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16 juin 2025
LA RELATION AFRIQUE-FRANCE N'A PAS FONDAMENTALEMENT CHANGÉ
Le prix Goncourt coédité par sa maison d'édition Jimsaan, restitution des oeuvres africaines, conscience écologique et instabilité politique en Afrique... l'économiste et universitaire Felwine Sarr revient sur les faits saillants de 2020 - ENTRETIEN
Le prix Goncourt coédité par sa maison d'édition Jimsaan, restitution des oeuvres africaines, conscience écologique et instabilité politique en Afrique... l'économiste et universitaire sénégalais Felwine Sarr revient sur les faits saillants de 2020 dans cet entretien vidéo avec Jeune Afrique.
LA CEDEAO MAINTIENT LA PRESSION SUR BAMAKO
Les dirigeants ouest-africains réunis en sommet au Nigeria ont de nouveau exigé dimanche des élections en février au Mali et imposeront des sanctions supplémentaires dès janvier sans engagement des autorités maliennes en ce sens
"Les chefs d'Etat, après de longs échanges, ont décidé de maintenir la date du 27 février 2022 pour l'organisation des élections au Mali.Ils ont décidé de l'entrée en vigueur de sanctions additionnelles en janvier 2022" si les autorités n'honorent pas leur engagement initial de tenir à cette date des élections censées ramener les civils au pouvoir, a dit devant la presse le président de la Commission de la Cédéao, Jean-Claude Kassi Brou.
Rassemblés à Abuja, les dirigeants des Etats membres de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) sont passés outre à la tentative d'apaisement du président de transition malien, le colonel Assimi Goïta, qui s'était engagé avant le sommet à soumettre un calendrier électoral avant le 31 janvier.
La Cédéao a par ailleurs décidé de maintenir les sanctions contre la junte qui a pris le pouvoir en Guinée le 5 septembre à la faveur d'un putsch.Ils ont réclamé un calendrier de retour des civils à la tête du pays.
Les atermoiements maliens et l'éventualité de muscler la réplique s'annonçaient parmi les principales préoccupations des dirigeants africains, avec la situation en Guinée, le Covid-19 et la relance économique.
- "Chronogramme détaillé" -
Avant le sommet, le colonel Goïta, arrivé à la tête du pays sahélien par un putsch en août 2020 et conforté par un second coup d'Etat en mai 2021, a écrit au président en exercice de l'organisation, le chef de l'Etat ghanéen Nana Akufo-Addo.
"La République du Mali, par ma voix, s'engage à vous fournir au plus tard le 31 janvier 2022 un chronogramme (calendrier) détaillé", a-t-il affirmé dans ce courrier de deux pages obtenu par l'AFP.
Lors du précédent sommet le 7 novembre, les dirigeants ouest-africains avaient pris acte de l'officialisation par les autorités maliennes qu'elles ne respecteraient pas leur engagement à organiser fin février 2022 des élections présidentielle et législatives qui ramèneraient les civils à la direction du pays plongé dans une profonde crise multiforme, aussi bien sécuritaire que politique et économique.
La Cédéao avaient gelé les avoirs financiers et interdit de voyage au sein de l'espace ouest-africain tous ceux qu'elle jugeait coupables de retarder les élections: environ 150 personnalités, dont le Premier ministre et quasiment tout le gouvernement, ainsi que leurs familles.
Jean-Claude Kassi Brou n'a pas précisé quelles nouvelles mesures de rétorsion la Cédéao pourrait prendre.
Pour justifier un report électoral dont on ignore la durée, le gouvernement malien invoque l'insécurité persistante.
Depuis des insurrections indépendantiste et jihadiste en 2012, ce pays pauvre et enclavé est livré aux agissements de groupes affiliés à Al-Qaïda et à l'organisation Etat islamique, et aux violences de toutes sortes perpétrées par des milices autoproclamées d'autodéfense et des bandits.Les forces régulières sont elles-mêmes accusées d'exactions.
Malgré le déploiement de forces onusiennes, françaises et étrangères, la violence s'est propagée au Burkina Faso et au Niger voisins. Aucune amélioration n'a été constatée au Mali, épicentre de la crise, depuis la prise du pouvoir par les militaires.
- "Priorité absolue" -
Dans son courrier, le colonel Goïta ne s'étend pas sur l'acuité de la situation sécuritaire, illustrée par le massacre de plus de 30 civils par de présumés jihadistes et la mort de sept Casques bleus tués par un engin explosif en décembre dans le centre du pays.
Il invoque les efforts entrepris pour "créer les conditions propices à la tenue d'élections transparentes et crédibles": "intensification" des opérations pour sécuriser le territoire, présentation d'une loi électorale en novembre et lancement, samedi, de consultations (Assises nationales de la refondation) présentées par le gouvernement comme un préalable indispensable.
Ces Assises sont censées déboucher sur des recommandations en vue de réformes de fond. Le bien-fondé des Assises est très contesté au Mali.
"Le retour à l'ordre constitutionnel est et demeurera ma priorité absolue", assure le colonel Goïta.
Après le Mali, la Cédéao a été confrontée en septembre à son troisième putsch en un an dans la sous-région, avec le renversement en Guinée du président Alpha Condé.
Elle a suspendu la Guinée de ses instances et sanctionné individuellement les membres de la junte.Elle a réclamé la tenue d'élections dans un délai de six mois.
L'homme fort de la Guinée, le colonel Mamady Doumbouya, a promis de rendre le pouvoir au civils. Mais il refuse de se laisser dicter un délai de transition.
PAR Oumou Wane
LA VIOLENCE SE TROMPE DE COLÈRE
La laïcité et le vivre-ensemble, dont nous fûmes le pays modèle sont mis à mal. Affrontements lors des matchs de football de Navétanes, saccages dans l’arène des combats de lutte… Quand sortirons-nous le carton rouge ?
Ces dernières années, le phénomène s’est amplifié. Sur les réseaux sociaux, c’est le grand bazar des rumeurs qui ne font qu'agiter des tensions et pousser certains à la violence.
À l’origine de ces fléaux qui menacent notre société démocratique, une minorité significative qui considère que le monde est guidé et contrôlé par des forces secrètes.
Chez nous en Afrique, c’est la persistance de discours erronés ou malveillants comme le pillage organisé ou les leaders africains manipulés… Dans un monde surinformé, comment expliquer une telle crédulité qui témoigne d’une défiance systématique à l’égard des institutions de la démocratie et conduit à la confiscation du débat public ?
Comment croire par exemple, sans être aveugle ou manipulateur, que les dirigeants africains seraient à la solde de la France qui porterait au pouvoir des présidents afin de pouvoir les contrôler plus aisément ?
Il n’est pas seulement absurde de penser cela, c’est aussi dangereux. Les sociétés démocratiques reposent sur un certain nombre d’évidences et de valeurs partagées, sur un minimum de confiance envers les institutions et dès lors qu’on décrit nos dirigeants comme des malfaiteurs, le dialogue démocratique s’avère impossible.
En proie à la désinformation et au complotisme, notamment antivaccinal, l’Afrique de l’Ouest, a besoin de rambardes de sécurité, pour se protéger de l’insécurité, du terrorisme, mais aussi d’une flambée de violence inédite au sein même de ses démocraties.
Chez nous au Sénégal, la laïcité et le vivre-ensemble, dont nous fûmes le pays modèle sont mis à mal par une explosion de haine, orchestrée par une certaine opposition au régime dont le seul calcul, à défaut de solutions politiques, est de semer la terreur en répandant de fausses informations sur notre développement et nos dirigeants. Que leurs sympathisants se posent la question de savoir si là, du coup, ce n’est pas un pays avec un riche potentiel en ressources naturelles qu’ils convoitent !
Qu’ils ouvrent encore les yeux et constatent que le Sénégal n’a jamais été aussi enviable et envié pour sa stabilité sociale et ses réalisations, sa gouvernance, sa gestion du Covid, son développement économique, sa projection de croissance, sa diplomatie hors pair, son leadership en Afrique et son rayonnement dans le monde.
Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons plus supporter cette violence, face à laquelle il faut opposer une tolérance zéro. Il en va de notre survie et de notre modèle de société. Les réseaux sociaux en cela jouent un rôle déterminant et les moins de 35 ans, les moins diplômés et les catégories sociales les plus défavorisées demeurent ainsi les plus perméables aux théories du complot.
Au chapitre de la haine ordinaire, nous voyons aussi les violences dans les stades ces derniers temps se multiplier. Pour rappel, cette semaine un jeune âgé de 20 ans, est décédé à Rufisque, dans des échauffourées survenues dans un stade. Affrontements lors des matchs de football de « Navétanes », saccages dans l’arène des combats de lutte… Quand sortirons-nous le carton rouge ? Nous ne pouvons plus accepter cela car il ne s’agit pas seulement d’une fête gâchée, mais bien d’une vie perdue pour un penalty.
Jamais je n’avais connu ce sentiment dans mon pays. On sent une certaine effervescence, un certain nombre de crispations au sein de la société. La spirale de violence doit immédiatement cesser. L’agression physique des personnes est intolérable et inacceptable. Seules des sanctions assez fortes feront un rempart contre les dérives et violences multiformes.
Je veux mettre au premier plan de cette lutte, l’élimination de la violence à l’égard des femmes qui reste l’une des violations des droits humains les plus répandues. Combattre toutes les formes de violences faites aux femmes doit être une priorité absolue et un thème clairement inscrit dans la campagne électorale en cours. Au Sénégal, 78% des femmes ont subi des violences domestiques dans leur vie (Rapport UE).
À un mois et demi des élections locales, les grandes confréries musulmanes essaient de faire retomber les tensions de plus en plus vives entre l’opposition et le pouvoir. Nous devons tous les y aider, si nous ne voulons pas qu’un jour les complotistes sèment le trouble dans nos démocraties et que les plus jusqu'au-boutistes d’entre eux fassent trembler l'Afrique.
LE GUERRIER DE L'IMAGINAIRE
Dans le monde-d’après les nations prospères seront celles qui accueilleront la diversité du génie humain. Le colonialisme s'est mué en capitalisme néolibéral qui n’a pas besoin de dominer les peuples physiquement - INTERVIEW AVEC PATRICK CHAMOISEAU
Comme celles d’Albert Camus, d’Aimé Césaire ou d’Edouart Glissant, la voix de Patrick Chamoiseau est indispensable pour comprendre le monde et ses évolutions. Ici, Patrick Chamoiseau évoque la Martinique, « le monde-d’après » ainsi que notre soumission à l’ordre économique dominant. Il démontre pourquoi nous avons tant de mal à sortir de l’univers de la consommation pour imaginer un avenir qui préserve les hommes et la planète.
Que devrait être le monde d’après ? Ce monde dont vous dites qu’il a déjà été pensé, mais que nous ne savons pas mettre en oeuvre ?
Patrick Chamoiseau : On ne peut penser le monde qu’à partir de son « lieu ». Mon « lieu » est la Martinique. Dès lors, le « monde-d’après » est autant une nouvelle Martinique qu’un monde diff érent. La « Martinique-d’après », ne peut être qu’un pays débarrassé de ses actuelles persistances coloniales. Les plus évidentes sont toutes nos dépendances vis-à-vis de ce que l’on nomme à juste titre « la Métropole ». Ce terme atteste de notre maintien en déresponsabilisation individuelle et collective. On ne saurait appeler « politique » en Martinique un programme électoral quelconque qui ne traiterait pas à fond cette question-là. La « Martinique-d’après » ne peut être qu’une Martinique dotée de capacité d’initiative multidimensionnelle, et qui s’est instituée (non plus en organisme ultra-marin sous-ordonné) mais en partenaire de la France, de l’Europe, de la Caraïbe, et des Amériques, cela dans une pratique de l’interdépendance qui accorde à chacune des parties en présence un principe de souveraineté optimale. Il faut aussi comprendre que la Martinique actuelle n’est ni dans le monde ni en face du monde, mais simplement dans l’ombre dévitalisante de la France. Une sorte de mise sous perfusion. Dans le « monded’après » elle sera vraiment présente sur la scène du monde et confrontée comme tous les autres peuples aux cinq grands défi s de notre époque : le défi climatique, le défi écologique, le défi de l’extension urbaine, le défi de l’écosystème numérique et de l’intelligence artifi cielle, et enfi n le défi de notre devenir dans le cosmos.
Pour que le monde actuel soit capable d’aff ronter véritablement ces défi s, il faut que nous nous soyons débarrassés de l’idéologie totalitaire qui transforme la planète terre en une simple ressource vouée à l’enrichissement hors-normes d’un très petit nombre de personnes. Le « monde-d’après » ne peut être que post-capitaliste et néolibéral. Je pense donc que la Martinique ne peut se battre contre ses persistances coloniales qu’en traitant dans le même balan tous les défi s du « monde-d’après ». Tout cela a déjà été dit par Glissant ou par moi-même, et par plein de penseurs dans le monde, cela depuis des décennies. On sait ce qu’il faut faire mais nous n’avons pas trouvé comment le mettre en oeuvre. C’est la preuve que nos persistances coloniales tout comme la domination planétaire du capitalisme dominent profondément nos imaginaires.
Ce monde d’après peut-il naître de l’après-Covid ? Pourra-t-on vraiment ne plus vivre comme avant ou est-ce que tout sera fait pour que nous continuions à vivre comme avant ?
P.C : Le Covid a suspendu la machinerie économique et consumériste du néolibéralisme. Chacun s’est en quelque sorte retrouvé en face de lui-même. C’était l’occasion d’une vaste prise de conscience qui hélas ne s’est pas produite. Sitôt la fin de la pandémie, l’économie capitaliste et le règne néolibéral reprendront de plus belle et avec encore plus de virulence.
Pourquoi ?
P.C : Parce que le néolibéralisme a créé en chacun de nous un vide existentiel, habité par le « pouvoir d’achat » et les pulsions consuméristes. Les décolonisations nous avaient appris à nous battre contre les conquêtes territoriales, les exploitations
Publié en 1996, l'ouvrage donne à voir les effets de l’Histoire des Antilles sur les imaginaires. D’entrée de jeu l’écrivain puise dans la domination qu’il présente dès le titre comme « un instrument d’émancipation et de légitimité »
Patrick Chamoiseau est un des auteurs antillais les plus prolifiques de notre génération. Bédéiste, romancier, essayiste et théoricien, ce fervent disciple d’Édouard Glissant s’inscrit dans le courant de l’Antillanité. Récompensé par de nombreux prix, dont le célèbre Goncourt pour Texaco publié en 1992, il jouit désormais d’une reconnaissance institutionnelle française. Son militantisme pour la « cause créole » traduit dans le manifeste de l’Éloge de la créolité, postule un « positionnement1 » sur l’identité créole. Préoccupé par l’émergence d’une littérature antillaise et de sa réception en France comme aux Antilles, son œuvre s’ancre dans une vision personnelle et critique de l’espace réel et symbolique. Publié en 1996, Écrire en pays dominé 2 donne à voir les effets de l’Histoire des Antilles sur les imaginaires. D’entrée de jeu l’écrivain puise dans la domination qu’il présente dès le titre comme « un instrument d’émancipation et de légitimité3 ». La domination, à l’origine d’un « chaos génésique», va stimuler le projet d’écriture de sa propre histoire et de celle de la littérature antillaise.
Contestation et autocritique
Entre autobiographie et réflexion, Écrire en pays dominé se présente comme un hommage aux œuvres et aux auteurs qui ont marqué Patrick Chamoiseau. Dans la posture d’un scripteur, l’écrivain questionne les problématiques de la littérature antillaise : le choix de la langue, la relation aux littératures du monde, et surtout le rapport à l’Histoire. « Qu’ont littératures, prévu pour toi ? » questionne le je narrateur qui, sur un mode interrogatif, annonce le caractère incertain et fragile de la quête de sens par l’écriture. Tout au long du texte, les questions reviennent comme une litanie, et touchent à l’intime désir d’écrire du narrateur :
Quelle put être la première écriture : quelques lignes ? un bout de poème ? un titre ? Feuilles, cartons vierges, crayons noirs, crayon de couleur, bics, se mirent en connivence avec ma main. Si je n’écrivais pas, je griffonnais ; les mots se mêlaient aux dessins ; les phrases s’accrochaient à des traits ; les récits mourraient soudain au pied d’une figure grotesque qui avait raflé mon imagination.4
L’écriture devient le lieu d’un soliloque où le narrateur-auteur conteste des événements socio-historiques tels que la départementalisation, et tente de se dire et se comprendre dans le même temps. Cette émulation intérieure causée par la lutte contre « l’imparable diffusion des valeurs dominantes5» associe l’histoire des Antilles au travail d’écriture de l’écrivain :
De l’espoir libertaire du Cahier, il avait fait la départementalisation : en 1946, sept ans avant ma naissance, il avait obtenu la transformation des vieilles colonies en départements d’Outre-mer. (…) Le combat pour la langue et la culture créoles, perdant toute acuité, se folklorisait.6
Le couplage se réfère souvent à des questions linguistiques et institutionnelles. Par exemple, lorsque l’année 1789 est mentionnée, ce n’est pas pour évoquer la révolution française
présente dans l’imaginaire occidental, mais celle de l’uniformisation linguistique et de l’Académie française :
En cette même année, Richelieu institue l’Académie française, mais, loin de notre terre natale, mon équipage y échappe, y échappera toujours, même durant l’uniformisation linguistique de 1789.7
Même si ces dates et certains titres font référence à des évènements historiques précis, ils sont énoncés de telle façon qu’il devient difficile de détecter leur responsabilité énonciative. Est-ce Patrick Chamoiseau qui parle dans ce qui constituerait une autofiction ? De toute évidence les « points d’ancrage de systèmes de valeurs 8» ne renseignent plus sur leur localisation et origine énonciative et « tout ce que l’on saisit là, peut-être, c’est une « rumeur » diffuse de l’idéologie (de l’Histoire).9» Si la narration emboîte l’Histoire collective des Antilles à celle de l’écrivain, toute dissociation est vouée à l’échec car la poétique de l’écrivain se réalise dans une autocritique que le narrateur-auteur opère sur son propre travail. C’est pourquoi la critique de la départementalisation répond à l’omission des contes de ses premiers textes :
Je fus comme tous les autres – mimétiques, doudouistes, écrivains-négritude – dans l’érection rassurante d’une mémoire-territoire tombée des forces coloniales, et en rupture avec le réel d’alentour ; j’ignorai ces humanités vivant des mutations dans ce bouleversement, me lovai dans l’ossature d’identités anciennes, et désertai la parole inaudible des Conteurs, leurs urgences en détours, leur voltige au-dessus d’un tragique indicible. Je combattis les certitudes du dominant (et c’était bienfaisant) avec des contre-certitudes affublées des mêmes griffes.
L’autocritique joint l’individuel au collectif et c’est à ce titre que « les trajectoires furent parallèles.10» L’auteur convoque ses mentors Frankétienne, Césaire et Glissant dans le tableau d’une « aliénation littéraire » où une certaine littérature antillaise ne se verrait qu’à travers la littérature du « centre » figurant comme « source-modèle.11»
Un voyage poétique
L’ensemble du texte est organisé par effets de montages et de découpages où des micro-récits, appelés la Sentimenthèque et l’inventaire de la mélancolie, dessinent un tissage cohérent. Dans la Sentimenthèque, qui compte plus de 200 écrivains référés, Patrick Chamoiseau expose, dans une courte formule poétique, les pensées récoltées de ses lectures.
De Mahmoud Darwich : Contre la haine, la beauté comme public du langage sous des voûtes de terre sainte ; et, sitôt la terre libre soulevée des blessures, le retour au Lieu-rêvé sur de grandes ailes sans illusions… — Sentimenthèque12.
On ne vous présente plus l'éditorialiste et le journaliste dont les enquêtes font autorité dans le paysage médiatique sénégalais. L'enfant de Sokone, aujourd'hui secrétaire général du gouvernement, est une référence dans le métier qu'il ne pratique plus
On ne vous présente plus l'éditorialiste et le journaliste d'enquête dont les enquêtes font autorité dans le paysage médiatique sénégalais. Et ce n'est pas un hasard si l'enfant de Sokone, aujourd'hui secrétaire général du gouvernement, est devenu une référence dans le métier qu'il ne pratique plus.
Ola.sn, en partenariat avec la Convention des jeunes reporters, vous replongez dans le parcours de cet homme qui mérite bien plus qu'un Sargal.
JEAN COLLIN, TROIS DÉCENNIES AU SERVICE DE LA RÉPUBLIQUE
L’ancien ministre d’État sous Senghor et Diouf aura servi près 30 ans au Sénégal avec diverses responsabilités administratives et politiques. Conformément à ses dernières volontés, il fut inhumé, le 23 octobre 1993, au village de Ndiaffate à Fatick
Jean Baptiste Collin est né le 18 octobre 1924 à Bayeux, en France. L’ancien Ministre d’État sous les régimes des Présidents Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf aura servi près de trois décennies au Sénégal avec diverses responsabilités administratives et politiques. Conformément à ses dernières volontés, il fut inhumé, le 23 octobre 1993, au village de Ndiaffate dans la région de Fatick, auprès de ses beaux-parents.
Secrétaire général de la Présidence de la République, c’est le dernier poste occupé par l’ancien Ministre d’État Jean Baptiste Collin. C’était au début des années 90. Reconnu comme un grand commis de l’État, Jean Collin, après des études primaires à Paris de 1930 à 1935, entra au célèbre lycée Louis-le-Grand (1935-1943). Puis, c’est la faculté de Droit et ensuite l’École nationale de la France d’Outre-mer (Enfom) et l’École nationale des langues orientales. Sorti de ces grandes écoles d’alors, il débuta sa carrière en Afrique et plus particulièrement au Sénégal où il servit au Secrétariat du Haut-commissaire de 1946 à 1947. Il sera nommé chef de la subdivision de la Ville de Diourbel au centre du pays en 1947. Ce ne sera qu’un court passage car il sera nommé la même année chef du service de l’information et directeur de Radio Dakar, actuelle Radio Sénégal. Bien que n’étant pas de religion musulmane, Jean Collin sera le premier Commissaire du Gouvernement pour le pèlerinage à La Mecque. C’était en 1949. Plus tard, il sera chargé de mission auprès de Jean Letourneau alors ministre de la France d’Outre-mer. Le Cameroun en Afrique centrale l’accueille comme chef de région de 1951 à 1954. Dans ce pays, il eut de nombreuses responsabilités dont celles de chef du bureau par intérim des affaires politiques en 1955 puis de directeur du secteur de la modernisation rurale du nord du pays en 1956.
Retour au Sénégal
Revenu au Sénégal, Jean Baptiste Collin occupa le poste de chef de la subdivision de Rufisque ancienne appellation du département (préfet) et d’adjoint au chef de la région du Cap-Vert du 3 mars au 1er décembre 1960 puis gouverneur du Cap-Vert. Il a aussi servi comme Directeur de cabinet du Mamadou Dia, Président du Conseil du Gouvernement de 1957 à 1958. Par décret du 21 juin 1961, Monsieur Collin est nommé Secrétaire général du Gouvernement cumulativement avec ses fonctions de secrétaire permanent du Conseil supérieur de la défense. Commissaire du Gouvernement auprès de la Cour suprême, il obtint la nationalité sénégalaise. Après les événements de 1962 entre Dia et Senghor, il occupa le stratégique poste de Secrétaire général de la Présidence de la République de décembre 1963 à février 1964. C’est au cours du remaniement du 8 février 1964 qu’il retrouva le poste de Ministre des Finances qu’il quitta en avril 1971 pour le département de l’Intérieur (10 avril 1971 à mars 1975). Il sera élevé au rang de Ministre d’État chargé de l’Intérieur du 26 mars 1975 au 2 janvier 1981.
Père de la Réforme de 1972
Ministre de l’Intérieur, celui qui fut maire de Joal-Fadiouth de 1968 à 1972 et président du Conseil municipal de Thiès le 8 décembre 1972, aura marqué la première réforme de l’administration territoriale de 1972. C’est ainsi qu’il présenta un rapport au conseil national de l’Union progressiste sénégalais (Ups) sous la Président de Léopold Sédar Senghor pour expliquer ce qui était attendu.
Même si certains responsables socialistes étaient très critiques à l’endroit du Ministre d’État pour sa main mise sur le parti au pouvoir, pour d’autres il fut un homme de rigueur, un travailleur infatigable. Au sein du Ps, lorsque les instances furent gelées par le Secrétaire général d’alors, le Président Abdou Diouf, le groupe restreint ou Bureau exécutif mis en place fut contrôlé par l’ancien secrétaire aux conflits que l’on reprocherait de mettre ses hommes dans certaines bases du parti au pouvoir. C’est ainsi que naissaient les mouvements de soutien dont le plus en vue était l’association des amis de Jean Collin, sous la direction d’Aïda Diongue.
Pour l’ancien directeur des Archives nationales, Babacar Ndiaye, actuellement à la retraite, l’ancien Ministre d’État fut un homme qui croyait au travail et à ceux qui travaillaient. Il se souvient de sa première rencontre avec Jean Collin alors qu’il était adjoint chef de service au bâtiment annexe des Archives nationales à quelques mètres du Building administratif. « J’étais dans mon bureau une matinée et j’aperçus quelqu’un à travers la vitre. Aussitôt il frappa, je me levais et il me dit « restez assis ». C’était la première fois que je voyais la personne. Habillé en ensemble saharien kaki avec quatre poches, il était accompagné de quatre collaborateurs avec chacun un carnet à la main. Je lui ouvris la salle des archives et il fit un tour avec moi, me questionnant sur le bâtiment d’à côté où logeait le directeur. Après ce passage, il retourna jusqu’au Palais à pieds ». Il poursuit : « Même s’il a un passé colonial, il faut reconnaître que Jean Collin fut un exemple et l’un des meilleurs de notre administration ».
Un légaliste jusqu’au bout
Ancien membre du Gouvernement, Mbaye Diouf a longtemps cheminé avec le Ministre d’État qui l’avait mis à ses côtés au poste de Directeur de cabinet. Cet ancien administrateur civil et proche collaborateur confirme qu’il fut un grand travailleur au service du pays. « Je vous donne un exemple, M. Collin était à son bureau tous les jours à 7 heures et ne le quittait qu’à 20 heures », souligne l’ancien collaborateur direct. Il révèle que lorsque le Ministre d’État était en mission à l’étranger pour une semaine, il lui demandait d’envoyer le courrier à son intérimaire mais qu’une bonne partie était sur son bureau. Il précise : « Dès qu’il revenait de voyage, tous les dossiers étaient signés ou annotés en quelques heures et transmis à qui de droit. Il fut aussi très endurant car il pouvait prendre part à une réunion toute une matinée sans montrer un signe de fatigue ou d’énervement ».
Selon Mbaye Diouf, le Ministre d’État était trop légaliste quand il devait agir sur un dossier. Il se référait très souvent, souligne-t-il, aux décrets ou la loi avant de prendre tout acte administratif. M. Diouf qui était aux côtés de Jean Baptiste Collin depuis son jeune âge, indique qu’à l’époque de la machine à écrire lorsque le Ministre d’État lui remettait un manuscrit, c’était impossible d’y trouver une seule faute.
LA PETITE SURPRISE DES CHEFS D'ÉTAT DE LA CEDEAO À MACKY SALL POUR SES 60 ANS
Le président en déplacement à Abuja ce week-end pour les besoins de du sommet de l'instance communautaire ouest-africaine, a eu droit à un gâteau d'anniversaire, de la part de ses homologues de la sous-région
Le président Macky Sall, qui est actuellement à Abuja pour les besoins du sommet de la Cedeao, a eu 60 ans ce samedi. Les collègues chefs d’Etat de la sous-région lui ont fait une petite surprise, comme le dévoile ici le président Bissau Guinéen.
«Actuellement au Nigeria pour prendre part au 60e sommet ordinaire des Chefs d’Etat de la CEDEAO, le Président Macky est tombé sur une belle surprise: ses homologues Chefs d’Etat ont improvisé une petite fête à l’occasion de ses 60 bougies ce 11 décembre 2021», a dévoilé Umaro Sissoco Embalo.
Sur la vidéo, on peut voir les président Ghanéen, ivoirien, Nigérien, Nigérian, Bissau Guinéen et Gambien autour du président Macky Sall et du gâteau qui lui a été offert.
ET SI LA CAN AVAIT LIEU TOUS LES QUATRE ANS
La CAF apporte son soutien au projet de la FIFA d’organiser la Coupe du monde tous les deux ans, ce qui pourrait changer la périodicité de la Coupe d’Afrique des nations. Pour le meilleur, ou pour le pire ?
Jeune Afrique |
Alexis Billebault |
Publication 12/12/2021
La FIFA et son président, Gianni Infantino, vont-ils bouleverser les habitudes ? Ils disent en tout cas souhaiter organiser la Coupe du monde tous les deux ans, ce qui constituerait une véritable révolution footballistique.
Le projet, dirigé par le Français Arsène Wenger, ancien entraîneur de l’AS Monaco et d’Arsenal, est déjà bien avancé. Il a reçu le soutien de plusieurs confédérations (Asie, Amérique du Nord, Amérique centrale et Caraïbes) et, le 26 novembre dernier, au Caire, celui du comité exécutif de la Confédération africaine de football (CAF).
Une question, qu’Infantino avait posée en mars 2020, taraude toutefois le monde du football africain. À l’occasion d’un séminaire qui s’était tenu à Salé, au Maroc, le Suisse s’était interrogé sur un changement calendaire de la Coupe d’Afrique des nations (CAN).
« Plus viable et plus attrayante »
« Je propose d’organiser la CAN tous les quatre ans, afin de la rendre plus viable commercialement et plus attrayante sur le plan mondial », avait-il lancé devant les dirigeants des fédérations africaines.
Jamais à court d’arguments financiers, le patron du football mondial avait ajouté : « La CAN génère vingt fois moins de revenus financiers que l’Euro. Est-ce bien, au niveau commercial, qu’elle ait lieu tous les deux ans ? Cela a-t-il développé les infrastructures ? Réfléchissez à la possibilité de l’organiser tous les quatre ans ».
Les revenus de la CAN sont d’environ 45 millions d’euros. À titre de comparaison, ceux de l’Euro 2016, en France, ont avoisiné 1,9 milliard d’euros.
La proposition d’Infantino avait provoqué un certain nombre de réactions, majoritairement hostiles en Afrique. Le Sud-Africain Patrice Motsepe, président sud-africain de la CAF, avait rappelé son attachement au calendrier en vigueur, sans pour autant prendre le risque de froisser son ami européen en lui opposant une fin de non-recevoir. Et, jusqu’au dernier Comité exécutif de l’instance, le 26 novembre, le sujet n’avait plus été abordé.
Mais dans l’hypothèse, désormais de plus en plus probable, que le Mondial se jouerait tous les deux ans, la CAN pourrait par ricochet voir sa périodicité remise en cause.
L'OIM SORT SON RAPPORT SUR LA MIGRATION DANS LE MONDE
Selon un rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), actuellement dans le monde, il y a un milliard de personnes déplacées dont 250 millions de migrants internationaux et 760 millions migrants internes
Selon un rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), actuellement dans le monde, il y a un milliard de personnes déplacées dont 250 millions de migrants internationaux et 760 millions migrants internes. Une personne sur sept est un migrant. Sur les 250 millions de migrants internationaux, les 25,9 millions sont des réfugiés et 3,5 millions sont des demandeurs d'asile. En d'autres termes, environ 10 % sont des migrants forcés et 90 % des migrants internationaux sont des travailleurs migrants et des membres de leur famille ou des étudiants internationaux.
Selon le document, près de la moitié des migrants sont des femmes et des filles. Elles migrent de plus en plus seules ou en tant que cheffes de famille. Les femmes migrantes, renseigne la note, sont confrontées à des risques majeurs, notamment l'exploitation sexuelle, la traite et la violence. Elles font face à une double discrimination : en tant que femmes et en tant que migrantes.
Les principaux pays de destination des migrants sont la Côte d’Ivoire, le Nigeria et le Ghana. En 2019, 21 millions d'Africains vivaient dans un autre pays africain.
Mais depuis le début de la Covid-19, une baisse significative des migrations régionales et une perturbation de la mobilité et du commerce transfrontaliers sont enregistrées. En juin 2020, on estimait à 33 000 le nombre de migrants bloqués aux frontières.
Selon la chargée des médias et de la communication/point focal genre à l’OIM qui a présidé, hier, un atelier sur la question, la migration environnementale est à la fois un problème et une solution, généralement combinée avec d’autres facteurs économique, politique, démographique, social auxquels le stress environnemental est ajouté. En 2019, renseigne Fecam Marie Sèye, près de 25 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays, en raison de catastrophes soudaines, dont environ 327 000 en Afrique de l’Ouest.
En 2050, la Banque mondiale estime, dit-elle, qu’il y aura 143 millions de migrants climatiques et près de 55 millions de migrants climatiques internes en Afrique de l’Ouest. ‘’En ce qui concerne la migration environnementale en Afrique de l’Ouest, poursuit-elle, le constat est qu’il y a des zones côtières qui sont menacées : affectant les pêches et les populations locales. L’élévation du niveau de la mer déclenche des inondations, de l’érosion, une salinité accrue, la disparition de certaines espèces, les précipitations au Sahel de plus en plus imprévisibles entraînant des sécheresses, des inondations et des déplacements. Le rétrécissement du lac Tchad provoque l’insécurité alimentaire dans le bassin du lac Tchad et impacte sur la transhumance bovine menant au conflit’’.
Ces déplacements sont aussi source de danger. ‘’Parlant des violations des Droits de l’homme contre les migrants, ils peuvent inclure un déni des droits civils et politiques tels que la détention arbitraire, la torture ou l'absence de procédure régulière, ainsi que les droits économiques, sociaux et culturels tels que les droits à la santé, au logement ou à l'éducation. Le déni des droits des migrants est souvent étroitement lié à des lois discriminatoires et à des attitudes profondément enracinées de préjugés ou de xénophobie. Lorsque les personnes n'ont pas réussi à atteindre la destination souhaitée et à retourner à leur lieu d'origine ou à revenir après une période d'absence, elles peuvent faire face à la stigmatisation’’, prévient-elle.
Les attentes de l’OIM envers les journalistes
Pour renverser la tendance, les médias ont un grand rôle à jouer, selon Fecam Marie Sèye. Elle préconise une couverture équilibrée, de faire une mission de service public, de se fonder sur les faits, de dénoncer la haine, d’utiliser des terminologies correctes, de donner la parole aux migrants, de protéger la dignité et la sécurité des migrants. ‘’On attend de la presse de très bonnes considérations éthiques. Je fais allusion à la responsabilité (transparence des médias et engagement à corriger les erreurs), de l’humanité (journalisme sensible et attentif qui évite de causer un préjudice indu), de l’impartialité (des traitements équitables qui racontent toutes les facettes de l’histoire), de l’indépendance (avoir un journalisme libre de toute autocensure et pression politique), et la précision’’.
‘’Pour les utilisations des médias sociaux, les journalistes ne doivent pas céder à l'immédiateté, ils doivent vérifier leurs faits, être prudents avec la popularité des publications. On attend d’eux qu’ils ne cèdent pas au sensationnalisme et aux images trop puissantes ou ‘’chargées’’, de citer et créditer leurs sources, d’être prudents avec les données numériques personnelles qu’ils laissent derrière eux et enfin d’être conscient de leurs parcours numériques’’, ajoute Mme Sèye. Selon qui la manière dont la communication sur les migrations est gérée influencera non seulement la mentalité des communautés d'accueil, mais aussi l'image que les migrants ont d'eux-mêmes et de leur comportement.
‘’Les migrants doivent être considérés comme des acteurs clés du débat sur la migration, et non comme de simples spectateurs’’, conclut-elle.