Dakar, 6 août (APS) - Le président de l’AS Kaffrine Abdoulaye Sow, réélu vendredi pour un troisième mandat à la tête de la Ligue de football amateur, propose pour les mois à venir, la tenue de "réflexions profondes" sur les textes et le mode de gouvernance pour revoir la place et le rôle de cette catégorie dans le football sénégalais.
’’Notre mission avec cette nouvelle ère qui s’ouvre, sera de réclamer plus de considérations, plus de moyens et plus de places pour le football amateur ’’, a-t-il déclaré, dans un discours prononcé peu après sa réélection.
Abdoulaye Sow considère que ’’la pratique du football est désormais démocratisée dans notre pays’’. ’’Partout on joue au football (...), avec toutes les catégories et tous les autres types de football’’, a-t-il magnifié.
Ainsi, il souligne que ’’le nouvel objectif sera de renforcer cela avec l’appui et le soutien croissant de la Fédération sénégalaise de football et du gouvernement’’.
Le président de l’AS Kaffrine a été réélu vendredi pour un troisème mandat à la tête de la Ligue de football amateur, à l’issue de l’assemblée générale élective de la structure tenue au Centre international de conférence Abdou Diouf de Diamaniadio (CICAD).
Opposé à Ousmane Iyane Thiam, Abdoulaye Sow, par ailleurs président de la ligue de Kaffrine (centre) et ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique, a obtenu 299 voix contre 83 pour son adversaire.
Mercredi, le président Djibril Wade a été porté à la présidence de la Ligue sénégalaise de football professionnel (LSFP), en remplacement de Saër Seck.
L’élection à la présidence de la Fédération sénégalaise de football (FSF) va opposer samedi le président sortant, Augustin Senghor à Mady Touré.
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SI MON ART VOUS ÉTAIT CONTÉ
Artiste-autodidacte, il cultive le crayonnage depuis son jeune âge et en a fait son métier. Que ce soit Sadio Mané, Morgan Freeman, Youssou Ndour, Lupita tous ces stars dans leurs domaines respectifs n’ont pas échappé à la rigueur du crayon d’Adama Mbow
Artiste-artiste autodidacte, spécialiste du crayonnage, Adama Mbow cultive cet art depuis sa tendre enfance sans avoir été encadré par un tiers. Mais le plus surprenant c’est que dans sa famille frères et sœurs, père et mère ont toujours dessiné par passion. Le temps passant, Adama a, lui, décidé d’en faire son métier. Et pour parfaire son art, il clôture ses études en langue et civilisation ibérique pour intégrer l’école nationale des arts. Un choix qui lui permet d’ajouter de nouvelles cordes à son arc en tant qu’artiste puisqu’il va s’enrichir de nouvelles expressions artistiques.
Spécialiste du crayonnage, Adama Mbow réalise notamment des portraits. Des artistes célèbres, des grands chef religieux en passants par des réalités sociales, rien n’échappe à la rigueur de son crayon. Prétendant n’être pas intéressé par l’argent, Adama Mbow nourrit l’ambition de faire plutôt de la transmission de son bagage en tant qu’artiste. Dans cette entrevue, le jeune artiste saint-Louisien, nous raconte comment tout cela a commencé ainsi que les perspectives qui se dessinent pour lui après sa formation à l’École nationale des arts.
Au club parisien, désormais, de trouver l'équilibre budgétaire pour réussir à faire le deal. Il est question d'un contrat de deux ans, plus un en option
Au lendemain de l'annonce de son départ du Barça, Lionel Messi a dit oui au PSG. S'il n'y a pas encore d'accord entre le club parisien et le meneur de jeu, son arrivée se précise.
La grosse opération de l'été gagne en concret. Il n'y a pas encore d'accord mais Lionel Messi a informé le PSG de sa volonté de jouer au club la saison prochaine. Au club parisien, désormais, de trouver l'équilibre budgétaire pour réussir à faire le deal. Il est question d'un contrat de deux ans, plus une en option.
Le volte-face du Barça pour sa prolongation
Tout va très vite dans ce dossier, au lendemain de l'annonce du départ de l'Argentin du Barça. Alors que tout semblait bouclé pour voir le meneur de jeu prolonger au FC Barcelone, tout a volé en éclats compte tenu des difficultés financières du club. Le président barcelonais Joan Laporta s'en est expliqué ce vendredi matin. Et reconnaissait déjà une possible signature du sextuple Ballon d'or au PSG.
"Il faut demander à Leo Messi et son agent (son père, ndlr), je ne peux pas parler de cela, estimait Joan Laporta. C'est le meilleur joueur du monde et la logique veut qu'il ait des offres." Le PSG était le mieux placer pour convaincre le joueur de 34 ans. Quelques heures plus tard, l'hypothèse prend de plus en plus d'ampleur.
Les gouvernants passent leur temps à démentir les accusations portées sur leur gestion et tentent de nous faire croire que les vaccins seuls suffisent. Le président observe un silence embarrassé en lieu et place d’un discours à la Nation
L’avènement du variant delta, virus très contagieux, dans notre pays, a révélé au grand jour les insuffisances et manquements de la gestion de la Covid-19, que certains observateurs n’avaient cessé de souligner, depuis mars 2020. Cette exacerbation de la crise sanitaire survient dans un contexte préélectoral avec un ministre de la Santé ayant des visées sur la Ville de Dakar et un président, n’ayant pas encore renoncé à une candidature illégale à un troisième mandat.
Des critiques objectives de la gestion de la pandémie
Il a été fait état, en premier lieu, d’un déficit de transparence dans la gestion des ressources allouées à la lutte contre la pandémie, que pourrait laisser supposer la lenteur de finalisation du rapport du fonds Force Covid-19. En effet, créé en avril 2020, en vertu du décret n° 2020-965, pour une enveloppe de 1000 milliards de FCFA, cette structure n'a finalement rendu son rapport qu'au mois de juillet dernier, avec de grandes difficultés à rassembler ses pièces justificatives et l'insatisfaction notoire des bénéficiaires.
Récemment, des accusations de vente illicite du matériel acquis dans le cadre de la lutte contre la pandémie ont fusé de toutes parts, parfois même de cercles réputés proches du pouvoir.
On pourrait également citer d’autres points comme une gestion non inclusive écartant universitaires, secteur privé…, la politisation / folklorisation de la lutte contre la pandémie, le sous-dépistage, une sous-utilisation des tests rapides, l’insuffisance des efforts d’équipement, un déficit d’engagement communautaire...
Aujourd’hui, ces critiques objectives prennent tout leur sens, alors que le peuple sénégalais se débat désespérément, face aux ravages d’une pandémie meurtrière. En effet, d’innombrables patients, en manque d’oxygène suffoquent – faute de lits- aux portes des lieux de soins, tandis que les morts s’amoncèlent dans les cimetières.
Face à ce drame national, les pouvoirs publics donnent l’air de tergiverser, passant le plus clair de leur temps, à se justifier et à démentir les accusations portées sur leur gestion controversée de la pandémie et tentant de nous faire croire que les vaccins seuls peuvent tenir lieu de solution-miracle.
On observe un silence assourdissant et embarrassé du chef de l’Exécutif en lieu et place d’un discours solennel à la Nation. Ce serait l’occasion d’essayer de rattraper le faux pas des tournées politico-économiques et d’indiquer des pistes de solution, car il semble évident que notre pays ne sortira de cette mauvaise passe, que si on arrive à tarir le flux de patients Covid-19, grâce à des mesures de prévention radicales.
Faire des champions de la lutte anti-Covid, nos futurs maires !
Pour y arriver, il faudra promouvoir, plus que jamais, l’engagement communautaire, ce qui n’a pas encore été fait au niveau que requiert la situation.
La première étape dans la mobilisation de toutes les forces vives de la Nation, dans la lutte contre cette calamité publique durable, est de trouver le plus petit dénominateur commun aux diverses parties, sous la forme d’un plan national consensuel de lutte contre la Covid-19.
Pour y arriver, les autorités politiques de notre pays doivent cesser de faire dans une autoglorification puérile, quand on sait que des pays économiquement plus puissants que le nôtre comme les États-Unis, le Brésil ou l’Inde ne sont pas loin d’être considérés comme les derniers de la classe dans la gestion de cette pandémie particulière.
Si nos pays s’en étaient relativement bien sortis jusqu’à présent avec des taux d’incidence relativement faibles, cela était dû, certes, à l’expertise des équipes médicales ainsi qu’à leurs expériences et vécu communautaires, mais semblait davantage relever de divers facteurs, d’ailleurs non encore complètement élucidés (immunitaires, démographiques, climatiques ou liées à l’urbanisation...).
Parce que la crédibilité de nos gouvernants est un facteur important dans l’acceptation des directives et autres arrêtés qu’ils publient, ils se doivent d’instituer une redevabilité exemplaire en établissant des normes de gestion transparentes et en y associant les députés, les syndicats, les organisations communautaires et autres organisations de la société civile, sans oublier le secteur privé...
Les organisations politiques, font montre, lors des périodes électorales, d’une expertise avérée pour convaincre les citoyens à adopter leurs vision et programmes mais surtout à voter pour leurs listes/candidats. Ils pourraient, dans une optique transpartisane, la mettre à profit et unir leurs forces au niveau de toutes les localités, villages et quartiers pour sensibiliser les populations sur les méthodes de prévention de la Covid-19.
Mieux, le degré d’engagement dans la lutte contre la pandémie pourrait constituer un important baromètre, pour jauger l’aptitude des différents candidats au poste de président de collectivité territoriale pour le scrutin de janvier 2022.
Au niveau des territoires, les personnes-ressources, les mécènes, les membres de la diaspora, les gestionnaires des collectivités territoriales devraient initier des collectes de fonds (fundraising).
Le savoir-faire, en matière de compétition politique saine et loyale, devrait, pour une fois, être mis à profit, pour initier une grande campagne de prévention de la Covid-19, au niveau des différentes collectivités territoriales de notre pays.
Quelles perspectives pour la lutte anti-Covid ?
Nos autorités politiques doivent s’être rendues compte, qu’en ces périodes troubles, où la mort rôde autour de tous les foyers, le devoir de vérité s’imposait. C’est dire la vanité des efforts pour vouloir museler les voix discordantes, de même que la futilité des effets d’annonce.
Mise sur pied d’un comité scientifique
La première mesure, qui s’impose est de satisfaire une revendication pressante de la société civile, à savoir la mise sur pied d’un comité scientifique, qui complètera l’action du CNGE.
Élaboration d’algorithmes de prise en charge
Ce comité devra impérativement codifier, rationnaliser et uniformiser la prise en charge des cas en finalisant des protocoles thérapeutiques sous forme d’algorithmes, allant du domicile à l’hôpital de niveau 4, sur la base des documents élaborés par les sociétés savantes et les organisations de la société civile.
Stratégie nationale de dépistage
S’il faut se féliciter de la décision de mise en place des tests antigéniques de diagnostic rapide au niveau des districts, il faudrait dépasser les pesanteurs bureaucratiques et les décentraliser encore davantage au niveau de toutes les structures sanitaires privées, des postes de santé et même des pharmacies.
Cela permettra d’accélérer encore le dépistage précoce, qui permet de lutter contre la propagation du virus par l’isolement rapide du malade et une bonne prise en charge en temps et en heure.
Il faudrait également préciser la place des tests sérologiques dans le dispositif de surveillance et réactualiser les résultats de la première enquête de séroprévalence, en en organisant une deuxième.
Subvention des prix des examens de scanner
Le scanner permet d’objectiver, dans de courts délais, les complications pulmonaires qui, mal traitées, peuvent emporter les malades du Covid-19. Il faudrait, de manière urgente, revoir à la baisse ou subventionner le coût des scanners thoraciques, très onéreux, avec des prix variant de 50.000F à 100.000F.
Mise en place des comités de lutte contre la Covid-19
Enfin, il faut mettre sur pied, sur l’étendue du territoire national, des comités de lutte contre la Covid-19, appelés à promouvoir la participation de tous les acteurs à la définition, à la mise en œuvre et à l’évaluation continue de toutes les initiatives de lutte contre la pandémie à Covid-19.
Ils devront, à l’échelle des quartiers, villages et communes, mobiliser les populations, veiller à la disponibilité et à l’accessibilité des services de santé et jouer un rôle de veille et d’alerte sur les dysfonctionnements dans la gouvernance des organes de gestion voire des collectivités territoriales elles-mêmes.
Les activités spécifiques ayant trait à la pandémie et appelées à se dérouler au sein des ménages et des communautés peuvent être déclinées comme suit : vaccination de toutes les personnes éligibles ; acquisition de tous les intrants nécessaires pour la prévention ; prise en charge curative dans les structures sanitaires et à domicile ; isolement des cas-contacts dans les ménages ou dans des espaces dédiés ; gestion communautaire des cultes, sépultures et des cérémonies familiales...
Seule l’appropriation par les communautés de la lutte anti-Covid permettra d’enrayer la progression de la pandémie. Elles devront, à l’avenir, s’impliquer plus activement dans la définition de politiques publiques, pour l’amélioration de la qualité de vie et en vue du contrôle des nouvelles menaces d’ordre sanitaire, écologique, sécuritaire et autres qui pèsent sur l’espèce humaine.
Dr Mohamed Lamine Ly est spécialiste en santé publique
par Mandela Ndiaye Touré
SÉNÉGAL, DIAGNOSTIC DU MARCHÉ DE L’EMPLOI ET PROPOSITIONS DE NOUVELLES RÉFORMES
EXCLUSIF SENEPLUS - Près de 80% de salariés ne disposent pas de contrats de travail. Il faut refonder les programmes scolaires en y introduisant des thématiques propres à notre histoire et à notre culture (Partie 1)
Au Sénégal, la lancinante problématique de l’emploi des jeunes se pose avec acuité. En attestent les derniers chiffres officiels de 2018 de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD). Ces chiffres ne sont pas reluisants : environ 300 000 nouveaux demandeurs d’emploi - majoritairement composés de jeunes - arrivent chaque année sur le marché du travail alors que l’offre est seulement estimée à 30 000 emplois. L’analyse de ces chiffres laisse apparaître un contraste saisissant, une dissonance de taille entre la demande et l’offre de travail. Pourtant, les structures dédiées à résoudre le problème de l’emploi des jeunes ne manquent pas. Nous pouvons en citer : l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi des jeunes (ANPEJ), l’Agence de développement et d’encadrement des petites et moyennes entreprises (ADEPME), le Programme des domaines agricoles communautaires (PRODAC), le Programme sénégalais pour l’entrepreneuriat des jeunes (PSE-J) et l’Agence nationale d’insertion et de développement agricole (ANIDA).
En 2017, une Délégation à l’entrepreneuriat rapide (DER) a été créée pour promouvoir l’entrepreneuriat des femmes et des jeunes. Toutes ces agences ont été dotées d’importants fonds, dont l’orientation efficace des ressources devrait réduire le chômage massif des jeunes.
Plus récemment, après les manifestations du mois de mars dernier, faisant plusieurs morts, des blessés et des dégâts collatéraux, le président de la République avait décrété un plan d’urgence pour l’emploi et l’insertion socioéconomique. Ce programme - établi sur 3 ans et doté d’un budget de 450 milliards de franc CFA - s’attache à « résoudre » rapidement le problème de l’emploi des jeunes. Quelle sainte formule ! C’est un pari audacieux que s’est fixé le gouvernement. Certes, l’ambition est louable ; mais cette enveloppe ne pourra pas régler le problème de l’employabilité des jeunes. L’auto-emploi ne garantit pas forcément un emploi pérenne. La célèbre formule : « L’État ne crée pas d’emploi » est devenue une lapalissade, mais un argument d’autorité dans la littérature économique. L’emploi est par essence créé par le secteur privé. Mais, ce dernier continue de subir de plein fouet les effets pernicieux de la crise sanitaire. Le principal rôle de l’État est de créer par le truchement d’institutions fortes un environnement favorable à l’innovation, à la recherche et à la création d’emploi.
Cependant, à examiner l’impact de toutes ces mesures sur le marché de l’emploi, on constate que leurs performances restent toutefois sibyllines et le problème de l’employabilité des jeunes persiste toujours.
Le taux de pauvreté est galopant, le chômage de masse est persistant, la croissance est extravertie et le nombre d’emplois créés est en deçà de la demande intérieure. L’ensemble de ces écarts jettent le doute sur l’efficacité de nos politiques publiques et nous incitent à repenser notre politique d’emploi.
Cette contribution s’attache à identifier plusieurs questions d’analyse dans un contexte de crise sanitaire qui fissure douloureusement les fondamentaux de notre économie.
Quels sont les principaux problèmes liés à l’accès à l’emploi des jeunes au Sénégal ? Quelles politiques d’emplois devons-nous promouvoir pour lutter contre le chômage massif des jeunes ? Le marché du travail est-il flexible ou rigide ? Les fonds investis dans les structures dédiées à l’emploi ont-ils été financés dans des projets rentables ? Existe-t-il un audit de ces structures destinées à la promotion de l’emploi des jeunes et des femmes ? Existe-t-il un réel suivi et une évaluation sérieuse de tous les projets financés ? De telles interrogations - sont à l’examen - sujettes à des discussions, des controverses et des polémiques.
En poussant notre réflexion plus profonde, nous constatons que la « résolution » du problème de l’emploi des jeunes passerait ipso facto par les 5 étapes. C’est ce que j’appelle les 5 règles d’or : la réforme du système éducatif, la réforme du marché du travail, l’investissement massif dans l’agriculture, l’industrialisation du secteur privé, l’intégration du numérique au cœur des politiques publiques.
Règle n° 1 : Réformer le système éducatif
La crise de l’emploi qui sévit dans notre pays s’avère, en effet, un moment favorable à la remise en question de notre politique éducative. La surpopulation dans les universités sénégalaises, le nombre exceptionnel de diplômés sans emploi, et la supériorité de la demande sur l’offre suscitent des interrogations qui pointent les déficiences de notre système éducatif. Or, il est remarquable de noter que le nombre d’emplois créés par le marché (offre) contraste avec le nombre de demandeurs de travail par année (demande). Pour corriger cet important écart, il est urgent d’opérer une série de réformes dont la première devrait porter sur notre système éducatif. Ces réformes doivent émaner d’en bas. Pour ce faire, nous privilégions une approche de type bottom-up, c’est-à-dire des réformes qui émanent de l’enseignement primaire, moyen et secondaire pour remonter au supérieur. Car les 3 cycles (primaire, secondaire et supérieur) sont positivement et étroitement enchevêtrés.
Pour y arriver, l’introduction des langues locales dès les classes de primaire s’avère plus qu’urgente. C’est une nécessité absolue. Le retour d’expériences - observé dans d’autres pays africains notamment au Maroc, au Burkina Faso, en Zambie - montre clairement que les élèves comprennent mieux les matières surtout scientifiques lorsqu’elles sont enseignées dans leurs langues maternelles ou locales.
Au Sénégal, les compétences et les qualités professionnelles que requiert un système éducatif performant sont malheureusement neutralisées par des programmes scolaires importés ou mal conçus. Ainsi, il faut refonder les programmes scolaires en y introduisant des thématiques propres à notre histoire et à notre culture. Le recrutement des élèves-maîtres, des enseignants et des professeurs doit se faire sur base du mérite et non du népotisme. Car un bon enseignant doit évidemment maîtriser sa discipline, être en mesure de planifier correctement ses cours, de concevoir et d’animer pédagogiquement des activités d'apprentissage.
Pour passer d’une école « d’échec » à une école de réussite, il est fortement recommandé d’augmenter les investissements publics. Certes, dans son budget de 2021, l’État a alloué 541 milliards de francs CFA au ministère de l’Éducation nationale et 450 milliards de francs CFA au ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’innovation. Toutefois, ces montants restent toujours superfétatoires face à un énorme déficit en matière d’infrastructures scolaires au Sénégal (déficit d’enseignants dans certaines localités, abris provisoires, manque de services éducatifs, manque d’équipements …). L’investissement dans le capital humain, fait de l’éducation un puissant vecteur de croissance économique. C’est pourquoi il faut doter les enseignants du primaire et du secondaire qui travaillent parfois dans des conditions très difficiles, des équipements nécessaires pour hisser le niveau des élèves et surtout les motiver en facilitant leurs rémunérations et leurs avancements d’échelons.
Par ailleurs, le caractère persistant du chômage de masse, le déficit de capital humain, les carences des services administratifs, éducatifs et de santé sont imputables à « l’inefficacité » de notre enseignement supérieur qui produit presque chaque année de faibles taux de réussites aux examens nationaux. Toutefois, même si nous reconnaissons les efforts du gouvernement dans la création de nouvelles universités pour désengorger celles de Dakar et de Saint-Louis, une réforme structurelle et profonde de notre enseignement supérieur s’impose. Reconnaissons-le ! Tous les étudiants ne pourront pas réussir à l’université. Certains vont réussir et d’autres échouer. Il faut alors encadrer, soutenir et accompagner ceux qui n’ont pas réussi en vue de les réorienter dans leurs domaines de compétence. L’idée de base de cette recommandation maîtresse repose sur le fait que parmi ceux qui échouent à l’université, certains sont dépositaires de compétences avérées dans les métiers techniques. Ce constat devrait amener le gouvernement à multiplier les centres de formation professionnelle pour l’enseignement des métiers à caractère purement technique. Tous les métiers ayant trait à la technicité (menuiserie, plomberie, maçonnerie, sidérurgie, mécanique, couture…) doivent être fortement intégrés au cœur de la liste des métiers à haute tension. Car les étudiants qui ne peuvent, faute de ressources financières, investir dans leurs études expriment une faible demande en matière d’éducation. Par conséquent, ce constat réduit leurs possibilités de réussite et accentue la trappe de la sous-éducation.
La célèbre objection de Pritchett, « Where has all the education gone ? » pose le débat sur la forte proportion du chômage des diplômés au Sénégal.
Mais, avant de poursuivre, une précision s’impose. Nous ne soutenons pas la thèse selon laquelle une seule réforme pourrait résoudre le problème. Moderniser un système éducatif est un long processus et nécessairement une entreprise systémique.
Règle n° 2 : Réformer le marché du travail
Au Sénégal, près de 80% de salariés ne disposent pas de contrats de travail. Une analyse des tendances récentes du marché de l’emploi montre que 41,4% des personnes de la tranche d’âges de 15-34 ans n’ont pas un emploi. Cette situation affecte 51 % des femmes et 29% des hommes de la même tranche d’âge. Le taux d’emploi est plus élevé en milieu urbain avec 49,2% contre 34,9% en milieu rural. Près de 85% des unités économiques sont dans le secteur informel selon les données 2020 du Bureau international du travail (BIT).
Au vu de ces chiffres, peut-on, raisonnablement et valablement, dire que les politiques d’emplois - mises en place par le gouvernement - ont été efficaces ? Non !
Car loin d’être neutres, ces chiffres attestent que l’activité économique est tirée essentiellement par le secteur informel et que le nombre d’emplois occupés par la population active est en deçà des attentes.
Or à y regarder de très près, on s’aperçoit que cette informalité engendre l'ampleur de l'insécurité sociale qui affecte cette composante de la population active. Au Sénégal, beaucoup de salariés ne sont pas déclarés à la caisse nationale de sécurité sociale, donc ne bénéficient pas de couverture médicale. D’une part, cette situation résulte de la précarisation structurelle du marché du travail, qui brouille les frontières entre emploi et chômage et d’autre part multiplie les situations intermédiaires.
En plus, le repli de l’activité économique, le creusement du déficit extérieur, le durcissement des réglementations publiques en matière d’embauche, de rémunération, et la montée du chômage de masse témoignent à bien des égards de la rigidité du marché du travail.
Cette rigidité est la caractéristique d’une précarité des salaires, d’une demande intérieure atone, et d’une faible production des entreprises privées. L’assouplissement de ces différents facteurs d’entrave à la croissance et à l’emploi passe nécessairement par l’instauration de la flexibilité du marché du travail. Cette flexibilité se matérialise par des réformes structurelles censées favoriser la compétitivité des entreprises nationales, impulser une dynamique de création d’emploi et atténuer le chômage des jeunes. Pour y arriver, il convient de miser sur le développement prioritaire des contrats à durée indéterminée (CDI), la hausse des niveaux de rémunération selon le mérite et l’ancienneté, l’assouplissement des conditions de recrutement (entretien d’embauche, baisse des niveaux d’expériences demandés, égalité homme/femme dans les recrutements, la rémunération des stages de plus de 2 mois, le renforcement de la protection des emplois temporaires (CDD, emplois saisonniers…) et mieux encadrer le secteur informel.
La flexibilité et la sécurité de l’emploi reposent sur un triangle de fer : l’assouplissement des dispositifs d’embauche, les indemnisations en cas de licenciement abusif et une politique active de développement des compétences destinée à faciliter le retour à l’emploi.
L’inflexibilité des dispositifs observée sur le marché du travail exerce des effets restrictifs sur la demande globale et partant freine l’accès à l’emploi à certains demandeurs.
Or comme l’attestent les données de l’ANSD, les transgressions de la législation du travail et d'autres réglementations comme les atteintes au droit fiscal freinent la dynamique de création d’emploi dans notre pays.
Cet angle d’analyse devrait amener l’État du Sénégal à définir un nouveau cadre institutionnel qui veillera strictement à l’application du Code du travail, à l’atténuation des mécanismes d’embauche, à la généralisation de la couverture sociale.
Il s’agira aussi d’inciter les PME et les TPE à s’inscrire au registre de commerce pour éviter éventuellement toute dérogation au Code du travail.
À suivre...
Par Abdoul Aly KANE
LES INTELLECTUELS AFRICAINS ET LA CONCEPTUALISATION DU DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DU CONTINENT
C’est avec un réel enthousiasme que nous observons qu’une pensée économique africaine est en gestation.
C’est avec un réel enthousiasme que nous observons qu’une pensée économique africaine est en gestation. Des économistes, des intellectuels pluridisciplinaires ayant engrangé connaissances et expériences dans le monde, sont entrain de poser les bases d’une réflexion sur les voies et moyens endogènes de sortir le continent de l’étau d’une mondialisation de la pensée économique unique. Longtemps, le continent africain a été, et l’est toujours d’ailleurs, présenté comme le continent en retard sur tous les plans. A l’indépendance, déjà, René Dumont disait que l’Afrique était « mal partie ». Vingt après, lorsqu’il s’est trouvé en quasi cessation de paiement, les institutions de Bretton Woods appelés à la rescousse ont recommandé des mesures d’austérité pour enrayer nos déficits publics et fait des injonctions pour dépenser moins et mieux et augmenter nos recettes propres via l’élargissement de la base fiscale. C’étaient là les conditions pour pouvoir disposer de l’aide financière internationale.
Des plans de stabilisation et d’ajustement structurel furent donc mis en place et les pays sous ajustement sommés d’ouvrir leurs marchés au commerce mondial supposé être le lieu d’échanges gagnant/gagnant. Les mesures d’austérité inspirées du Consensus de Washington furent appliquées mais, en définitive, pour des résultats peu concluants selon l’avis du plus grand nombre, y compris celui d’experts de ces organismes. Les principes du Consensus de Washington appliqués à nos pays ont fini de déstructurer les économies, supprimer les emplois d’entreprises anciennement protégées, de casser les sociétés d’encadrement d’Etat au nom de l’austérité budgétaire et de la restauration de l’équilibre des grands agrégats macroéconomiques.
Après 15 années d’ajustement structurel, et une dévaluation du Franc CFA en 1994, l’Afrique, au-delà de la zone utilisant cette monnaie alors parrainée par la France, a renoué à compter des années 2000 avec la croissance économique. Dès lors, le continent est devenu aux yeux du monde économique un lieu d’opportunités économiques et financières à saisir. On en parle désormais comme étant le continent de l’avenir, de la future zone d’émergence économique. Les agences de notation, les banques d’affaires et les Think Tank s’évertuent à classer les pays en fonction du degré d’émergence, à partir de critères divers et variés. Il faut toutefois faire remarquer à ce propos que la notion d’émergence ne renvoie pas à une définition partagée en commun par tous. Au plan continental, l’Union Africaine, via l’observatoire de l'émergence en Afrique dans le cadre de l’agenda 2063, fait ressortir que, sur les 54 pays, seuls 11 méritent d'être appelés émergents. Parmi ces pays du groupe leader de l'émergence en Afrique, à savoir l'île Maurice, l'Afrique du Sud, les Seychelles, le Botswana, le Cap-Vert, le Rwanda, le Ghana, la Tunisie, la Namibie, le Maroc et Sao Tomé-et-Principe. Le deuxième groupe dit «pays du seuil» est constitué par ceux qui ont atteint un stade dont le franchissement pourrait les faire entrer dans l'émergence. Il s'agit aussi 11 pays ayant à leur tête l'Egypte, l'Ouganda, l'Algérie, le Sénégal, la Zambie, la Tanzanie, le Kenya, le Gabon, le Bénin, le Malawi et le Lesotho. Les autres pays, dont la Côte d’Ivoire, le Nigéria et le Kenya, se situeraient dans le groupe des pays potentiellement émergents, ce qui, d’emblée, semble paradoxal. Notons au passage que le géant de l’Afrique de l’Ouest, le Nigéria, ne fait pas partie des pays du « seuil » alors que le Cap Vert et le Rwanda font partie du groupe leader. C’est dire que les critères avancés varient et induisent un classement loin de tomber sous le sens.
En effet, le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Égypte constituent les trois premières économies africaines en termes de produit intérieur brut (PIB). De par leur taille, ces économies sont les principales destinations africaines des investissements directs étrangers (IDE), après Maurice. Elles concentrent à elles seules 35 % des flux entrants en Afrique. Le PIB éthiopien ne représentait en 2019 que 20 % de celui nigérian ! Il est vrai qu’un ouvrier éthiopien gagne un salaire d’environ 30 euros par mois, ce qui pourrait justifier la délocalisation dans ce pays d’unités de confection très utilisatrices de main d’œuvre pour des raisons de compétitivité internationale. Il est également vrai que 1 Éthiopien sur 3 vit avec moins de 1 $ par jour ; mais cela ne saurait justifier d’affubler ce pays du vocable de pays émergent. Classer alors l’Ethiopie parmi les pays avancés et parler du potentiel d’émergence du Nigéria pose problème. Tout cela rend les classements inopérants par rapport à la réalité du terrain. En effet, pour les investisseurs étrangers, payer des salaires décents ne saurait être un objectif. Les IDE vont là où les facteurs de production sont les plus favorables à la constitution de marges substantielles (matières premières à coût bas achetées en Afrique et production en Asie où les salaires sont bas). Leur présence dans le pays d’accueil peut prendre la forme de délocalisation d’unités productives existantes ou celle de réalisation d’installations nouvelles.
Enthousiasmés par ce regain d’intérêt, et pour mieux capter les ressources financières des institutions financières internationales, et attirer les flux d’Investissement direct étrangers, nos Etats se sont lancés dans des plans stratégiques de développement à long terme appelés plans ou programmes d’émergence (le Sénégal a fixé son horizon à l’an 2035). Mis en exécution avec l’aide des bailleurs de fonds, les plans d’émergence suivent leur cours sans pour autant l’existence d’un monitoring partagé, mettant les populations à niveau. Aujourd’hui la tutelle conceptuelle des institutions de Bretton Woods, en matière de développement économique n’est plus de mise.
L’ère des nouveaux économistes africains
Au centre du débat économique africain, on trouve des intellectuels pluridisciplinaires qui mettent comme préalables à l’émergence la transformation structurelle des économies via la valorisation locale des ressources du sol et du sous-sol, et la compétitivité des productions africaines vis-à-vis du reste du monde via une monnaie commune, flexible quant à son taux de change. Le tout avec des autorités monétaires mettant au cœur de leur politique le développement économique via le soutien aux entreprises, et contrôlant moins la masse monétaire dans un souci de stabilité monétaire et de faible inflation.
Les plus connus parmi ces nouveaux économistes du continent ont pour noms Kako Nubukpo, Felwine Sarr, dont la pensée très originale et novatrice est à transformer en grille de lecture, Ndongo Samba Sylla, Alioune Sall « Paloma » et tant d’autres, y compris Daniel Anikpo qui invite à la révolution intellectuelle en Afrique. Daniel Anikpo nous dit en substance que « si on passe son temps à faire appel à l’investissement exogène, on développe l’étranger ! Malheureusement, c’est ce que font les pays africains ; il faut développer l’investissement endogène ! C’està-dire les investissements basés sur les ressources du pays, les hommes du pays, les cerveaux du pays et les transformations du pays ainsi que les finances du pays ; on fait changer tout le pays à la fois ». Il est permis de dire que la voix de nos intellectuels porte au-delà des frontières géographiques du continent. Quelques chefs d’Etat d’Afrique sont tentés de reprendre l’argumentaire de ces économistes dans le sens de la remise en cause de la tutelle pesante des institutions financières internationales, en particulier sur le consensus de Washington. L’opposition d’un Nubukpo au franc CFA n’a pas dissuadé le président Faure de faire appel à ses compétences dans le cadre de la Commission de l’UEMOA.
Toutefois, l’erreur à ne pas commettre par nos intellectuels est de se laisser tenter par les sirènes du pouvoir. Ils doivent rester des intellectuels organiques comme disait l’autre. Au-delà de déconstruire le discours sur l’émergence, leur mission doit également porter sur l’apport de solutions à des enjeux très stratégiques et très pratiques comme la mobilisation endogène et exogène des ressources financières de développement de l’Afrique y compris la participation populaire. Surtout, surtout, cette mission devra aussi porter sur la construction rapide et durable de la ZLECAf.
LA TRICHE, UN REFLET DE LA SOCIÉTÉ SÉNÉGALAISE ?
C’est ici au Sénégal qu'un député appréhendé dans une affaire de faux billets de banque sans être inquiété outre mesure ; un faux douanier a sévi des années avant d’être arrêté. C’est également dans ce pays qu'un faux officier a été déshabillé
Le Sénégal est en train de vivre une transition qui lui fait prendre, non pas le meilleur chemin, mais celui de toutes les turpitudes. Plus grave, les autorités sont fragilisées par la société elle-même à travers le «masla», l’indulgence et l’hypocrisie. Aujourd’hui, la triche dans notre pays a atteint un niveau tel que l’économie risque de prendre un sacré coup et nous placer au dernier du rang des nations aspirant à l’émergence. Enseignants, sociologues et psychologues sont unanimes : c’est le Sénégal lui-même qu’il faut réinventer avec un nouveau type d’école arrimé à nos valeurs sociales et culturelles. C’est en tout cas leur position.
La société sénégalaise traverse des mutations profondes qui ne sont pas en adéquation avec nos traditions, nos usages et nos croyances. « C’est ici au Sénégal que nous avons vu un député appréhendé dans une affaire de faux billets de banque sans être inquiété outre mesure, où un faux douanier a sévi depuis des années avant d’être arrêté. C’est également dans ce pays où nous avons vu un faux officier et un faux médecin», s’indigne le syndicaliste enseignant Tamsir Bakhoum qui se désole que la triche et l’usurpation aient fini de déteindre dans tous les domaines. Parfois, depuis le sommet. « Nous sommes dans une société où la corruption, la magouille, le complot, le sabotage et le mal ont été érigés en règle au détriment des compétences et du mérite. Cheikh Anta Diop et d’autres disaient que les produits de notre école pouvaient changer les choses. Aujourd’hui, le Blanc nous exploite. Mais le Sénégalais nous vole. Ce qui fait que le Sénégalais, l’intellectuel bien formé, n’a d’art que la magouille. Je ne pense pas qu’un cadre qui travaille dans l’appareil d’Etat puisse avoir un milliard dans son compte bancaire, surtout quand il n’a que la politique comme métier. Le plus gros salaire et le niveau de vie imposé à celui qui le gagne fait qu’il ne peut pas économiser la moitié de son salaire.
Bref, le vol est tellement bien organisé dans tous les domaines que les Sénégalais, les jeunes en particulier, pensent que le mérite n’est plus important dans notre société », confie l’enseignant tout en indiquant que « c’est le Sénégal qu’il faut réinventer avec un nouveau type». D’autant que, soutient son collègue enseignant-syndicaliste, Dame Mbodj, «nous sommes ancrés dans la tricherie à tous les niveaux si bien qu’elle est banalisée. Aujourd’hui, ce qui se passe au niveau du ministère de la Santé avec les matériels des Cte (centre de traitement des épidémies), c’est de la tricherie. Les gens sont tortueux».
Des mutations prônant l’esprit matérialiste
D’après les explications du sociologue Djiby Diakhaté, ces mutations mettent l’accent sur l’esprit matérialiste, sur l’individualisme, sur l’égoïsme et la lutte à mort des acteurs pour la reconnaissance. «C’est la compétition et la rivalité. A partir de ce moment, les différents actes posés concourent à donner à l’individu un moyen de se hisser au sommet sans passer forcément par les voies indiquées, normales. Ces pratiques se développent dans une sphère considérée comme modèle par une bonne partie de la population au niveau des instances dirigeantes, la classe supérieure. Tandis que, de l’autre côté, on voit les paysans, les pêcheurs, les artisans qui restent profondément attachés à des valeurs fortes dans l’exercice de leurs activités. Ce sont les gens d’en haut qui se livrent à ces pratiques. Ceux qui sont considérés comme la classe supérieure et qui ne se suffisent jamais de ce qu’ils ont. Ils veulent toujours en avoir plus comme Icare, l’oiseau qui croyait pouvoir voler plus haut jusqu’à atteindre le sommet. Malheureusement, il a fini par perdre ses ailes brulées par le soleil. Ces pratiques de triche ont tendance à se répercuter dans l’école, parce que l’école n’est pas repliée sur elle-même. Elle ressent les contradictions qui traversent la société. Ceux qui font tout n’ont rien, et ceux qui ne font rien ont tout.
Finalement, beaucoup d’écoliers finissent par se dire que la triche, ou la solution de facilité, c’est la voie la plus sûre pour accéder au pouvoir ou aux ressources. Du coup, les jeunes apprenants pensent que les raccourcis sont plus efficaces pour accéder à la réussite. La fin justifie les moyens. Avant, un individu qui réussissait en passant par cette voie était gêné, et la communauté n’était pas fière de lui. Aujourd’hui, c’est le contraire. On veut coute que coûte réussir, quels que soient les moyens. Cela crée une sorte de désacralisation des symboles de l’école entretenue par tous les acteurs. L’école devient un espace où se pratique le service minimum par tous ses acteurs. C’est ce qui explique ce qui s’est passé avec les enfants qui ont déchiré leurs blousses, incendié leurs tables-bancs, déchiré leurs cahiers... Tout cela montre que l’école est devenue pour les apprenants une prison, et les vacances, un espace de libération». Ce qui fera que, pour un pays comme le nôtre, l’économie va prendre un sacré coup, affirme Djiby Diakhaté qui se demande si, à ce rythme, est-ce qu’on va trouver des ressources humaines de qualité pour pouvoir assurer la compétitivité ? « Est-ce qu’on ne risque pas d’être les derniers ?», s’est-il interrogé.
Le comportement des élèves, un véritable reflet de la société sénégalaise
En tous les cas, le psychologue Khalifa Diagne considère que ces actes commis par des élèves à l’école ne peuvent pas être détachés de ce qui se passe dans la société pour la bonne et simple raison que les auteurs sont des membres de la société et les actes sont des faits de société. Qu’on ne peut pas dire qu’il n’y a pas un reflet de la société. Sauf que ce n’est pas un phénomène nouveau. Pour ces cas de fraudes à l’école, «les auteurs ont eu la malchance d’être démasqués. Mais à d’autres échelles plus haut, d’autres le font en cachette et d’une manière très organisée. C’est l’émergence des réseaux sociaux et la floraison des médias qui font que, quand il y a des actes de ce genre, tout le monde est au courant. C’est un phénomène qui n’est pas nouveau, mais l’échelle qui s’est accentuée avec les médias et les réseaux sociaux. Je le dis en me basant sur mon parcours personnel, pas en tant que psychologue, mais en tant qu’acteur. J’ai été témoin de cas de fraudes et de triches à des échelles très organisées. Comme Diourbel et Pire, voire à Mékhé, les deux méthodes sont très originales. Mais là où il y a plus d’inquiétude, c’est que l’instigateur, c’est un propriétaire d’école qui a inscrit des candidats libres au jury de Pire.
En créant leur groupe WhatsApp, ils ont corrigé le sujet philo en oubliant qu’avec la philo, on ne peut pas le faire. Ce ne sont pas les mathématiques où, soit on trouve soit on est dans l’inexactitude. Ici, il s’agit de littérature. L’acte a été prémédité. Ce qui soulève surtout sa gravité, c’est qu’il y a un éducateur qui a été impliqué. Si c’était de jeunes élèves seulement, ça pourrait être compris, mais quand ça implique des enseignants, ça pose problème. Ce sont de mauvais comportements qu’il faut combattre et bannir. Ça conduit à la médiocrité. Vous ne serez pas performant en y ayant recours» estime le psychologue Khalifa Diagne. Il propose d’ériger l’exemple en valeur. «L’exemple doit venir des dirigeants. Le respect ne se force pas par la contrainte mais par les bons comportements. L’autorité n’a pas à recourir à certains discours pour se faire respecter. Mais par l’exemple. Jean Jacques Rousseau, en expliquant comment éduquer un enfant, disait que c’est par « l’exemple, l’exemple ». Il a insisté sur le terme». Par l’exemple ! Donc les sanctions aussi «sont pour l’exemple, et elles doivent être exemplaires». M. Diagne s’offusque du fait qu’au Sénégal, « nous n’avons pas un projet de société dans lequel il y aurait un projet éducatif. » Or, il pense que c’est d’autant plus urgent d’en avoir un qu’il y a la concurrence des réseaux sociaux. De son côté, le sociologue Djiby Diakhaté invite à «accorder de l’intérêt à l’école, arrêter de faire des réformes superficielles, et surtout nous concentrer sérieusement sur l’école. Cela suppose que l’on réexamine la situation des formateurs, renforce les capacités des administrateurs, réforme les curricula, qu’on mette les apprenants dans de bonnes conditions, revalorise la fonction de l’enseignant, et que l’école devienne un passeport pour la réussite sociale». La solution, pour Dame Mbodj, c’est la réforme, et inclure dans les curricula, les modules liés à la moralité et aux valeurs. Car, dit-il, «la compétition va se faire dans la discipline et le savoir fortement arrimé sur les valeurs. Il faut qu’il y ait un changement de paradigme, la révision de fond en comble de notre système d’enseignement pour une société stable ». Vaste chantier !
LA TRICHERIE À L’ÉCOLE N’EST QUE LE REFLET DE CELLE QUE L’ON TROUVE DANS LA SOCIÉTÉ
La fraude est devenue fréquente et banale dans notre société. Elle a fini par atteindre tous les segments de la société avec des Sénégalais partisans du moindre effort et de la facilité
Des textes de 1960 gouvernent l’école sénégalaise de 2021. La triche à l’école est à ce point répandue que le mérite n’est plus important aux yeux des élèves qui la prennent pour une prison sans issue. C’est du moins ce qui ressort des analyses faites par les syndicalistes enseignants Tamsir Bakhoum du Saemss et Dame Mbodj du Cusems Authentique. A les en croire, tous les cas de fraudes découverts montrent l’échec de l’école de Jules Ferry qui serait en déphasage avec nos réalités socioculturelles.
« Team Pékesse », du nom de ce groupe Whatsapp créé par une vingtaine de candidats libres à l’examen du baccalauréat 2021 pour pouvoir tricher, serait-il le reflet de la société sénégalaise en général ? En tous les cas, 15 élèves candidats libres au bac ont été pris en flagrant délit de triche jeudi dernier, premier jour de l’examen du baccalauréat. Ils auraient quitté Dakar pour rallier Pékesse à la recherche du premier diplôme de l’enseignement supérieur.
Membres du groupe dit « Team Pékesse », ils s’étaient organisés avec un complice qui serait à Dakar pour traiter les sujets proposés. Selon Tamsir Bakhoum du Syndicat autonome des Enseignants du Moyen et Secondaire du Sénégal (Saemss), les évènements qui ont accompagné l’année académique 2020-2021 sont « catastrophiques » et « déplorables ». Au-delà des agressions perpétrées par des apprenants sur leurs enseignants, des élèves, candidats au bac, se sont adonnés à la triche.
Pour le cas des candidats du centre de Pékesse, M. Bakhoum pense que la responsabilité de l’école, qui a envoyé ces élèves, candidats libres, est engagée dans cette affaire de fraude. Le centre d’examen de Pékesse aussi. « Parce que quoi qu’il puisse advenir, il y a des surveillants qui ont été convoqués pour être dans les classes. Devant la porte de l’école du centre. Je sais que les centres d’examen sont clôturés et fermés. Aucun élève, conformément aux textes de l’office du bac, ne doit accéder au centre avec un téléphone.
Comment ces élèves ont-ils pu franchir la porte de l’école, entrer dans les classes avec leurs téléphones sans être appréhendés ? », se demande-t-il. Il estime que l’enquête doit être poursuivie pour que tous ceux qui ont été complices dans cette affaire puisse être arrêtés. C’est d’autant plus nécessaire selon lui que « ce que nous avons vu pendant l’examen, nous a beaucoup inquiétés. En tout cas, nous du Saemss, nous ne pouvons pas cautionner que des apprenants puissent se comporter de la sorte ». Mais c’est surtout un cas de triche avérée comme celui de Diourbel qui a soulevé tout un tollé au niveau national.
Des interrogations soulevées
La première interrogation qu’il se pose c’est « comment, dans une société comme la nôtre, un homme peut-il accepter de s’habiller comme une demoiselle avec un soutien-gorge, une perruque, une robe et je ne sais quoi encore pour se présenter dans un centre d’examen ? Il y a quelques jours, les gens criaient à l’homosexualité, mais cette affaire est beaucoup plus grave. En raison du contexte surtout. Un contexte d’examen où des milliers de candidats et des centaines d’enseignants sont convoqués. Dans ces conditions, qu’un garçon supposé être un intellectuel, parce que c’est un étudiant, puisse s’habiller en fille sous le seul prétexte que c’est l’amour qui l’a poussé à se comporter ainsi, j’avoue qu’il y a de quoi être interloqué », s’est-il indigné. Le Saems, d’après Bakhoum, interpelle les acteurs de l’école notamment les ministres de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur sur tous ces cas de fraudes. Il invite l’office du Bac a sévir pour que des sanctions administratives et pénales soient prises à l’encontre de ces fraudeurs.
Le Saems interpelle le président de la République en premier et le ministre de l’Education nationale pour qu’ils prennent toutes les dispositions afin de sauver le système éducatif. « Aujourd’hui, quand vous revisitez les textes qui gouvernent notre école, notre système éducatif, les moins anciens datent des années 2000 alors que nous sommes en 2021. Comment peut-on accepter que des textes de 1960 puissent gouverner l’école sénégalaise de 2021 ? Dans un tel contexte, je pense que les acteurs de l’école sont interpellés pour que nous puissions redéfinir une école propre à l’école sénégalaise, à la société sénégalaise et qui sera basée sur nos valeurs et croyances. Une école qui pourra impulser le mérite pour que, demain, aucun enfant ne puisse être pris dans des affaires de fraudes et de triche. En tout cas, nous du Saems, nous disons que les enseignants se sont battus pour terminer les programmes et de la plus belle manière. Ils ont accompli leur mission et rempli leur contrat. Maintenant, si les parents n’ont pas assumé leur rôle d’éduquer et de suivre leurs enfants pour éviter à ceux d’entre eux qui quittent la maison pour aller passer le Bac de se trouver dans une situation de triche, à ce niveau, les parents d’élèves ont failli ».
En faisant ressortir les maux qui gangrènent la société sénégalaise, il admet que « l’école, c’est la société en miniature. L’apprenant et les enseignants sont des membres à part entière de la société. De ce point de vue, toutes les attitudes qui se voient dans l’une se répercutent dans l’autre. Or, nous ne voulons pas que l’école puisse continuer à être un lieu de triche. Elle doit être le lieu de formation de l’élite qui doit porter le développement du Sénégal pour les années à venir ».
Tout le système manipulé
Pour Dame Mbodj du Cusems Authentique, «ils ont manipulé tout le système depuis le début jusqu’à l’organisation des examens avec leur système de repêchage et leur mode de correction... Je l’avais dit l’année dernière quand ils ont rabaissé le niveau des examens, et gonflé les notes dans certaines zones. J’avais dit que il y a un ajout de 10 points dans les résultats globaux, et au niveau national. L’histoire m’a donné raison. Cette année, pour le Cfee, ils ont perdu 10 points : de 72 %, le taux de réussite a chuté jusqu’à 62 %. L’année dernière, ils avaient dit que c’est Mbour département qui était premier pour ce qui est de la région de Thiès. Que la région de Matam était la première région. C’est faux. Ils avaient caché la réalité malheureusement pour eux.
A Pékesse aussi, celui qui l’a fait, ce Diaz le philosophe, n’est pas un professeur de philosophie. C’est l’occasion d’assainir la pléthore d’écoles privées surtout dans la banlieue. La tricherie, c’est en nous, et cela montre l’échec de l’école de Jules Ferry, une école qui ne nous parle pas qui n’a rien à voir avec nos réalité socio-culturelles».
Et de renchérir : «tous ces problèmes, c’est parce qu’ils sont tous issus de cette école française. Les sortants des daara, c’est rare qu’ils soient mêlés dans des histoires de détournements quand ils sont dans les instances de décisions. Ce système d’enseignement ne met pas les modules d’enseignement de valeurs. On prépare l’individu à l’école. Mais quand une école est arrimée à des valeurs autres que les nôtres, les sortants de cette école sont des gens corrompus. Il y a des exceptions à la règle, mais, en majorité, c’est des gens ancrés dans la corruption. Au Sénégal, on a un problèmes d’élites. Les contre- valeurs sont érigées en valeurs. Si un enfant voit tout cela, et sans sanctions, il minimise...».
LA TRICHE : Une pratique ancrée au sein de la société !
La fraude est devenue fréquente et banale dans notre société. Elle a fini par atteindre tous les segments de la société avec des Sénégalais partisans du moindre effort et de la facilité. Des citoyens rencontrés sont d’avis que le mal est tellement profond que notre société ne pourra pas s’en départir aussi facilement…
Les faits deviennent récurrents. La triche fait désormais partie des mauvaises habitudes non seulement des apprenants mais aussi de nos compatriotes évoluant à tous les niveaux de notre société. Avec l’avènement des téléphones portables, le phénomène s’est dangereusement amplifié. Et à chaque année scolaire, son lot de fraudes. En 2018, à Ndouloumadji (dans la région de Matam), lors de l’épreuve anticipée de philosophie, un élève avait été pris en flagrant délit de triche. Il a été surpris en train de manipuler son téléphone portable en salle d’examen. Et ceci, malgré la note de l’Office du Bac qui interdisait formellement l’introduction des téléphones portables au niveau des centres d’examen. Les années passent et les choses se répètent. A Tambacounda, 15 candidats au baccalauréat 2020 avaient été déférés au parquet. Ils étaient accusés de fraude lors des épreuves. Ces candidats dont 13 garçons et 2 filles auraient créé un groupe WhatsApp pour partager les épreuves corrigées. Cette année 2021 a été celle de trop. Les élèves sont passés à un cran supérieur de leurs turpitudes.
L’Office du Bac a ainsi répertorié plus de 100 cas de fraudes au niveau du Bac général 2021 en cours. Selon un communiqué du ministre de l’Education, un groupe d’élèves a été surpris par les surveillants en train de consulter un corrigé d’un des sujets de l’épreuve de philosophie dans leurs téléphones portables au centre du lycée de Pékesse (Inspection d’Académie de Thiès). Le sujet a été traité par un complice à distance et partagé dans un groupe WhatsApp dénommé ‘’Team Pékesse’’. Il s’agit de 15 candidats libres, tous provenant de Pikine et de Guédiawaye. Ils se sont inscrits au Centre académique de l’orientation scolaire et professionnelle (CAOSP) de Thiès. Ces candidats âgés entre 19 et 25 ans ont tous reconnu les faits et vont passer devant la commission de discipline conformément aux textes en vigueur, fait savoir le ministère. Il y a aussi l’image devenue virale dans les réseaux sociaux d’un étudiant qui s’était déguisé en femme pour composer à la place de sa copine.
Des faits de triche que déplorent des citoyens qui craignent qu’elles e généralisent dans le vécu de la société. « Le Sénégalais ne peut pas se départir facilement de la triche. Ce sont des pratiques devenues récurrentes. Et qui risquent de déteindre sur toute une génération. Malheureusement, ces pratiques sont visibles dans tous les segments de la société. Il n’y a pas que les élèves qui trichent. Dans la corporation de la presse, la triche y prévaut avec des émissions qui sont claquées.