SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
5 septembre 2025
Par Philippe GRANDCOLAS
PLUS D’UN TIERS DE L’HUMANITÉ DÉPEND DES ESPÈCES SAUVAGES POUR VIVRE
Dix ans après sa création, l’IPBES – la plate-forme intergouvermentale sur la biodiversité et les services écosystémiques – a dévoilé en ce début juillet 2022 deux nouveaux rapports portant sur l’utilisation durable des espèces sauvages
Dix ans après sa création, l’IPBES – la plate-forme intergouvermentale sur la biodiversité et les services écosystémiques – a dévoilé en ce début juillet 2022 deux nouveaux rapports portant sur l’utilisation durable des espèces sauvages et les valeurs attribuées à la biodiversité. Ces travaux auront mobilisé plus de 80 scientifiques de différents pays pendant quatre années.
Souvent présentée comme le GIEC de la biodiversité, l’IPBES évalue les connaissances scientifiques et appuie l’évolution des politiques et des actions publiques et privées, en réalisant des expertises collégiales à l’échelle mondiale. es dernières années, l’IPBES a gagné en notoriété grâce à son évaluation publiée en 2019 à Paris, qui a mis en évidence la sixième crise d’extinction de la biodiversité, ses causes et le changement transformatif à initier pour sortir de cette crise. Il n’en reste pas moins que la biodiversité et l’IPBES restent des sujets trop peu discutés dans la sphère publique, en comparaison avec le climat notamment.
PRELEVEMENTS DURABLES
Ces nouveaux rapports nous permettent de prendre conscience d’une situation que nous oublions ou que nous ignorons trop souvent : sur Terre, trois milliards d’êtres humains dépendent directement des prélèvements d’espèces sauvages pour leur subsistance. « Enfermés » dans nos sociétés développées, nos modes de vie urbains ou péri-urbains, nous n’avons bien souvent pas conscience que 45 % des humains sur la planète sont ainsi liés aux espèces sauvages de manière essentielle. Il ne s’agit pas ici d’agriculture ou d’élevage traditionnels, basés sur des espèces domestiques et que nous aurions tendance à considérer comme l’idéal d’une reconnexion à la nature. Je m’étonne fréquemment de cette méconnaissance : ces derniers jours, sur les réseaux sociaux, certaines personnes se sont ainsi émues du titre de l’une de ces nouvelles évaluations de l’IPBES – « Utilisation des espèces sauvages » –, pensant qu’elle encouragerait des prélèvements de type industriel !
RIZ SAUVAGE, LAINE DE VIGOGNE, ORTIES DE L’HIMALAYA
Il faut souligner la richesse culturelle et naturelle extraordinaire dont témoigne cette situation : les populations locales ou autochtones détiennent en effet les connaissances pour se nourrir, se soigner ou utiliser quotidiennement en tant que matériaux, tissus ou bois de chauffage des dizaines d’espèces sauvages. Au total, 50000 espèces vivantes sauvages sont ainsi concernées dans une multitude d’utilisations cruciales pour ces populations. Ces utilisations sont importantes non seulement en nombres d’espèces, mais aussi en quantité de biomasse extraite : par exemple, le bois récolté par des populations locales pour faire du feu représente la moitié du bois extrait des forêts dans le monde. Bien évidemment, il ne s’agit pas là d’abattage industriel ou de coupe rase sur des hectares… même si l’impact local de telles pratiques peut se révéler important dans des contextes environnementaux déjà tendus. [Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd'hui].
Le rapport cite des exemples d’utilisations très variées : il peut s’agir du riz sauvage récolté dans la région des Grands Lacs en Amérique du Nord, de la laine de vigogne collectée par les populations andines, de la chair de grands poissons amazoniens ou encore des fibres textiles issues de l’ortie de l’Himalaya au Népal. Très souvent, les règles d’utilisation par les populations locales favorisent la protection de ces espèces sauvages et le partage équitable des ressources qu’elles représentent au sein des communautés, garantissant la durabilité de ces utilisations.
UNE EMPRISE TOUJOURS PLUS IMPORTANTE SUR L’ENVIRONNEMENT
Le rapport sur l’utilisation durable des espèces sauvages souligne une autre réalité essentielle : deux tiers des personnes les plus pauvres dans le monde dépendent directement des espèces sauvages. Ces personnes sont donc particulièrement vulnérables et dépendantes de la disponibilité de ces ressources. Or, cette disponibilité est souvent mise à mal par la crise de l’environnement.
La déforestation industrielle impacte par exemple l’usage des espèces de forêts, le changement et les aléas climatiques sont délétères pour de nombreuses espèces, la croissance des populations humaines augmente fortement la demande en poissons ou en bois de chauffe. D’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) et une évaluation basée sur l’étude d’une dizaine de milliers de ces espèces, les deux tiers de ces espèces sauvages prélevées dans le milieu naturel par les populations locales sont en déclin ; 172 sont même en danger d’extinction. Certaines de ces utilisations montrent bien les enjeux et les conflits d’usages qui peuvent advenir quand ces espèces sont également concernées par des utilisations commerciales qui vont limiter ou être antagonistes des utilisations locales de subsistance.
Ainsi, la laine de vigogne sauvage est récoltée par des communautés andines, mais l’industrie textile du luxe achète cette laine à bas prix auprès de ces communautés pour la revendre à prix d’or. On peut citer aussi le poisson d’eau douce géant pirarucu en Amazonie – pesant jusqu’à 300 kg – , qui est consommé par les communautés locales, mais dont la chair appréciée attire également des pêcheries locales commerciales, ce qui a pu conduire à un déclin – aujourd’hui heureusement maîtrisé – de ses populations.
Devant les difficultés rencontrées dans l’utilisation d’espèces sauvages devenant moins disponibles, des populations locales peuvent se tourner vers des productions liées à des espèces domestiques en culture ou en élevage. La conséquence de cette tendance est inévitablement le développement d’une emprise plus importante sur l’environnement. Toute culture ou élevage mobilise en effet une surface importante d’intervention qui sera prise sur le contingent d’espaces encore peu anthropisés ; elle comporte également des risques d’introduction d’espèces exotiques ou d’émergence de maladies en favorisant la promiscuité entre espèces sauvages et domestiques.
COMMUNAUTES LOCALES VERSUS COMMERCE MONDIAL
L’utilisation des espèces sauvages est aussi malheureusement le fait de procédés industriels que nous connaissons bien. Par exemple, extraction de bois et pêche industrielles constituent des activités dont nous savons qu’elles sont le plus souvent non durables.
L’évaluation de l’IPBES rend compte de toutes les études qui quantifient et diagnostiquent ces situations. Globalement, deux chiffres nous montrent l’ampleur de ces problèmes : 34 % de stocks de poissons sont en surpêche et un peu plus d’une espèce d’arbre sur dix est en voie d’extinction, tandis que la surface des couverts forestiers diminue de manière critique dans bien des régions, à raison de presque 10 millions d’hectares chaque année. De manière caractéristique, l’usage des espèces sauvages dans le commerce international peine à être régulé. Les trafics représentent une source de revenus illégaux aux côtés de ceux tirés de la drogue ou de la prostitution et du même ordre de magnitude.
Peu de pays ou d’instances s’accordent sur les indicateurs de déforestation et certaines agences internationales confondent même forêts naturelles (dans lesquelles l’impact de l’homme est modéré) et plantations d’arbres. Il en est de même dans le domaine de la pêche où les méthodes industrielle provoquent des dégâts considérables à plusieurs égards : prises, tristement appelées « accessoires », provoquent le déclin d’espèces non recherchées (par exemple, les requins ou les dauphins) ou méthodes de pêche qui endommagent gravement l’environnement (chaluts de fond).
QUEL FUTUR POUR LA NATURE ?
Pour inverser ces tendances mortifères, il nous faut faire alliance avec la biodiversité. Ce sujet a fait l’objet de la seconde évaluation présentée au cours de la session plénière de l’IPBES à Bonn en ce mois de juillet 2022 : « Les valeurs de la nature ». Là encore, le mot « valeur » est trompeur dans la culture occidentale, car il véhicule un sens instrumental et marchand. En réalité, les experts – anthropologues, écologues, sociologues et philosophes – de l’IPBES ont évalué les manières dont les différentes sociétés humaines considèrent la nature, en se positionnant comme consommateur de la nature, ou bien vivant dans ou avec la nature ou encore vivant en tant que nature pour les peuples totémistes ou animistes, par exemple. Ces dernières conceptions amènent à accepter sa valeur intrinsèque, indépendante de nous autres, humains, et à vivre de manière fusionnelle avec elle.
Analyser ces conceptions permet de s’en inspirer, pour le meilleur ; de manière très pragmatique, cela permet aussi de garantir la durabilité des espaces naturels dans les 38 millions de kilomètres carrés dans 87 pays gérés par les peuples autochtones et les communautés locales, grâce à la considération et l’inclusion de ces dernières.
À défaut de nous ouvrir à ces autres conceptions, nous continuerons à creuser les déclins actuels qui amèneront inexorablement à la disparition de la moitié de la biodiversité d’ici quelques décennies… et à celle de tous les services que nous offrent les écosystèmes.
Philippe GRANDCOLAS
DIRECTEUR DE RECHERCHE CNRS, SYSTÉMATICIEN, DIRECTEUR DE L’INSTITUT DE SYSTÉMATIQUE, ÉVOLUTION, BIODIVERSITÉ (ISYEB), CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
LES ÉTUDIANTS DE L'UGB DÉCLARENT QU'ILS NE COMPTENT PAS BOUGER D'UN IOTA
Les étudiants de l'Université Gaston Berger sont très remontés contre le Directeur du Crous qui a sorti hier, lundi 18 juillet, un communiqué portant à la connaissance des étudiants la fermeture des campus sociaux
Les étudiants de l'Université Gaston Berger sont très remontés contre le Directeur du Centre régional des Œuvres Universitaires de Saint-Louis (Crous) qui a sorti hier, lundi 18 juillet, un communiqué portant à la connaissance des étudiants la fermeture des campus sociaux jusqu'à nouvel ordre. Un communiqué que les étudiants jugent diffamatoire et irresponsable et invitent le Recteur à prendre ses responsabilités et se prononcer sur la situation. Cette décision n’est pas acceptée par les étudiants qui ne comptent pas bouger d'un iota de là.
Le communiqué sorti hier par la Direction du Centre régional des œuvres universitaires de Saint-Louis (Crous) portant à la connaissance des étudiants que les campus sociaux de l'Université seront fermés jusqu'à nouvel ordre inquiète au plus haut niveau les étudiants de l'Université de Sanar.
En effet, dans ledit communiqué, les raisons avancées par l'autorité sont entre autres l'intrusion, par effraction, des étudiants dans les locaux des restaurants universitaires, suivie d'actes de pillage de masse, de saccage des infrastructures et de destruction des équipements de restauration. Des accusations balayées d'un revers de main par les étudiants de Sanar qui parlent d’un communiqué diffamatoire et irresponsable.
Pour le porte-parole du jour de la Coordination des étudiants de Saint-Louis (CESL), Ousmane Guèye, "le social n'a jamais conditionné la pédagogie donc ce n'est pas en ces moments où beaucoup d'UFRs se dirigent vers des sessions uniques voire des années invalides qu'une pareille décision aussi farfelue et irréfléchie sera acceptée".
Par ailleurs, les responsables de la Coordination des étudiants de Saint-Louis invitent le Recteur de l'UGB, Président du Conseil Académique, à prendre ses responsabilités et à se prononcer sur la situation désastreuse de l'Université. La CESL a demandé hier à la communauté estudiantine de rester tranquillement dans leurs chambres tant que les cours se poursuivent du côté du campus pédagogique. Ces étudiants de l'Université de Saint-Louis exigent la réouverture immédiate des restaurants des campus sociaux.
Pour rappel, la Direction du Crous avait fermé les deux restos à la suite du mot d'ordre de 72 heures de journées sans tickets. Une décision qui n'avait pas plu du tout aux étudiants de l'UGB de Saint-Louis.
CES ARBITRES DU SCRUTIN LÉGISLATIF
En dehos de Yewwi Askan wi-Wallu Sénégal, la demande sociale, la gouvernance, le respect de l’Etat de droit constituent autant de facteurs qui risquent de jouer contre la coalition Benno Bokk Yakaar le 31 juillet prochain
Prévues pour le 31 juillet prochain, les élections législatives de 2022 vont se jouer sur moult chapes de plomb pour le régime en place. En effet, en plus de l’équation inter coalition Yewwi Askan wi -Wallu Sénégal, la demande sociale, la gouvernance, le respect de l’Etat de droit constituent autant de facteurs qui risquent de jouer contre la coalition Benno Bokk Yakaar le 31 juillet prochain.
Démarrée de façon très timide, le 10 juillet dernier, la campagne électorale pour les élections législatives du 31 juillet prochain bat son plein. A Dakar comme à l’intérieur du pays, c’est l’effervescence partout.
Les partisans des différentes coalitions démontrent peu ou prou sur le terrain leurs forces à travers des caravanes, des visites de proximité ou courtoisie et autres rassemblements politiques dans le but de convaincre le maximum d’électeurs en perspective du 31 juillet prochain. L’enjeu de ces élections est en effet crucial, surtout pour le régime en place.
Secoué par une opposition conduite par l’inter coalition Yewwi Askan wi- Wallu Sénégal, deux coalitions qui constituent aujourd’hui la principale force de l’opposition en raison de leur grande percée lors des dernières élections municipales et départementales du 29 janvier dernier, le régime en place est condamné à l’exploit pour permettre à son leader, le Président Macky Sall, de passer ces deux années qui lui restent au pouvoir dans la tranquillité.
Toutefois, il faut souligner que ce pari n’est pas gagné d’avance. Et pour cause, les nombreux défis qui se dressent sur le chemin de la coalition Benno Bokk Yakaar ne sont pas à lui faciliter les tâches. Il s’agit entre autres de la demande sociale marquée par la hausse généralisée des prix à la consommation aggravée par la non-revalorisation des salaires dans beaucoup de secteurs publics mais aussi privés, mettant ainsi bon nombre de Sénégalais dans une impasse sociale. A cette situation qui ne plaide pas en faveur du vote pour la coalition au pouvoir, il faut également ajouter la récurrente question de la gouvernance et du respect de l’Etat de droit.
En effet, engagé au début de son premier mandat à la tête du pouvoir exécutif à mettre en œuvre une gestion sobre et vertueuse, le régime en place ne semble plus inscrit sur cette dynamique. La preuve, les nombreux rapports de corps de contrôle public qui incriminent les proches de l’actuel chef de l’Etat rangés dans les tiroirs du Parquet de Dakar. Il en est de même de la triste et longue liste des personnes tuées dans des conditions très douteuses lors des manifestations politiques ou pendant leur détention préventive dans les locaux des commissariats de Police et non élucidées par une enquête. Tout cela constitue autant de facteurs qui risquent de peser sur la balance de la conscience des électeurs au moment du choix, le dimanche 31 juillet prochain.
RESTEZ UNIS ET MOBILISÉS POUR UNE MAJORITÉ ÉCRASSANTE A L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A Keur Madiabel où il présidait, très tard dans la nuit du jeudi à vendredi (jusqu’à 2h du matin), le meeting d’ouverture de la campagne électorale de ‘’Benno bokk yaakaar’’ (Bby) de Nioro, Moustapha Niasse a lancé un message d’unité
A Keur Madiabel où il présidait, très tard dans la nuit du jeudi à vendredi (jusqu’à 2h du matin), le meeting d’ouverture de la campagne électorale de ‘’Benno bokk yaakaar’’ (Bby) de Nioro, Moustapha Niasse a lancé un message d’unité à l’endroit des responsables du département pour une « majorité confortable » lors des Législatives du 31 juillet prochain.
NIORO-Comme il l’avait précisé, le 30 juin dernier, Moustapha Niasse quitte l’Assemblée nationale, mais pas la scène politique. Le leader de l’Alliance des forces de progrès (Afp) a appelé les responsables et militants de Benno du département de Nioro à rester « unis et mobilisés » pour offrir au Chef de l’Etat et à son Gouvernement une majorité confortable au niveau du Parlement au soir du 31 juillet prochain. « Le Président Macky Sall ne cherche pas à rafler tous les 165 députés, parce que nous sommes dans une démocratie, mais tout ce que nous souhaitons, c’est que sa coalition soit majoritaire », a-t-il notamment déclaré sous une fine pluie qui s’abattait sur le Rip. Mais Moustapha Niasse est convaincu que « si nous restons mobilisés, le 31 juillet, le président Macky Sall sera fier de voir Nioro faire partie des départements qui auront le score le plus élevé ».
Il a tout de même précisé que le score, c’est d’abord le niveau de participation le jour du scrutin. « Faites tout pour amoindrir les risques d’abstention. Mobilisez tout le monde pour qu’ils aillent voter. C’est ce qui permettra d’obtenir une majorité écrasante qui n’écrase pas l’adversaire pour montrer qu’on est encore plus forts. C’est ce que j’attends de vous », a-t-il ajouté, disant être « rassuré » par l’unité des responsables.
« Nous sommes le seul département où tous les 15 maires soutiennent la liste de Benno. C’est pourquoi vous devez continuer à rester unis comme à l’occasion des dernières élections locales pour une victoire massive, sans bavure, saine, une victoire de l’unité du département et des fils du Rip et du Niombato », a insisté Moustapha Niasse, qui n’a pas manqué d’apprécier le profil des quatre investis sur la liste départementale de Bby.
« Macky Sall mérite d’être soutenu »
Il a, par ailleurs, fait savoir que « Macky Sall a montré, durant les 10 années à la tête du pays, ses ambitions, ses capacités et son leadership non seulement pour le Sénégal, mais également pour les 16 pays de l’Afrique de l’Ouest, voire pour tout le continent africain », rappelant, dans la foulée, son « rôle important » dans les négociations avec le Chef du Kremlin suite au blocus du blé ukrainien. « Lorsque les choses se sont compliquées pour le Sénégal et l’Afrique avec la crise russo-ukrainienne, c’est lui, en tant que président de l’Union africaine, qui est allé rencontrer Vladimir Poutine là où il passe ses vacances (Sotchi, ndlr). Il a discuté avec lui pendant plus de 6 heures de temps », a-t-il souligné.
Moustapha Niasse soutient que « quand Poutine vous reçoit et qu’il ne vous respecte pas, il prend une distance d’au moins 6 mètres, mais si vraiment il vous respecte, la distance ne fait même pas un mètre. Et entre lui et le Président Macky Sall, c’était 30 centimètres », s’est réjoui le président sortant de l’Assemblée nationale.
« Macky Sall mérite d’être soutenu, bataillez-vous pour soutenir cet homme. Il n’est pas seulement pour Benno bokk yaakaar, encore moins pour le Sénégal, mais pour toute l’Afrique et le monde entier », a-t-il fait croire lors de ce rassemblement.
Dans leurs prises de parole, la tête de liste départementale majoritaire, Aly Mané, le président du comité électoral, Amadou Lamine Dieng, Serigne Mbaye Thiam, responsable socialiste et Ministre de l’Eau et de l’Assainissement, et les différents maires ont tous promis de rester dans cette dynamique d’unité pour avoir le meilleur score au profit de Benno et du Président Macky Sall.
DÉPOT DES ARMES
Les agents de l’administration du commerce ont annoncé une grève de 72h à partir de ce mardi 19 juillet.
Les agents de l’administration du commerce ont annoncé une grève de 72h à partir de ce mardi 19 juillet.
Ces agents, réunis au tour du Syndicat national des agents de l’administration du Commerce (Synacom) disent avoir constaté un mutisme de leurs supérieurs face à leurs revendications.
Ainsi, toutes les activités de contrôles et de surveillance seront suspendues de même que la délivrance de toutes formes de documents.
ZIGUINCHOR N’EST PAS LE FIEF DE PASTEF
Entre ses fonctions gouvernementales et ses charges politiques comme tête de liste départementale de Benno bokk yaakaar à Ziguinchor, Victorine Ndèye se prononce sur les sujets brûlants de l'actualité. ENTRETIEN
Elle est partagée entre les fonctions gouvernementales en tant que Secrétaire d’État au Logement et ses charges politiques comme tête de liste départementale de Benno bokk yaakaar à Ziguinchor. Entre les deux, Bes bi Le Jour s’est engouffré dans la brèche pour rendre visite à Yoff à la Cité Horizon, à Yoff. Dans le calme de sa résidence, Mme Ndèye se dit « profondément choquée » par la disparition de François Mancabou. Dans cet entretien, Victorine Ndèye affiche son optimisme dans la bataille pour remporter les 2 députés de Ziguinchor.
Que vous inspire ce décès polémique de François Mancouba ?
J’éprouve beaucoup de tristesse, beaucoup d’émotion. François Mancabou est un parent et je ne peux que me désoler de la perte d’une vie humaine. J’en profite pour présenter mes condoléances à toute la communauté mancagne et en particulier le roi Joao Mancabou. J’ai de l’émotion dans le sens où certaines personnes cherchent à utiliser cette détresse pour braquer les membres d’une même communauté les uns contre les autres et présenter le chef coutumier comme un féticheur. Je considère cela comme la pire des offenses à l’endroit d’une communauté. Cela me choque profondément. J’ai le dos assez large pour assumer mon appartenance politique, encaisser toute sorte de propos. Mais je ne permets à personne de traiter le chef coutumier mancagne de féticheur. Le procureur s’est prononcé dans cette affaire et nous avons l’obligation d’attendre les résultats de l’enquête. J’en appelle à la sérénité des uns et des autres, les rassurer que nous sommes dans un État de droit et que toute la lumière sera faite sur cette affaire.
Quand vous parlez de certaines personnes, vous faites allusion à qui ?
Je parle de certaines personnes parce que les réseaux sociaux sont en train de s’animer et on ne sait jamais qui est derrière. Je veux juste appeler les uns et les autres à la sérénité. Personne ne peut se prévaloir d’utiliser ce drame pour braquer les uns contre les autres.
Est-ce que vous connaissiez bien François Mancabou ?
François, je l’ai connu. C’est le roi lui-même qui nous a mis en rapport parce que François c’est son fils adoptif. On s’est rencontré et on s’est parlé. Le roi des mancagne est notre père à nous tous.
Vous qui dites connaître François Mancabou, est ce que vous pouvez imaginer qu’il pourrait être cité dans des affaires d’« atteinte à la sureté de l’État ou de terrorisme » ?
Vous savez, moi je ne présage de rien du tout. Nous avons une police, des Forces de défense et de sécurité assez responsables. Une enquête a été ouverte et toute cette histoire sera tirée au clair.
Lors d’une conférence de presse samedi la communauté mancagne a demandé que la lumière soit faite alors que le roi Joao Mancabou ne veut pas politique dans cette affaire. Comment analysez-vous leurs réactions ?
Je ne peux qu’aller dans le sens du message du roi et pense qu’il n’est pas nécessaire de faire appel à la presse pour demander une enquête déjà annoncée. Le roi a parlé et son message suffit à remettre les choses à leur place, car personne ne peut être plus affectée que lui qui a perdu un fils.
Vous dirigez la liste départementale de Benno bokk yaakaar à Ziguinchor. Quels sont vos arguments pour que les électeurs votent en faveur de votre coalition ?
Voter Benno bokk yaakaar parce que le premier acquis à mettre sur la table, c’est la paix depuis 2012. Vous savez, aujourd’hui, il nous est possible de sillonner tous les villages de Ziguinchor, tous les quartiers. Ce qui n’était pas possible avant. C’est un acquis fondamental. La consolidation de la paix ouvre toutes les possibilités parce que la paix génère l’investissement, crée de la richesse, éclaire les villages et les alimente en eau, offre l’éducation à nos enfants. Cette paix sonne le retour des femmes dans les blocs maraichers, les hommes dans les rizières. Cette paix relie les villages, ouvre les pistes, les routes, accueille le Pudc, le Puma, les bourses de sécurité familiale, la Cmu, la Der et ouvre toutes les perspectives de développement. Sans la paix, on ne peut rien faire. Sur Ziguinchor, voter Benno, c’est permettre la continuité des investissements à travers le projet Zéro bac que l’on veut déployer à travers tous les ponts. La pandémie à Covid-19 et la guerre en Ukraine nous montrent à suffisance que c’est un impératif pour les pays d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. Donc, ce retour à l’agriculture est fondamental et l’État a sorti une enveloppe pour développer tous ces projets. Je peux citer le développement du transport fluvial avec la création d’emplois à la clé, la matérialisation du développement de l’offre touristique, la mise en service de l’industrie avec l’agropole Sud, la pleine exploitation du potentiel agricole et forestier du départemental.
Êtes-vous consciente de votre défi dans cette zone considérée comme le fief de Pastef ?
Je ne veux pas parler de fief parce que je ne crois pas aux décrets quand il s’agit d’élection. On ne nomme pas un député, il est élu, comme d’ailleurs c’est le cas pour un Président. Nous irons à la rencontre des populations et nous le ferons jusqu’au 29 juillet à 23h59. Nous ferons les coins et recoins du département de Ziguinchor. Nous allons parler aux électeurs et leur montrer que le meilleur choix, c’est la liste de Benno bokk yaakaar. Nous ferons tout notre possible pour les convaincre. Nous avons une approche très factuelle : il s’agit d’avoir une lecture assez lucide des élections municipales. Si vous prenez les électeurs à Ziguinchor, moins de 6 électeurs sur 10 ont voté pour le camp adverse. Je ne pense pas qu’avec moins de 6 électeurs du 10, on peut parler de fief. Dans le département de Ziguinchor, sur plus de 99 000 inscrits, plus de 48 000 n’ont pas voté parce que les populations étaient terrorisées et ne sont pas sorties pour aller voter. Nous irons chercher cette masse d’électeurs.
Terrorisées par qui ?
Par le climat qui pesait. Nous allons aussi chercher les 26 000 électeurs de l’autre côté parce qu’il y en a beaucoup qui sont désabusés. Nous allons également renforcer la base que nous avons. Nous savons ce qu’il faut à éviter. Nous sommes à l’unisson pour avoir cette large majorité à l’Assemblée nationale. La machine est bien huilée et ce qui reste, c’est le travail sur le terrain. Même du temps du parti unique, le Président Senghor allait en campagne. La victoire est au bout des doigts d’abord par rapport à l’unité retrouvée dans la coalition mais par rapport aux contacts et au retour que nous avons des populations.
Faites-nous un bilan d’étape après 6 mois de gestion comme maire de Niaguis ?
C’est vrai qu’il y a énormément de choses à faire. Nous avons pu démarrer des projets assez structurants. Avant même d’être maire, nous avons accompagné les femmes dans l’agriculture, dans les blocs maraichers en les réhabilitant pour leur permettre de reprendre leurs activités génératrices de revenus. Nous avons accompagné des jeunes -c’est en cours- qui l’année dernière, exploitaient un ha dans la riziculture mais avaient demandé à ce qu’on les appuie pour aller sur 5 ha. Nous avons été beaucoup plus loin, aujourd’hui nous partons sur 10 ha avec l’appui des services techniques du ministère de l’Agriculture. Nous accompagnons aussi les femmes à travers la Der. Au niveau de la commune de Niaguis, je pense que l’empreinte la plus importante que nous chercherons à imprimer, c’est la maîtrise du foncier. Nous en train de travailler avec le cadastre en ce sens. Pour nous, le foncier ne se vend pas. Notre défi est de voir comment capter les différentes initiatives qui pourraient permettre l’insertion des jeunes à travers un emploi. Au niveau départemental, nous avons voulu faire de Niaguis une commune à vocation agricole et il y a une synergie avec les autres communes. Lorsqu’on veut faire un projet agricole, il y a une masse critique d’assiette foncière et nous sommes en très bonne intelligence avec mes collègues maires de communes voisines pour élargir tout ce que nous faisons à l’échelle de Niaguis. C’est dans ce sens que nous avons des partenaires qui ont voulu nous accompagner dans cette dynamique.
LE RETOUR EN FORCE D'AMINATA TOURÉ
La revoilà donc au premier plan pour ces législatives. « Battante », « travailleuse », « efficace », selon des proches, Mimi Touré n’a pourtant jamais été élue. « Elle n’a aucune base politique », tacle un opposant
Caravanes, entretiens avec les chefs religieux, visites de proximité… au Sénégal, les candidats aux élections législatives du 31 juillet ont entamé la deuxième semaine de campagne. Huit listes sont en compétition. Du côté de la coalition présidentielle - Benno Bokk Yaakaar - c’est Aminata Touré qui dirige la liste nationale. Un retour en force pour l’ancienne Première ministre.
Elle a une voix qui porte, grave et forte. « Cela colle avec son caractère bien trempé », affirme un observateur de la vie politique
Aminata Touré, surnommée « Mimi Touré » ou parfois la « Dame de fer », est la seule femme tête de liste nationale pour ces élections. Depuis l’arrivée au pouvoir de Macky Sall, en 2012, l’ancienne fonctionnaire internationale aura été ministre de la Justice, puis Première ministre en 2013.
Candidate à Dakar lors des élections locales de 2014, Aminata Touré est largement battue par le maire sortant, Khalifa Sall, et démise de ses fonctions dans la foulée. Elle est alors nommée au poste flou « d’envoyée spéciale du président de la République », une traversée du désert avant de prendre la tête du Conseil économique, social et environnemental (CESE) en 2019, jusqu’à son remplacement, par Idrissa Seck, en octobre 2020.
JEUNES POLITISÉS, DÉMOCRATIE ET PENSÉE DE LA LIBÉRATION
EXCLUSIF SENEPLUS - Le Sénégal n’aurait-il pas perdu sa prétendue mémoire démocratique (de « réputation internationale » et grâce à deux alternances seulement, avec un taux de participation jamais supérieur à 40%) à force de crises préélectorales ?
Pendant que la plupart des futurs « pères de l’indépendance » s’activaient à réclamer celle-ci sans en avoir une idée claire et en mesurer la portée stratégique, Cheikh Anta Diop avait anticipé dès le début des années 50, avec une justesse intellectuelle et une profondeur stratégique jusqu’ici inégalées, la seule signification de l’indépendance, c’est-à-dire la « renaissance historique de l’Afrique » par :
- la reconquête de l’initiative historique, c’est-à-dire la capacité des peuples africains à produire les conditions matérielles et immatérielles de leur existence ;
- le regroupementpolitique dans un État fédéral d’Afrique seul capable de prémunir contre le néocolonialisme et l’impérialisme qui allaient marquer le système international post-guerre.
Les conditions géopolitiques de l’indépendance véritable étaient la solidarité et l’unité dans le cadre d’un État fédéral ! Tandis qu’une des conditions politiques était la démocratie pour inclure et réunifier les peuples qu’avaient exclus et divisés le système colonial.
La situation de l’Afrique du Sud d’aujourd’hui, géant économique et puissance mondiale africaine, menacée par les velléités sécessionnistes de la minorité blanche du Cap, et celle de l’Éthiopie dont le fédéralisme chancelle sous les coups de boutoirs d’un développementalisme néolibéral foncièrement inéquitable, sont les ultimes preuves que l’indépendance dans l’émiettement, même avec une relative santé économique, fut un piège dans lequel se sont laissé entraîner les « pères de l’indépendance ».
Les fils et petits-fils « spirituels » de ces « pères » sans vision et sans audace, les générations de dirigeants politiques qui leur ont succédé jusqu’à aujourd’hui, continuent eux de « se tromper » en connaissance de cause. C’est un des facteurs qui expliquent le recours parmi la jeune génération d’opposants et d’activistes politiques à la pensée radicale des penseurs de l’indépendance stratégique : Cheikh Anta Diop, Kwame Nkrumah, Amilcar Cabral. Sans toutefois que l’on puisse affirmer que cette pensée est assimilée et mise en pratique. Faut-il s’étonner alors qu’ils voient les premiers dirigeants et « pères de l’indépendance » de nos « États » comme des « traitres » jaloux de leurs contemporains les « pères de la libération », qu’ils réclament l’enseignement officiel de la « pensée de la libération » et jettent aux charognes la « pensée de la construction nationale » ?
Cependant, il reste à savoir s’il n’est pas trop tard pour cette jeune génération de parvenir à remettre en branle l’agenda de la libération, et si elle est assez outillée et déterminée pour recourir à l’action radicale qu’appelle, à un moment ou à un autre, la pensée de la libération.
La démocratie ne libère pas, c’est la « reconquête de l’initiative historique » qui libère, puisque c’est elle qui permet de démocratiser véritablement. Une société sous domination ne peut pas logiquement être démocratique, encore moins se démocratiser. La notion de « résistance à la démocratie » en est une illustration ; en ce sens qu’elle rend compte d’une logique d’usure, d’une « contrefaçon de la modernité »[1] démocratique. Les dominés poussent en vain pour des droits et libertés démocratiques, tandis que les dominants (puissances et corporations impérialistes et leurs obligés locaux) « résistent », soit en octroyant à compte-goutte des libertésnocives (liberté d’expression, libre orientation sexuelle, genre, parité, droit à l’avortement, droits culturels, etc.), soit en limitant ou en refusant l’accès aux libertés utiles, véritables libertés démocratiques (droit de choisir ses dirigeants sans contrainte, droit de contrôler les dirigeants, indépendance de la justice, droits économiques et sociaux) que seul permet l’instauration de l’État de droit (limitation et contrôle du pouvoir politique dans le temps et dans l’espace). Sociologiquement, l’accès à ces libertés résulte d’une inclusion sélective et conditionnelle à la classe moyenne, ce qui explique l’incapacité de celle-ci à contester la classe dirigeante d’une part, et à inclure les classes inférieures, les masses : l’assimilation politique par l’inclusion sociale et économique contrôlée s’accompagne de l’impotence révolutionnaire de la classe moyenne (à laquelle appartient en général la plupart des forces politiques mobilisées). D’où l’absence d’issue et le caractère illusoire de la démocratisation, son absence d’horizon libérationniste.
C’est ce qui explique pourquoi chez nous, puisque le débat a surgi, le droit et la loi soient des « technologies de domination » plutôt que des instruments de libération (autodétermination, liberté politique) et de progrès (souveraineté économique, justice sociale). On s’est demandé si le Sénégal n’aurait pas perdu sa prétendue mémoire démocratique[2] (que lui vaudraient une « réputation internationale » et deux alternances politiques seulement, avec un taux de participation ne dépassant jamais 40% de la population inscrite, une infime minorité de la population nationale) pour n’être jamais parvenu à échapper aux crises préélectorales. Mais, ce n’est pas d’une question de « croissance politique » ou de « développement démocratique » qu’il s’agit ; même si le chauvinisme peut se nourrir du mythe de l’« exceptionnalité démocratique » sénégalaise. Ainsi posée, avec ses présupposés anhistoriques, cette question bute contre une réalité historique et géopolitique implacable : une société dominée et dépossédée ne peut pas être démocratique ! Historiquement, la démocratie a plutôt été un moyen de la liberté et un processus de libération. D’un point de vue géopolitique, la démocratie ne peut pas être « la chose la mieux partagée » tant qu’elle s’oppose à l’impérialisme, à la domination d’une société sur une autre.
Ainsi on comprend pourquoi la démocratisation (une politique d’ajustement libéral à l’échelle globale) continue de prendre le dessus sur la démocratie (un régime atemporel de libération). Tant qu’ils sont en mesure de s’ajuster, les pouvoirs en place, autocratiques qu’ils demeurent, peuvent rationner et ponctionner les libertés, d’une part et étouffer toute tentative de contestation de l’ordre autocratique. Si bien que les « conférences nationales » et les « transitions démocratiques » ont tourné en des règlements de compte par-ci, une « caricature de la démocratie » par-là : l’arbitraire et le clientélisme sont restés les piliers et les méthodes de régimes politiques autocratiques se prévalant ingénieusement du pouvoir magico-religieux des urnes. Ainsi la routine de la démocratie électorale et clientéliste, en quoi a consisté la « démocratisation » génère en permanence l’illusion de la liberté, des changements de rupture. Si bien que l’on est davantage rassuré par cette routine électorale que par les promesses et les possibilités de libération. D’où la frayeur que suscitent dans les esprits, y compris chez les plus « savants », les « nouvelles idées » qu’agitent les « jeunes politisés », furent-elles déjà là depuis les années 40 et 50 !
Les ONGs et les innombrables officines intergouvernementales impliquées dans l’ajustement démocratique participent ainsi d’une géopolitique de l’ajustement impérialiste, plutôt que d’une géopolitique de la libération. Ces légions d’assistants à la démocratisation se contentent de cet ordre des choses, le « désordre politique » instrumental, parce qu’il est le fondement de leur existence. L’affairement démocratiste, l’« interventionnisme libéral », constitue donc une industrie impérialiste qui nourrit son monde, mais reste fondamentalement un mirage, une voie illusoire de la libération.
Cheikh Anta Diop et Kwame Nkrumah n’avaient pas seulement vu juste. Ils avaient surtout jeté les jalons d’une pensée stratégique africaine, d’une géopolitique de la libération. C’est ce que les partis et de mouvements citoyens africains qui se « radicalisent » aujourd’hui semblent avoir compris. Dans une dynamique de « retour intellectuel » aux sources, de reconquête plutôt de la « mémoire de la libération », ils s’inspirent des rares dirigeants qui ont tenté d’actualiser les idées de Cheikh Anta Diop, Kwame Nkrumah et Amilcar Cabral dans leurs programmes : Samora Machel, Patrice Lumumba, Thomas Sankara, Mouammar Kadhafi, et récemment, sans être « fédéralistes » au sens de la géopolitique de la libération des « pères de la libération », Paul Kagame et John Joseph Pombe Magufuli de la Tanzanie. D’ailleurs ce dernier a subitement disparu en 2020, emporté se dit-il par la pandémie de Covid-19, tandis que le premier subit les foudres (pour le moment mesurées) des puissances impérialistes ?
Il faut souhaiter que la fortune s’associe à cette jeune génération dont il faut saluer le réalisme si l’on en croit la sagesse Wolof : Ku xam-ul foo jëm dellul fa nga joge-ón[3]. Après le retour intellectuel amorcé depuis deux décennies, le retour paradigmatique suivra-t-il, par le recours à l’action de libération des « pères de la libération » qui ont été injustement enterrés par les « pères de l’indépendance » et leurs fils spirituels ? À ce sujet, une autre question ne manque pas de tarauder l’esprit d’un observateur averti de la politique africaine : comment expliquer l’usage du discours de la démocratie et de la démocratisation (élections libres et transparentes, droit de manifester, séparation des pouvoirs, etc.) chez ces jeunes militants si leur agenda est inscrit dans la pensée et la géopolitique de la libération ? Le discours démocratiste est-il seulement un prétexte sous lequel ils dissimulent la rationalité de leur combat, en s’accommodant avec l’ordre discursif impérialiste ? Ou bien s’agit-il d’une adhésion tactique à la démocratisation visant à rectifier le canon de la pratique démocratique dans le sens de la libération ? Quoi qu’il en soit, l’ambiguïté demeure, tant au point de vue des prises de marque idéologique qu’à celui de l’action de la jeune génération. Or Cheikh Anta Diop avait mis en garde contre « l’absence de grandes idées directrices » pour irriguer l’activisme de libération en Afrique.
Pourtant, si tant est que Cheikh Anta Diop attire leur attention, les jeunes politisés ne peuvent avoir manqué son invite à recouvrer le « passé démocratique » de l’Afrique dans lequel ils trouveront une conception de la démocratie qui est à la fois libérale (c’est-à-dire « ayant comme fin la « liberté ») lorsqu’elle est préalablement épurée et entièrement exercée, et africaine (c’est-à-dire ayant comme cible et sujet le citoyen de l’Afrique) lorsqu’elle est ancrée dans l’histoire et ses sédimentations géopolitiques. Cheikh Anta Diop a indiqué la voie pour « démocratiser », non pas suivant la géopolitique de l’ajustement libéral impérialiste, mais selon le cours perdu, et à retrouver, de la culture politique africaine précoloniale : fondement constitutionnel du pouvoir politique, bicaméralisme, effectivité et indépendance des mécanismes de contre-pouvoirs, etc. Le Professeur Pathé Diagne en a reconstitué la substance dans son ouvrage Pouvoir politique traditionnel en Afrique occidentale (Présence Africaine, 1967). Autrement dit, il y a suffisamment dans la pensée de la libération, de Cheikh Anta Diop à Alpha Oumar Konare, de quoi sceller le puits des démons qui président au rituel de la démocratisation impérialiste : l’élasticité du mandat présidentiel et la « coalition des pouvoirs » contre la liberté et le progrès dont témoignent la « légalité injuste »[4], le « relativisme constitutionnel »[5] et la cabalistique judiciaire[6], etc.,
[1] Nous empruntons l’expression aux anthropologues américains les Comarroff, Jean et John depuis leur introduction à l’ouvrage qu’ils ont édité : Law and disorder in the postcolony. Chicago : University of Chicago Press, 2006.
[3] Littéralement : « Si tu ne sais pas où tu vas, retournes d’où tu viens ! ».
[4] L’expression est du philosophe américain James Marsch qui délie la confusion faite entre la légalité et la justice dans la tradition positiviste de la philosophie du droit politique. Voir son ouvrage: Unjust legality: a critique of Habermas’s philosophy of law. Boulder and New York: Rowman and Littlefield, 2001.
[5] Cette expression décrit le rapport malsain et très permissif à la loi et aux juridictions du pouvoir d’Abdoulaye Wade (2000-2012) et comment cette culture politique présidentialiste a saccagé les prémisses fragiles de l’État de droit au Sénégal. Voir : Thiam, Assane, « « Une Constitution, ça se révise ! » : relativisme constitutionnel et État de droit au Sénégal », Politique africaine, 2007, No 108, pp. 145-153.
[6] Nous entendons par cette expression les usages magico-religieux, fétichistes, et incantatoires qu’ont fini par asseoir les autorités administratives, législatives et judiciaires, dans le domaine de la compétition politique et de la gouvernance publique. Les lois sont utilisées comme des « amulettes » et des « formules magiques » travaillées pour des complots (des cabales) et des manœuvres politiques doctement « judiciarisées ».