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28 juin 2025
par Abdoulaye Bathily
JOB BEN SALOMON, MARABOUT NÉGRIER ET ESCLAVE AFFRANCHI (4/6)
EXCLUSIF SENEPLUS - En plus des esclaves et de la gomme, l'or occupait une place de choix dans les rivalités des puissances maritimes en Sénégambie. Les missions confiées à Yuba Jallo entraient aussi dans le cadre des convoitises anglaises pour l'or
On comprend dès lors l'acharnement des Anglais à vouloir contrôler les sources de la gomme. Or l'hégémonie française en Sénégambie mettait en péril leurs efforts. Grâce à ses comptoirs d'Arguin, de Portendicke et aux escales du fleuve Sénégal, zone exclusive de traite de la gomme, la Compagnie du Sénégal été devenue le principal fournisseur de gomme en Europe. Elle détenait un monopole de fait sur la distribution de ce produit. Vers 1720, la bourgeoisie française, effrayée par les progrès du grand commerce maritime et des manufactures anglaises, lançait une vaste opération de sabotage de l'économie anglaise. Les négociants de Rouen, Bordeaux, Nantes et la Rochelle qui formaient le groupe le plus actif dans le commerce colonial qui avait fait la fortune de leurs villes, imposèrent un embargo sur les fournitures de gomme à l'Angleterre et à la Hollande. En 1718 la Compagnie du Sénégal, avec l'appui du gouvernement royal, fit racheter par ses agents tous les stocks de gomme existant en Europe. Elle les bloqua ensuite pour provoquer artificiellement une pénurie de ce produit devenu indispensable. L'accaparement des stocks par la compagnie du Sénégal permit à cette dernière de rehausser considérablement le prix de la gomme. Jusque vers 1760 les manufactures anglaises souffrirent d'une crise provoquée par les « disettes de gomme » du Sénégal.
Les importations de la Royal Africain Company baissaient graduellement. Cette baisse provoqua même l'effondrement de la compagnie anglaise en 1755.
Les Anglais réagirent très vivement contre l'embargo français. D'une part la Royal Africain Company encourageait dès les années 1730 des tribus Maures à exploiter les forêts d'acacia qui se trouvaient entre le Bundu et le royaume du Jolof dans la zone semi-désertique du Ferlo. La compagnie anglaise espérait ainsi contrôler le nouveau débouché, d'autant que cette zone était plus facile d'accès à partir des comptoirs de la Gambie que ceux du Sénégal. C'est là une autre raison qui explique l'intérêt des Anglais pour les entreprises de Yuba Jallo. Mais la gomme du Ferlo était de qualité médiocre et, de plus, la production de cette zone était largement en dessous des besoins anglais. Les manufacturiers anglais multipliaient leur pression sur la chambre des communes pour qu'elle prît toutes mesures utiles pour préserver les fournitures normales des gommes du Sénégal. Après le traité de Paris, en 1763, qui mettait fin à la guerre coloniale dite de Sept ans (1756-1763), les manufacturiers anglais obtinrent satisfaction avec la cession du Sénégal à Angleterre.26
En plus des esclaves et de la gomme, l'or occupait une place de choix dans les rivalités des puissances maritimes en Sénégambie. Depuis l'antiquité classique jusqu'à la « découverte » de l'Amérique, l'or du Soudan (Afrique au Sud du Sahara) a joué un rôle majeur dans l'histoire monétaire des civilisations du bassin méditerranéen. Il a contribué de façon décisive à la prospérité de ces civilisations.27 C'est le contrôle des sources du métal jaune qui fut l'un des principaux objectifs des « Grandes découvertes » et qui amena les européens à s'établir sur les côtes d'Afrique.
La découverte des mines d'or et d'argent d'Amérique avait depuis le XVIe siècle entraîné un afflux considérable de métaux précieux en Europe au point de reléguer l'exportation africaine au second rang. Mais cette évolution coïncidait avec un essor sans précédent du commerce international et n'aboutit pas, par conséquent, à étancher la soif de métal précieux qui constituait un handicap à l'expansion de l'économie mercantile de plusieurs pays d'Europe occidentale. Au début du XVIIIe siècle le papier monnaie venait tout juste de faire son apparition. Mais il rencontrait encore la méfiance et l'hostilité aussi bien de certains secteurs du capitalisme commercial que des populations. Ainsi, en France, l'expérience de spéculation financière sur la base du papier monnaie lancée par Law échouait-elle lamentablement en 1723.
En ces temps où l'or exerçait un rôle prépondérant dans les échanges, la Sénégambie, en tant qu'une des sources de ce métal, entrait nécessairement dans les préoccupations stratégiques des grandes puissances coloniales. En Sénégambie les placers aurifères étaient situés dans le triangle formé par le cours supérieur des fleuves Sénégal et Niger et la rivière Falémé. L'or était extrait des alluvions des cours d'eau ou des mines (Bambuk, Buuré). Le Bundu, patrie de Yuba Suleyman Jallo, était précisément situé aux portes de ces placers. Bien qu'au XVIIIe siècle la production d'or de cette zone semble avoir été beaucoup moins importante que celle d'autres régions (Ashanti -Ghana actuel- par exemple), elle n'en constituait pas moins un objet de rivalité entre l'Angleterre et la France. La Compagnie du Sénégal et la Royal africain Company étaient convaincues qu'en prenant en main la direction de l'exploitation des mines elles arriveraient à augmenter sensiblement leur rendement, ou en tous cas à dépasser la production locale qu'elles jugeaient insuffisante. C'est là une autre raison qui avait incité la Compagnie du Sénégal à fonder des comptoirs permanents dans le royaume de Galam (Gajaaga). Quant aux Anglais, dès le début du XVIIe siècle, ils avaient lancé plusieurs tentatives de pénétration dans la zone des mines d'or. La plus importante de ces tentatives fut celle de Richard Jobson en 1620. Ce dernier ne réussit pas à aller au-delà des chutes de Barakunda en Gambie.28 C'est seulement en 1689 qu'une mission anglaise, la mission de Cornelius Hodge, arrivait dans le Haut Sénégal, mais elle revint sans avoir abouti à des résultats concrets.29 Les missions confiées à Yuba Jallo entraient aussi dans le cadre des convoitises anglaises pour l'or de la Sénégambie.
La question de la traite dans l'histoire de la Sénégambie
L'analyse des problèmes liés à la biographie de Yuba Jallo vient de nous révéler l'importance de la traite européenne dans l'histoire de la Sénégambie dans la première moitié du XVIIIe siècle. Les historiens sont unanimes à reconnaître que la traite a été le phénomène qui a le plus influé sur l'évolution du continent noir. S'appuyant sur des principes moraux, ils condamnent tous l'esclavage. Toutefois dans leurs travaux scientifiques, ils formulent des jugements différents, voire opposés, quant aux conséquences de la traite sur les sociétés africaines. A quelques nuances près, les jugements des auteurs contemporains peuvent être rangés en deux grandes catégories. La première école qui regroupe la majorité voit dans la traite le facteur principal du déclin de l'Afrique et de son retard sur les autres continents. Les historiens de cette école30 avancent très souvent la thèse d'une dépopulation massive de l'Afrique à la suite de l'esclavage atlantique pour étayer leur jugement. Mais leur argumentation repose sur des données quantitatives la plupart du temps incertaines.
La deuxième école, toute récente, est formée par des historiens anglo-saxons dont le plus en vue est P. D. Curtin. Celui-ci, au terme d'une enquête très minutieuse dans les archives en Europe, en Afrique et en Amérique sur le nombre d'esclaves « exportés » par le continent noir durant la traite atlantique, aboutit à la conclusion que les chiffres traditionnellement avancés sont exagérés. Selon lui, l’Afrique n’aurait pas exporté plus de 9,5 millions d'individus pour toute la période, jusqu'à l'abolition de l'esclavage (XVIe – XIXe siècles) : les conditions de la navigation atlantique à cette époque n'auraient pas permis aux européens d'en importer plus vers les Amériques. Par ailleurs, en objection à la thèse de la dépopulation massive du continent, il suggère que l'introduction de plantes nouvelles comme le manioc, le maïs, la banane, etc., en Afrique grâce aux liaisons entre ce continent et l'Amérique à partir des relations de traite, a dû contribuer au bien-être des populations africaines et par conséquent agir dans le sens d'une croissance démographique.31 Enfin, il affirme que l'impact de l'esclavage fut très limité dans le temps sur les sociétés africaines, puisque, dès l'abolition de l'esclavage, les sociétés ont fait preuve d'une adaptation rapide aux nouvelles conditions économiques.
La plupart des thèses de P.D. Curtin sont reprises et élaborées par J. D. Fage. Ce dernier se fonde sur deux arguments principaux pour réfuter les thèses de la première école.32 Après avoir montré que les régions les plus touchées par l'esclavage (Golfe du Bénin, côte Congo- Angola) sont paradoxalement parmi les régions les plus peuplées de l'Afrique d'aujourd'hui, il conclut que l'esclavage n'a pas eu les effets démographiques négatifs que l'on prétend – se basant sur l'essor consécutif à la traite d'une part et, d'autre part, des Etats puissants comme les royaumes d'Oyo (Nigeria actuel) et du Dahomey dont l’ascension est liée au commerce atlantique, il estime que la traite a exercé dans l'ensemble une influence historiquement positive sur le destin de l'Afrique.33
A suivre le 24 novembre prochain...
Texte préalablement paru en 1978 dans la collection "Les Africains" de Jeune Afrique qui a autorisé SenePlus à le republier.
26. sur cette guerre de la gomme entre Français et Anglais, voir A Delcourt. La France et les établissements français au Sénégal 1713-1763, Mémoire IFAN N°171952, pp. 179-185.
27. Cf. F. Braudel. La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II. Ed. 1966. Vol I. 422-32.
28. Richard Jobson, The Golden trade or a discovery of the river Gambia, and the golden trade of the Aethiopians, Londres, 1963.
29. Th. G. Stone « The journey of Cornelius Hodge in Senegambia 1689–1690 ». English Historical Review, 1924. pp. 89-95.
30. Parmi ceux-ci on peut citer J. Suret-Canale, Afrique Noire : Géographie, civilisations, histoire, vol. 1, 1961 ; W. Rodney, A History of the Upper Guinea Coast 1545-1800, Oxford, 1970 ; J. Ki- Zerbo, Histoire de l’Afrique noire, Paris 1972, pp. 208–225 ; B. Barry, Le royaume du Waalo, Paris 1972.
31. P. D. Curtin, The Atlantic Slave Trade. A census, The University of Wisconsin Press, 1969, p. 268.
32. Ibid., p 270.
33. J.D. Fage, A History of West Africa, Cambridge, 1969, chap. VI
PLUS DE 80 QUARTIERS IMPACTÉS
Le liquide précieux ne coule plus des robinets depuis quelques jours dans certains quartiers de Dakar. Une situation pénible pour les populations de la capitale. Le Directeur de la communication de Sen’Eau, Ndiaya Diop s’est prononcé sur cette situation.
Le liquide précieux ne coule plus des robinets depuis quelques jours dans certains quartiers de Dakar. Une situation pénible pour les populations de la capitale. Le Directeur de la communication de Sen’Eau, Ndiaya Diop s’est prononcé sur cette situation.
« Nous suivons plus de 380 quartiers mais, nous avons identifié 83 quartiers dont la desserte est relativement déstabilisée. Ces quartiers ne reçoivent pas d’eau 24/24 », a expliqué Ndiaye Diop, qui rassure qu’un système de surveillance a été mis en place pour apporter des correctifs nécessaires à cette situation. Ce, afin qu’aucun quartier ne reste 24h sans alimentation. Selon Ndiaya Diop, Sen’Eau comprend les complaintes des citoyens. C’est la raison pour laquelle, jure-t-il, la société chargée de la production et la distribution de l’eau potable en zones urbaines et péri-urbaines au Sénégal travaille afin que tout le monde puisse être servi.
Pour sa part, Me Masokhna Kane, avocat et défenseur des consommateurs, estime que Sen Eau a échoué. Car, à son avis, avec la SDE la situation était moins grave. « Avec l’arrivée de Sen Eau, on attendait que la distribution de l’eau à Dakar s’améliore. Mais, nous constatons que tel n’est pas le cas », regrette Me Kane soutenant que tout le monde se plaint. Poursuivant son argumentaire, le consumériste ajoute : « L’Etat a fait beaucoup d’investissements supplémentaires dans le secteur de l’eau, mais le problème reste entier. Il y a un manque d’eau grave qui est en train de généraliser et Sen Eau est impuissant à régler le problème ».
Mais, pour son directeur de la communication, Sen’Eau n’est là que depuis dix mois. Ce qui fait qu’on ne peut pas le comparer à la SDE qui a fait 23 ans de service. « Ce n’est pas possible », martèle-t-il. « Sen’Eau a un contrat de 15 ans et un moins d’un an, elle ne peut pas dérouler tout son programme d’investissement », dit-il. Mieux, il rejette l’argumentaire selon lequel la société de distribution d’eau n’assure pas la mission qui lui est confiée. « Depuis que Sen’Eau est là, nous avons fait un bond en avant. Nous tendons vers le point de satisfaction totale des populations. La demande est certes forte mais nous allons satisfaire les demandes des populations dans un horizon proche », rassure-t-il.
LE NOUVEAU DIRECTEUR LISTE SES PRIORITÉS
Le directeur du Centre international du commerce extérieur du Sénégal, Salihou Keita, a listé mardi à Dakar les défis à relever afin de faire du CICES un centre international des affaires, de la culture et des loisirs.
akar, 17 nov (APS) – Le directeur du Centre international du commerce extérieur du Sénégal, Salihou Keita, a listé mardi à Dakar les défis à relever afin de faire du CICES un centre international des affaires, de la culture et des loisirs.
’’Nous avons trois défis à relever, à savoir le défi financier, institutionnel et organisationnel pour atteindre l’objectif principal que nous nous sommes fixés qui est de faire du CICES un véritable Centre international des affaires, de la culture et des loisirs’’, a-t-il déclaré, lors d’une conférence de presse.
Il avait invité les journalistes pour procéder à une présentation de l’état des lieux de la structure et décliner sa feuille de route pour le repositionnement stratégique du CICES dans l’échiquier de l’événementiel économique et culturel national et international dans un contexte marqué par la pandémie de la Covid-19.
Trois mois après sa prise de fonction, M Salihou Keita s’est rendu compte que ’’le CICES avait besoin d’un soutien financier pour prendre son envol car à l’heure où nous sommes il suffit juste d’avoir le courage pour dire que le CICES est pauvre’’.
Il a souligné que l’état de vétusté des infrastructures, les problèmes sécuritaires, et l’occupation peu rationnelle de l’espace, de même qu’une situation peu favorable sur le plan de la salubrité avaient amené à une mobilisation de partenaires stratégiques notamment l’Unité de coordination de la gestion des déchets solides (UCG).
Dans cet esprit, il a décliné sa feuille de route qui porte principalement sur ’’la réhabilitation des infrastructures et la modernisation du CICES, l’organisation des salons orientés sur les secteurs prioritaires du PSE et l’organisation de foires dans les pôles régionaux ainsi que la diversification de l’offre de service’’.
’’La mise en œuvre de ces différents axes stratégiques nous amènera certainement à réaliser notre vision pour le CICES (...)’’, a-t-il assuré.
par Saër Seck Jacques-Henri Eyraud
AUCUN RÊVE NE DEVRAIT TERMINER AU FOND DE LA MÉDITERRANÉE
Doudou rejoignait l’Italie car on lui avait promis que son talent de jeune footballeur allait lui ouvrir des portes. Et s’il avait pu rejoindre l'Europe, les promesses auraient certainement laissé place à une réalité plus brutale
Le Monde Afrique |
Saër Seck Jacques-Henri Eyraud |
Publication 17/11/2020
Nous avons en commun la passion du football. Baignées toutes les deux par le soleil, nos villes ont l’eau comme horizon. L’Atlantique pour Dakar, la Méditerranée pour Marseille. Et ce sont dans les eaux de la Méditerranée qu’un jeune Sénégalais de 14 ans, Doudou Faye, est mort la semaine dernière.
Quatorze ans n’est pas un âge pour mourir sur un bateau aux mains de passeurs sans scrupule. Doudou rejoignait l’Italie car on lui avait promis que son talent de jeune footballeur allait lui ouvrir des portes. Mais voilà, il n’aura pas eu l’occasion de le démontrer. Et s’il avait pu rejoindre les côtes italiennes, les promesses auraient certainement laissé la place à une réalité plus brutale.
Une enquête est en cours et nous ne nous concentrerons pas ici sur les responsables de ce drame et le fait qu’un père ait pu un jour mettre son enfant seul dans un bateau pour l’Espagne puis l’Italie. Mais parce que nous sommes fondamentalement des éducateurs effondrés par cette tragédie, nous pensons aujourd’hui aux copains de Doudou et à tous les enfants, de la banlieue de Dakar aux cités de Marseille, que le football fascine. Et à tous ceux que la misère pousse à suivre les traces de Sadio Mané ou Boubacar Kamara, notre responsabilité est de leur dire ceci :
1) N’écoutez pas les voix malhonnêtes et intéressées qui vous expliquent à quel point votre talent est hors normes. A 14 ans, vous avez encore tout à prouver et rien n’est écrit à cet âge dans le football. Regardez les joueurs qui remportent les compétitions réservées aux moins de 17 ans et analysez ceux d’entre eux qui jouent encore les premiers rôles sur un terrain de football cinq ans plus tard. Vous verrez qu’ils sont peu nombreux.
Tenir le rythme du terrain et de l’école
2) L’Europe du football et ses chimères, l’image du footballeur millionnaire qui voyage en avion privé et roule en voiture de course, masquent une réalité beaucoup plus terre à terre. Quelle que soit la latitude sous laquelle vos rêves vous mènent, devenir un joueur de football professionnel concernera 1 % d’entre vous. Et encore. Rien ne sera facile. Il n’y a pas de filière, de voie tracée, de recette universelle.
LES PROGRESSISTES AFRICAINS DOIVENT CONSTRUIRE LEUR PEUPLE
Babacar Diop est un des rares acteurs qui font de la politique dans notre pays, en articulant rigueur de pensée et discipline militante en vue de bâtir une force appelée dans le futur à devenir hégémonique
J’aime à décentrer mon regard et observer ce que les forces politiques progressistes en dehors du continent africain offrent aux militants et aux chercheurs dans leurs travaux respectifs.
Les récents événements en Bolivie permettent une lecture cruciale pour qui réfléchit sur la gauche et le courant progressiste de façon générale. En novembre 2019, le Président de gauche de la Bolivie, Evo Morales, a été victime d’un coup d’Etat perpétré avec le soutien de l’extrême-droite. Son vice-président Alvaro Garcia Linera, parti avec lui en exil, annonce la prophétie : «Nous reviendrons et nous serons des millions.» Ce mois de novembre 2020, presqu’un an jour pour jour, les deux hommes reviennent en Bolivie à la tête d’une foule immense pour assister, avec des millions de Boliviens, à l’investiture comme président de la République de Luis Arce, leur camarade de parti.
Arce, ancien ministre des Finances de Morales, a été l’artisan du miracle économique du pays, avec notamment la multiplication par trois du Pib, la division par deux de la pauvreté et la suppression de l’analphabétisme. Il s’y ajoute la nationalisation des hydrocarbures qui a fait passer les revenus du pétrole et du gaz à 80% contre 20% précédemment. Partout, la gauche est en net recul, mais la Bolivie demeure un laboratoire pour les militants progressistes, car Morales et Linera ont créé un Peuple qui résiste aux vents électoraux.
En 2017, dans un essai intitulé Construire un peuple, deux universitaires, Chantal Mouffe et Iñigo Errejon, évoquent la nécessité pour la gauche de dépasser le postulat marxiste classique pour construire un Peuple comme une volonté collective. Plutôt que les querelles de chapelle, il convient de construire un Peuple comme une catégorie politique pertinente qui sépare le «nous» des dominés et le «eux» des dominants, afin de parvenir à hybrider les préoccupations des «gens» contre la «caste».
Construire un Peuple requiert d’articuler une multitude de préoccupations hétérogènes, notamment liées à la justice sociale, à l’égalité, à la démocratie, autour d’une chaîne d’équivalence pour produire ce que le philosophe italien Gramsci appelait une vision du monde.
La gauche bolivienne ne s’est pas sabordée dans l’exercice du pouvoir en singeant la droite jusqu’à perdre son âme. Elle a abattu un travail conceptuel pour proposer un chemin alternatif qui place au cœur de son action les masses, afin d’articuler de manière équilibrée les trois plates-formes «économicoproductives» qui coexistent en Bolivie : la communautaire, la familiale et la «moderne-industrielle», comme le souligne Garcia Linera, idéologue du Movimiento al Socialismo (Mas), le parti de Morales.
Le Mas est une école de pensée pour la gauche internationale. D’ailleurs, il a inspiré les jeunes militants de Podemos à leurs débuts. La gauche africaine aurait eu des leçons à tirer de l’expérience bolivienne si par paresse elle ne s’était pas emmurée dans une lutte des places au lieu de concevoir un projet de construction d’un Peuple en apportant des réponses aux questions diverses de ceux qui doivent constituer le cœur de son électorat. Le courant progressiste africain doit proposer un projet de rupture pour une transformation sociale de la société.
Dans un texte brillant paru dans Le Quotidien du 10 novembre, Babacar Diop, leader de Forces démocratiques du Sénégal, brosse le portrait de ce peuple qu’il considère être le fondement de son engagement politique. Diop est un des rares acteurs qui font de la politique dans notre pays, en articulant rigueur de pensée et discipline militante en vue de bâtir une force appelée dans le futur à devenir hégémonique.
A la lecture de sa tribune, j’ai pensé tout de suite à Evo Morales qui a montré aux gauches qu’elles disposaient d’outils conceptuels pour, au-delà de l’acte de diriger, construire un Peuple. Un courant politique rentre dans l’histoire et s’y inscrit durablement en construisant un Peuple. Ainsi, ce Peuple dont parle Babacar Diop est à construire en Afrique, en vue de proposer un chemin politique aux masses ouvrières et paysannes, aux intellectuels, aux classes moyennes déclassées, aux élèves, aux étudiants et à tous ceux qui se lassent de la politique.
Si la gauche bolivienne a reçu le plébiscite du peuple après avoir perdu le pouvoir un an auparavant via un coup d’Etat, c’est parce qu’au-delà de son bilan, elle dispose d’une assise populaire que seul le fait d’être un recours d’espoir permet. Evo sans Evo. Le projet plus que la figure. Les idées au-delà des visages. La prophétie de Garcia Linera s’est réalisée, car ils se sont attelés à construire un Peuple. C’est dans ce travail théorique et militant que les progressistes africains sont attendus.
Par Pr Fary Silate KA
HALTE A LA STIGMATISATION ETHNO-COMMUNAUTAIRE AU SENEGAL !
Paradoxalement, le monde entier est aujourd’hui hanté par les démons du nationalisme populiste, notamment en Europe, et le repli identitaire ethnocentré en Afrique.
La stigmatisation ethnique contre les Peuls-Fulɓe commence à prendre forme, de façon insidieuse mais rampante, au Sénégal. C’est tout à la fois triste et grave pour notre pays. Les exemples font foison aussi bien dans les discours post-électoraux que surtout dans les réseaux sociaux.
Des Directeurs de groupes media, des journalistes, des parlementaires, des sénégalais lambda et maintenant des personnalités religieuses s’y mettent à qui mieux mieux.
Il urge d’y mettre un terme pendant qu’il est encore temps !
Paradoxalement, le monde entier est aujourd’hui hanté par les démons du nationalisme populiste, notamment en Europe, et le repli identitaire ethnocentré en Afrique. Même les hommes politiques de certains Etats jouent parfois sur ce levier pour arriver à leurs fins. Or, ce type d’attitude et de comportement est ce qu’il y a de pire pour la paix et la concorde nationale au niveau d’un pays. Tout se passe comme si les gens ne tiraient pas les leçons de l’histoire !
Sous ce rapport, notre pays, le Sénégal, a toujours été un havre de paix, de cohésion et de concorde communautaire et nationale. Nous souhaiterions que cela perdure de façon pérenne, car c’est seulement dans la paix que peut se construire l’émergence socio-économique dont nous rêvons tous.
Or ne voilà-t-il pas que, dans une vidéo qui circule sur WhatsApp depuis quelques jours, un discours tenu en 2019 et remis au goût du jour, une personnalité religieuse, qui s’était du reste clairement identifié sur Hannène TV, lors d’une cérémonie religieuse, avait tenu des propos gravissimes et dangereux sur la communauté peule qu’il a lui-même ciblée nommément. Voici ce qu’il disait en substance : « Nous vivons avec des gens, les Peuls, qui sont prompts à nous agresser, nous mutiler voire nous tuer avec leurs machettes. Il s’y ajoute que ce sont de voleurs de bétails. Si les pouvoirs publics ne font rien, nous allons régler le problème par nous-mêmes… ». Voilà qui a le mérite d’être clair ! Et fallacieusement dangereux.
Ces propos sont d’une dangerosité jamais égalée au Sénégal, pour la paix et la cohésion nationale. Avait-on seulement besoin de les « déterrer » aujourd’hui ? Personnellement, je condamne fermement et clairement ce type de discours haineux et irresponsable ! Et si les Peuls aussi se mettaient à égrener leurs griefs vis-à-vis de ces mêmes personnes, généralement agriculteurs - et Dieu sait qu’il n’en manque pas – et qu’ils décidaient de « régler le problème par eux-mêmes » à leur tour, qu’adviendrait-il de notre cohésion nationale ?
En ma qualité d’africain et peul du Sénégal, et en ma qualité de citoyen tout court, soucieux de la paix dans notre pays et en Afrique de façon générale, j’interpelle personnellement et solennellement les autorités publiques compétentes de ce pays pour qu’elles prennent toutes les dispositions idoines afin que cette spirale de stigmatisation ethnique contre les Peuls, comme contre quelque groupe communautaire que ce soit, par quelque canal de communication que ce soit, soit arrêté immédiatement et définitivement dans notre pays.
AMBASSADE D'ESPAGNE
Pleurer les 480 morts en mer en étant restés insensibles aux autres tragédies du quotidien qui charrient plus de morts, c’est avoir accepté le statut que les Européens nous ont défini : des sous-hommes qui doivent rester dans leur ghetto…
En 2007, dans les colonnes de l’éphémère quotidien « Place Publique », Omar Sharif Ndao étale dans un reportage la grande tragédie des Sénégalais qui affrontent alors l’écume des mers pour prendre d’assaut l’Europe. Sur la plage de Hann, il y trouve la célébrité de ce système clandestin, un personnage haut en couleurs, qui vend du voyage casse-cou aux aventuriers du désespoir. Son surnom : « Ambassade d’Espagne »…
Tout est dans ce sobriquet. La tragédie part de cette discrimination insupportable qui veut que le voyage vers l’Europe constitue un délit pour un Africain. Le cérémonial chinois afin d’obtenir un titre de séjour pour un Africain est une insulte permanente à laquelle nos compatriotes répondent à leur façon. Rebaptiser « Ambassade d’Espagne » un sombre passeur et considérer comme un visa sa bénédiction surréaliste… Puisque les Etats africains laissent faire l’Europe et l’Amérique !
Cette année, l’hécatombe reprend de plus belle. Elle vient couronner une longue période de disette des familles en situation précaire. En réalité, depuis 2017, l’économie est tournée vers la réélection de Sa Rondeur. En 2017, la campagne pour les législatives a lancé l’assaut. Les moyens dépensés s’ajoutant au ralentissement des activités gouvernementales. Tout est fait depuis pour assurer sa réélection : des cadeaux en veux-tu, en voilà, des projets pharaoniques inachevés, le débauchage des moins récalcitrants. 2018 est surtout une année durant laquelle la « politique politicienne » prend le pas sur toute autre considération rationnelle. L’Exécutif se sera mis au service de la réélection du président sortant, que les chiffres des législatives ne rassurent alors pas du tout : sa coalition ne s’en sort qu’avec 49,7 % des suffrages malgré tous les moyens parfois inavouables déployés. A la présidentielle, avec ça, c’est le deuxième tour assuré, synonyme d’abattoir…
La campagne présidentielle de 2019 sera surtout une débauche de moyens frisant l’indécence. Les caravanes de militants sillonnant le pays aux frais de la princesse, les petits et grands cadeaux pour ramener de l’électeur dans son camp, pendant que l’activité économique est à l’arrêt, hormis celle qui fait tourner la machine électorale : confection de tee-shirts, casquettes, banderoles, sono, affiches etc. Pendant ce temps, les entreprises qui vivent des marchés publics attendent leur dû…
Passée la présidentielle, retour à la dure réalité : les finances publiques sont exsangues et l’Etat traîne une ardoise (à ce niveau-là, c’est plutôt un tableau noir) qui culmine pas loin des 1.000 milliards CFA de dette intérieure et tous les grands chantiers, dont le plus spectaculaire, le TER, sont à l’arrêt.
Le coronavirus, paradoxalement, est une bouée de sauvetage pour Sa Rondeur Macky. La pandémie qui sévit dans le monde lui donne un exutoire, et fournit un habillage tolérable à la pauvreté grandissante des ménages. La mise en scène est imparable : le train de vie de l’Exécutif est théâtralement réduit à sa plus simple expression, sous l’aspect d’un « fonds de riposte » de 1.000 milliards CFA dont des miettes sont saupoudrées dans la populace, de préférence aux plus gueulards, tandis que le confinement arrête officiellement l’activité économique déjà essoufflée, et l’Etat d’urgence empêche surtout toute manifestation hostile à la catastrophique gouvernance. Même les opposants les plus irréductibles sont obligés de la fermer…
Oui, tout cela est bien beau mais ça n’empêche pas les ventres de crier famine !
Inutile de détailler à quel point la violence de la société envers les démunis, les pousse à préférer la mort dans les océans plutôt que l’humiliation permanente parmi les siens…
Bien sûr, il faut un coupable et il sera tout trouvé : « Ambassade d’Espagne » et ses congénères qui se font de l’argent en jetant notre jeunesse par-delà l’écume des mers. Bien sûr, les passeurs et les piroguiers seront traqués et jetés en prison ; des pères de famille aussi, pour avoir embarqué leurs rejetons dans ces bateaux ivres…
Dans cette affaire, les vrais coupables sont le consul d’Espagne et ses semblables de l’Union européenne, de même que leurs patrons qui ont su faire d’un simple voyage pour les Africains, une chaine de délits à réprimer sévèrement. Nos dirigeants, tant que leurs passeports diplomatiques les épargnent de ces humiliations, feront encore longtemps semblant de ne rien voir, ne se sentiront jamais offusqués. Après tout, ce n’est pas eux qui passent une journée devant un consulat pour ensuite s’entendre dire qu’ils ne sont pas dignes de poser des pieds en Europe ou en Amérique.
Nous sommes encore et toujours dans les drames de la pauvreté. Les 480 morts en mer viennent tout juste s’ajouter aux 500 morts annuels du palu, aux milliers d’autres victimes de la malnutrition, de l’anarchie routière, des déficits en infrastructures de santé et d’éducation.
Les pleurer en étant restés insensibles aux autres tragédies du quotidien qui charrient plus de morts, c’est avoir accepté le statut que les Européens nous ont défini : des sous-hommes qui doivent rester dans leur ghetto…
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DES MILLIERS DE DEPLACES RISQUENT D'ETRE PRIVES DE LEUR DROIT DE VOTE
Au Burkina Faso, des milliers d'habitants ont fui les attaques terroristes qui sévissent dans certaines régions du pays.
Au Burkina Faso, des milliers d'habitants ont fui les attaques terroristes qui sévissent dans certaines régions du pays. Ces déplacés internes risquent d'être privés de leur droit de vote lors des élections du 22 novembre, durant lesquelles la sécurité nationale sera un enjeu majeur.
Aujourd'hui, le pays compte plus d'un million de déplacés internes. Alors que les élections présidentielle et législatives se tiendront dimanche 22 novembre, cette frange de la population risque de ne pas pouvoir voter.
LE MÉDECIN-CHEF APPELLE À LA VIGILANCE
Dr Yaya Baldé, a appelé les différents acteurs impliqués dans la lutte contre la Covid-19 à poursuivre la sensibilisation sur cette pandémie ’’qui reste encore présente au Sénégal, malgré une tendance baissière du nombre des cas’’.
Kolda, 17 nov (APS) – Le médecin-chef de la région de Kolda, Dr Yaya Baldé, a appelé les différents acteurs impliqués dans la lutte contre la Covid-19 à poursuivre la sensibilisation sur cette pandémie ’’qui reste encore présente au Sénégal, malgré une tendance baissière du nombre des cas’’.
‘’Nous invitons les acteurs des médias à continuer la sensibilisation contre la maladie. C’est vrai que nous constatons une tendance baissière des cas de contamination, mais c’est également le moment de redoubler de vigilance, car dans certains pays en Europe on remarque la recrudescence des cas. (…)’’, a-t-il recommandé.
La région de Kolda compte beaucoup d’émigrés qui reviennent souvent au bercail, a-t-il rappelé à l’ouverture lundi d’un atelier de formation sur la désinformation et le fact-checking à l’intention des journalistes et animateurs des radios communautaires des régions de Sédhiou et Kolda dans le cadre de la lutte contre la Covid-19. Aussi a-t-il appelé à persévérer dans la lutte contre la Covid-19.
Cette région où 216 contaminations et 8 décès ont été dénombrés depuis l’apparition de la pandémie, ne compte plus aucun cas actif de coronavirus, a-t-il précisé.
Devant le relâchement des populations par rapport au respect des mesures barrières, Dr Yaya Baldé a saisi l’occasion pour inviter tous les acteurs à une large mobilisation contre la maladie et maintenir la surveillance, notamment au niveau communautaire et des frontières.
‘’L’objectif principal du projet est de renforcer, à travers les médias communautaires, la résilience des citoyens face à la désinformation liée à la COVID 19 et limiter ainsi la propagation de la maladie et la résurgence des cas de contamination’’, a expliqué Codou Loum, présidente du Réseau des femmes des radios communautaires.
Elle recommande d’encourager les médias à partager de manière professionnelle et efficace des informations vitales et débusquer la désinformation sur la COVID-9.
La rencontre, prévue sur trois jours, est soutenue par l’UNESCO et l’Union européenne, en collaboration avec le Réseau international des femmes (RIF), l’Union des radios communautaires (URAC) du Sénégal et Africa Check, première organisation indépendante de fact-checking en Afrique.
SI LES ESPAGNOLS SE REVOLTENT, TOUS LES MIGRANTS SENEGALAIS SERONT MASSACRES DANS LES ILES CANARIE
Selon Moustapha Sow, président de l’Association des Sénégalais des Iles Canaries, le phénomène de l'émigration irrégulière est devenu à la fois plus dramatique et excessif au point de provoquer la haine et la colère des habitants espagnols
Moustapha Sow est le président de l’Association des Sénégalais des Iles Canaries ou Gran-Canaria, une région d’Espagne regroupant les iles Tenerife, Las-Palmas, Fuerteventura, Gomera etc. Etabli à Las Palmas depuis près de 40 ans, Tapha Sow avait facilité le séjour du reporter du « Témoin » en 1997 aux Iles Canaries lors de l’arrivée des premières pirogues de la mort. Aujourd’hui, il nous explique que le phénomène est devenu à la fois plus dramatique et excessif au point de provoquer la haine et la colère des habitants espagnols. Sur ce point, Tapha Sow alerte le gouvernement du Sénégal et l’invite à prendre ses responsabilités pour éviter une éventuelle chasse à l’homme noir qui peut basculer dans un génocide. Exclusif !
Le Témoin : Comment vivez-vous la situation dans la Grande-Canarie où les pirogues sénégalaises continuent de débarquer leur lot de migrants ?
Moustapha Sow : D’abord, permettez-moi au nom du peuple sénégalais de demander pardon au peuple espagnol et particulièrement aux populations des Iles Canaries ou la Grande Canarie si vous préférez. En ma qualité de président d’association des Sénégalais et membre de la Fédération des ressortissants africains, je demande pardon au gouvernement espagnol pour le tort causé avec ces milliers de migrants africains, et particulièrement sénégalais, qui ont envahi illégalement le territoire d’autrui. Le monde est régi par des lois, et tout étranger désirant entrer dans un territoire comme l’Espagne doit remplir les conditions d’entrée et de séjour édictées par les autorités de ce pays. Malheureusement, tel n’est pas le cas chez les migrants sénégalais qui débarquent irrégulièrement en Espagne. Je ne cesse jamais de le répéter, « Le Témoin » (votre serviteur) a été le premier journal sénégalais voire africain à effectuer un reportage aux Iles Canaries en 1997 lors de l’arrivée des premières pirogues. Votre reporter se souvient sans doute d’un cimetière musulman que le gouvernement espagnol avait aménagé pour l’inhumation des cadavres échouant sur les plages. Aujourd’hui, ce cimetière est plein et les autorités communales sont tellement dépitées qu’elles n’en envisagent même pas l’extension. Et pourtant, chaque jour, en moyenne plus de 200 cadavres de migrants clandestins échoués sur les plages des Iles-Canaries sont ramassés et enterrés dans des fosses communes. Je dis bien fosses communes. Quant aux pirogues et barques de fortune, la mairie fait actionner les Caterpillar pour les écraser dès leur arrivée. Juste pour vous dire que la situation que nous vivons est beaucoup plus inquiétante et dramatique que celle des années 1997, 1998 et 1999. Un phénomène indescriptible ! Le gouvernement espagnol est dépassé par la ruée des migrants vers les iles-Canaries. Plus de 4.000 migrants africains composés de Sénégalais, Maliens, Nigérians, Gambiens et autres sont maintenus dans des centres de rétention pour tenter de dissuader les départs de milliers de migrants vers l’archipel des Canaries. Hélas, jusque- là, on n’entend ni le président Macky Sall, ni l’ambassadrice du Sénégal à Madrid encore moins le consul honoraire du Sénégal à Las-Palmas se prononcer sur cet horrible drame de l’émigration clandestine, ne serait-ce que pour présenter les excuses du gouvernement du Sénégal au peuple espagnol.
Justement, quel est l’état d’esprit des populations des Iles-Canaries comptant plus de 2 millions d’habitants face aux « envahisseurs » africains ?
Vous savez, j’ai fait plus de 40 ans en Espagne où je me suis intégré dans un peuple espagnol accueillant et sympathique. Je peux même vous témoigner que le peuple espagnol est le plus tolérant et le plus accueillant d’Europe à l’égard des étrangers que nous sommes. Mais toute chose a une limite ! A l’heure actuelle, les populations espagnoles nourrissent un sentiment de haine à l’encontre des migrants clandestins. La semaine dernière, elles ont organisé des manifestations de protestation pour exiger que le gouvernement de Madrid trouve rapidement des solutions et freine les arrivées des migrants vers l’archipel des Canaries. A travers ces manifestations, les populations autochtones non seulement dénoncent la situation irrégulière de ces milliers de migrants mais encore ruminent leur colère du fait que, disent-ils, ces migrants violent et engrossent leurs filles et commettent aussi des agressions et des cambriolages. Ces manifestations ne sont qu’un signal d’alarme car les Espagnols sont actuellement très préoccupés par la deuxième vague de pandémie. En effet, ils évitent de multiplier les manifestations massives à cause de la propagation du coronavirus.
Donc, si nous avons bien compris, c’est la pandémie qui freine leur détermination à en finir avec les migrants…
Exactement ! En clair, ils ne comptent pas lutter sur deux fronts. Mais une chose est sûre, si les Espagnols se révoltent, tous les migrants sénégalais voire africains seront massacrés dans les Iles Canaries. Je suis mieux placé pour alerter le gouvernement du Sénégal à prendre ses responsabilités face à un éventuel génocide sur fond de xénophobie. Aucun homme noir n’échappera à la vindicte populaire puisqu’ils seront coincés dans des territoires entourés d’eau et ne pourront donc fuir nulle part. Il est vrai que les Espagnols sont très tolérants mais quand ils se révoltent, leurs actes de violence et de cruauté sont sans commune mesure. Ils peuvent être pires que les Anglais et les Allemands.
Croyez-vous que les Espagnols pourraient réellement être poussés à déclencher cette cruelle chasse aux migrants clandestins ?
Bilahi, Walahi, Tallahi…je vous jure que les populations espagnoles finiront par se révolter face à l’afflux des migrants ! Aujourd’hui, les agents de la police, les gardes-côtes et les éléments de la Marine espagnole en ont marre de cette situation synonyme de provocation. Sans oublier les agents de la Croix-Rouge et du Service d’Hygiène qui s’activent dans le ramassage des cadavres. Ces agents étatiques et autres élus locaux sont tellement dépités qu’ils ne veulent même plus donner à manger ou à boire à ces migrants qualifiés de « merde » ! Comme vous le savez, jusque-là, les autorités communales et les populations toléraient le fait que les migrants marocains venaient avec des zodiacs de 25 à 50 personnes tous les jours. Là au moins, on pouvait comprendre ! Ce, contrairement aux Sénégalais qui ont trop exagéré avec leurs pirogues ayant à leur bord 150, voire 300 passagers. Sans oublier la majorité des passagers décédés en haute mer que les vagues ne cessent de rejeter au bout de quelques jours sur les différentes plages espagnoles. Vraiment mes compatriotes sénégalais « Dagno Eupeul » (Ndlr, ils exagèrent). Rappelez-vous ce qui s’était passé en Afrique du Sud lors des émeutes xénophobes où des migrants et commerçants africains noirs ont été brulés vifs dans les rues sans autre forme de procès. Et pourtant, ceux qui commettaient ces actes étaient des Noirs comme eux ! Jusque-là, le gouvernement sud-africain n’a ouvert aucune enquête pour élucider ces morts passées par profits et pertes dans les archives d’un séjour irrégulier ou émigration clandestine. Ce que je crains, c’est que si le gouvernement du Sénégal ne prend pas de mesures répressives pour arrêter les départs exagérés de jeunes Sénégalais, les Iles Canaries feront pire que l’Afrique du Sud. Parce qu’ici, aux Iles Canaries, les migrants sénégalais, maliens ou gambiens n’ont pas de boutiques ou de commerces pouvant subir des pillages, donc ils risquent de le payer chèrement de leur peau !