Dakar, 9 nov (APS) – L’actualité politique et le rassemblement de protestation contre les caricatures du prophète de l’islam organisée samedi à Dakar sont traités en priorité par les quotidiens parvenus lundi à l’Agence de presse sénégalaise.
En politique il est surtout question des suites du dernier remaniement du gouvernement et de l’ouverture de la majorité présidentielle à des franges de l’opposition avec en prime la nomination du candidat arrivé deuxième de la présidentielle de 2019, Idrissa Seck au poste de président du Conseil économique, social et environnemental (CESE).
+Source A+ par exemple consacre sa Une à la présidente sortante de cette institution Aminata Touré, en soulignant qu’après avoir refusé de prononcer le nom du chef de l’Etat au moment de déposer les rapports des contributions des conseillers, l’ancien Premier ministre a quitté tous les forums virtuels de discussion de l’Alliance pour la République (APR, au pouvoir).
‘’Osons le dire ! L’ancienne présidente du CESE a fini de mettre la dernière pelletée sur le cercueil de son ancien mentor dont n’a cité la moindre syllabe du nom lors de son dernier speech sur le perron de l’institution héritée par Idrissa Seck. En effet, Aminata Touré a quitté les différents groupes ‘’WatsApp’’ de l’APR dont celui dans lequel interviennent tous les ministres, directeurs généraux issus du parti présidentiel’’, croît ainsi savoir le journal.
L’ancien Premier ministre n’est pas le seul membre de la mouvance présidentielle à adopter cette posture que d’aucuns qualifient de défiance à l’égard du président de la République.
L’AS quotidien se fait écho d’une sortie de l’ancien directeur général de la société de transports publics Dakar Dem Dikk (DDD), Moussa Diop, lequel a, à travers un meeting politique organisé à Podor, dans le nord du pays ‘’n’a pas mâché ses mots en défiant publiquement le chef de l’Etat’’ et le maire de cette commune de la région de Saint-Louis.
‘’Contrairement aux défenestrés du gouvernement qui disent attendre d’autres missions, Me Moussa Diop, qui regrette son soutien à Macky Sall pour s’être allié à Idrissa Seck, ouvre la voie de la dissidence’’, commente de son côté le journal Kritik’.
D’autres journaux évoquent les dissensions engendrées dans la coalition ayant porté la candidature d’Ousmane Sonko à la présidentielle de 2019 à la suite d’une audience d’un de ses membre, Boubacar Camara avec le président de la République.
Cela laisse penser au journal La Tribune, que Macky Sall avait réussi à faire exploser la coalition de Sonko dans la mesure où l’intéressé (Camara) a annoncé son départ de ce regroupement politique au profit d’un autre pôle.
‘’Boubacar Camara, ex-allié d’Ousmane Sonko, a été reçu en audience le 11 octobre dernier. La révélation a été faite par le journaliste Adama Gaye, qui relève la coincidence entre cette audience et le départ du parti de ‘ex-directeur général des Douanes de la colaition Jotna le vendredi. Camara confirme l’audience mais précise que l’entretien ne portait pas sur des sujets politiques’’, fait remarquer le journal Le Quotidien.
Dans l’Observateur, il est question du ‘’nouveau schéma politique de Macky Sall’’ en perspective après le ralliement d’Idrissa Seck. La publication entrevoit une large coalition devant traduire une volonté du chef de l’Etat de regrouper tous les partis d’obédience républicaine pour mener la bataille politiques de 2024.
‘’Chez Macky Sall, l’héritage politique semble sauf. Malgré les cris d’orfraie de quelques souteneurs, perturbés par le ralliement d’Idrissa Seck, les accusations de ses pourfendeurs caractérisant d’infamie ce qui se passe dans le lanterneau politique, le président est resté droit dans ses bottes d’élève de Wade’’, commente le journal du groupe futurs médias (GFM).
Autre acteur politique dont les faits et gestes sont scrutés par la presse : Khalifa Ababacar Sall. S’appuyant sur une manifestation politique présidée le week-end par l’ex-maire de Dakar, à Guédiawaye, une commune de la banlieue dakaroise, Enquête soutient que Khalifa Sall tisse sa toile en direction des élections locales à venir.
Le Soleil pour sa part illustre sa Une d’une photo de Joe Biden, déclaré vainqueur de la présidentielle américaine de mardi, en insistant sur le ‘’sacre d’un persévérant’’.
’’Résilient. Ce mot résume à lui seul la vie du président élu des Etats-Unis, Joe Biden. Chaque étape de sa vie est une épreuve, mais toujours stoïque, il ne recule jamais et se relève toujours’’, rapporte le journal dans un portrait consacré au futur successeur de Donald Trump à la Maison Blanche.
Pendant ce temps, Sud Quotidien propose à ses lecteurs une plongée dans le rassemblement de protestation contre les caricatures du prophète Mahomet (PSL) et les propos ‘’islamophobes’’ de Macron.
‘’La Fatwa de Dakar’’, s’exclame la publication à sa Une en indiquant que toute la communauté musulmane du Sénégal était représentée, y compris les familles religieuses qui avaient dép^ché chcune une délégation. De même que des membres de la société civile, des activistes et hommes politiques étaient de la partie.
Dakar marche pour Mahomet et contre ‘’l’islamophobie de Macron’’, estime Vox Populi en insistant sur le fait que des milliers de musulmans ont répondu à l’appel du Rassemblement des Sénégalais contre l’islamophobie (RSI).
‘’Hommes, femmes, jeunes, vieux, adolescents de toutes les confréries musulmanes, mais aussi des chértiens, ils étaient des milliers à être sortis pour dire non à l’islamophobie et dénoncer la posture ‘’anti-islam’’ du président français Emmanuel Macron’’, rapporte le journal.
A travers des photos en médaillon de jeunes portés disparus en essayant de rallier l’Espagne par la mer en première page, Libération tente sans doute de rappeler que la crise migratoire n’avait pas encore faibli au regard de ses ‘’drames en séries’’.
Le journal soutient qu’en trois jours, au moins 738 Sénégalais sont arrivés en Espagne, alors qu’un nouveau drame au large de la Mauritanie aurait fait de nombreuses victimes.
La publication fait au passage remarquer que beaucoup de localités du Sénégal sont endeuillées.
«MACKY SALL A CLARIFIE LE JEU POLITIQUE AU SENEGAL»
C’est la conviction de l’ancien ministre, Mamadou Ndoye qui croit fermement que cela a permis de reconnaitre ceux qui n’avaient pas leur place dans l’opposition
En ouvrant le gouvernement au leader du parti Rewmi, Idrissa Seck, le chef de l’Etat Macky Sall a rendu un grand service à la Nation, en clarifiant le jeu politique. C’est la conviction de l’ancien ministre, Mamadou Ndoye qui croit fermement que cela a permis de reconnaitre ceux qui n’avaient pas leur place dans l’opposition, mais surtout de voir d’un côté les «prédateurs» et de l’autre ceux qui croient aux idées de défense de la Nation sénégalaise. L’ancien Secrétaire général de la Ligue démocratique (Ld) était l’invité hier, dimanche 8 novembre, de l’émission politique Objection, de la radio Sud Fm.
L’ouverture du gouvernement à d’autres forces politiques. On en parle encore. En effet, l’entrée dans la mouvance présidentielle du candidat classé deuxième à la présidentielle de février 2019, continue de susciter des réactions et moult interrogations sur les vrais motivations du président de la République, Macky Sall, mais aussi de celles d’Idrissa Seck. Mais, cela semble être clair aux yeux de l’ancien ministre, Mamadou Ndoye. Invité à l’émission politique de Sud Fm hier, dimanche 8 novembre, il a estimé que la formation de ce nouveau gouvernement d’ouverture a permis une certaine lisibilité du jeu politique, avec un vrai positionnement des acteurs.
De son point de vue, «il (Macky Sall) nous a rendu un très grand service. Il a clarifié le jeu politique au Sénégal. Parce qu’il y a des gens positionnés dans l’opposition qui n’ont rien à faire dans l’opposition. Idrissa Seck est dans l’opposition à titre d’opposition personnelle à Macky Sall. Il n’était pas dans l’opposition du point de vue de l’opposition de projet politique. Pas du tout».
L’ancien Secrétaire général de la Ligue démocratique (Ld), démissionnaire pour avoir été mis en minorité concernant le compagnonnage du parti dans la mouvance présidentielle, reste catégorique qu’Idrissa Seck et Macky Sall «ont le même projet politique». Il ira même jusqu’à les qualifier de «prédateurs», estimant qu’ils ne sont mus que par la conquête du pouvoir et sa conservation, reléguant au second plan le développement du pays ou encore le renforcement de la démocratie.
Dans ce lot, il y rangera l’ancien chef de l’Etat. Pour lui «Abdoulaye Wade peut être embarqué dans l’opposition d’un point de vu tactique. D’un point de vue stratégique, il n’est pas dans l’opposition. D’un point de vue tactique, évidemment il peut peser et affaiblir l’autre camp. Mais, en vérité, il est dans le même camp que Macky Sall et Idrissa Seck».
Tout compte fait, il dira que ce nouveau gouvernement repositionne les acteurs. Ce qui permet, à son avis, «à tous ceux qui croient à la Nation, à la patrie, qui croient aux conclusions des Assises nationales, qui croient à la démocratie, aux idées de justice et simplement aux idées de défense de la Nation sénégalaise, de pouvoir se retrouver et de clarifier le jeu politique et d’être en face des prédateurs».
«A L’HEURE ACTUELLE, IDRISSA SECK N’A PLUS D’ARGENT»
Quid des réelles motivations d’Idrissa Seck et de Macky Sall ? Sur ce point, Mamadou Ndoye n’a pas été tendre avec le patron du parti Rewmi. Il a ainsi botté en touche tous les arguments servis par Idrissa Seck, à savoir la crise mondiale et son devoir de participer au redressement économique et de préserver un ilot de paix dans la sous-région, sous le couvert du devoir. Ce partisan de la «Gauche» dira sans ambages : «Je ne crois pas au devoir dans la bouche d’Idrissa Seck. Parce qu’Idrissa Seck, en politique, n’a jamais eu de devoir. Idrissa Seck fait partie de ceux qu’on appelle les cyniques en politique, tout est calcul pour lui. Il n’y a pas de devoir, il n’y a pas d’éthique en politique chez Idrissa Seck».
Enfonçant le clou, Mamadou Ndoye a fait un rappel historique du parcours politique de l’actuel président du Conseil économique, social et environnemental (Cese). «Quand le politicien considéré comme le plus tortueux du Sénégal, vous arrivez à le détourner pratiquement, à être plus rusé que lui, à lui prendre son argent, vous pensez que celui-là, en politique, croit à la morale et à l’éthique ? Je parle d’Idrissa Seck par rapport à Abdoulaye Wade. Idrissa Seck a dit ici, devant tout le monde, qu’il avait pris l’argent de Wade, qu’il a trompé Abdoulaye Wade. Comment peut-on considérer qu’Idrissa Seck a le souci de l’éthique et de la morale en politique ?», a-t-il rappelé.
Ainsi donc, il reste convaincu que les vraies motivations d’Idy sont ailleurs. «Ce que je crois, moi profondément, c’est qu’à l’heure actuelle, il n’a plus d’argent. Et n’ayant plus d’argent, il n’a plus de base politique, parce qu’il ne peut bâtir sa base politique que sur la base du clientélisme, c’est-à-dire sur la base de l’achat de consciences», a-t-il confié.
MACKY A REUSSI A SORTIR DE SON MALAISE
Revenant sur les finalités du chef de l’Etat, avec son gouvernement d’ouverture, Mamadou Ndoye trouve que le président avait un but bien déterminé, au sortir de la présidentielle. Il trouve qu’il était habité par un «malaise» pour avoir «manipulé» l’élection présidentielle dernière. La manipulation consiste, à ses yeux, à l’élimination des adversaires politiques bien connus, à la confection d’un fichier électoral à sa guise, à l’affaiblissement des coins qu’il ne maitrisait pas. A cela s’ajoute, à son avis, le discrédit sur les institutions, à cause du refus des candidats de l’opposition de recourir aux institutions d’arbitrage. Ainsi donc, pour juguler ce malaise, «Macky Sall a lancé son fameux dialogue national pour sortir de ce malaise. Ce fameux dialogue national avait comme but de sortir de tout ce malaise et de recomposer un peu le paysage politique. C’est ce qu’il vient de réussir».
MAMADOU NDOYE SUR LA MISE A L’ECART DES TENORS DU GOUVERNEMENT : «Plus on est médiocre et insignifiant, plus on a des chances de rester»
Le chef de l’Etat, Macky Sall at-il un problème avec les ministres brillants, reconnus au plan national comme international ? La question ne semble pas se poser pour l’ancien ministre, Mamadou Ndoye. En effet, l’ancien Secrétaire général de la Ld, faisant une lecture de la mise à l’écart de certaines pontes du régime comme Aminata Touré, Amadou Ba, Aly Ngouille Ndiaye ou encore Makhtar Cissé, fait constater que «dès que quelqu’un sort du lot, je ne sais pas pourquoi pour Macky Sall, celui-là devient un problème».
De l’avis de M. Ndoye «dans le gouvernement de Macky Sall, la longévité dépend de la discrétion, pour ne pas dire quelque chose qui peut le mécontenter. Elle dépend de la médiocrité et de l’insignifiance des ministres. C’est-à-dire, plus on est médiocre et insignifiant, plus on a des chances de rester».
Pour étayer son propos, il a cité entre autres exemples, Awa Marie Coll Seck, ancienne ministre de la Santé qui, selon lui, était brillante et appréciée de tous, ou encore Mary Teuw Niane, ancien ministre de l’Enseignement supérieur. Donc, il reste persuadé qu’on parle de ce remaniement ministériel parce qu’on le met en rapport avec ses ambitions personnelles, à savoir de briguer un troisième mandat, mais en réalité, il a un sérieux problème avec ceux qui émergent dans son parti.
Par Alpha Amadou SY
LA QUESTION DU TROISIÈME MANDAT OU L’ÉTHIQUE RÉPUBLICAINE CONFRONTÉE À LA RUSE POLITICIENNE
L’un des tournants de l’évolution politique de l’Afrique francophone aura été sans doute le sommet franco-africain tenu à La Baule, en 1990. Il avait été clos par cette sommation : se démocratiser sous peine d’être mis sous embargo économique
L’un des tournants de l’évolution politique de l’Afrique francophone aura été sans doute le sommet franco-africain tenu à La Baule, en 1990. Il avait été clos par cette sommation : se démocratiser sous peine d’être mis sous embargo économique. L’espoir était d’autant plus permis que, suite à cette mise en demeure, des conférences nationales furent organisées, des institutions essaimèrent et le pluralisme médiatique s’instaura progressivement.
Mais, très tôt, la dynamique de la démocratisation fut soumise à rude épreuve par la survie de la culture du parti unique. La complexité de cette situation est à évaluer à la lumière de cette sérieuse équation que l’évolution historique posa aux dirigeants africains : comment se formaliser d’une constitution démocratique, dont la vertu est de générer des rentes, tout en s’assurant les conditions pour rester au pouvoir aussi longtemps que possible ? Des pays comme le Cameroun, le Gabon et le Togo trouveront la solution la plus simple : supprimer la clause limitative des mandats présidentiels ! Cette option reposerait sur deux arguments.
Le premier considère que limiter les mandats est d’autant plus anti-démocratique qu’aucune Constitution – même la plus républicaine- ne saurait se situer audessus de la volonté populaire. Par ailleurs, le défi du développement exige des régimes forts et durables ! En revanche, les pays, dont les contextes historiques rendent difficile la suppression de la clause limitative, auront recours à la ruse politicienne. Pour preuve, au Burkina Faso, Blaise Compaoré, pour s’être entêté à réaliser son projet d’enterrer la dite clause, a été emporté par le puissant mouvement citoyen. Ainsi, usant d’une arithmétique controversée sur toile de fond d’un juridisme sujet à caution, le pouvoir se donne la liberté de procéder à un tripatouillage constitutionnel pour le renouvellement permanent du mandat présidentiel. La ruse consiste à faire en sorte qu’un plus un soit non pas égal à deux mais à zéro.
Partant, le recours au coup d’État constitutionnel qui a la vertu de remettre les compteurs des mandats présidentiels à zéro est de mise. Cette stratégie, qui s’opère par une révision constitutionnelle « presque annuelle », sera très particulièrement mise en œuvre par Maître Abdoulaye Wade. Cependant, en convoquant l’Assemblée nationale, en juin 2011, pour une énième révision de la Loi fondamentale, il créa les conditions du triomphe de l’éthique républicaine sur la ruse politicienne. Le projet de loi, instaurant, en plus du poste de président, celui de vice- président, avait fait monter d’un cran l’ire de ses concitoyens dont certains étaient déjà dans la rue pour contester avec véhémence sa candidature à la présidentielle de 2012.
Les forces coalisées pour soutenir le candidat de l’opposition le mieux placé réussiront la prouesse de traduire dans les urnes le verdict de la rue. Malgré sa traumatisante déconvenue électorale, Me Abdoulaye Wade aura ses émules. Ainsi en Guinée, Alpha Condé promulgue la nouvelle constitution issue du referendum de mars 2020. Ce faisant, il se donne « légalement » le moyen de briguer un nouveau mandat. Pas plus que le Front National de Défense de la Constitution (FNDC), l’opposant historique, Cellou Dalein Diallo, ne pourra empêcher la tenue du referendum. Quant à la présidentielle d’octobre 2020, en dépit de sa contestation de la légitimité de la candidature d’Alpha Condé et de la fiabilité du système électoral et de ses réserves vis-à-vis de la Commission Électorale Nationale Indépendante, il y participa.
Tout laisse penser que l’opposant historique se proposait de rééditer en terre guinéenne l’expérience sénégalaise, à savoir parvenir à convertir en unités-cartes la colère exprimée par ses compatriotes dans la rue. Mais pour vivre la même forfaiture républicaine, le Sénégal et la Guinée n’ont pas la même réalité politique. L’élection du Président Macky Sall est la résultante des retombées des Assises nationales, de la convergence de luttes politiques et citoyennes, symbolisées par la mobilisation sans précèdent du 23 juin. S’y ajoutent une administration au sens républicain indéniable et cette véritable antidote contre la fraude électorale que constitue la stratégie de faire remonter, par voie de presse, les résultats de chaque bureau de vote. Cellou Dalein Diallo non seulement n’a pas bénéficié d’autant d’atouts, mais a eu du mal à tirer profit de cette force de frappe que constitue le FNDC qui lui reproche d’avoir trahi la bonne cause en prenant part à un scrutin où les jeux étaient faits d’avance !
Présentement, la Guinée est dans une tourmente d’une intensité telle qu’il est difficile d’en prévoir l’issue ! Et comme une… pandémie, le pouvoir ivoirien aussi a chopé le virus du tripatouillage constitutionnel. De la réélection de Alassane Ouattara, lors de la présidentielle du 31 octobre, boycottée par l’opposition significative, a résulté une profonde crise. La situation est d’autant plus grosse de tous les périls que les différents protagonistes du jeu politique ivoirien n’ont pas la même stratégie de sortie de crise.
Alors que Guillaume Soro invite l’armée à ne pas cautionner la forfaiture, Laurent Gbagbo appelle au dialogue, Henri Konan Bédié et Affin Nguessan militent pour la création d’un Conseil national de transition. Au moment où Mahamadou Issoufou, président sortant du Niger, ne cesse de marteler qu’il ne briguera pas un troisième mandat, bien des regards sont tournés vers le Sénégal. Certes, le Président Macky Sall a soutenu qu’il en était à son dernier mandat, mais chat échaudé craint l’eau froide. Dans un passé récent, Me Abdoulaye Wade, avec toute la sacralité de la parole donnée, conjuguée à toute la symbolique de ses 87 ans, n’avait pas hésité devant tout son gouvernement et en face de la presse nationale et internationale, à se dédire. Cet acte posé a créé un spectre tel que tout propos, toute mesure, dont le bien-fondé est plus ou moins sujet à caution, est considéré comme une manière de préparer l’opinion à la recevabilité de l’idée de troisième mandat.
Ainsi, en souhaitant que son « nouveau gouvernement œuvre pour une « gestion axée sur les résultats », la curiosité a été de savoir : résultats pour rejoindre le cercle restreint des présidents ayant respecté la clause limitative des mandats présidentiels ou pour briguer un troisième mandat ? En tout état de cause, tout en s’en tenant strictement à l’engagement du chef de l’État sénégalais, il n’est pas superflu de poser l’hypothèse d’un troisième mandat pour en apprécier les effets pervers. Sous ce rapport, le dernier remaniement gouvernemental est digne d’intérêt. Un, d’avoir réussi à faire migrer Idrissa Seck de la station oppositionnelle à l’espace présidentiel relève d’un véritable coup de poker. Le leader de l’APR parvient à affaiblir ses adversaires en amputant la chaine de l’opposition de l’un de ses maillons les plus consistants, au regard de la deuxième place occupée par la Coalition « Idy 2019 » lors de la dernière présidentielle.
En outre, l’ouverture de son « gouvernement d’attaque » à d’autres formations de l’opposition lui offre l’opportunité de contourner BBY qui apparait davantage comme un décor politique qu’une coalition résolument engagée dans l’action politique. Les partis de la mouvance présidentielle, à force de courir derrière des postes de sinécure, ont fini par se délester de leur base. Qui pis est, des formations comme la LD, le PIT et le PS, en plus de leur ancrage populaire pas évident, ont perdu des leaders dont le charisme et la légitimité historique assuraient néanmoins un certain crédit à BBY. Mais toute la question est de savoir dans quelle mesure cette nouvelle configuration politique légitimerait l’aventure pour un troisième mandat. Il est fort à penser que cette initiative s’avèrerait risquée si l’on considère que Wade et le PDS, qui avaient à leur actif un vécu beaucoup plus substantiel que celui de Macky Sall et de l’APR, ont été pourtant battus à plate couture. Ensuite, la relative unanimité, plus ou moins liée à l’âge, autour du vieux leader libéral n’a pas son répondant chez Sall dont certains des siens seraient, plus que quiconque, pressés de le voir terminer son mandat.
Par ailleurs, le Président en exercice prendrait le risque de faire face à une nouvelle opposition. Si on ignore si celle-ci disposera d’un cadre propre ou rejoindra Khalifa Sall ou Ousmane Sonko, il est au moins loisible de deviner que ses agissements déborderaient l’adversité pour épouser les contours de l’animosité. Tous les frustrés de « Macky 2012 », les supposés laissés-pour compte de BBY et certaines victimes des différents remaniements ministériels verseraient dans une virulence d’autant plus démesurée qu’elle serait mue davantage par l’esprit vindicatif que par le principe républicain. Au niveau politique, la perspective du troisième mandat enfermerait le système démocratique sénégalais dans une circularité qui reconduit l’identique. Se coaliser serait à nouveau à l’ordre du jour, autour de ce programme qui n’en est pas dans la mesure où son alfa et son oméga seraient le départ du président en exercice. Enfin, le Sénégal, confronté à moult fléaux, ne saurait se payer le luxe d’en rajouter un coup d’État institutionnel, lequel est d’autant plus dramatique qu’il aurait fait en Afrique plus de victimes que les coups d’État militaires.
LU BEES AVEC LAMINE NIANG ET CHARLES FAYE
VIDEO
USA, UNE BELLE LEÇON DE DÉMOCRATIE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le dénouement du scrutin présidentiel américain démontre avec acuité la nécessité pour un pays d'avoir des institutions fortes, tant les coups de boutoir de Trump ont éprouvé le système sans jamais pouvoir l'ébranler
Selon Lamine Niang, l’élection américaine qui vient de consacrer Joe Biden nouveau président, n’a pas été un long fleuve tranquille. Le président sortant, Donald Trump, habitué aux déclarations incendiaires et imprévisibles, a encore surpris le monde par son refus d’accepter sa défaite. Le chroniqueur se demande alors si ce fait inédit, dans l’une des plus grandes démocraties du monde, n’aurait pas entraîné une confiscation du pouvoir si le pays n’était pas doté d’institutions fortes. Par la décision de certains médias de couper la retransmission en direct d’un discours de Trump, il voit également une maturité et un grand sens de responsabilité de la presse américaine dans un contexte tendu.
Charles Faye quant à lui revient sur le remaniement ministériel opéré par Macky Sall et ce que la population devrait en attendre.
Lu Bees est un talk hebdomadaire de SenePlus, réalisé et monté par Boubacar Badji.