dans Matlabul Fawzeyni, il a formulé tous ses vœux pour cette ville. Son projet était de faire de Touba une ville de recherches, d’enseignement et d’apprentissage des saintes écritures, un endroit pour former des hommes, un capital humain », informe Ahmadou Ndiaye Nguirane.
Serigne Moustapha Mbacké, le bail et les 5 millions
Même si Cheikh Ahmadou Bamba n’a pas vécu très longtemps dans la cité religieuse, cette ville lui tenait à cœur. Depuis le Gabon, où il était exilé par le colon, il priait pour son retour à Touba, sa « ville idéale ». Mais, d’après M. Nguirane, depuis son départ de Touba, en 1895, Cheikh Ahmadou Bamba n’y est pas revenu. Cependant, dans ses écrits, il continuait à prier pour le rayonnement de cette ville. Le grand retour n’aura lieu qu’en 1927 quand il a rendu l’âme. Il a été inhumé dans sa première demeure de Touba conformément à son vœu.
Après sa disparition, en 1927, la principale préoccupation de son fils, Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké, par ailleurs son premier Khalife, était de sécuriser le foncier de Touba pour mieux mettre en œuvre les projets de son défunt père. L’un des plus grands était la construction de la Grande mosquée de Touba. Dès 1928, Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké a commencé les démarches pour obtenir des papiers permettant d’avoir un titre de propriété sur le lieu où sera érigée la future mosquée, rapporte le chercheur mouride. « C’est le 11 août 1930 qu’il a obtenu un titre de bail avec des papiers à l’appui. Le bail s’étendait sur une superficie de quatre km2, c’est-à-dire 400 hectares. La mosquée en était le point de départ. Toute cette superficie lui appartenait », renseigne le spécialiste de l’histoire du Mouridisme.
Serigne Mouhamadou Moustapha a mis le bail au nom de Cheikh Ahmadou Bamba. « Pourtant, il pouvait y mettre son nom, car c’est lui qui a mené toutes les démarches », relate Ahmadou Ndiaye Nguirane. Selon lui, le premier Khalife de Serigne Touba avait dépensé environ cinq millions de FCfa à l’époque pour entrer en possession du fameux papier. Après avoir obtenu le bail qui s’étendait sur 50 ans, il pouvait ainsi lancer le gigantesque projet de construction de la Grande mosquée de Touba. Celle-ci est devenue, aujourd’hui, l’un des plus grands lieux de culte du Sénégal. De loin, on peut apercevoir les minarets de cet édifice qui est symbole de la capitale du Mouridisme. Il est, par excellence, le point de départ de l’histoire de la capitale du Mouridisme.
Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma et le Titre foncier
Après cette première concession foncière, Touba a multiplié les démarches. Finalement, c’est sous le khalifat de Serigne Abdoul Ahad Mbacké que le bail a été modifié en Titre foncier. D’après Ahmadou Ndiaye Nguirane, Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma a mené toutes les démarches jusqu’à l’obtention du Titre foncier de Touba. Celui-ci, dit-il, est aussi le maître d’œuvre du lotissement de la ville sainte. Même si le Titre foncier-mère s’étend seulement sur quatre kilomètres à la ronde à partir de la Grande mosquée de Touba, Ahmadou Bamba Al-Khadim Mountakha Mbacké, fils du Khalife général des Mourides, renseigne que le Titre foncier a connu, par la suite, un élargissement du fait de la forte poussée démographique de la ville religieuse. Les limites du Titre foncier, confirme Ahmadou Ndiaye Nguirane, ont été élargies en 2005. Cette extension, précise-t-il, s’étend sur un rayon de 15 km à la ronde. « Les bornes montrant les limites du Titre foncier étaient implantées partout », renchérit-il.
Après 2005, vers une nouvelle extension ?
Entre 2005 et maintenant, la ville religieuse a connu une forte poussée démographique. Des villages comme Ndindy, Darou Karim et Sam sont tous rattachés à Touba. Beaucoup d’habitants se sont installés dans les périphéries de la ville, sous la bénédiction du Khalife général des Mourides. « Ceux qui habitent, aujourd’hui, derrière le Titre foncier sont tous de Touba », fait savoir Fallou Galass Sylla. Il souligne qu’il faut penser à un nouvel élargissement du Titre foncier. Ahmadou Ndiaye Nguirane est aussi du même avis. « Je pense qu’il est temps d’avoir une nouvelle extension, car la ville s’agrandit de jour en jour », dit-il. Mais, pour Serigne Fallou Galass Sylla, il n’y a pas lieu de s’inquiéter ; si une nouvelle extension s’impose, l’actuel Khalife va très vite s’en occuper avec les autorités compétentes.
DÉCODAGE DU LEGS CULTUREL DES BAYE FALL
Tissus « Njaxass », chevelure broussailleuse en rastas, sonorités et rythmes de tambour… Ces propriétés exclusives de la communauté Baye Fall émanent de Cheikh Ibrahima Fall. Retour sur l’origine des différents aspects de la culture de cette communauté
Tissus « Njaxass », chevelure broussailleuse (ndjagne) en rastas, sonorités des « zikrs » (Saam Fall) et rythmes de tambour (khiine) « jëf-jël »… Ces propriétés exclusives de la communauté Baye Fall émanent de Cheikh Ibrahima Fall. Ces styles, conformes aux principes de l’islam, contribuent à l’enrichissement du patrimoine culturel mouride. Retour sur l’origine des différents aspects de la culture de cette communauté qui a fait du travail un sacerdoce.
Un bonnet pour couvrir la chevelure souvent en mode rasta, un « njaxass », une ceinture et une sacoche pour garder les livrets de panégyriques … l’accoutrement du Baye Fall, c’est tout un style. Dans cette tenue, il est loisible de constater qu’il est aussi bien à l’aise dans la cuisine, qu’en cérémonie officielle. Baye Fall, n’est pas « rastaman » et vice-versa. Dans la forme, il peut y avoir des ressemblances, mais dans le fond c’est très différent, nous apprend Serigne Moustapha Fall ibn Serigne Modou Aminata Fall et petit-fils du premier khalife de la communauté Baye Fall. Les philosophies sont différentes. Être Baye Fall, c’est appartenir à cette communauté, se conformer aux enseignements de son fondateur. Être Baye Fall, c’est toute une philosophie, toute une spiritualité basée sur le « ndigël » et le « jëf-jël ». Il ne suffit donc pas de porter des dreadlocks pour se réclamer de cette communauté. Et Serigne Moustapha Fall, de préciser : « la coiffure de Cheikh Ibra Fall n’a rien à voir avec les rastas de certains musiciens actuels. Il n’avait pas le temps pour se faire faire des rastas ; sa chevelure était certes abondante (ndiangne) mais pas longue. Elle n’était pas sale non plus et pour la conserver propre, il se servait d’une écharpe ou d’un bonnet ».
Selon lui, les cheveux poussent et a force de ne pas les couper ils deviennent abondants. Cheikh Ibra Fall utilisait sa chevelure pour lui servir d’interface entre son crâne et les charges de bois morts et d’eau qu’il portait sur la tête, pour éviter de se blesser et pour amortir le poids des charges.
« C’est cette version que j’ai trouvée à la suite de mes recherches et c’est celle que je peux considérer comme l’histoire de la coiffure de Mame Cheikh Ibrahima Fall. Des interprétations et un phénomène de mode (rasta) peuvent être à l’origine de la coiffure très prisée par la jeune génération ».
« NJAXASS », UN ACOUTREMENT UNIVERSEL
À l’occasion des grands événements, les Baye Fall se distinguent par le port de cette tenue vestimentaire folklorique, qui traduit le charme aux yeux et dans l’esprit du novice. Du noir blanc au multicolore de l’étoffe, les tailleurs en font de toutes les couleurs et dans toutes formes, allant de l’habit dit « Baye Lahad », au « Turki Ndiarème », en passant par bien d’autres vêtements. Les hommes comme les femmes se plaisent dans les habits en « njaxass ».
Le « njaxass » est un mode vestimentaire très prisée et qui fait partie de l’identité culturelle de la communauté Baye Fall. Les hommes les femmes et les enfants en ont fait un style et une mode répandue dans le monde entier.
L’origine de cet accoutrement est liée à la philosophie du travail de Cheikh Ibra Fall, dont le détachement de toutes mondanités et le service pour son maitre, avait conduit à rafistoler ses habits pour donner le premier habit dont l’apparence à donner naissance au style « njaxass ». Pour la petite histoire, qui n’est pas un conte, précise Serigne Moustapha Fall, il faut retenir l’objectif visé par le Cheikh. « L’abandon de soi à la volonté divine pour atteindre le sommet de la réalisation spirituelle », indique-t-il. « Il n’avait qu’un seul habit qu’il portait tous les jours, jusqu’à ce l’habit se déchire du fait de la sueur. Alors les déchirures et les trous se multiplièrent et il se décide d’aller demande un habit en aumône, en cours de route il tombe sur un baobab nu à force d’être dépouiller de son écorce. Il lui vient à l’esprit les dures épreuves des aspirants en quête de l’agrément de Dieu », ajoute-t-il. « Cet arbre n’est allé nulle part à cause de sa nudité et le Tout Puissant va lui gratifier d’une nouvelle écorce, alors inutile de poursuivre ma voie, qui peut pourvoir un arbre peut en faire autant pour un être humain. C’est ainsi qu’il s’en est retourné à ses occupations. Pour préserver son habit, il greffait toute étoffe à sa portée à son habit, ce qui non seulement cachait l’habit déchirée, mais aussi donnait à cet habit patchwork, un aspect pittoresque raconte le descendant directe de Cheikh Ibrahima Fall », fait savoir Serigne Moustapha Fall.
LA BARAKA D’UNE TENUE DE TRAVAIL …
Les disciples de Cheikh Ibrahima Fall ont adopté comme identification et style d’accoutrement des « Baye Fall ». Un style qu’on rapproche souvent du patchwork. C’est un boubou à partir d’un tissu obtenu en recollant plusieurs morceaux de tissus, en majorité des reste de tissus ; d’où la multitude de couleurs et de qualité de l’habit qu’on en fait.
Le « njaxass » est aujourd’hui une création, partie intégrante de notre patrimoine culturel. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des « njaxass » composé de tissus neufs de haute facture (Bazin, etc.) porté par des personnes respectables. Les femmes comme Mamy Ndiaye, une jeune styliste du marché Ocass en achète plusieurs couleurs de tissus Bazin, les découpe et les fait recoudre par un tailleur pour en faire un grand boubou de cérémonie. « À Touba, il n’y a pas de village artisanal, mais notre boutique Lamp Fall, habille de grands artistes et des personnalités Baye Fall et des touristes européens ». D’autres en font des caftans et des habits en demi-saison, un aspect folklorique qui s’ajoute au riche patrimoine Baye Fall.
Dans les villages artisanaux, révèle Souleymane Diouf, un Baye Fall artiste, le « njaxass » est un look qui attire les étrangers et ils en achètent pour en faire des cadeaux. Pour eux « cela fait très Africain », dit-il. Cadre dans une banque de Dakar, Modou Seck révèle qu’il ne rate jamais le mois de ramadan à Touba. « Dans la tenue de « njaxass », je me sens plus Baye Fall, ma femme Daba Fall et mon fils Cheikh « Bayou Goor » Seck, nous portons tout au long de ce mois béni des tuniques en noir blanc », dit-il.
Trouvée dans la cuisine installée à « Penthioum Palène », devant le domicile de son guide, Seynabou Diop, le port altier et la démarche assurée, laisse entendre qu’elle est une « Yaye Fall » authentique ». Autant le « njaxass » plait, autant elle est populaire et attrayant. C’est une marque déposée de Mame Cheikh Ibrahima Fall. Ces styles, tout en étant conformes aux principes de l’islam, contribuent à l’enrichissement du patrimoine culturel mouride en particulier et de notre pays en général. C’est un style vestimentaire jadis propre à la communauté « Baye Fall » et aujourd’hui adopté par beaucoup de Sénégalais sans lien avec cette communauté.
LA CEINTURE « TAKK-DER » OU « LAXASSAY » POUR UNE APTITUDE AU TRAVAIL
Dans sa quête de l’agrément de Dieu à travers son mentor Cheikh Ahmadou Bamba, Cheikh Ibrahima Fall était très inspiré. Revenant sur l’histoire réelle de cette ceinture de cuir, Serigne Moustapha Fall révèle qu’elle était utilisée par Cheikh Ibra plus pour son utilité que pour des raisons esthétiques : Dans le port vestimentaire des « Baye Fall », la ceinture aux reins constitue un élément de distinction important. Les disciples sont souvent désignés comme « takk-der » ou « lakhassay » qui fait référence à la ceinture Cheikh Ibrahima Fall.
Pour Mamoune Ndiaye, Baye Fall habitant du quartier Keur Cheikh à Diourbel, la ceinture est très indiquée pour les travaux nécessitant le transport du matériel lourd. Les Baye Fall l’utilisent pour les travaux champêtres, mais aussi dans les constructions et le transport des bols à Touba. « Il faut avoir cette ceinture pour être en bonne santé et tenir des heures de travail », soutient Serigne Moustapha Fall qui révèle aussi que Cheikh Ibra a vécu 13 ans avec le Cheikh avant la déportation (1881 à 1895). Et pendant tout ce temps il avait sa ceinture avec lui.
De Mbacké Cadior où il a fait son allégeance à Thieyenne Djoloff, puis à la Mauritanie ensuite à Thieyenne Djoloff pour terminer par Diourbel dernière étape du Cheikh en résidence surveillée. Cette ceinture a été très utile aux talibés Baye Fall et Mourides, infatigables et ardents travailleurs sur le chantier de la belle mosquée de Diourbel, cette large ceinture est restée un attribut du Baye Fall.
« KHIINE » ET « ZIKRS » POUR GALVNISER LES TROUPES
Serigne Modou Mamoune Niang, racontait que lors de son bref séjour à Touba, Cheikh Ahmadou Bamba entonnait lui-même des « zikrs » « il n’y a de divinité qu’Allah (la illaha illalah) » que les disciples reprenaient en chœur. Cheikh Ibra Fall lui aussi faisait le « zikr » et ne l’a jamais abandonné. Cela fait partie des attributs du seigneur à Cheikh Ibra : Travailler tout en faisant du « zikr », pour la face de Dieu, personne ne l’a fait avant lui.
Pour les percussions, Cheikh Ibra Fall n’avait qu’un seul rythme : le « jëf-jël ». C’est son premier khalife Serigne Modou Moustapha Fall qui est à l’origine des formes actuelles dans le rythme. Il disait avoir constaté que le tam-tam galvanisait et augmentait l’ardeur des jeunes hommes et des femmes. Le guide spirituel s’était entouré de griots qui battaient le tam-tam pour galvaniser les foules dans les champs. Cependant, ces tams-tams ne résonnaient qu’en cas de « Ndigël », pas avant ni après, a expliqué Serigne Moustapha Fall Modou Aminata.
Cheikh Ibrahima Fall, le fondateur de la communauté Baye Fall est l’auteur de toute cette panoplie de pratiques cultuelle et culturelle, qui gravite autour de l’amour du travail élevé au rang de culte au sein de la communauté Baye Fall qui est à l’avant-garde de la voie mouride.
BAKHIYA, UN CIMETIÈRE VIVANT
Au-delà d’être le lieu du « repos éternel » pour beaucoup de Mourides, s’y organise toute une vie : les pompes funèbres, les fossoyeurs, la débrouille tout autour, le contraste entre le « dedans » et le « dehors »…
Sa renommée est répandue. Bakhiya est le plus grand cimetière de Touba. Au-delà d’être le lieu du « repos éternel » pour beaucoup de Mourides, s’y organise toute une vie : les pompes funèbres, les fossoyeurs, la débrouille tout autour, le contraste entre le « dedans » et le « dehors »…
La température n’est pas des plus agréables. Il est pourtant 10 heures et le soleil ne flamboie point au cimetière de Bakhiya, plus grande nécropole de Touba ouverte en 2014 sur recommandation de Serigne Sidy Mokhtar Mbacké, alors Khalife général des Mourides. Le lieu et ses alentours grouillent de monde. Une vie à la fois bienséante et agitée s’y déroule. Recréant l’ambiance de la gare routière, les chauffeurs de taxis papotent à côté d’une gargote bien prisée. Une mosquée s’y tient, majestueuse. Une tasse de café à la main, le masque sous le menton, Serigne Diop veille au respect de l’ordre de départ et d’arrivée des véhicules de transport. Les vendeuses d’eau, sceaux a la main, se faufilent entre les groupuscules venus inhumer un des leurs ou se recueillir sur une tombe d’un proche.
A l’intérieur, les morts goûtent au calme du lieu malgré le flux des « vivants ». Aux abords, la vie continue. Impossible d’entrer sans passer par le bureau d’état civil équipé d’un ordinateur. Une équipe de trois personnes dirigée par Serigne Cheikh Abdou Bakhoum s’occupe de la « paperasse » pour les enterrements. Ils ont été particulièrement éprouvés au cours de cette année 2020 avec un « record d’enterrement depuis l’ouverture de ce cimetière. Il nous est arrivé, en une journée, de délivrer 60 autorisations d’inhumation. Toutefois, la moyenne journalière tourne autour de 30 à 45 », renseigne le chef du bureau, sans cependant établir une corrélation entre le nombre de morts et la pandémie de Covid-19. Pour l’année 2020, indique Abdoulaye Diop, un des coordonnateurs de la Dahira Moukhadimatoul Khidma, il y a eu 12.272 enterrements au cimetière de Bakhiya contre 10.635 en 2019.
Bakhiya offre un contraste saisissant avec un « dedans » empli de tranquillité et un « dehors », encombré d’un cortège funèbre, particulièrement animé. Les activités lucratives tout autour brisent la lourdeur et attiédit l’atmosphère de deuil. Ici, ça bouillonne. Des corbillards en provenance de divers horizons y débarquent à un intervalle régulier, comme à la gare routière. Bakhiya a bâti sa renommée. Et le flot de voitures et d’hommes venus d’horizons divers en est une illustration achevée.
Si près des morts…
La Dahira Moukhadimatoul Khidma, chargée de la sécurité des abords de la nécropole, en est consciente. C’est pourquoi elle s’échine à en faire un lieu doté de toutes les « commodités ». Les pompes funèbres de Touba, une de ses branches, se sont procuré un nouvel appareil d’une valeur de 900.000 FCfa pour rendre plus opérationnelle la morgue. Il s’agit de deux chambres froides avec une armoire à six places chacune. L’achat de corbillards et la diversification des sites d’enterrement sont des projets en cours.
« Ce ne sont pas seulement les habitants de Touba qui sont inhumés à Bakhiya. Des corps en provenance de toutes les localités du pays et de la diaspora nous parviennent. La volonté de beaucoup de Mourides, c’est d’être enterrés ici », confie Abdoulaye Diop.
Le service d’état civil, installé avec l’appui de la commune de Touba, qui prend en charge le personnel en place, travaille de concert avec celui de la morgue. Onze mille FCfa suffisent pour les frais d’inhumation (Lavage mortuaire, linceul, savon, parfum, couture, tombe, pierre tombale, morgue). Des hommes et des femmes d’âge mûr y gagnent leur vie. Ils cohabitent avec la mort. Un vieil homme, pelle à la main, est l’un d’eux. « Je creuse des tombes à longueur de journée, tout en sachant qu’un jour quelqu’un d’autre le fera pour moi. L’essentiel est que je gagne honnêtement ma vie ici ». Une vie auprès des morts.
TOUBA DANS LA FERVEUR DU MAGAL
Une foule nombreuse de fidèles converge vers la grande mosquée de Touba dans le cadre de la célébration du Magal, marquant le départ en exil du fondateur de la confrérie mouride, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké (1853-1927), ce jeudi
Une foule nombreuse de fidèles converge vers la grande mosquée de Touba dans le cadre de la célébration du Magal, marquant le départ en exil du fondateur de la confrérie mouride, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké (1853-1927), a constaté l’APS, jeudi.
Des centaines de fidèles se sont constitués en files indiennes pour se recueillir dans le mausolée du Cheikh et ceux de ses fils et Khalifes. Cette journée du Magal (grâce) est notamment marquée par la lecture du Coran et la déclamation des écrits du fondateur du ’’mouridisme’’, communément appelé Serigne Touba.
Pour éviter les embouteillages, certains fidèles se rabattent sur les charrettes, pendant que d’autres ont préféré rallier les lieux à pied, même si la fatigue est bien visible sur les visages.
Seuls les véhicules avec des ordres de missions spéciales ou une autorisation spéciale ont un accès aux alentours de la Grande Mosquée.
Un impressionnant dispositif sécuritaire est bien visible dans les lieux de grands rassemblements pour veiller à la sécurité des pèlerins.
Le Magal de Touba commémore le départ de Cheikh Ahmadou Bamba en exil, au Gabon, le 12 août 1895.