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12 juillet 2025
MALICK SALL, L'HOMME DU SÉRAIL
Avec plus de 35 ans de barre, l'avocat aurait pu être celui qu’il faut à la place qu’il faut, en tant que ministre de la Justice. Pour beaucoup, il s’est plutôt révélé comme un homme clivant et partisan. Portrait
C’est dans les rues de Danthiady, aux confins du Sénégal, dans la région de Matam, que le ministre de la Justice, Maitre Malick Sall, a appris à ramper, à marcher, à parler, à courir ; tombant, se relevant, se battant, sous l’aile protectrice de son grand frère Mamadou Baidy Sall, aîné de la fratrie. Enfant du même village, professeur d’histoire, ancien ministre de l’Education nationale, Kalidou Diallo précise : ‘’C’est une très grande famille. Ce sont ses ancêtres qui ont fondé ce village, dont son frère Mamadou Baidy est aujourd’hui le chef. Ils sont tous des marabouts ; ils sont tous des imams.’’
Situé à environ 7 km d’Ourossogui, dans la commune d’Ogo, Danthiady a très tôt compris l’importance de l’éducation pour donner à ses enfants les mêmes chances que ceux des localités les plus favorisées du pays. Pour l’ancien ministre d’Abdoulaye Wade, ce n’est pas fortuit, si le patelin est appelé ‘’Village latin du Fouta’’.
En effet, dès les premières années de l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale, le hameau, qui venait d’étrenner sa première infrastructure scolaire, a vu émerger quelques petits génies. Lesquels brillent, aujourd’hui, aussi bien sur le plan national que sur le plan international. En sus de Malick Sall, le professeur d’histoire à l’Ucad énumère l’ancien directeur général de la RTS Daouda Ndiaye, le directeur de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan) Abdoulaye Ndiaye, des professeurs d’universités du Sénégal et à l’étranger… Sa liste est loin d’être exhaustive. Et tous sont de la même génération dorée qui vaut au village le rang qu’il occupe aujourd’hui dans un Fouta Toro ouvert à la modernité. L’actuel ministre de la Justice, Kalidou Diallo, est de la deuxième promotion de l’école de Danthiady ; laquelle fait partie des écoles dites de 61. ‘’Il est de la même promotion que l’ingénieur polytechnicien Amadou Sylla. Daouda Ndiaye et moi sommes de la première promotion de 1961’’.
A l’époque, la tâche était beaucoup plus ardue pour ceux qui étaient considérés comme des cobayes. Mais leur désir de réussite était sans égal. Avec plein d’humilité, l’ancien ministre explique : ‘’Il faut reconnaitre que nous avions aussi eu d’excellents enseignants. Comme vous le savez, c’est le primaire qui fait l’élève et nous avons su profiter d’enseignants émérites. DE plus, comme c’est un village qui était déjà lettré grâce à l’apprentissage du Coran, cela nous a beaucoup facilité les choses. Après le primaire, certains allaient à Matam pour le collège, d’autres à Saint-Louis. Malick a été orienté au lycée Faidherbe, avant de terminer au lycée de Rufisque. Daouda Ndiaye, lui, a fait Charles de Gaule.’’
Né le 2 avril 1956, le fils d’Amadou Sall est réputé homme discret, pieux et très généreux. Son collaborateur depuis plus de 20 ans, Ibrahima Ndiéguène, confirme : ‘’Il a toujours dans son bureau un exemplaire du Saint Coran qu’il maitrise parfaitement. Fervent talibé tidiane, il aime écouter les ‘Khasaides’ de Cheikh Ahmadou Bamba, surtout sous les airs du Hizbu Tarqiyya. Pour en avoir souvent discuté avec lui, il me confiait qu’il les trouvais magnifiques. C’est un homme profondément croyant et attaché à son terroir.’’
De ses origines modestes, l’arrière-petit-fils d’Elimane Demba Sall a dû travailler dur pour se hisser aux ors de la République. Sa réussite scolaire et universitaire, il la doit surtout à sa persévérance et à sa ténacité. Responsable dans la radio communautaire créée par le ministre, l’ancien journaliste de la RTS, Daouda Guissé, rapporte : ‘’J’ai entendu dire qu’il a failli abandonner les études au lycée. Mais grâce à Dieu et à sa détermination, il a pu continuer pour devenir ce qu’il est aujourd’hui.’’
Une longue relation avec les Sénégalais d’origine libanaise
Après avoir décroché sa Maitrise en droit privé (option judiciaire), Me Malick Sall a tout de suite tenté sa chance dans le barreau. Ironie de l’histoire, il va entamer sa carrière dans le cabinet de Sahjanane Akdar, sénégalaise d’origine libanaise. Après son stage de trois ans, il devient associé dans le même cabinet, rebaptisé ‘’Akdar et Sall’’. En 1991, l’enfant de Danthiady rachète les parts de Me Akdar et devient le seul maitre à bord du cabinet devenu ‘’Etude Maitre Malick Sall’’. Selon Kalidou Diallo, son oncle et ancien député Amadou Sada Dia l’avait d’ailleurs aidé à avoir son cabinet. Le 1er janvier 2003, il transforme l’étude en SCP Malick Sall & associés, accueillant ainsi d’abord Me Léocadie Samade, ensuite Me Ibrahima Ndiéguène.
Très peu connu du grand public, Maitre le grand frère d’EL Hadj Baidy n’en est pas moins bien connu dans la corporation. Alors que les profanes, qui pensent que le métier ne s’exerce qu’au niveau des prétoires, auraient pu en tirer des conclusions hâtives, une de ses anciennes collaboratrices prévient : ‘’C’est l’un des plus grands avocats du Sénégal. Un excellent maritimiste (spécialiste du droit maritime).’’ Selon sa biographie, Me Sall a conseillé de nombreuses structures aussi bien au Sénégal qu’à l’étranger : la société Pecten Sénégal (groupe pétrolier américain), la Banque mondiale, la société IGN France internationale, la fondation John Hopkins des USA, Canal+ horizon Sénégal, la famille Fauzie Layousse... ‘’Il a également défendu des entités publiques, notamment la RTS dans le contentieux de la diffusion des matches Fifa, l’ARTP dans le fameux dossier des appels entrants…’’, renchérit un autre témoin. Malgré toute cette trajectoire auréolée de ses plus de 35 ans de barre, il n’a jamais souhaité être sous les feux des projecteurs. ‘’C’est un homme qui a toujours voulu rester dans l’ombre. C’est lui qui m’a appris que pour vivre heureux, il faut vivre caché. Il a toujours beaucoup investi sans rien attendre’’, témoigne un de nos interlocuteurs.
C’est sans doute pourquoi Malick Sall n’était pas méconnu que du grand public. Chez les praticiens également, il était difficile, pour certains, de mettre un visage sur le nom. Même s’ils l’avaient connu de nom. Magistrat depuis plus de deux décennies, le président de l’UMS, Souleymane Téliko, confie : ‘’C’est vrai qu’on ne le voit que très peu dans les juridictions. Personnellement, je ne l’ai jamais vu. Il m’était même impossible de le reconnaitre avant qu’il ne soit ministre de la République. Quand même, je connaissais son nom que je voyais dans certains dossiers.’’ Cela n’est que l’illustration parfaite de sa grande discrétion et de son humilité, selon Maitre Ibrahima Ndiéguène.
Il ajoute : ‘’Après plus de 35 ans, il est resté toujours discret. Mais tous les avocats de sa génération connaissent ce qu’il vaut. Tous vous diront qu’il fait partie des maitres dans cette profession. Il faut savoir que, parmi les avocats, il y en a qui ne parlent pas. Je dois rappeler qu’il a été membre du Conseil de l’ordre, secrétaire chargé des relations internationales du Conseil de l’ordre pendant très longtemps. Il a défendu même des chefs d’Etat. Et il y a de grandes industries dont il a piloté le montage, de A à Z. C’est le cas des Ciments du Sahel. Homme très réseauté, Me Sall a aussi beaucoup contribué à l’adhésion de la Guinée-Bissau au franc CFA.
Généreux, professionnel, discret, l’avocat des Farès n’a été connu dans le landerneau politique que vers 2017-2018, quand il a décidé de soutenir le président Macky Sall pour sa réélection. Kalidou Diallo se souvient comme si c’était hier : ‘’Il est venu me dire qu’il veut accompagner le président de la République avec ses propres moyens. Il m’a dit : ‘Comme je n’ai pas une grande expérience dans la politique, je veux te laisser piloter tout ce qui est organisation. Moi, je m’occuperai de tous les financements dont vous aurez besoin.’ C’est ainsi qu’on a travaillé ensemble durant toute cette campagne présidentielle. Mais je n’étais pas de son mouvement.’’
Le mythe s’effondre
Mais contrairement à ce que peuvent penser certains observateurs, Maitre Malick Sall a eu sa première expérience politique en 2012. Il avait, à en croire l’ancien ministre de l’Education, cheminé avec Ibrahima Fall dans Taxaw Tem. Selon certaines sources, il aurait même été son argentier. Le 7 avril 2019, son engagement est couronné par sa nomination à la tête du département de la Justice. Depuis, pour beaucoup de Sénégalais, l’homme s’est plus illustré pour ses gaffes et autres cafouillages que pour sa maitrise de la science juridique.
L’avocat d’affaire se perd, en effet, dans plusieurs dossiers estampillés politiques. Ce, dès sa première sortie publique. C’était le jour même de la Korité 2019. En pleine tempête Aliou Sall, déclenchée par le reportage de la BBC, accroché par des journalistes, l’avocat de cabinet confond religion, morale et droit. Il disait : ‘’Je ne pense pas qu’un musulman comme Aliou Sall, revenant de La Mecque pour la Oumra, va s’adonner à des pratiques de corruption. J’ai entendu sa déclaration. Il est sénégalais comme moi. Je préfère, en tant que sénégalais, le croire au lieu de croire à des ragots qui viennent de l’étranger.’’
Dès lors, certains observateurs avertis ont pu pronostiquer sur ce que risquait de devenir la justice sous son magistère. D’autres affaires dont celles de Guy Marius Sagna et Adama Gaye auront également montré le manque criard de distance et de neutralité du ministre actuel.
Avocat de renom, Maitre Malick Sall est aussi pourchassé pour conflit d’intérêts. Ministre de la Justice de son état, il a eu à piloter des dossiers devenus très célèbres, notamment celui des frères Farès. Sur cette dernière accusation, son ancien associé assure que l’avocat d’affaires a bel et bien quitté le cabinet. Il insiste : ‘’Le règlement intérieur de l’ordre impose à un avocat qui accède à certaines fonctions, notamment la fonction ministérielle, de se faire omettre par l’ordre. Cela signifie qu’on retire son nom du tableau de l’ordre. C’est le cas de Maitre Malick Sall comme de Me Aissata Tall Sall. Un avocat qui occupe une fonction où il reçoit des ordres, doit demander son omission. S’il appartenait à une SCPA, il n’a plus le droit de prétendre à des parts au bénéfice de la société. C’est vraiment très clair et Me Sall a respecté cette exigence.’’
Selon la robe noire, c’est seulement quand il aura terminé sa mission qu’il peut demander sa réinscription au tableau et rejoindre à nouveau le cabinet. Toutefois, tient-il à préciser, ses clients qui sont ceux du cabinet peuvent bien rester dans le cabinet.
A en croire cet avocat très célèbre, il y a un grand hiatus entre cette belle théorie et la pratique. ‘’Je connais beaucoup d’avocats qui ont été ministres, mais qui ont continué à gérer leur cabinet. Ce qui est illégal. Certains sont gourmands. ‘Dagnouy ngaralé’. Ce n’est que théoriquement qu’ils quittent, mais ils continuent d’orienter des dossiers à milliards vers le même cabinet. Mais personne ne peut le savoir, même le chef de l’Etat. Après ‘dagnouy pathio’’’.
Marié et père d’un seul garçon, l’avocat réputé être très nanti est peint comme un Sénégalais très généreux. Maitre Ndiégène confirme : ‘’Un jour, un jeune confrère est venu me confier qu’il était très malade et avait besoin d’un montant très élevé pour se soigner. Il me considérait comme son frère. J’en ai alors parlé à Malick ; il m’a tout de suite demandé : de combien il lui faut ? Je suis retourné au gars pour lui demander le montant. Quand je l’ai dit à Malick, il m’a tout de suite dit au nom de qui il va libeller le chèque. Il n’était pas ministre et jusqu’à présent, je doute qu’il ait connu ce confrère. Il a un sens très élevé du partage. Sinon, il serait encore plus riche.’’
A ceux qui pensent que l’époux de Maimouna Sylla s’est engagé en politique pour s’enrichir, Ibrahima Ndiéguène rétorque : ‘’Nous qui le connaissons savons qu’il est allé en politique pour s’appauvrir. Ce qu’il gagnait dans son cabinet n’est pas du tout comparable avec ce qu’il peut avoir en politique. S’il s’est engagé en politique, c’est juste pour aider le président de la République et être au service de son peuple.’’ A Danthiady, les populations qui l’ont vu équiper pas mal d’écoles et de structures de soins ne cessent de lui souhaiter ceci : ‘’YA DIOGORO DIAM !’’
°Ensemble de poèmes en vers du Moyen Âge, narrant les hauts faits de héros ou de personnages illustres
VITAL KAMERHE, LA CHUTE D'UN INCONTOURNABLE DE LA POLITIQUE CONGOLAISE
Homme de confiance de deux présidents successifs, Vital Kamerhe, 61 ans, condamné samedi à 20 ans de "travaux forcés" pour corruption, est une figure centrale des redoutables jeux du pouvoir en République démocratique du Congo
omme de confiance de deux présidents successifs, Vital Kamerhe, 61 ans, condamné samedi à 20 ans de "travaux forcés" pour corruption, est une figure centrale des redoutables jeux du pouvoir en République démocratique du Congo.
"Je suis un homme d'Etat", a répété au fil des cinq audience de son procès l'ex- président de l'Assemblée nationale, barbe poivre et sel et chapelet autour du cou. Longtemps, M. Kamerhe s'est cru intouchable, à cause de son statut de directeur de cabinet à la présidence de la République, son passé et le poids démographique de son fief dans l'Est de la RDC. "J'ai le soutien total du chef de l'Etat. Je ne le contredis jamais et lui non plus", déclarait-il en novembre 2019. "Nos épouses sont devenues amies. Ses enfants, je les considère comme mes enfants, et l'inverse est également vrai. Tout cela est le ciment de notre alliance", ajoutait-il alors que son nom était déjà apparu dans une première affaire de détournement présumé, en septembre.
Fin 2018, ce natif de Bukavu, dans le Sud-Kivu, a été le principal allié de Félix Tshisekedi dans sa conquête du pouvoir, comme il avait servi avec zèle son prédécesseur Joseph Kabila dans les années 2000. Excellent tribun, M. Kamerhe a fait campagne avec M. Tshisekedi, surtout dans l'Est où il a mis sa popularité et sa maîtrise du swahili au service de son allié, plus à l'aise dans l'Ouest du pays, à Kinshasa et au Kasaï. Dans un volte-face spectaculaire, les deux hommes s'étaient retirés au bout de 24 heures d'une alliance de sept leaders de l'opposition autour de Martin Fayulu pour sceller leur propre plate-forme politique, Cap pour le changement (Cach). Leur accord prévoyait que Vital Kamerhe, qui avait tenté sa chance en 2011, soit candidat à la présidence en 2023.
- Mariage people -
Jovial et chaleureux, Vital Kamerhe est l'une des rares personnalités à maîtriser les quatre langues nationales du pays, outre le français qui est la langue officielle (lingala, swahili, kikongo, tshiluba). Il est le père de 14 enfants, selon l'état-civil décliné en ouverture du procès. A peine nommé directeur de cabinet après l'investiture du président Tshisekedi janvier 2019, il s'est remarié le 14 février, jour de la Saint-Valentin, avec l'ex-compagne d'un célèbre chanteur congolais, JB Mpiana. Le faste de ce mariage "people" avec Hamida Shatur, issue d'une famille indienne, avait irrité les Congolais, au moment où la nouvelle équipe au pouvoir promettait de gouverner pour "le peuple d'abord".
Entendu comme témoin, la femme de Vital Kamerhe a d'ailleurs énuméré à la barre la liste des cadeaux reçus lors de leur mariage : 862.000 dollars, 33.000 euros, 10 millions de francs CFA (15.000 euros) et quatre voitures neuves....Le tribunal a ordonné la confiscation des fonds sur ses comptes bancaires.
M. Kamerhe fait partie de cette génération marquée au fer rouge par la chute du dictateur Mobutu Sese Seko (1997), l'assassinat de son tombeur Laurent-Désiré Kabila (2001) et les deux guerres du Congo (1998-2003). Brillant orateur, il fut lors de la présidentielle de 2006, le directeur de campagne du jeune président Joseph Kabila, propulsé à la tête de la RDC après l'assassinat de son père en janvier 2001. Il a aussi été l'un des cadres fondateurs de son parti, le PPRD.Pour ses dévoués services, M. Kamerhe a obtenu en retour la présidence de l'Assemblée nationale, où il s'est illustré par son "art de paraphraser avec concision des débats sans fin et d'amener une décision", relève David Van Reybrouck dans sa somme "Congo, une histoire".
En 2009, il avait été contraint de démissionner, pour avoir contesté l'entrée de troupes rwandaises dans l'Est du pays pour une opération conjointe avec l'armée congolaise contre des rebelles rwandais. Il a été accusé par sa famille politique d'alors d'avoir "nui à la cohésion nationale".Comme tant d'anciens cadres tombés en disgrâce, il a alors commencé une carrière "d'opposant", en se présentant à la présidentielle de 2011 contre son ancien champion, Joseph Kabila.
Il a créé son parti, l'Union pour la nation congolaise (UNC). Mais ses détracteurs affirment qu'il a continué à garder des liens avec Joseph Kabila.Jouant à l'équilibriste durant des années, bien introduit dans la sphère musicale de RDC, Vital Kamerhe est souvent chanté par les grandes voix de la rumba congolaise, à l'instar de Koffi Olomide.
LA BELGIQUE DOIT S'EXCUSER POUR SON PASSÉ COLONIAL
Sur l'occupation belge du Congo "il y a eu trop de non-dits", "comme dans certaines familles", et il faut maintenant que l'ancienne puissance coloniale présente "des excuses", estime l'élu belge d'origine congolaise Pierre Kompany
Sur l'occupation belge du Congo "il y a eu trop de non-dits", "comme dans certaines familles", et il faut maintenant que l'ancienne puissance coloniale présente "des excuses", estime l'élu belge d'origine congolaise Pierre Kompany, dans un entretien avec l'AFP.
Pour la planète football, c'est un des patronymes belges les plus célèbres.Le nom est en réalité congolais et s'est aussi imposé en politique dans le plat pays.
Pierre Kompany, 72 ans, est certes le père de Vincent Kompany, défenseur vedette des Diables rouges, l'équipe nationale numéro un au classement Fifa.
Mais fin 2018 cet ex-réfugié politique ayant fui la dictature de Mobutu a acquis à son tour une notoriété mondiale en devenant le premier bourgmestre (maire) noir de Belgique, élu à la tête d'une commune de 25.000 habitants de l'agglomération bruxelloise, Ganshoren.
Aujourd'hui, entre deux obligations liées à ses fonctions, il suit de près la vague d'émotion qui a suivi la mort de l'Afro-américain George Floyd.Et en Belgique, le débat qu'elle a ravivé sur les violences de la période coloniale au Congo et le rôle du défunt roi Léopold II, dont ce vaste territoire africain fut longtemps la propriété privée.
Pour Pierre Kompany, les statues de l'ancien souverain (qui régna de 1865 à 1909) auraient dû depuis des années être remisées dans les musées pour éviter les actes de vandalisme subis ces derniers jours.
"Personne n'entrerait dans un musée pour casser" et les admirateurs de ces statues "payeraient pour aller les voir", ironise le député bruxellois.
Selon les historiens, la colonisation au XIXe siècle de l'actuelle RDC (ex-Zaïre), sous l'autorité de Léopold II, a été très brutale, marquée par le recours au travail forcé pour exploiter le caoutchouc.Des photos de mains coupées ont documenté les exactions.
"Il y a une réalité flagrante, elle n'est pas discutable", poursuit M. Kompany, qui appelle à "dire la vérité" à l'approche des 60 ans de l'indépendance le 30 juin 1960.
Une occasion a été manquée en 2009 lors du centenaire de la mort de Léopold II, que l'Etat belge a refusé de célébrer, rappelle-t-il.
- Des livres de Mandela et de Césaire -
Pour assumer ce passé et l'enseigner à l'école, "la responsabilité appartient aujourd'hui d'abord à l'Etat belge".
"Si l'Etat présente ses excuses ça serait déjà beaucoup.Mais si la famille royale le fait aussi, elle en sortirait grandie"."Les excuses doivent venir en fait de l'Etat et du Roi" Philippe, précise-t-il ensuite.
Né à Bukavu (est du Congo) en 1947, Pierre Kompany fuit son pays en 1975 après avoir été l'un des animateurs d'un soulèvement d'étudiants.
Aidé par un ami médecin, il prétexte une maladie imaginaire ("au nom très compliqué") à soigner à l'étranger pour venir à Bruxelles, où il doit travailler comme chauffeur de taxi pour financer la poursuite de ses études d'ingénieur, raconte-t-il.
Il devient citoyen belge en 1982, année de son mariage avec Jocelyne (aujourd'hui décédée), avec laquelle il a trois enfants, Christel (née en 1984), Vincent (1986) et François (1989).Il est déjà grand-père sept fois.
De sa famille, il affirme qu'elle a toujours été unie par un même état d'esprit de lutte "contre les injustices sociales", et qu'on s'y offre comme cadeaux des livres de Nelson Mandela et d'Aimé Césaire.
Lui-même se dit "de gauche", ancien socialiste désormais élu du Centre démocrate humaniste (cdH, centriste).
Pierre Kompany n'est retourné au Congo pour la première fois qu'en 2010, au côté de son fils Vincent venu inaugurer un village d'orphelins pour le compte d'une ONG.
"Quand j'ai quitté Kinshasa il y avait moins d'un million d'habitants.J'y suis revenu c'était plus de 10 millions, j'étais complètement dépassé (...) c'était un moment très fort", souligne-t-il.
Et c'est en pensant à "ces gens qui sont très loin" qu'il souhaite le pardon de la Belgique."Cela leur ferait du bien".
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LES MALIENS A NOUVEAU DANS LA RUE CONTRE IBK
Les Maliens à nouveau dans la rue quinze jours après la première manifestation à l'appel du mouvement M5.
Les Maliens à nouveau dans la rue quinze jours après la première manifestation à l'appel du mouvement M5. Gilles Yabi, politologue du think thank WATHI nous a livré son analyse de la crise politique que traverse le pays. Ce vendredi est sorti SEMA, un film coup de poing sur les violences sexuelles en RDC. L'occasion pour le mouvement nationale des survivants de sensibiliser sur cette question et de demander des excuses publiques au président Tshisekedi. Pour finir, le reportage sur la corniche qui borde la capitale sénégalaise défigurée depuis des années par une bétonisation sauvage.
BOUGAZELLI SE DIT INNOCENT
Seydina Fall a nié tous les faits qui lui sont reprochés et indexe un certain «Kals» qui a orchestré un complot contre sa personne.
Seydina Fall alias Bougazelli a été entendu, hier, dans le fond. Lors de son audition, l’ex-député a nié tous les faits qui lui sont reprochés et indexe un certain «Kals» qui a orchestré un complot contre sa personne.
Selon Libération qui donne l’information dans sa parution de ce samedi, « Kals » est un spécialiste dans la vente de tissus de marque comme le Basin et autres qu’il achète au Mali ou en Gambie.
Inculpé le 22 novembre 2019 pour « association de malfaiteurs, corruption et trafic de faux billets de banque », l’ex-député de l’Alliance pour la République (Apr) a obtenu une liberté provisoire le 3 juin dernier, pour des raisons «de maladie», après avoir passé plus de six mois à la prison de Rebeuss.
«C’EST DIOUF SARR QUI M’A DEMANDE DE REJOINDRE MON POSTE»
Dr Aloyse Diouf explique les raisons de son départ avant de se prononcer sur les nombreux cas de décès notés quotidiennement.
Directeur de cabinet au Ministère de la Santé et de l’Action Sociale depuis 3 ans, Dr Aloyse Wally Diouf a présenté hier son dernier point du jour, car il a démissionné de son poste pour rejoindre sa nouvelle affection au sein de l’Organisation Mondiale de la Santé. Il devait partir depuis mars dernier, mais avec l’apparition de la Covid-19, il avait préféré différer son départ pour quelque temps. Dans cet entretien qu’il a accordé à «L’AS», Dr Aloyse Diouf explique les raisons de son départ avant de se prononcer sur les nombreux cas de décès notés quotidiennement.
Peut-on savoir les raisons qui vous ont poussé à démissionner en cette période de pleine crise sanitaire liée au coronavirus ?
Je voudrais préciser qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’une démission. Depuis le mois d’avril 2020, l’acceptation de ma candidature à l’Oms bureau Sénégal m’a été notifiée. A cette époque, j’avais demandé à pouvoir rester au poste de Directeur de cabinet pour entreprendre la lutte contre la Covid-19 à côté du ministre de la Santé et de ses équipes. Cette demande a été acceptée. Et aujourd’hui, c’est monsieur le ministre lui-même qui m’a demandé de rejoindre mon poste. Je salue cette marque de générosité venant d’un homme rigoureux et d’un véritable meneur d’hommes. Donc, il n’y a ni limogeage, ni démission.
Certains soutiennent que c’est le ministre qui a décidé de se séparer de vous ?
Vous l’ai dit tantôt, c’est lui qui a béni ma candidature et qui, aujourd’hui, m’a demandé de rejoindre mon poste pour lequel j’avais demandé à ce que ma prise de service soit différée le temps de me consacrer à la lutte contre la Covid-19 avec le ministère de la Santé. Donc, il n’y a aucun nuage entre le ministre et moi. Il y a plutôt eu une marque de générosité et d’altruisme qui est une caractéristique fondamentale de l’homme Abdoulaye Diouf Sarr. Je lui en serai toujours reconnaissant, surtout qu’il a fortement contribué à consolider mes compétences.
Ces derniers temps, on a noté de nombreux cas de décès liés à la Covid-19. Qu’est-ce qui explique cette forte mortalité soudaine?
Il faut, peut-être, la voir à deux niveaux. Premièrement, il y a les effets nocifs de la stigmatisation qui font que certaines personnes semblent rechigner à se signaler lorsqu’elles ont des symptômes, ce qui entraîne une prise en charge tardive ou même parfois une absence de prise en charge. Deuxièmement, il y a le non-respect des gestes barrières qui induit évidemment une vulnérabilité des personnes vis-à-vis du virus et entraîne une accentuation de la transmission communautaire, avec les résultats que l’on observe. C’est le lieu pour moi d’inviter les uns et les autres, en particulier les personnes âgées et celles porteuses de maladies chroniques, à un sursaut d’orgueil dans le respect de ces mesures préventives.
LES MEDECINS CONTRACTUELS MENACENT DE QUITTER LES CENTRES DE TRAITEMENT DE LA COVID-19
Les médecins contractuels sont très remontés contre leur ministère de tutelle, Abdoulaye Diouf Sarr, qui refuse de leur verser des salaires et des primes de motivation alors qu’ils sont au-devant de la guerre contre la Covid-19.
En plus de la grosse équation que constituent la propagation fulgurante du coronavirus et la hausse des cas de décès, les autorités du ministère de la Santé doivent faire face à un autre souci. Il s’agira pour elles de gérer la révolte des médecins contractuels qui menacent d’aller en grève si on ne leur verse pas leurs primes de motivation.
Les médecins contractuels sont très remontés contre leur ministère de tutelle, Abdoulaye Diouf Sarr, qui refuse de leur verser des salaires et des primes de motivation alors qu’ils sont au-devant de la guerre contre la Covid-19. Le représentant des médecins contractuels dans les centres de traitement, Dr Ousseynou Sarr, renseigne que leurs salaires ont été payés hier vendredi (19 juin) et qu’il reste le paiement des primes de motivation. «Ils ont payé les salaires ce matin, maintenant il reste la motivation. Ils n’ont même pas commencé à débattre de cela. Ils soutiennent qu’ils ne devraient pas nous payer de motivation. Ce que nous ne comprenons pas vraiment. Ils disent que nous ne devons pas bénéficier de la motivation Covid et nous ignorons sur quelle base juridique ils s’appuient pour soutenir une telle thèse. Nous n’avons pas d’interlocuteurs pour le paiement de nos motivations, ils jouent au ping-pong avec nous», fulmine Dr Sarr.
Particulièrement furieux de leurs mauvaises conditions de travail, il indique : «Nous avons travaillé pendant 3 mois, mais ils n’ont commencé à appliquer le contrat que ce mois-ci. Ce qui veut dire que nous avons travaillé gratuitement durant les deux autres mois. Comme on est en période d’épidémie, nous sommes allés au front en nous sacrifiant, mais eux, ils ignorent tout cela. Nous faisons tout le travail. Nous ne demandons pas que l’on nous paie ce qu’ils nous doivent réellement. Mais quand on vous fait travailler presque gratuitement, vous devriez avoir au moins de quoi prendre le bus». Très amer, il soutient que dans les régions, certains médecins paient leur logement, la restauration et autres charges. Face à cette situation insupportable, les médecins contractuels n’écartent pas l’idée de quitter les centres de traitement. «Nous espérons que le ministère ne va commettre l’erreur de pousser les médecins à rester chez eux pour des problèmes de motivation. J’ai écrit une note et je l’ai envoyée à un de nos professeurs qui l’a transférée au ministre. Ce qui veut dire donc que le ministre Abdoulaye Diouf Sarr est au courant de nos revendications. Nous sommes 58 médecins contractuels».
«AU SENEGAL, IL N’Y A PAS UN DEFICIT DE MEDECINS»
Par ailleurs, Dr Ousseynou Sarr affirme que le Sénégal ne connaît pas de déficit de médecins, comme veut le faire croire le gouvernement. «Le ministère de la Santé a dit qu’il y a un manque de médecins dans le pays, c’est pourquoi ils ont pris des médecins contractuels. Et dans 3 mois, le contrat va finir, les médecins vont retourner à leurs occupations. Le ministère parle tout le temps de déficit de médecins, alors pourquoi ne pas recruter ces médecins. Le gouvernement ne dit pas la vérité», clame-il. Chaque année, dit-il, près de 250 médecins sortent de la faculté de médecine de Dakar sans compter les autres universités et les deux universités privées. «Depuis 10 ans, certains médecins ont déposé des demandes de recrutement à la fonction publique sans être recrutés. Ce, au moment où le gouvernement fait croire à la population qu’il y a un déficit de médecins», tonne Dr Ousseynou Sarr.
TROIS DÉCÈS SUPPLÉMENTAIRES ET 144 NOUVELLES CONTAMINATIONS
Le ministère de la Santé a annoncé samedi trois décès causés par le coronavirus et 144 nouvelles contaminations portant à 5.783 le nombre de tests positifs de Covid-19 au Sénégal.
Dakar, 20 juin (APS) – Le ministère de la Santé a annoncé samedi trois décès causés par le coronavirus et 144 nouvelles contaminations portant à 5.783 le nombre de tests positifs de Covid-19 au Sénégal.
Ces nouveaux décès portent à 82 le nombre de personnes mortes de la maladie à coronavirus, a précisé Aloyse Waly Diouf, le directeur de cabinet du ministre de la Santé, en présentant le dernier bilan national de la pandémie.
Selon lui, à ce jour, 1.841 patients se font soigner dans les centres de traitement du Covid-19.
Les 144 nouvelles infections proviennent de 1.247 effectués au cours des dernières vingt-quatre heures, a indiqué M. Diouf.
L’effectif des dernières contaminations est constitué de 123 cas contacts, qui étaient sous la surveillance des services sanitaires, d’un cas importé et de 20 cas causés par la transmission communautaire, c’est-à-dire des personnes contaminées par une source non identifiée.
Les cas de transmission communautaire ont été recensés dans les localités suivantes, situées dans la région de Dakar : Keur Massar (3), Yeumbeul (2), Mbao (1), Rufisque (1), Bargny (1), Zone B (1), HLM Grand-Médine (1), Dalifort (1), Ngor (1), Yoff (1), Parcelles Assainies (3), Ouest-Foire (1) et Guédiawaye (1). Deux autres ont été détectés à Kaolack (1) et Touba (1).
Le nombre de patients guéris du Covid-19 est de 3.859, un effectif incluant 71 malades qui ont recouvré la santé durant les dernières vingt-quatre heures, selon Aloyse Waly Diouf.
De 17, vendredi, le nombre de patients se trouvant dans un état ‘’grave’’ et en réanimation est passé maintenant à 16, a-t-il indiqué.
«LA JUSTICE DES HOMMES EST À L’IMAGE DE CEUX QUI LA RENDENT»
Auteur du livre intitulé : «Médiations sur l’acte de juger : l’ultime audience», le juge Souleymane Téliko explique que son acte de méditation n’est pas lié à un problème de remords ou de conscience.
Auteur du livre intitulé : «Médiations sur l’acte de juger : l’ultime audience», le juge Souleymane Téliko explique que son acte de méditation n’est pas lié à un problème de remords ou de conscience. Revenant sur la justice des hommes, le président de l’Union des Magistrats du Sénégal (Ums) estime que la position sociale ainsi que l’appartenance politique voire ethnique peuvent favoriser l’impunité. Dans son livre, le juge Téliko n’a pas manqué de faire la comparaison entre le jugement dernier etle jugement ici-bas.
Président, pourquoi des méditations sur l’acte de juger ?
Je vous fais remarquer que l’intitulé exact du titre de l’ouvrage est : «Méditations sur l’acte de juger : l’ultime audience». En réalité, c’est un intitulé qui peut prêter à équivoque dans la mesure où il s’agit de méditations qui portent sur le jugement dernier que j’appelle ici «l’ultime audience». Les mots «acte de juger» se réfèrent ici à l’angle sous lequel j’ai abordé le sujet du jugement dernier, en ce sens que j’ai essayé de faire l’analogie entre la procédure criminelle telle qu’elle se pratique dans nos tribunaux etle déroulement du jugement dernier tel que décrit dans le Saint Coran. En somme, «l’ultime audience» renvoie au sujet traité et «acte de juger» à la démarche adoptée pour traiter le sujet.
Est-ce qu’il ne s’agit pas d’une comparaison entre le jugement dernier et l’acte de juger ici-bas ?
Il ne saurait y avoir de comparaison entre des choses à tout point de vue incomparables. La justice humaine et le jugement dernier sont un déroulement des univers fondamentalement différents avec des acteurs aussi incomparables que le sont Dieu et sa créature. Il s’y ajoute aussi que la nature des jugements est fondamentalement différente. Ici-bas, notre jugement porte sur des actes isolés qui sont qualifiés selon le cas de faute ou d’infraction. Dans l’Au-delà par contre, Dieu rend un jugement qui, au-delà des actes, porte sur la nature intrinsèque de l’homme. Au terme du jugement dernier, les hommes sont classés en «bons» ou «mauvais» : comme le dit un verset : «Innal abrara lafii naiim et wa innal foudiara lafii djahiim» c’est-à-dire «les bons vont au paradis et les mauvais vont en enfer». La prérogative de classer les hommes en bons ou mauvais revient à Dieu et à Lui Seul. Ceci étant dit, l’analogie, c’est précisément le fait de relever des traits de ressemblances entre deux ou plusieurs choses fondamentalement différentes. C’est une méthode d’explication couramment employée dans le Coran.
Par exemple, dans le Coranvous trouvez dans la sourate Araignée (29), un verset par lequel Allah nous dit : «ceux qui ont pris des protecteurs en dehors d'Allah ressemblent à l'araignée qui s'est donné maison. Or la maison la plus fragile est celle de l'araignée. Si seulement ils savaient !» C’est cette démarche analogique, qui consiste à passer du concret à l’abstrait, à aborder des choses peu connues ou abstraites en faisant le parallèle avec des choses plus ou moins familières que j’ai adoptée dans cet ouvrage en faisant le parallèle entre les séquences de notre procédure criminelle et certaines séquences du jugement dernier.
Est-ce que ce n’est pas une manière de soulager votre conscience si on sait que votre profession est perçue comme une prétention à remplacer Dieu dans ses prérogatives absolues d’être le Seul Juge de l’univers ?
Je pense que toute réflexion sur la vie, le devenir de l’homme ou son salut est une activité de méditation. L’activité de méditation n’est donc pas liée à un problème de remords ou de conscience. Elle est menée par tous les hommes et particulièrement par les croyants.Certes,toutlemondene prend pas le soin de rédiger le fruit de ses méditations mais à mon humble avis, tout le monde médite. Vous-même, il vous arrive de méditer non ?
Vous avez dit dans le livre qu’il y a une unité symbolique à travers la balance qui représente la justice sur cette terre et l’autre monde. A travers le Texte Sacré, il est dit que la Justice sera bien rendue le Jour du jugement dernier. En tant que juge «profane» est-ce que vous pensez qu’elle est bien rendue sur cette terre du Sénégal ?
La justice des hommes est à l’image de ceux qui la rendent. Elle est nécessairement imparfaite. Mais c’est notre devoir à nous d’essayer de la parfaire, de tendre vers un idéal de justice pour qu’il y ait le moins d’injustice possible.
Vous mentionnez aussi le fait que le juge ment dernier sera un tête-à-tête entre l’homme et son Seigneur et nul ne pourra compter sur sa position sociale, l’éloquence magique d’un avocat, la fidélité ou l’entregent d’un ami pour se soustraire à sa responsabilité. N’est-il pas là une critique que vous faites en filigrane à notre système judiciaire ?
Vous pouvez appeler cela une critique. Mais c’est un constat que chacun d’entre nous peut faire. Dans la justice des hommes, la position sociale, l’appartenance politique voire ethnique peuvent favoriser l’impunité. C’est le propre de la justice des hommes de n’être jamais totalement juste ni totalement équitable. Mais comme je viens de le dire, c’est justement pour cette raison que nous devons nous engager pour que la part d’injustice et d’iniquité soit réduite au minimum.
En parcourant le livre, on sent que c’est un juge qui a un profond attachement à la foi qui se livre. On a senti beaucoup plus le musulman que le juge. Est-ce un livre de confession ?
Je ne crois pas qu’on puisse parler de livre de confession. Confession par rapport à quoi d’ailleurs. En revanche, vous avez sans doute raison de dire qu’on sent davantage le croyant que le juge. C’est un livre de méditations que n’importe quel autre citoyen croyant aurait pu écrire. Car le jugement dernier est un sujet qui interpelle tous les croyants sans distinction.
LA GOUVERNANCE DE MACKY SALL MISE À RUDE ÉPREUVE
Réélu dès le premier tour, le président peine à gouverner tranquillement car pris à l’étau par des contestations populaires, la dislocation de ses troupes, la gestion de la Covid-19 et dernièrement des polémiques à n’en plus finir sur le foncier
Il n’aurait jamais imaginé que son deuxième mandat serait un «cauchemar». Réélu dès le premier tour, le Président Macky Sall peine à gouverner tranquillement. Il est pris à l’étau par des contestations populaires, la dislocation de ses troupes, la gestion de la Covid-19 et dernièrement des polémiques à n’en plus finir sur le foncier.
«Lettre d’information relative à une manifestation pacifique.» Cette note adressée hier au Préfet du département de Dakar est la énième du genre cette année. Cette fois-ci, c’est le Front multi-luttes «Doyna» nouvellement créée et regroupant une quinzaine d’organisations qui s’illustre en informant de la tenue de son sit-in le jeudi 25 juin 2020 à la Place de la Nation (ex-Place de l’Obélisque). Ce, malgré que l’on soit en pleine crise sanitaire liée au nouveau coronavirus.
En tête, le Front pour une Révolution anti-impérialiste Populaire et Panafricaine (Frapp) dont Guy Marius Sagna est l’un des membres les plus en vue, cette nouvelle plateforme exige le paiement de 14 mois d’arriérés de salaires à 145 travailleurs par Pcci et Sonatel. Ils exigent aussi le paiement de 49 mois d’arriérés aux travailleurs de ABS Sénégal, leur dédommagement et leur redéploiement par l’Etat ; le paiement à chacun des 200 étudiants victimes de Afup Canada de dommages et intérêts qui s’élèvent à 1 million pour chaque étudiant.
Sur la question foncière, le Front-multi-luttes «Doyna» demande l’arrêt de la spoliation foncière à Ballabougou et à Kiniabour, et de l’accaparement des terres à Guéréo par le Groupe Decameron ; puis un audit foncier, la restitution des terres aux paysans et pasteurs de la localité. Le front exige des mairies de Oréfondé, Agnam, Dabia, Thilogne la transparence envers la population et la lumière dans la signature d’un financement de 700 milliards FCFA et les copies de délibération du projet pour chaque commune. Il veut aussi que les 253 victimes de démolition de maison de Gadaye soient dédommagées. Il demande enfin l’extension du quartier Terme Nord (Ouakaù, près de l’ancien aéroport Léopold Sédar Senghor), l’amélioration de son cadre de vie et la mise sur pied démocratique, participative, inclusive d’un comité de quartier ou comité de gestion.
Diagnostic d’un système économique déjà amorphe, pris par l’étau de la crise sanitaire Il faut relever cependant qu’avant cette protestation pacifique, des contestations populaires violentes avaient été notées partout dans le pays pour réclamer l’allègement de l’état d’urgence et la levée du couvre-feu. Finalement, le gouvernement a cédé en se pliant à la volonté populaire manifestée. Mais globalement, si on fait une analyse approfondie de la gouvernance sous Macky Sall, on peut noter qu’il y a beaucoup de paradoxes dans la politique qui est menée, la gestion des affaires et les discours politiques annoncés. Joint au téléphone, l’enseignant chercheur à l’UGB, Moussa Diaw estime que si on analyse le discours du chef de l’Etat et qu’on le met en rapport avec les réalisations, on se rend compte qu’il y a un écart important entre ce qui a été annoncé et ce qui s’est traduit dans la réalité. «On trouve des promesses non tenues en termes d’amélioration des conditions de vie des populations», souligne le Pr Moussa Diaw. D’ailleurs, il pense que même ses réalisations sont à relativiser en dehors de l’autoroute «Ila Touba».
La preuve, dit-il, le grand projet du TER pose problème alors qu’on a englouti énormément de milliards dedans sous forme de prêts. «Avant la présidentielle, la majorité se réjouissait d’avoir obtenu de nombreuses promesses de dettes. On parlait de milliards empruntés, mais aujourd’hui on se demande où sont passés tous ces milliards en termes de réalisations économiques et de priorités», s’interroge Monsieur Diaw. Pour ce qui est de l’autosuffisance en riz, il affirme qu’on avait misé pour 2019 sans que cela soit atteint. «Finalement, on a pu donner de date à l’issue de lquelle on aboutira à l’autosuffisance en matière de riz. Donc, toute la politique agricole est à revoir en termes de priorités», soutientil. En ce qui concerne la politique de Santé, la pandémie Covid-19 a montré qu’elle est à redéfinir. A en croire Moussa Diaw, la santé devrait être adossée à des stratégies permettant de soigner les populations, d’avoir des hôpitaux et des infrastructures en matière de santé. Malheureusement, poursuit-il, la Covid-19 vient compliquer les choses avec des répercussions économiques dans la mesure où il sera difficile d’éviter la récession. «Nos économies sont très fragiles et une bonne partie occupée par l’économie informelle. En plus de cela, les mesures drastiques pour faire face à la pandémie ont affecté le Tourisme qui générait beaucoup d’argent ainsi que le transport, l’exportation etc. » Tout ceci amène l’enseignant chercheur à dire que le Sénégal est dans un système économique pris par l’étau de la crise sanitaire.
MOUSSA DIAW : «POLITIQUEMENT, C’EST L’IMPASSE ; ECONOMIQUEMENT N’EN PARLONS PAS ; ET SOCIALEMENT C’EST LE DESASTRE»
Par ailleurs, l’enseignant chercheur à l’UGB estime que le débat contradictoire sur les spéculations foncières montre bien qu’il y a d’autres préoccupations pour certains responsables du régime qui, au lieu de penser à l’intérêt général, sont en train de se précipiter comme si on se partageait un gâteau national. «Chacun essaye de s’enrichir le plus rapidement possible en laissant de côté les populations sans se préoccuper de leurs aspirations», se désole t-il. En plus, il soutient que face à cette crise, les membres du régime constatent comme tout le monde les difficultés sans essayer de changer la donne. Ce qui, selon lui, révolte les Sénégalais à travers une vague de contestations parce qu’ils ne peuvent plus supporter les contraintes liées à la pandémie. «Les mesures drastique prises par l’Etat ne pouvaient coller à l’économie, parce que la plupart des Sénégalais évoluent dans l’informel. Les gens sont dans une situation de survie. Et donc, politiquement, c’est l’impasse ; économiquement n’en parlons pas ; et socialement c’est le désastre. Donc globalement, si on fait l’évaluation, c’est très facile d’aboutir à un résultat qui est une insatisfaction des populations par rapport à la politique menée», explique le chef de la Section sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB).
En définitive, Monsieur Diaw a attiré l’attention sur l’absence totale de solidarité gouvernementale si on analyse les réponses fournies par les membres de l’Exécutif. Avant de relever les tensions entre les leaders de la mouvance présidentielle. Ce qu’il trouve d’ailleurs inquiétant. «On ne sait pas où on va. Aujourd’hui, on nous indique des voies et demain le contraire. Cela va tous les sens. C’est comme s’il y avait un problème d’autorité. Les directives du Président ne sont pas respectées. Le Président donne des consignes, les gens ne suivent pas, c’est le notamment sur le foncier. Donc, on s’interroge sur cette gouvernance politique, ses contradictions. Et où est-ce ce que cela peut mener à long terme», affirme l’enseignant chercheur à l’UGB.