Alioune Sall, directeur de l'Institut des Futurs Africains parle de la prospective dans l'oeuvre de l'économiste et altermondialiste égyptien.
TER : DANS L'INCONFORT D'UN VOYAGE
Folles courses vers les valideurs, bousculades, actes irréfléchis, non-respect des consignes sanitaires et sécuritaires. Ces mauvaises habitudes font la souffrance de certains voyageurs du Ter depuis quelque temps
Le Ter fait des heureux depuis le début de son exploitation, en janvier ! Dans la banlieue, beaucoup d’usagers ne jurent que par ce moyen de transport. Ainsi, l’affluence est de plus en plus importante. Ce vendredi matin est une journée pas comme les autres à la gare de Thiaroye. Une longue file s’est formée autour des trois guichets débordant jusqu’au pied de l’autopont. On compte environ plus de 200 personnes attendant impatiemment leur tour. Même s’il faut attendre plus de 10 minutes pour avoir son billet. Ça traine, ça proteste et ça attaque à tout va, sous une chaleur de plus en plus insupportable. « Ces gens ne travaillent pas. Comment peut-on accueillir tout ce monde en ouvrant que deux guichets sur quatre », déplore un jeune homme aux muscles saillants. Malgré le ton menaçant, l’agent en face préfère répondre par le sourire pour éviter tout clash. Au fil du temps, de nouveaux voyageurs s’ajoutent à l’immense foule. La tension monte d’un cran. Conflits et disputes éclatent entre passagers pour une question de place et de ticket. Il est inconcevable pour certains de voir les derniers venus se mettre devant ou acquérir un ticket en moins de cinq minutes avec la complicité d’un ami. Visage suant et sévère, les traits tirés, Alassane Wade ne peut l’admettre. « C’est la deuxième fois que j’appelle le gendarme pour qu’il remette de l’ordre. Il est inconcevable que certains se mettent derrière les grilles et puissent avoir un ticket avant nous qui faisons la queue depuis près de 20 minutes. C’est une indiscipline notoire que nous, passagers du Ter, vivons tous les jours. Les mauvaises habitudes sénégalaises se manifestent partout », peste Alassane. Pendant ce temps, les gendarmes installent les barrières pour réguler le trafic et interdire les rassemblements sur le quai. L’attente ne sera pas longue pour ceux qui ont franchi le valideur. Comme affiché par les panneaux de signalisation, deux minutes ont suffi pour voir arriver l’un des trains à destination de Dakar.
Bousculades, gestes gênants, débordements, etc.
L’arrivée du train coïncide avec les messages et consignes de sécurité. « Écartez-vous de la bordure du quai, c’est dangereux », annonce une voix féminine. Les candidats à ce voyage feignent de ne pas l’entendre. Sans hésitation ni crainte, ils accourent vers les différentes portes. C’est chacun pour soi, Dieu pour les gros bras ! Les gendarmes au poste tentent de rétablir l’ordre. Ils n’y arrivent pas. La situation les dépasse et elle est compliquée pour ceux et celles devant descendre à Thiaroye. Une dame en a passé de secondes terribles. Le bébé au dos, elle se débat des mains, la mine dévastée. « Le Ter est devenu problématique. À cause des bousculades, tu peux même dépasser ton arrêt. Les passagers qui doivent embarquer n’ont aucune patience. Ils te poussent, te bloquent, te marchent dessus », regrette Aïssatou, les yeux rougis. Ainsi, elle en appelle au renforcement du dispositif sécuritaire pour éviter de pareilles situations. À 10 heures 46 minutes, soit moins de 10 minutes après le dernier, un autre train est à quai. Il est bondé de monde. Il n’empêche, les passagers ne se posent pas de questions. Ils chargent, bousculent et engueulent ceux qui sont déjà à l’intérieur. « Faites-nous de la place. Vous êtes méchants. L’essentiel est que la porte puisse se fermer et qu’on arrive tous à destination », adresse l’un d’eux à une dame qui déplorait un coup de coude. La réplique à la hauteur de l’attaque ne tarda pas. « Si vous raisonnez ainsi, c’est parce que vous réfléchissez comme un animal », lâche-t-elle dépitée. Moins de trois minutes après, c’est autour des voyageurs de Pikine de vouloir coûte que coûte rejoindre les passagers. C’est serré, c’est plein comme un œuf, mais ils foncent, les yeux fermés, jusqu’à bloquer la fermeture des portes. Ainsi, le temps d’arrêt passe de 50 à 80 secondes. Des habitudes bien sénégalaises qui mettent les voyageurs dans l’inconfort. Comme en témoigne la complainte du vieux Ousseynou Sagna dans la misère du Ter. « Au début, on se glorifiait du confort du Ter. Maintenant, c’est la galère. Avec la surcharge, il est impossible de respirer. Arrivés à destination, nous rencontrons toutes les difficultés du monde. Il faut que les gens soient plus conscients et que les autorités rétablissent l’ordre », regrette-t-il à bord du Ter bondé de monde. De grande taille, Moussa Boye souffre dans un coin. L’air fatigué, il craint pour l’efficacité du Ter à cause de comportements qu’il juge déplorables. « Les gens te bousculent, te chargent. J’ai l’impression que certains veulent le transformer en « car rapide ». On se dispute les valideurs. Même pour monter les escaliers, on voit de folles courses », dénonce-t-il. Après l’euphorie des premiers jours, le Ter risque bien de devenir inconfortable pour nombre de clients.
LES ÉTATS-UNIS ET L'INSOLUBLE CRISE MIGRATOIRE
Décryptage dans l'émission L'Amérique et vous sur VOA, de la politique migratoire américaine alors que 53 personnes ont récemment été retrouvées mortes dans un camion surchauffé au Texas en provenance de pays frontaliers avec les USA
Décryptage dans l'émission L'Amérique et vous sur VOA, de la politique migratoire américaine alors que 53 personnes ont récemment été retrouvées mortes dans un camion surchauffé au Texas en provenance de pays frontaliers avec les USA.
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KEN BUGUL, ON FAIT TROP D'ENFANTS AU SÉNÉGAL
Y-a-t-il un rapport entre démographie et émigration ? Quels sont les 3 visages du mal sénégalais ? Comment les contre-valeurs sont-elles devenues valeurs au Sénégal ? Les réponses de l'écrivaine Ken Bugul lors d'une table ronde avec José Manuel Farjado
Malgré les drames fréquents qui ont lieu dans la Méditerranée ou dans le désert, et dont les médias se font largement l'écho, les candidats à l’émigration irrégulière ne sont nullement découragés. Lors d’une table ronde sur le réalisme littéraire, en juin dernier, Ken Bugul a tenté d’analyser les causes profondes de cette bravade du danger par la jeunesse africaine et sénégalaise, en particulier.
En discussion avec son confrère espagnol José Manuel Farjado, à l’Instituto Cervantes de Dakar, Ken Bugul a dit les vérités qu’on n’aime pas toujours entendre.
D’abord, pour l’écrivaine, au-delà de la prégnance du chômage, du manque de formation, de perspectives et du dénuement, il y a l’humiliation et la pression sociale auxquelles sont soumis les jeunes. L’inconsidération est ambiante dans les familles quand vous êtes sans le sou.
Dans la même veine, l’écrivaine note la mort du droit d’aînesse dans la société sénégalaise. N’est respecté que quiconque expose de manière ostentatoire, voire indécente, ses espèces sonnantes et trébuchantes.
Pire, trois entités participent peu ou prou à cette inversion de valeurs d’après l’auteur du « Baobab fou ». Il s’agit d’«un lobby religieux cupide», «des médias nuls » et « des politiciens».
Face à un tel tableau, les jeunes en quête, eux aussi, de leur brevet de respectabilité, vont chercher vaille que vaille à s’en sortir. Dans cette quête, l’aventure européenne, ô combien périlleuse, est une option.
Ensuite, Ken Bugul pointe-t-elle du doigt la question de la démographie et d’environnement qui contribuent au fort désir des jeunes de partir. Pour ce qui est de la démographie, on s’émeut souventes fois quand quelqu’un ose dire à tort ou à raison qu’on fait trop d’enfants en Afrique et surtout quand le propos provient d’un Blanc.
Et bien Ken Bugul le dit tout de go : «On fait trop d’enfants en Afrique», déclare-t-elle avant de nuancer. En effet, pour elle, c’est une question d’organisation.
On peut bel et bien faire beaucoup d’enfants, mais il faut que cette démographie soit en adéquation avec un espace vital convenable. Si on décide de faire beaucoup d’enfants, il faut que les infrastructures suivent ainsi que les services sociaux.
Ce n’est manifestement pas le cas dans le Sénégal d’aujourd’hui comme dans d’autres pays africains. Quand on fait de plus en plus d’enfants dans un environnement non de moins en moins adapté, on finit par se sentir à l’étroit et mal à l’aise. Ce qui engendre d’autres problèmes.
Tenez, l’écrivain relève qu’à Dakar on est à l’étroit avec un environnement pollué et irrespirable par endroit. Un tel cadre combiné au manque de perspectives, ne garantit aucun épanouissement aux jeunes pour les maintenir chez eux. Ils préfèrent explorer d’autres horizons en quête de mieux-être et de qualité de vie.
Ken Bugul alerte sur le fait que, in fine, nous connaitrons une société de plus en plus encline à la violence du fait de tous ces problèmes sociaux si on n’y est pas déjà tout simplement. Pour mémoire, le dernier roman de Ken Bugul "Le trio bleu" porte sur l'émigration irrégulière.
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JE N'AI L'AIR DE RIEN, MAIS JE SAIS CE QUE JE VAUX
Ce petit bonhomme de 41 cm n’a l’air de rien, mais c’est un trésor. La valeur actuelle de la statuette est estimée à milliard de FCFA, selon Serigne Touba. Acquise au Ghana, il y a plus de 50 ans, c’est l’une des pièces phares et rares du collectionneur.
Ce petit bonhomme de 41 cm que vous voyez n’a l’air de rien. Mais c’est un trésor. La valeur actuelle de la statuette est estimée à milliard de francs CFA, selon son détenteur.
Acquise au Ghana, il y a plus de 50 ans, c’est l’une des pièces phares et rares de la riche collection de Serigne Touba Sène, grand collectionneur d’art africain contemporain et antique.
La statuette aurait une vie d’environ 2000 ans, d’après le collectionneur qui parle de d’une expertise réalisée par un spécialiste Suisse sans donner plus de détails.
De nombreuses statuettes comme celle-ci sont souvent exhumées des tombes en terroir ashanti du Ghana. Il s’agirait des présents que l’on faisait accompagner à des défunts dans leur dernière demeure en guise de viatique.
Lors de la dernière biennale de l’art africain contemporain Dakar, beaucoup ont dû passer à côté de cette statuette sans s’imaginer qu’elle vaut.
L’œuvre d’art a été exposée au Marché international de Dakar, (MIAD) projet monté par le plasticien kalidou Kassé au Monument de la Renaissance africaine.
Si le collectionneur consens à donner sa valeur actuelle de la statuette, il reste circonspect sur le prix de son acquisition il 5 décennies.
par Momar Dieng
SUR L'ETHNICISME, ARRÊTONS LES FAUX SEMBLANTS
Les propos d’Ousmane Sonko à Bignona ne sont qu’une continuation, qu’une réponse à l’instrumentalisation délirante, obsessionnelle et dangereuse de la question casamançaise à des fins vilement politiciennes
La politique au Sénégal se normalisera quand les hypocrisies, les oublis volontaires et les calculs sordides des politiciens et autres entrepreneurs du ventre seront capables, tous, de respecter la ligne rouge qui nous sépare de l’abîme. Les propos d’Ousmane Sonko à Bignona ne sont qu’une continuation, qu’une réponse à l’instrumentalisation délirante, obsessionnelle et dangereuse de la question casamançaise à des fins vilement politiciennes.
La plupart de ceux qui s’en émeuvent subitement ont été muets sur des éléments du même acabit qui ont pourtant garni les feuilles de certains journaux sous forme de feuilleton ; filière terroriste et rebelle, stigmatisations de compatriotes originaires du Sud, infiltration de manifestations politiques à Dakar par des indépendantistes venus du même endroit, témoignage de Guy Marius Sagna, caravane de rebelles casamançais en route pour rejoindre Dakar, les inepties sur ce registres sont abracadabrantesques. ll y a quelques jours, un responsable politique en mal d’audience et de reconnaissance a dit publiquement : « Ousmane Sonko n’est pas Sénégalais…» Qui, parmi tous ceux qui enragent hypocritement ou sincèrement aujourd’hui, s’en était ému un tant soit peu ?
Faudrait-il attendre que le président de la république Macky Sall soit directement accusé d’être la tête de gondole d’une campagne de « stigmatisation » contre nos parents et compatriotes de la région méridionale pour qu’autant d’indignations et de condamnations à géométrie variable s’enchaînent ?
Dans l’intérêt de la paix civile et du noble principe du « bon vouloir de vie commune » partagé par l’écrasante majorité des Sénégalais, il est justement du devoir du chef de l’Etat - notre Président à tous sans exception - d’être le garant de cette entente nationale, d’en assumer les contraintes, sans faiblesse, d’en être digne, au-dessus de tous. Macky Sall remplit-il cette fonction, ce devoir, cette exigence politique et morale vis-à-vis de la nation ? Chacun peut y répondre au regard des éléments factuels disponibles à foison dans l’espace public.
Pour que la politique reste dans les limites de la civilité, il est indispensable que la classe politique sérieuse et compétente accepte définitivement qu’il y a des propos et des actes qui ne feront que l’affaire des entrepreneurs infatigables du chaos et du désordre social. Les oppositions ont une part de travail à entreprendre et à institutionnaliser dans leurs pratiques politiques, c’est indiscutable. Mais il appartient fondamentalement au président de la république de commencer par donner le bon exemple – celui du père fouettard juste et équitable entre tous ses enfants - en neutralisant ses propres franges faussement radicalisées et dont l’avidité à gagner la considération du prince en accumulant les responsabilités et prébendes qui en feraient des leviers indéboulonnables du pouvoir, est sans limites.
Ne pas le faire, c’est laisser la porte ouverte à tous les embrasements au cœur de notre société car personne n’acceptera de se faire sacrifier sur l’autel des irresponsabilités sombres que chaque pouvoir politique est capable de promouvoir pour ses intérêts de clan et de survie.
MACKY GRACIE 516 DETENUS
À la veille de la célébration de l’Aïd El Kabir communément appelée Tabaski, le chef de l’Etat, Macky Sall, a gracié 516 détenus.
À la veille de la célébration de l’Aïd El Kabir communément appelée Tabaski, le chef de l’Etat, Macky Sall, a gracié 516 détenus. Selon un communiqué du ministère de la justice, les bénéficiaires de cette mesure de clémence sont généralement des délinquants primaires, des détenus qui présentent des cas de resocialisation, des personnes âgées de plus de 65 ans ou même, des personnes gravement malades et aussi, des mineurs.
UNE PARTIE DU MARCHE CENTRAL EN CENDRE
Deux magasins, ( friperie et cosmétique) ont pris feu ce matin au niveau du marché central de Thiès. Pour le moment l’origine du sinistre est méconnue. Aucune victime sur le plan humain.
Deux magasins, ( friperie et cosmétique) ont pris feu ce matin au niveau du marché central de Thiès. Pour le moment l’origine du sinistre est méconnue. Aucune victime sur le plan humain. Mais quelques dégâts matériels sont à déplorer. Le feu a été vite maîtrisé grâce à une intervention rapide des sapeurs-pompiers et des agents de la mairie.
« Nous venions d’être appelés à venir participer aux mesures à prendre pour éteindre un feu qui s’est déclaré dans un magasin l’un contenant des produits cosmétiques et d’autres de la friperie. Le feu s’est déclaré de façon inquiétante au départ, mais avec l’intervention diligente et intelligente des sapeurs-pompiers combinés à la diligence de l’autorité administrative, je veux nommer le sous-préfet, les agents de la municipalité, ils ont pu réussir à stopper le feu sans propagation. Depuis un mois nous n’avons pas cessé d’alerter les commerçants, les tabliers, les ambulants sur les dispositions à prendre pour éviter ces genres de situation. Au départ, les sapeurs-pompiers ont eu du mal à intervenir. Les rues et les ruelles étant jonchées, bouchées par des tabliers, des vendeurs de poissons. Bref, un désordre indescriptible. Il y’a lieu de reprendre ces actions" alerte Moussa Diagne, préfet de Thiès.
Le bilan de l’incendie n’est pas encore fait. Mais déjà, le préfet parle de pertes en matériel qui risque de beaucoup coûter aux propriétaires des magasins sis au marché central, précisément à "Roukou Diskét".
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MULTIPLE PHOTOS
DES RACINES ET DES SOUCHES DU DAK'ART
Intitulé « De cruce », cette oeuvre de l'artiste Emmanuel Tussore donne une « interprétation de l’image de souffrance, un regard contemporain sur le thème de la crucifixion et de ses souffrances multiples représentations dans l’art ».
L’artiste français Emmanuel Tussore a proposé lors de la dernière biennale de l’art africain contemporain de Dakar, une exposition quelque peu exotique, à l’ancien palais de justice de Dakar.
Il s’agit de ces énormes souches ou de racines de différentes essences majestueusement dressées sur des pieux d’acier dans une des salles de l’ancien palais de justice.
Intitulé « De cruce », cette exposition donne une « interprétation de l’image de souffrance, un regard contemporain sur le thème de la crucifixion et de ses souffrances multiples représentations dans l’art ». Ce 21è siècle n'est-il pas traversé par la question de la nature et de sa soumission à l’homme qui en dispose comme il le veut?.
L’emplacement de ces souches ou racines, pose aussi les questionnements liés au déracinement et à l’identité, interroge notre rapport à l’altérité, à l’étranger en particulier.
Nous vous proposons de revoir cette exposition toute en musique en compagnie tu titre "Nanonle" du chanteur béninois John Arcadius.
PAR Alioune Wagane Ngom
LA RÉPUBLIQUE N’EST PAS UN VAIN MOT
Ce qui manque à la République ce ne sont ni des textes ni des institutions. C’est plutôt un culte du respect des promesses de la République par ceux qui l’incarnent
Il est courant d’invoquer « la République » lorsque la situation politique est trouble au Sénégal.
Cet exercice incantatoire se fait souvent par le moyen d’une injonction à respecter les valeurs, principes et lois de « la République ».
Seulement, on doit se le demander, suffit-il simplement d’affirmer ou de réclamer des égards à « la République », ou bien de l’imposer pour garantir la tranquillité ?
La présence concrète de la République doit se traduire par le caractère tangible de la réalisation de ses promesses. L’équité et l’impartialité dans la distribution des gratifications et des sanctions publiques, ainsi que le respect strict du contrat social qui fait que la République s’accorde avec la Nation sont également nécessaires pour susciter le sentiment de sa présence.
Lorsque la République s’acquitte de sa part du contrat et témoigne d’efforts allant dans le sens de respecter ses promesses, c’est tout naturellement que le citoyen y adhère ; il est alors le premier à défendre ses valeurs, principes et lois. En revanche, lorsque la situation sociale, économique, sanitaire et académique d’un pays atteste d’une quasi-absence de l’État (support de la République) et que les lois (gage d’ordre, de justice et d’égalité) sont instrumentalisées, il ne faut pas s’étonner de voir les citoyens désobéir ou se rebeller contre celles-ci.
Mais la défiance envers la République n’est pas uniquement une preuve que l’on est dans un « désert républicain », une évanescence de la République, dans divers domaines de la vie des citoyens. Très souvent, cette attitude pétitionnaire contre le fait et l’ordre républicains s’explique par le fait que les valeurs, lois et organisations donnant corps à la République sont en grande partie étrangères à la Nation sénégalaise. À ce jour encore, elles s’inscrivent dans une perspective de « transferts de technologies juridiques », et par ce fait dans une tradition coloniale de fabrication du droit et de l’ordre juridique. L’épistémologie qui sous-tend les fondements de la République demeure coloniale et, par conséquent, étrangère au sens commun du citoyen sénégalais. La violence, la répression et le rapport de force qu’exercent encore certains dirigeants, agents publics, forces de l’ordre, etc., vis-à-vis du citoyen en sont les illustrations et les conséquences inévitables. Ces pratiques rappellent le traitement qui à été réservé à l’indigène et dont un certain droit colonial garantissait la légalité.
La foi en une règle de droit et son respect par ceux qui l’appliquent et ceux à qui elle s’applique supposent que ces derniers s’y reconnaissent, « s’y voient », pour emprunter la formule Wolof « gis ci seen bopp ». Il y a une dimension quasi-religieuse et affective qui sous-tend la règle de droit et qui habite d’abord l’imaginaire de ceux qui doivent l’appliquer ou s’y soumettre. Mais, lorsque la quasi-totalité de l’infrastructure juridique d’une société est établie dans une logique mimétique, le rapport des citoyens à l’ordre juridique ne peut être que formel, circonstanciel, et péjorativement accessoire. Dès lors, l’ordre juridique, en lieu et place de la République, ne saurait être préservé que par la violence et/ou par la manipulation textuelle (révisions constitutionnelles) ou institutionnelle (créations ou suppressions d’institutions à des fins politiques), avec le risque de voir s’accumuler des inflations juridiques et institutionnelles encore plus préjudiciables à la cohérence et à l’effectivité de la République.
Cette situation n’est donc pas sans interroger la nature et les modalités de l’enseignement par lequel le droit, ou encore les lois de la République, sont dispensés dans les facultés de droit.
La récente pétition d’un groupe d’universitaires sénégalais contre la « faillite des autorités administratives et juridictionnelles »[1] sur l’arbitrage juridique du processus électoral en vue des prochaines élections législatives de juillet 2022, les interrogations sur l’utilité [sociale et politique] des facultés de droit au Sénégal[2] sont symptomatiques du malaise épistémologique qui résonne sous la prise de conscience des défis urgents que pose le rapport intellectuel et institutionnel au droit et à la production normative qui a cours au Sénégal.
Ceux qui croient encore à la [possibilité de] « neutralité » dans la production du savoir[3] en sciences humaines oublient peut-être que toute production académique est située et éminemment politique. L’Université n’est pas uniquement un lieu de transmission de savoir. Elle est aussi, du moins en principe, une forge de laquelle jaillit la pensée critique. Un lieu où se fait, se défait, se renouvelle et se réinvente l’ensemble des connaissances et des méthodes pour en tirer le meilleur profit pour la société. Enfin, l’Université est ce lieu qui doit favoriser le recours à l’ensemble des archives du savoir que recèle l’Humanité y compris celles qui ont été injustement écartées et disqualifiées, c’est-à-dire les corpus de savoir juridique endogène.
Ce qui manque à la République ce ne sont ni des textes ni des institutions. C’est plutôt un culte du respect des promesses de la République par ceux qui l’incarnent. Mais ce qui fait surtout défaut à l’ordre et à l’idéal de la République, c’est l’émergence et l’institutionnalisation d’une pensée juridique endogène à rebours de la trame épistémologique prédominante à ce jour et qui trône sur l’imaginaire juridique national. Cette condition empêche ainsi beaucoup de chercheurs, juristes et acteurs politiques de penser par eux-mêmes la République et son ordre juridique dans la perspective des cosmovisions de leur société, et de se libérer une bonne fois pour toute de l’empire des modèles considérés de manière erronée comme étant « universels », éternels et immuables.
Puisque la République a pour socle un imaginaire juridique « étranger », donc qui « éloigne », à la société qu’elle « en-corpore », elle est en fait « suspendue en l’air », pour emprunter sa formule à l’historien Cheikh Anta Diop. Elle attend qu’émerge et s’institutionnalise l’épistémologie et la pensée juridique endogène qui la plantera à nouveau dans le socle sociétal qu’il est censé ordonner. C’est à ce travail, nous semble-t-il qu’invitent les juristes et universitaires qui viennent de se prononcer sur ce qu’il est convenu d’appeler la « question du droit » dans la société sénégalaise contemporaine. Le moment est venu de s’atteler à cette tâche. Cette réflexion est notre « auto-initiation » à cette question et au débat qu’il appelle.
Alioune Wagane Ngom est doctorant en droit public Université de Reims Champagne Ardenne, Visiting Scholar IAS Columbia University de New York 2021-2022.