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5 juillet 2025
LA CHRONIQUE HEBDO DE PAAP SEEN
LES BARRICADES
EXCLUSIF SENEPLUS - Tant que les forces progressistes ne seront pas à l’avant-garde du processus de changement, nos pays ne passeront pas à l’étape supérieure. Celle de la démocratie véritable. Du gouvernement de la raison - NOTES DE TERRAIN
« Qui ne progresse pas chaque jour, recule chaque jour. » Cette maxime est de Confucius. Je ne l’ai su que tout récemment, au détour d’une lecture. Pourtant, mon ami P.O (lire piyo) aime, depuis toujours, le rappeler. C’est ainsi que la formule s’est définitivement accrochée dans mon esprit. Elle a émergé de ma conscience, cette semaine. Je l’ai eu en tête, en regardant la situation insurrectionnelle qui prévaut, en ce moment, dans beaucoup de pays d'Afrique de l’Ouest. En voyant les images sur les réseaux sociaux, il m’est apparu, de manière flagrante, que nous n'avançons plus en Afrique occidentale. Nos pays régressent. De manière si vertigineuse, qu’il faut commencer à s’inquiéter. Non pas pour tirer les cloches de la peur ou entonner les cantiques du secours. Mais pour saisir toute la gravité de cette mauvaise période. On pourrait, aussi, y voir « un cycle hégémonique », qui fait son effet depuis longtemps déjà. Et qui n’est pas prêt de finir, au vu du tourbillon de crises qui se déchaînent.
Sur internet, toute la semaine, deux hashtag ont été massivement utilisés. Qui montrent la situation catastrophique de nos pays. #EndSars revient sur les manifestations au Nigeria, contre les violences policières, la mal gouvernance et l’injustice qui gangrènent le pays. En réponse, les autorités ont envoyé les escadrons de la mort. Plusieurs personnes ont succombé à la répression. Dix-huit, au moins. #GuineeVote, quant à lui, affiche la mobilisation de la jeunesse guinéenne, qui veut mettre fin au règne d'Alpha Condé. Là-bas aussi, la jeunesse s’est sentie lésée. Elle s’est soulevée un peu partout dans le pays. Comme au Nigeria, les forces de l’ordre ont fait parler les armes. Pour taire les mécontentements.
Le feu couve, partout, en Afrique de l’Ouest. La jeunesse trinque. Ça ne change pas. Les coupables ? Les élites dirigeantes. Un vieux cynique s’est emparé des destinées de la Guinée Conakry. Il a fait ressortir les vieilles rancunes, qui sommeillaient chez ses compatriotes. Qui seront difficiles à éteindre. En Côte d’Ivoire, un autre vétéran a fait ce qu’il reprochait à son prédécesseur : garder le pouvoir, quoi qu’il en coûte. D’anciens fossoyeurs songent à le lui reprendre. Le Mali est en faillite. Les élites cupides et les fous de Dieu ont précipité le pays dans les abysses. Les nouvelles autorités n’ont pas les moyens techniques et les capacités militaires pour reprendre les parties du pays démembrées. Au Nigeria, où les moins de 25 ans représentent 60 % de la population, un grabataire a envoyé son armée mater des protestataires pacifiques. Au Togo, la dynastie perpétue son règne interminable. À côté, le peuple béninois doit endurer les caprices d’un autocrate, qui s’emploie méthodiquement à bannir le jeu démocratique. Et au Sénégal, la démocratie a reculé de vingt ans.
On pourrait continuer la tirade, et l’on verrait que partout où nous regardons, dans la sous-région, les menaces sont omniprésentes. Les pays sont dans un état de délabrement politique et social. Les signes de faiblesses ne permettent plus d’avoir la conscience tranquille. Les dirigeants deviennent autoritaires. S’arrogent des droits de plus en plus exorbitants. Ce césarisme triomphant va jouer, comme d’habitude, sur quatre leviers pour sa conservation : l’arsenal répressif, les divisions identitaires, la censure de la sphère intellectuelle et l’alliance avec des forces extérieures. Un univers réactionnaire, pour dire simple. Par ailleurs, l’effondrement de l’éducation et l’affaiblissement de la culture ne présagent rien de bon. Sinon, la montée de l’obscurantisme, de l’ethnicisme, des conflits confessionnels.
Ajoutons à ces problèmes, qui affectent notre environnement direct, les tendances qui se dessinent sur la planète. Qui annoncent de grands bouleversements. La fulgurance du dérèglement climatique. La prolifération des armes de destruction massive. Le risque d’extinction biologique. La fragmentation du monde, de plus en plus marquée, entre les civilisations. Les dirigeants belliqueux, à la tête des puissances. La haine et la violence, exacerbées par la culture numérique et les réseaux sociaux. L’émergence des protofascistes. L’accroissement des inégalités au niveau planétaire. Toutes ces tendances négatives se fortifient. Pire, la pandémie du coronavirus a fait régresser l’humanité sur tous les plans : sanitaire, économique, technologique, politique, individuel. Le monde vit des mutations profondes et gigantesques.
Le moteur de l’émancipation
Personne ne pourra nous sauver. Car les autres doivent, eux aussi, résorber des contradictions très complexes. Il est facile de tomber dans le pessimisme en regardant tous ces mouvements chaotiques. Pour les peuples d'Afrique, les marges d’action sont très faibles. L'expression démocratique est confisquée. Les manifestations sont durement réprimées. Tout ce qu’il reste à faire, parfois, c’est de gesticuler sur les réseaux sociaux. Ce qui ne change, évidemment, pas grand chose. Pourtant, il ne faut pas rendre les armes. La jeunesse africaine ne doit pas arrêter de se défendre. Ce n’est qu’en luttant qu’elle pourra conquérir les citadelles de la liberté et de la dignité. Cela veut dire qu'en dépit des répressions féroces et des brimades, un seul salut existe : les barricades.
Alors voilà, il n’y a ni optimisme flatteur, ni désespoir qui vaillent. Les dynamiques de l’histoire ne sont pas linéaires. Nous pouvons être lucides sur nos problèmes. Tout en refusant de tomber dans le défaitisme. Qui est une fuite ou un aveu d’impuissance. Tout peut changer, avec l'action de l’Homme. C’est pourquoi, et malgré tous les supplices et les chagrins, la jeunesse africaine doit continuer à lutter. Elle doit comprendre qu’une alternance politique reste une petite avancée démocratique. Rien de plus. Pour que triomphe, un jour, la liberté, la justice, l'expansion économique, et les valeurs démocratiques, la jeunesse doit s’allier avec les éléments progressistes. Sans l’apport fécondant de ces derniers, il y aura toujours une prépondérance de la violence, des divisions communautaires, du repli sur soi et du césarisme. Quels que soient les hommes et les femmes, ou les régimes en place.
L’Afrique changera durablement, le jour où les forces progressistes exerceront une vraie influence sur la société. Et pourront desserrer l’étau, provoquer des tensions créatrices. Apporter les stimulants pour de vrais bonds en avant. Politiques, sociaux, économiques, technologiques et humains. Tant que les forces progressistes ne seront pas à l’avant-garde du processus de changement, nos pays ne passeront pas à l’étape supérieure. Celle de la démocratie véritable. Du gouvernement de la raison. De la diffusion du savoir et de la culture. De la vraie émancipation et de la prospérité. Sans eux, les appareils autoritaires et les réactionnaires vont continuer à se partager le pouvoir. En attendant, la jeunesse africaine n’a pas d’autres choix. Elle doit ériger des barricades. C’est la seule espérance qui lui reste.
Retrouvez sur SenePlus, "Notes de terrain", la chronique de notre éditorialiste Paap Seen tous les dimanches.
ERDOGAN MET EN DOUTE LA SANTÉ MENTALE DE MACRON, L'ÉLYSÉE DÉNONCE DES PROPOS INACCEPTABLES
Le courroux français se traduit par le rappel immédiat de l’ambassadeur de France à Ankara, un acte diplomatique rare, semble-t-il pour la première fois de l’histoire des relations diplomatiques franco-turques
L’Elysée a dénoncé, samedi 24 octobre auprès de l’AFP, les propos jugés « inacceptables » du président turc Recep Tayyip Erdogan qui avait mis en question « la santé mentale » d’Emmanuel Macron en raison de son attitude envers les musulmans. Le palais présidentiel a également noté « l’absence de messages de condoléances et de soutien du Président turc après l’assassinat de Samuel Paty », une semaine après la décapitation de cet enseignant par un islamiste près de Paris.
Le courroux français se traduit par le rappel immédiat de l’ambassadeur de France à Ankara, un acte diplomatique rare, semble-t-il pour la première fois de l’histoire des relations diplomatiques franco-turques. L’acte, dit l’entourage d’Emmanuel Macron, se veut « un signal très fort ».
Le précédent rappel à Paris d’un ambassadeur de France « en consultation », selon l’expression consacrée, remonte à février 2019, pour protester contre une rencontre entre Luigi di Maio, alors vice-premier ministre italien, et des « gilets jaunes ».
L’Elysée dénonce « l’outrance et la grossièreté » d’Ankara
Il y a deux semaines, Recep Tayyip Erdogan avait dénoncé comme une provocation les déclarations de son homologue français sur le « séparatisme islamiste » et la nécessité de « structurer l’islam » en France, alors que l’exécutif présentait son futur projet de loi sur ce thème.
Il a enfoncé le clou samedi dans un discours télévisé : « Tout ce qu’on peut dire d’un chef d’Etat qui traite des millions de membres de communautés religieuses différentes de cette manière, c’est : allez d’abord faire des examens de santé mentale ».
Pour l’Elysée, « l’outrance et la grossièreté » d’Ankara passent moins que jamais, au surlendemain de la cérémonie d’hommage à Samuel Paty à l’université parisienne de la Sorbonne.
Dans son allocution jeudi soir, Emmanuel Macron avait notamment promis que la France continuerait de défendre les caricatures. Depuis, selon l’entourage du président, « les Turcs diffusent une sorte de propagande absurde, par exemple que le président a décidé de projeter les caricatures de Mahomet sur les bâtiments publics ».
Il est urgent que les protagonistes s’asseyent autour d’une table pour mettre fin au cycle de violence qui gangrène le pays. C’est dans l’union que la Guinée parviendra à se développer, à réduire la pauvreté et offrir un avenir prometteur à ses enfants
Selon les résultats officiels, le président sortant, le Professeur Alpha Condé a été réélu à sa propre succession avec un score de 59, 4% contre 33,5% pour son adversaire, Cellou Dallein Diallo de l’UFDG. 12 candidats étaient en lice dans la course au fauteuil présidentiel dont deux femmes.
A la suite des élections qui se sont déroulées le 18 octobre 2020, le pays a été en proie à de fortes tensions post-électorales. Des affrontements ont eu lieu entre les forces de l’ordre et les partisans du chef de l’opposition, Cellou Dallein Diallo. Le pays a basculé dans la violence ce que nous déplorons vivement. Nous condamnons vivement la séquestration du chef de l’opposition chez lui, comme il l’affirme dans une vidéo.
Les droits humains doivent être respectés, conformément à l’article 3 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme : "Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. “
Dans l'expectative des résultats de la commission électorale, la situation était alarmante : la Guinée était au bord de l’implosion, l'armée avait été réquisitionnée et des échauffourées entre les deux camps ont eu lieu qui se sont soldées par le décès d’une dizaine de morts. L’opposition conteste les chiffres qu’elle porte à une trentaine. Il est inadmissible que les joutes électorales s’achèvent par des exactions de toutes sortes, des massacres d’enfants et que des jeunes soient arbitrairement tués.
Nous souhaitons que l’ordre démocratique soit rétabli au plus vite. Le sang des Guinéens et des Guinéennes ne doit pas couler, car ils forment un peuple uni qui a eu à affronter de nombreuses difficultés mais qui a su les surmonter. Chaque fois qu’il s’agissait de l’intérêt de la nation, le vaillant peuple de Guinée a su reprendre le chemin du dialogue. Il convient donc que la paix revienne et que la cohésion sociale règne. Il est urgent que les protagonistes s’asseyent autour d’une table pour mettre fin au cycle de violence qui gangrène le pays. C’est dans l’union que la Guinée parviendra à se développer, à réduire la pauvreté et offrir un avenir prometteur à ses enfants.
Dr. Pierrette Herzberger-Fofana, Députée au Parlement Européen. Vice-Présidente de la Commission Développement, Vice-Présidente de la Délégation pour les Relations avec le Parlement Panafricain.
CULTURE DU SILENCE AUTOUR DU HARCÈLEMENT
Pression sociale, familiale, religieuse, peur d’être mise au ban de la communauté, de n’être plus « bonnes à marier », les Sénégalaises victimes d’agressions sexuelles sont invitées à taire leurs souffrances
Le Soutoura, c’est ainsi qu’on désigne au Sénégal la culture du silence. Parmi les tabous qu’elle englobe : le harcèlement et les violences faites aux femmes. Pression sociale, familiale, religieuse, peur d’être mise au ban de la communauté, de n’être plus « bonnes à marier », les Sénégalaises victimes d’agressions sexuelles sont invitées à taire leurs souffrances. Mais portées par les réseaux sociaux, et des mouvements mondiaux de dénonciations de violences liées au genre, elles sont de plus en plus nombreuses à enfin oser parler.
ON N'A PAS DONNÉ LA PAROLE AUX FEMMES AFRCAINES, ELLES L'ONT PRISE"
Quelle place pour les auteures africaines dans la littérature d'aujourd'hui ? Les auteures Véronique Tadjo et Bessora évoquent leurs parcours et les défis qui subsistent
Le Temps Afrique |
Isabelle Rüf |
Publication 25/10/2020
Quelle place pour les auteures africaines dans la littérature d'aujourd'hui? Les auteures Véronique Tadjo et Bessora, invitées dans le cadre de l'exposition «Africana» à la Bibliothèque Cantonale Universitaire de Lausanne, évoquent leurs parcours et les défis qui subsistent.
C'est un fonds inestimable: quelque 3500 titres d’auteures africaines francophones, réunis tout au long de sa vie par Jean-Marie Volet, chercheur suisse expatrié à l'Université de Western Australia et grand passionné de l'Afrique. La Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne (BCUL), à qui il a légué ces trésors, leur consacre une exposition jusqu'au 22 novembre.
«À l’heure où les questions de parité et de représentation féminines occupent le devant de la scène sociale et politique, à l’heure où les stéréotypes de genre sont dénoncés au niveau planétaire, il semble nécessaire de mettre en évidence des figures de femmes, et des formes de pouvoir à l’œuvre dans la littérature mettant en scène l’Afrique et ses diasporas féminines», disent les professeures Christine Le Quellec Cottier et Valérie Cossy, organisatrices de l'exposition.
A cette occasion, les auteures Véronique Tadjo et Bessora étaient invitées à rencontrer le public et des élèves des gymnases. Toutes deux ont grandi dans une double culture. Véronique Tadjo est née à Paris en 1955, d’une mère française et d’un père ivoirien, mais a passé son enfance en Côte d’Ivoire. Si elle réside aujourd’hui en Angleterre, elle a enseigné pendant quatorze ans à l’Université Witwatersrand de Johannesburg et voyagé dans le monde entier. Peintre, poète, romancière, elle retourne régulièrement dans le pays de son enfance. L’Ombre d’Imana, qu'elle publie en 2000, évoque la tragédie du Rwanda, et Reine Pokou, issu d’un mythe baoulé, a été adapté en opéra à Genève. Son dernier livre, En compagnie des hommes, traite de l’épidémie d’Ebola.
Bessora, quant à elle, est née à Bruxelles en 1968 d’un père gabonais et d’une mère suisse. Elle a grandi au Gabon et dans plusieurs pays d’Europe, suivant la carrière de son père, économiste et homme politique. Bessora s’est fait connaître en 1999 avec 53 cm., un roman qui décrit dans une perspective anthropologique et comique, le racisme institutionnel que rencontre une jeune femme métisse dans sa quête d’une pièce d’identité. Roman graphique, Alpha retrace le parcours d’un homme qui tente de rejoindre sa famille, entre Abidjan et Paris.
Ensemble, elles évoquent, dans un hôtel lausannois, la place des femmes dans la littérature africaine, les barrières qui subsistent et l'espoir qui naît.
Le Temps: Le fonds Jean-Marie Volet montre l’émergence de nombreuses auteures africaines dans les années 1980. Que se passe-t-il alors?
Véronique Tadjo: 1980, c’est une génération après la décolonisation. Ça signifie que de plus en plus de filles fréquentent l’école et accèdent à l’écriture. En 1979 paraît Une si longue lettre de la Sénégalaise Mariama Bâ, qui remet en question la société patriarcale. Un livre qui exerce une influence énorme en Afrique et donne l’élan à celles qui n’osaient pas prendre la parole.
IBRAHIM 10, JIHADISTE ITINÉRANT D'UN SAHEL SANS FRONTIÈRE
Aux enquêteurs, ce proche de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar dit avoir été au Sénégal en 2011, en repérage pour un projet d'attentat finalement annulé contre l'ambassade d'Israël, puis s'être installé en Côte d'Ivoire en 2012, où il épouse une Ivoirienne
Principal accusé dans le procès des attentats du Radisson Blu et de la Terrasse à Bamako, le Mauritanien "Ibrahim 10" est un acteur majeur du jihad sahélien, proche de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar, qui a fait ses armes dans le désert du Sahara avant de sévir dans toute l'Afrique de l'Ouest.
Un doute subsiste sur sa présence au procès qui s'ouvre mardi dans la capitale malienne, dont il est l'un des trois accusés, le plus important.
Selon des informations non confirmées officiellement, il pourrait avoir fait partie des détenus échangés début octobre par les autorités maliennes contre quatre otages, dont la Française Sophie Pétronin et l'homme politique malien Soumaïla Cissé.
Est-ce un nouveau rebondissement dans le parcours de ce jihadiste "très audacieux, insaisissable et toujours en mouvement", comme le décrit le spécialiste mauritanien du jihadisme Isselmou Ould Salihi, ou bien la fin brutale d'une carrière aussi prolixe que représentative de ce qu'était la nébuleuse jihadiste des années 2010 ?
De son vrai nom Fawaz Ould Ahmed (ou Ahmeida), cet homme au physique de colosse né à Nouakchott à la fin des années 1970 a commencé sa vie dans le commerce. Il s'est radicalisé après l'intervention américaine en Irak en 2003, "comme cela a été le cas pour beaucoup de jeunes au Sahel à cette époque", explique le journaliste Lemine Ould Salem, auteur d'un livre sur Mokhtar Belmokhtar.
En 2006, "Ibrahim 10" rejoint les camps d'entraînement du chef jihadiste algérien dans le Sahara, selon des documents de l'enquête, couverts par le secret d'instruction et consultés par l'AFP.
Après une formation au maniement des armes, il participe fin 2008 à l'enlèvement de deux diplomates canadiens au Niger. Un coup d'éclat qui sera "hautement apprécié" par sa hiérarchie. Ibrahim 10 est "félicité" par les grands noms du jihad régional ; il prend de l'importance.
"Par la suite, j'ai été désigné par le « Vieux » (surnom qu'il donne à Belmokhtar) pour faire des va-et-vient entre lui et le Burkina Faso" de Blaise Compaoré, à l'époque médiateur dans la libération d'otages au Sahel, dira-t-il lors de son audition par les autorités maliennes après son arrestation en 2016.
Voyages en hélicoptère
Dans ses auditions, il raconte ses voyages entre Ouagadougou et les campements jihadistes dans le désert, parfois en voiture, parfois en hélicoptère, toujours en compagnie, affirme-t-il, de l'homme d'affaires mauritanien Moustapha Ould Limam Chafi, connu pour son rôle dans la libération d'otages occidentaux au Sahel.
Il raconte qu'il "profitait" de ces voyages pour "faire des achats pour les frères" jihadistes dans le désert: caméras, ordinateurs, cartes mémoire...
Et donne des détails sur le "pacte", selon ses dires, de non-agression conclu entre le Burkina Faso et le groupe de Belmokhtar à la fin des années 2000. Le Burkina Faso avait été relativement préservé des attaques jihadistes sous Compaoré ; il a depuis lors été entraîné dans la spirale meurtrière du jihadisme sahélien.
Aux enquêteurs, "Ibrahim 10" dit avoir été au Sénégal en 2011, en repérage pour un projet d'attentat finalement annulé contre l'ambassade d'Israël, puis s'être installé en Côte d'Ivoire en 2012, où il épouse une Ivoirienne et devient père de famille.
Il est arrêté quelques mois plus tard en possession d'armes. Jugé et condamné en 2013 à Abidjan à 10 ans de prison ferme, il sera libéré après 10 mois, "sans doute après avoir parlé", selon une source judiciaire malienne.
Il sort un fusil d'assaut
Il rend alors visite à Belmokhtar en 2014 en Libye, puis rentre au Mali, "via le Tchad et le Niger", ramenant avec lui des explosifs, des sandales et un iPad pour ses coreligionnaires. Il reste quelque temps dans le désert, selon ses dires.
Puis il descend à Bamako, où il commet le 6 mars 2015 l'un de ses principaux faits d'armes : dans la nuit, il entre dans un restaurant de la capitale, La Terrasse, sort de son sac un fusil d'assaut et tue cinq personnes, selon les enquêteurs.
L'homme s'évanouit ensuite dans la nature, mais refait parler de lui quelque mois plus tard : successivement, un hôtel est attaqué à Sévaré en août (centre), puis l'hôtel Radisson Blu de Bamako, en novembre.
Dans les deux cas, "Ibrahim 10" n'aurait pas été présent mais se serait occupé de leur organisation : recrutement des assaillants, repérage, location de véhicules, armes...
Le 21 avril 2016, la sécurité d'Etat malienne l'arrête à Bamako ; il croupissait depuis dans ses gêoles. Sur une photo à l'époque le montrant menotté contre un mur, l'une des seules de lui, il se tient droit, le regard fixé sur l'objectif, semblant le défier.
CES COMPAGNONS DE L'INDÉPENDANCE SACRIFIÉS PAR SENGHOR
Qu’a retenu l’Histoire du rôle de Mamadou Dia et de Valdiodio Ndiaye dans l’accession du pays à l’indépendance ? Éclipsés par la trace indélébile laissée par le président-poète, leurs noms ont été jetés aux oubliettes par l’écriture d’une histoire biaisée
Jeune Afrique |
Manon Laplace |
Publication 25/10/2020
En 1962, le président Léopold Sedar Senghor fait arrêter puis condamner son Premier ministre, Mamadou Dia, et quatre de ses ministres, qui voulaient bousculer les intérêts français au Sénégal. À l’occasion du soixantième anniversaire de l’indépendance, Jeune Afrique revient sur cette page méconnue de l’histoire post-coloniale.
Qu’a retenu l’Histoire du rôle de Mamadou Dia et de Valdiodio Ndiaye dans l’accession du Sénégal à l’indépendance, le 4 avril 1960 ? Éclipsés par la trace indélébile laissée par Léopold Sédar Senghor, président-poète et « père de l’indépendance », leurs noms ont été « jetés aux oubliettes par l’écriture d’une histoire politique et biaisée », tranche d’emblée l’historien sénégalais Iba Der Thiam.
Pourtant, Mamadou Dia, chef du premier gouvernement indépendant du Sénégal, et Valdiodio Ndiaye, qui fut un temps son ministre de l’Intérieur, ont été bien plus que des seconds couteaux dans l’histoire contemporaine du pays.
Disgrâce
Longtemps considéré comme le protégé de Senghor, auprès de qui il siégea à l’Assemblée nationale française, Mamadou Dia est président du Conseil dès 1956, avant de rempiler en 1960 lors de l’Indépendance. Il est l’homme de la politique intérieure et des affaires économiques. Léopold Sédar Senghor, lui, a la main sur la politique extérieure. Une organisation bicéphale du pouvoir, calquée sur celle de la IVe République française, qui va rapidement mettre à nu les dissensions entre les deux hommes et valoir à Mamadou Dia de tomber en disgrâce, dès 1962.
Au sein du premier gouvernement Dia, une autre figure montante de la politique sénégalaise : Valdiodio Ndiaye, charismatique avocat à qui l’on a confié le portefeuille de l’Intérieur. De son nom, il ne reste aujourd’hui que les lettres noires qui ornent l’enceinte du lycée éponyme, sis à Kaolack, ville fluviale du bassin arachidier dont il était originaire.
Toute une génération a pourtant été marquée par son discours sur la Place Protêt (rebaptisée Place de l’Indépendance en 1961), à Dakar, le 26 août 1958. Alors que le président est en Normandie et que Mamadou Dia est retenu en Suisse pour une cure, c’est Valdiodio Ndiaye qui reçoit le Général de Gaulle, lequel achève à Dakar un périple africain qui l’a mené à Fort-Lamy (actuelle N’Djamena), Alger, Brazzaville, Abidjan ou encore Conakry.
Une tournée dans les colonies, un mois seulement avant le référendum constitutionnel qui posera les bases de la Ve République. À travers ce vote, les colonies africaines doivent choisir : la « communauté avec la France », en votant oui ; ou « l’indépendance dans la sécession », en votant non.
Plaidoyer indépendantiste
Devant une foule galvanisée et un général de Gaulle « visiblement irrité », selon certains récits de l’époque, Valdiodio Ndiaye déroule son plaidoyer en faveur de l’indépendance sénégalaise. « Le peuple d’Afrique, comme celui de France, vit en effet des heures qu’il sait décisives et s’interroge sur le choix qu’il est appelé à faire. Dans un mois, le suffrage populaire, par la signification que vous avez voulu donner à sa réponse Outre-mer, déterminera l’avenir des rapports franco-africains. Il ne peut donc y avoir aucune hésitation. La politique du Sénégal, clairement définie, s’est fixé trois objectifs qui sont, dans l’ordre où elle veut les atteindre : l’indépendance, l’unité africaine et la Confédération », tonne-t-il.
Amnésie collective
Aujourd’hui, peu de traces subsistent de ces premières revendications indépendantistes. Dans une forme d’amnésie collective, le Sénégal n’a retenu que la chute de Mamadou Dia et de ses ministres Valdiodio Ndiaye, Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye et Alioune Tall.
« On les a décrit comme ceux qui avaient conjuré contre la sécurité de l’État, éludant complètement le rôle qu’ils ont joué dans l’indépendance sénégalaise. Pourtant, si la question de l’indépendance avait été uniquement entre les mains de Senghor, nous serions peut-être encore sous domination française », analyse Iba Der Thiam.
En décembre 1962, les cinq hommes sont arrêtés, accusés par le président Senghor de fomenter un coup d’État. En mai 1963, alors que le procureur général n’a requis aucune peine, Mamadou Dia est condamné à perpétuité, tandis que ses quatre ministres écopent de 20 ans d’emprisonnement. Ils seront graciés onze ans plus tard, avant d’être finalement amnistiés en 1976.
les champions du football mettent leur notoriété au service de la lutte contre cette maladie méconnue qui détruit chaque année la vie de dizaines de milliers d'enfants.
C'est une maladie méconnue qui détruit chaque année la vie de dizaines de milliers d'enfants. Le noma, forme de gangrène du visage, touche principalement les petits âgés de 2 à 6 ans. Près de 90 % en meurent, les autres survivent au prix de terribles souffrances, défigurés à jamais. Aujourd'hui, les champions du football Roger Milla et Joseph-Antoine Bell mettent leur notoriété au service de la lutte contre cette maladie. Ils lancent le Noma Fund pour venir en aide aux victimes.
VIDEO
DES TERROSITES ASSASSINENT DES ENFANTS DANS LEUR SALLE DE CLASSE
Huit enfants ont été tués et une douzaine d'autres blessés samedi dans l'attaque de leur salle de classe dans une école du Cameroun
Huit enfants ont été tués et une douzaine d'autres blessés samedi dans l'attaque de leur salle de classe dans une école du Cameroun anglophone. L’attaque n’a pas encore été revendiquée et les assaillants identifiés par les autorités. Le premier ministre a tenu, samedi, une réunion d’urgence.
"Une attaque brutale", "des actes de barbarie", "une horreur absolue", les responsables politiques ont fait part de leur indignation après l'acte terroriste survenu samedi 24 octobre dans une école du Cameroun anglophone, en conflit depuis près de trois ans. Huit enfants ont été tués et une douzaine d'autres blessés dans cette attaque.
Vers 11h00 locales, "un groupe de neuf assaillants terroristes" ont fait irruption dans le collège Mother Francisca International Bilingual Academy, avant d'ouvrir le feu sur les élèves présents dans la salle de classe, âgés de 9 à 12 ans, selon une source proche de la police.
Maurice Kamto, leader de l'opposition, a parlé d'"horreur absolue". "Combien de morts faut-il encore pour qu'une solution politique ramène la paix dans le NOSO (Nord-Ouest et Sud-Ouest, les deux régions anglophones)?", a-t-il réagi, tandis que le Premier ministre camerounais organisait une réunion d'urgence après l'attaque.
Depuis près de trois ans, des groupes séparatistes et l'armée s'affrontent dans les deux régions camerounaises du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, où vit l'essentiel de la minorité anglophone, dont une partie s'estime marginalisée par la majorité francophone du pays.
"Il n'y a pas de mots pour le chagrin ni de condamnation assez forte pour exprimer toute mon horreur face à l'attaque brutale qui a visé des écoliers en école primaire (...) alors qu'ils étaient assis, en train d'apprendre, dans leur salle de classe", a tweeté Moussa Faki Mahamat, président de l'Union africaine.
Des écoles déjà prises pour cible
"Je condamne sans réserve, les actes de barbarie commis ce jour à Kumba. Assassiner des enfants qui vont apprendre c'est s'attaquer aux fondements même de notre Nation" a pour sa part réagi le ministre de la santé publique du Cameroun, Malachie Manaouda.
"Le boycott des écoles était une stratégie des séparatistes ces dernières années. 700 000 jeunes environ étaient en dehors du système scolaire à cause du conflit", a expliqué à l'AFP Arrey Elvis Ntui, analyste senior du groupe International Crisis au Cameroun.
"Le gouvernement et la société civile anglophone ont mis beaucoup de pression sur les groupes séparatistes pour que leurs enfants retournent à l'école, et des écoles qui étaient fermées depuis des années ont commencé à rouvrir", a-t-il poursuivi.
Les écoles avaient déjà été une cible dans le passé récent, mais n'avaient jamais connu un massacre d'une telle ampleur. Mi-mai, un enseignant de l'université de Bamenda (Nord-Ouest) avait notamment été abattu par des séparatistes car il refusait d'arrêter de faire cours, selon l'ONG Human Rights Watch (HRW).
L'attaque de Kumba n'a pas encore été revendiquée et les assaillants n'ont pas encore été identifiés officiellement par les autorités.
"Ces gens (les agresseurs) seront rattrapés par tous les moyens. Je dis bien par tous les moyens", a néanmoins prévenu Chamberlin Ntou'ou Ndong, préfet du département de la Mémé, touché par l'attaque.
Il a également insisté sur le fait que l'école était "non déclarée" et qu'il allait donner des instructions pour que "toutes les écoles du département de la Mémé soient déclarées" pour des raisons de sécurité.
Une région instable
Les combats au Cameroun anglophone, mais aussi les exactions et meurtres de civils par les deux camps, selon de nombreuses ONG, ont fait plus de 3000 morts et forcé plus de 700 000 personnes à fuir leur domicile.
"Les forces de sécurité et les séparatistes armés ont à plusieurs reprises, chacun de leur côté, attaqué des hôpitaux et du personnel médical" au cours des derniers mois, avait affirmé l'OLes accusations d'exactions par l'armée se sont aussi multipliées ces dernières années. NG HRW en juillet.
En juin, trois militaires camerounais avaient notamment été inculpés de l'"assassinat" en février de civils, dont 10 enfants, dans la partie anglophone du Cameroun.
L'OPPOSITION L'EMP0ORTE POUR LA PREMIERE FOIS DEPUIS 40 ANS
Le pasteur anglican Wavel Ramkalawan remporte la présidentielle dès le premier tour et devient ainsi le cinquième président des Seychelles, depuis leur indépendance en 1976.
C'est une victoire historique pour l'opposition dans un pays où tous les chefs d'État étaient issus de l'ex-parti unique depuis plus de quatre décennies. Le pasteur anglican Wavel Ramkalawan l'emporte dès le premier tour et devient ainsi le cinquième président des Seychelles, depuis leur indépendance en 1976.
Le pasteur anglican Wavel Ramkalawan a remporté dès le premier tour la présidentielle aux Seychelles, une victoire historique pour l'opposition dans un pays où tous les chefs d'État étaient issus de l'ex-parti unique depuis plus de quarante ans, a annoncé dimanche 25 octobre la commission électorale.
Candidat de Linyon Democratik Seselwa (LDS) [Union démocratique seychelloise], Wavel Ramkalawan a rassemblé 54,9 % des voix, contre 43,5 % pour le président sortant, Danny Faure, et devient le cinquième président de cet archipel depuis son indépendance en 1976, et dont la plupart des terres émergées sont inhabitées.
L'opposition remporte également les élections législatives, organisées en même temps que la présidentielle de jeudi à samedi, le LDS ayant obtenu à lui seul 25 sièges, soit les deux tiers du parlement.
Wavel Ramkalawan, prêtre anglican de 59 ans, se présentait pour la sixième fois à la présidentielle. En 2015, il avait été battu de 193 voix seulement par le président sortant, James Michel. Ce dernier avait démissionné en 2016 et laissé sa place à Danny Faure, son vice-président, qui a terminé son mandat.
Parti unique
Avant même l'annonce des résultats officiels, les partisans de Wavel Ramkalawan avaient commencé à célébrer la victoire de leur candidat dans les rues de Victoria, la capitale, située sur l'île de Mahé.
Danny Faure a reconnu sa défaite et souhaité "bonne chance" au nouveau président. Wavel Ramkalawan a appelé à l'union nationale dans un pays dont l'économie, largement dépendante du tourisme, a été durement touchée par la pandémie de Covid-19, qui a fait s'effondrer le nombre de touristes et la valeur de la monnaie.
Wavel Ramkalawan devrait prêter serment lundi à la présidence, après avoir rencontré son prédécesseur pour organiser cette passation de pouvoir inédite.
C'est l'ancien avocat France-Albert René, président des Seychelles de 1977 à 2004 qui avait instauré un parti unique, socialiste à tendance marxiste.
Au début des années 1990, le président René a accepté d'engager son pays sur la voie du multipartisme et d'un certain libéralisme, autorisant notamment davantage de privatisations. Il quitte la présidence en 2004, à 69 ans, cédant sa place à James Michel qui restera au pouvoir jusqu'en 2016.