Après avoir rendu visite aux sinistrés des inondations de la commune de Ziguinchor, le leader de Pastef a tenu, hier, un point de presse. Et c’est pour faire la situation sur l’utilisation des milliards décaissés dans le cadre du plan décennal de lutte contre les inondations dans le sud du pays. A cet effet, Ousmane Sonko a soutenu que sur les 21 milliards Fcfa alloués dans le cadre de l’assainissement à Ziguinchor, seul un projet de 5 milliards Fcfa non livré à été réalisé.
Selon le leader de Pastef, le gouvernement du Sénégal avait promis de mettre 21 milliards 263 millions dans la région de Ziguinchor pour l’assainissement dont 11 milliards, prévus pour la première phase 2014-2017 et 10 milliards pour la deuxième Phase 2018-2022. Ousmane Sonko révèle cependant que sur ces montants annoncés, seul un projet de 5 milliards non livré a été réalisé. Il a fait cette révélation hier, lors d’un point de presse organisé à la suite d’une visite aux sinistrés des inondations dans le sud du pays.
A en croire le leader de Pastef, il s’agit d’un programme financé par BOAD dont l’objectif était de toucher 20 mille personnes, avec une station d’épuration de 3 900 m3 d’eau. Aussi, ajoute-t-il, une station de transformation d’eau de pompage d’une capacité de 140m3. Avec cela, se désole-t-il, comment voulez vous qu’il n’y ait pas de dégâts à Ziguinchor quand il pleut. Pourtant, indique Ousmane Sonko, le gouvernement, suite à une évaluation, avait classé en 3 catégories les villes. «Il y avait pour la première catégorie les villes qui ont des plans directeurs d’assainissement et des ouvrages d’assainissement, la deuxième catégorie, celles qui ont des plans directeurs d’assainissement sans ouvrages d’assainissement, et la troisième n’a ni l’un ni l’autre », explique le leader de Pastef qui souligne en effet que sur la première catégorie, il n’y avait aucune ville de la région de Zinguinchor. Donc pour lui, c’est une zone prioritaire. D’autant que, rappelle-t-il, c’est la zone qui enregistre les plus fortes pluies du pays. «Aujourd’hui, on est à presque 17 000 millimètres de pluies», laisse entendre le leader de la coalition Jotna.
Ousmane Sonko estime en outre qu’au-delà de la responsabilité de l’Etat, celle de la mairie de Ziguinchor est engagée. «C’est une responsabilité partagée entre l’Etat et les collectives locales», tonne-t-il. A l’en croire, cette situation est liée à une mauvaise gestion des ordures qui, selon lui, ont été déversées dans les canaux. «Je me demande même s’il s’agit bien même des canaux», fulmine le patron de Pastef. Pourtant, signale-t-il, la mairie a annoncé qu’elle a mis 200 millions pour les tirages à canaux. Ce qui l’amène à se demander : «où se trouve l’argent ?»
Le leader de Pastef en a profité pour aborder la question foncière dans cette région du Sud, notamment dans la commune Niaguiss.
A l’en croire, les habitants de la commune de Niaguiss se sont vu imposer un lotissement sur une superficie de 500 ha, un peu plus de la moitié de la commune de Ziguinchor estimée à 900 ha. «A qui profitent ces lotissements ?» se demande Ousmane Sonko, qui accuse en effet le maire de ladite commune et le promoteur et l’administration d’avoir escroqué cette population. D’autant que, s’indigne-t-il, le plus grave, c’est qu’il se permet d’arrêter certains jeunes qui réclamaient leurs droits.» Ils sont détenus à la prison depuis presque 2 mois», renseigne Sonko, avant d’exiger en effet leur libération immédiate et sans condition. A cet effet, il interpelle directement le président de la République pour régler immédiatement cette situation.
LES INONDATIONS FONT CHAVIRER L’OPPOSITION
Les récentes fortes pluies ne se sont pas limitées à transformer des rues et des maisons en piscines, elles viennent également accélérer la fissuration de l’opposition, déjà enclenchée par le débat sur la désignation de son chef
N’eussent été le coronavirus et les autres problèmes qui empêchent le Sénégal d’accéder à l’émergence, le Président Macky Sall serait sans doute en train de jouer au Ludo avec ses enfants ou de participer à un match de « Calcio » sur la plage de Popenguine. Car, en lieu et place de critiques virulentes, il bénéficie actuellement d’un état de grâce que lui a servi l’opposition sur un plateau d’argent. Les inondations sont passées par là. Comme à la guerre, les opposants se tirent dessus pour discuter de la conduite à tenir face cette « catastrophe » qui perturbe le sommeil de beaucoup de pères de familles.
Un malheur ne vient jamais seul. Les fortes pluies notées au Sénégal ne se sont pas limitées à transformer des rues et des maisons en piscines, elles viennent également accélérer la fissuration de l’opposition, déjà enclenchée par le débat sur la désignation d’un chef. A côté du front ouvert par Idrissa Seck et ses souteneurs contre le leader de Pastef, Ousmane Sonko fait face désormais à ceux qu’il qualifie «d’opposants à l’opposition». En déplacement hier à Ziguinchor, le Sonko n’a pas hésité à vider son chargeur sur Bougane Guèye Dani et Thierno Bocoum, même s’il ne les a pas cités nommément, « Il y a des gens qui jouent avec l’émotion des Sénégalais. Vous avez entendu des individus faire des sorties pour dire que Sonko veut politiser les inondations. C’est quoi politiser les inondations ?...C’est Macky Sall qui avait dit qu’il allait régler le problème des inondations en quatre ans. Il avait fait de ce discours un élément de campagne…Ceux qui disent que qu’on ne doit pas critiquer le régime sont des hypocrites. Plus grave, ils se déclarent opposants. Des opposants qui ne s’opposent jamais à Macky Sall. Depuis combien de temps vous n’avez pas entendu un opposant faire une sortie pour critiquer le régime ? Mais ils sont prompts à critiquer Ousmane Sonko », tempête le député à l’Assemblée nationale.
Poussant le bouchon plus loin, l’ancien inspecteur des Impôts n’a pas été tendre avec ceux qu’il qualifie d’hypocrites et de collabos. « Ils sont des opposants à Ousmane Sonko. Vous ne les entendez jamais parler du pétrole, du Ter, du bradage du foncier, des inondations. On ne les entend jamais parler de ces questions, mais ils passent tout leur temps à critiquer ceux qui critiquent Macky Sall. Ces gens sont des opposants de l’opposition. C’est l’opposition de Macky Sall, ce n’est pas l’opposition à Macky Sall. Au Sénégal, il y a une opposition de Macky Sall créée par Macky Sall pour attaquer l’opposition. Vous connaissez ceux à qui je fais allusion. Les populations n’ont pas besoin de riz, elles ont besoin de voir se réaliser les promesses qu’on leur a faites par rapport aux inondations», fulmine-t-il.
L’ORIGINE DU PROBLEME
Cette déclaration va sans doute susciter dans les heures et à venir une réaction de président du mouvement «Gueum Sa Bopp» qui, après une sortie de Ousmane Sonko, avait déclaré ce week-end : « les sinistrés n’ont pas besoin de discours, ni de politiser leurs calvaires. Ils ont besoin d’aide et de soutien. Parler du statut du chef de l’opposition, c’est vraiment manquer de respect aux Sénégalais qui sont en train de souffrir. Aujourd’hui, évacuer les eaux qui ont envahi leurs maisons, reste la seule priorité. Parler également de troisième mandat, c’est manquer de respect aux Sénégalais. Alors, il faut respecter les Sénégalais. » Il en sera de même certainement pour le leader du mouvement AGIR, Thierno Bocoum, qui avait déclaré : « le débat sur le statut du chef de l’opposition est moins important que beaucoup d’autres priorités de l’heure. Et surtout dans un contexte d’inondations où plusieurs familles sont plutôt préoccupées par la recherche de moyens pour faire face aux difficultés quotidiennes.
Qu’on se le tienne pour dit, ce débat a malheureusement pris une tournure hautement politique et les prises de positions des uns et des autres ne relèvent que de la pure stratégie. Certains cherchent à le reléguer au second plan, faute de pouvoir faire partie des leaders éligibles. » Des propos que le leader de Pastef ne semblent pas digérer. En tout état de cause, la seule personne à qui la tournure des évènements arrange, c’est le Président Macky Sall, qui a besoin que les populations oublient les 750 milliards Fcfa dédiés à la lutte contre les inondations et le débat sur le troisième mandat.
LES MALADIES NON TRANSMISSIBLES AUGMENTENT LE RISQUE DE MOURIR DE LA COVID-19 EN AFRIQUE
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) prévient les personnes atteintes de maladies non transmissibles par rapport aux dangers du coronavirus
La croissance exponentielle de la courbe des décès liés à la covid-19 est en grande partie causée par les maladies non transmissibles. Il ressort d’une analyse préliminaire de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qu’il y a de plus en plus de preuves que les Africains vivant avec des maladies non transmissibles (Mnt) telles que l’hypertension et le diabète sont plus susceptibles de souffrir de cas graves de COvId-19 et de mourir. A souligner, par ailleurs, qu’au Sénégal aucun décès lié à la pandémie du coronavirus n’a été enregistré hier.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) prévient les personnes atteintes de maladies non transmissibles par rapport aux dangers du coronavirus. Dans une analyse préliminaire de l’Oms effectuée dans 14 pays de la région africaine, l’hypertension, le diabète, les maladies cardiovasculaires et l’asthme sont les comorbidités les plus associées aux patients atteints de COVID-19.Il ressort de cette analyse également qu’il y a de plus en plus de preuves que les Africains vivant avec des maladies non transmissibles (MNT) telles que l’hypertension et le diabète sont plus susceptibles de souffrir de cas graves de COVID-19 et de mourir. Par exemple l‘Afrique du Sud, qui enregistre près de la moitié des cas et des décès sur le continent, constate que 61% des patients atteints de COVID-19 dans les hôpitaux souffraient d’hypertension et 52% de diabète. «45 % des personnes âgées de 60 à 69 ans qui sont décédées des suites de COVID-19 souffraient également d’hypertension.
Au Kenya, environ la moitié des décès par COVID-19 sont survenus chez des personnes atteintes de MNT, alors qu’en République Démocratique du Congo, ces patients représentaient 85% de tous les décès par COVID-19», rapporte l’OMS. «Des millions d’Africains vivant avec des maladies non transmissibles courent un plus grand risque de complications ou de décès dus à la COVID-19. Il est donc très inquiétant de constater qu’au moment même où les personnes souffrant d’hypertension et d’autres maladies chroniques ont le plus besoin d’aide, beaucoup sont laissées pour compte», a déclaré Dr Matshidiso Moeti, directrice régionale de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour l’Afrique. Une enquête de l’OMS portant sur 41 pays d’Afrique subsaharienne a révélé que 22 % des pays indiquent que seuls les soins d’urgence en hospitalisation pour les maladies chroniques sont disponibles, tandis que 37% des pays signalent que les soins externes sont limités. «La gestion de l’hypertension a été perturbée dans 59% des pays, et celle des complications diabétiques dans 56% des pays», renseigne le communiqué.
D’après l’Oms, la fermeture ou le ralentissement des services risque d’aggraver encore les conditions sous-jacentes des patients, ce qui entraînera des cas plus graves de maladies non transmissibles. En outre, elle exacerbe également la susceptibilité des personnes vivant avec des maladies chroniques à la COVID19. Même avant la pandémie, les maladies non transmissibles constituaient un problème de santé majeur, qui touchait un nombre croissant d’Africains. Par exemple en 2015, les maladies non transmissibles ont tué 3,1 millions de personnes dans la région africaine, contre 2,4 millions en 2010.
AUCUN DECES LIE A LA COVID-19 ENREGISTRE
Par ailleurs, il faut signaler que le Sénégal n’a pas enregistré hier de décès lié à la covid-19 après un week-end macabre. La courbe des cas graves s’est stabilisée, puisqu’il a été recensé 32 cas graves qui sont pris en charge dans les services de réanimation. Le taux de positivité de 3,05% reste toujours bas.
Selon le ministère de la Santé et de l’Action sociale, sur les 852 tests réalisés, 26 sont revenus positifs, soit un taux de positivité de 3,05%. Il s’agit de 17 cas issus de la transmission communautaire répartis entre Louga 02 cas, Sacré-Cœur 02 cas, Saint-Louis 02 cas, Saraya 02 cas, Colobane 01 cas, Fass 01 cas, Kaolack 01 cas, Khombole 01 cas, Mbour 01 cas, Mékhé 01 cas, Mermoz 01 cas, Nord- Foire 01 cas et Ouakam 01 cas. Quant aux 09 cas contacts, ils sont répartis : Dakar 16 cas, Thiès 02 cas, Saint-Louis 02 cas, Louga 02 cas, Kédougou 02 cas et Kaolack un cas. Le ministre de la Santé a révélé que 43 patients ont été déclarés guéris. Le Sénégal compte à ce jour 14.306 cas positifs dont 10.563 guéris, 297 décédés, et donc 3445 sous traitement.
MACKY VALIDE LE PROJET D'ECOMUSEE
Un projet d’une grande envergure va voir le jour au Sénégal. Il s’agit d’un écomusée qui sera construit dans le village d’Agnam Godo, une localité située dans la commune des Agnam, dirigée par le maire Farba Ngom
Un projet d’une grande envergure va voir le jour au Sénégal. Il s’agit d’un écomusée qui sera construit dans le village d’Agnam Godo, une localité située dans la commune des Agnam, dirigée par le maire Farba Ngom.
En effet, ce dernier a été reçu hier au Palais par le Président Macky Sall. Il était accompagné du directeur général de l’Agence d’exécution des travaux d’intérêt public contre le sous-emploi (Agetip) El hadj Malick Gaye et des représentants de tabita Pulaaku, une association internationale dont les objectifs principaux sont la promotion du Peul et la fédération des populations peuls afin d’appuyer des programmes de développement socio-économique et culturel.
L’idée de construire un écomusée pour valoriser la culture peule devrait être matérialisée très bientôt. Sous la houlette de Tabital Pulaagu, le projet sera installé à Agnam Godo. Hier donc, le maire des Agnam, accompagné du maître d’œuvre El hadj Malick Gaye, Dg de l’Agetip, a été reçu par le chef de l’Etat. Ils sont venus présenter la maquette et ont fait valider le projet qui devrait coûter plusieurs milliards. Lors de cette rencontre de haute facture, le Dg de l’Agetip El Hadji Malick Gaye et l’architecte ont présenté la maquette au chef de l’Etat pour la validation du concept architectural et technique de ce projet dénommé «Ecomusée des Peuls».
Après la présentation de l’architecte, le Président Macky Sall a félicité les deux techniciens pour le travail de qualité. Il a néanmoins formulé des suggestions pour enrichir le scénario musicographique.
Prenant la parole, le Dg de l’Agetip a complété l’exposé de l’architecte du projet pour porter à la connaissance du président que le joyau s’exécutera en deux phases. D’abord, la première phase, qui se chiffre à 2 milliards, porte sur la construction de salles d’exposition et de conférence, en plus de l’aménagement d’un grand hangar.
Ensuite, la seconde consistera à mettre en œuvre un scénario musicographique et les travaux s’articuleront autour de la mise en place d’expositions mettant en valeur les spécificités des «ethnies» peules qui sont éparpillées dans 28 pays africains. Pour ceux qui l’ignorent, un écomusée est une institution culturelle permettant de donner les fonctions de recherche, de présentation, de conservation et de mise en valeur d’un ensemble de biens naturels et culturels, sur un territoire, représentatif d’un milieu et des modes de vie qui lui sont rattachés.
IL FAUT S’ATTENDRE A UNE REMISE A NIVEAU DE L’ECONOMIE A PARTIR DE 2022
L’économiste Meissa Babou, enseignant à l'université Cheikh Anta diop de Dakar (ucad), revient dans cet entretien accordé à «L’As» sur la récession notée au Sénégal
L’économiste Meissa Babou, enseignant à l'université Cheikh Anta diop de Dakar (ucad), revient dans cet entretien accordé à «L’As» sur la récession notée au Sénégal. Il dit ne pas être optimiste pour une remise à niveau de l’économie dans les plus brefs délais, en espérant que les choses puissent se rétablir à partir de 2022.
«L’AS» : vous aviez annoncé au début de la pandémie Covid19 que nos économies seraient à terre. Aujourd’hui, les dernières estimations du gouvernement sénégalais font état d’une croissance négative autour de -0, 7%. Y-a-t-il moyen de stopper cette tendance baissière?
Meissa BABOU : La seule façon de stopper cette descente vers l’enfer est de mettre en place tout de suite un plan, non pas seulement de résilience parce que là, cela suppose qu’on va aider certaines entreprises qui sont dans la dèche. Mais au-delà d’un plan de résilience basé sur des subventions ou bien une politique de financements bancaires qui n’a pas encore donné de résultats, l’Etat doit mettre en œuvre un plan de relance qui ne sera rien d’autre qu’un PSE ou un PAP2 réorienté vers les conséquences néfastes que la Covid-19 nous a montrées et démontrées. Le gouvernement a mis en place un plan de relance ; mais je crois qu’il ne suffit pas tout simplement de relancer. Il faut réorienter et restructurer notre système économique qui est trop fragile. J’ai entendu le ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération internationale, Amadou Hott, dire qu’au-delà des prévisions d’environ 14 000 milliards, ils ont ajouté 740 milliards de F CFA sur le nouveau plan pour un redémarrage rapide des activités économiques à partir d’une base agricole. Mais à mon avis, ce n’est pas encore très clair parce que l’engagement dans les investissements sociaux a été le point faible du PSE. Aucun investissement de masse dans l’agriculture, la santé ou le système éducatif. Aucune université n’est sortie de terre, aucun hôpital aussi.
Par conséquent, je pense que pour nous mettre dans une croissance endogène, pour une économie franchement à la sénégalaise porteuse d’une croissance inclusive qui pourrait nous donner l’espoir d’une renaissance économique, il nous faut quand-même revoir toutes les copies. Et pour cela, la relance est un mot qui ne sied même pas. Il faut, à mon avis, une restructuration, à la limite une réorientation. Mais nous attendons de voir ce que le gouvernement va faire.
Cette situation ne démontre-telle pas la non-préparation de nos économies aux crises ?
Le constat est que notre économie n’a pas une capacité de résilience, c’est-à-dire recevoir des coups et se remettre. On n’a pas un socle économique nous permettant de faire de la résistance. La Covid-19 a suffisamment montré et démontré la fragilité de notre économie dans tous les segments. Je pense donc que c’est moins une non-préparation, mais surtout l’insuffisance des visions économiques que le Sénégal a développées depuis les Indépendances. Le Sénégal n’a jamais été pratiquement sur le bon chemin du développement. Vous ne pouvez pas quand même pendant plus de 50 ans vous mettre dans un système d’importation. Le Sénégal vit simplement à partir de l’extérieur. Si on fermait les frontières pour quatre mois, nous risquerions tous de mourir ensemble dans ce pays. Non seulement on n’aura pas quoi manger mais on n’a même pas la capacité de nous soigner. Avant la Covid-19, les fractures étaient visibles.
Par conséquent, il nous faut un rattrapage. C’est pourquoi j’ai utilisé tantôt un mot très fort. J’ai dit qu’il faut restructurer. Il faut un changement en profondeur avec beaucoup de réformes. C’est de cela qu’il s’agit. Ce n’est pas un train à l’arrêt qu’il faut redémarrer. Parce que déjà, ce train n’est pas sur les bons rails. Il nous faut revoir en fait les options de développement du gouvernement et du PSE et nous focaliser sur les besoins vitaux telle que l’alimentation, la santé mais aussi faire de sorte qu’on puisse avoir une école de qualité. Au moins pour protéger le Sénégalais de ces vicissitudes par rapport à un environnement changeant; parce que dès après-demain, une guerre mondiale peut éclater. Et donc comme une pandémie, nous risquons d’être enfermés dans ce pays là où on n’aura même pas de quoi manger. A mon avis, c’est cette fausse route que le Sénégal a toujours empruntée qu’il faudra changer et nous mettre sur une véritable voie de développement. Ces plans qui sortent dans une précipitation me pousse à dire qu’il ne s’agit pas simplement de mots ou de politique politicienne. Il nous faut être sérieux et engager le débat avec des cadres de qualité, un forum pour mettre une feuille de route adaptée en ce sens. Ce que j’appelle une nouvelle situation économique qui serait la tendance pour le PSE2 ou le PAP2.
Avec cette récession, à quoi on peut s’attendre comme répercussions immédiates sur la vie des Sénégalais?
Aujourd’hui, cette nouvelle donne, autrement, cette croissance extrême et négative de - 0.7% nous plonge directement dans une récession avec à la clef non seulement une baisse des recettes douanières et fiscales, mais surtout et le plus dramatique, un chômage massif. Ce sont donc des conséquences extrêmement graves pour un pays qui se cherchait un développement émergent. Il faut alors s’attendre à des difficultés. Et on sait que 43% des PME seront à terre et que toutes les entreprises qui ne sont pas à terre sont en difficultés. Face à ce tableau noir, l’Etat du Sénégal a besoin de moyens colossaux. Vu que nous avons pratiquement atteint la limite de notre endettement, on va se demander où on va trouver les fonds. Alors que pour restructurer, il faut absolument des moyens. Je ne suis pas optimiste pour en tout cas une remise à niveau dans les plus brefs délais. Peut-être que 2021 sera encore une année noire. Il faut s’attendre peut-être à une remise à niveau à partir de 2022.
LA DOUANE ACCULE LES FRAUDEURS DU FER A BETON
Elle obtient 15 milliards de frs de recettes en contentieux entre janvier et juin 2020, les industriels locaux applaudissent
La Douane a réussi à diminuer la fraude sur le fer. Entre janvier et juin 2020, elle a traité 95 affaires contentieuses sur le fer à béton pour plus de 15 milliards de francs de recettes. Ce qui fait du fer à béton, le produit le plus saisi par les services douaniers, après l’huile et le sucre. Mais le risque zéro n’existe pas. Il existe des cas d’écoulement frauduleux de matériaux de construction exonérés. Des bénéficiaires peu scrupuleux qui abusent des facilités offertes par l’Etat et détournent les produits exonérés de leur destination légale. La répression de cette fraude a donné plus de 3 milliards de francs CFA de recettes depuis le 1er janvier 2020. Toujours est-il que l’action de la Douane a été saluée par les industriels locaux qui commencent à souffler un peu face aux importations frauduleuses de fer à béton.
Sans grand bruit, le nouveau directeur général Abdourahmane Dièye est en train d’imprimer sa marque depuis sa nomination à la tête de la Douane sénégalaise. Les fraudeurs sur le fer à béton ne diront pas le contraire. La Douane, à travers sa Direction des opérations douanières (DOD) commandée par le colonel Mbaye Ndiaye, a mis en place un système de traque de la fraude sur le fer à béton. Une fraude qui consistait pour certains opérateurs économiques disposant d’exonérations à s’adonner à la réexportation fictive. Une forme de fraude très coûteuse pour nos finances publiques déjà malmenées par la crise et écrasées par la pandémie de covid-19. Près de 500 milliards de francs de recettes sont perdues chaque année à cause des diverses exonérations distribuées à tour de bras par les autorités. D’où la décision prise par le président de la République de suspendre les exonérations sur le fer à béton comme le soulignait le « Témoin quotidien « dans un article publié le 03 juillet dernier.
Votre quotidien préféré avait aussi indiqué que, pour protéger les industriels du fer à béton locaux, le président Macky Sall avait décidé que tout importateur de fer à béton devait s’acquitter d’une taxe douanière de 300.000 frs sur la tonne. Cette fraude sur les exonérations a été dénoncée par le ministre des Finances et du Budget. Lors de la rentrée fiscale de la Direction générale des Impôts et Domaines en mars dernier, M. Abdoulaye Daouda Diallo répondait aux critiques du président du Conseil national du Patronat (CNP). M. Baïdy Agne manifestait son courroux face aux retards de la délivrance des titres d’exonérations des Entreprises franches d’exportation (EFE) et des agréments au Code des Investissements.
Tout en appelant à l’époque le secteur privé à un meilleur civisme fiscal, Abdoulaye Daouda Diallo avait répondu sèchement à Baïdy Agne que « nous avons constaté que, sur les titres d’exonération donnés, plus de 37 % des exonérations ont été détournées. Il a fallu repenser la situation. Je comprends que c’est difficile et je ne peux continuer indéfiniment de bloquer ces titres, nous devons ensemble travailler à trouver la solution ». « C’est un effort important de l’Etat de délivrer des exonérations afin de favoriser des investissements. Nous devons tout faire pour éviter que ces avantages ne soient détournés au profit des structures qui n’en sont pas bénéficiaires » avait ajouté l’argentier de l’Etat.
Lors d’une journée d’études tenue le 02 juillet sous la présidence du ministre de l’Industrie, M. Moustapha Diop, et consacrée aux problèmes de la filière de l’acier, les industriels locaux dénonçaient vivement la concurrence déloyale des importateurs. Une concurrence qui, selon eux, mettrait à rude épreuve la production locale estimée de 450.000 à 500.000 tonnes par an. On mesure les dégâts quand on sait que rien qu’en 2018, la filière avait fait un chiffre d’affaires de 220 milliards de frs avec près de 10.000 emplois directs et globalement plus de 600.000 emplois indirects. A l’occasion de cette rencontre, M. Chavane Ruser de la Société industrielle de bois et d’acier (SIBA) disait que « malgré le fort potentiel du secteur et la volonté de l’Etat à vouloir consolider les emplois, les menaces pèsent lourd depuis maintenant un certain temps. Ces menaces ont mis à genoux la majorité de la filière. Et là si rien n’est fait il y aura une faillite certaine ».
Montée en puissance de la Douane, des fraudeurs en prison
Face aux mesures prises par l’Etat suite à la complainte des industriels locaux du fer à béton, la Douane a décidé d’intensifier la traque contre les fraudeurs. « La fraude sur le fer à béton a nettement diminué au Port autonome de Dakar. Les exonérations fictives n’ont aucune chance de prospérer. D’ailleurs, les services du Dg Abdourahmane Dièye ont tellement bien travaillé que la DOD a pu épingler des fraudeurs pour à l’arrivée ouvrir un contentieux douanier de près de 15 milliards de frs. Ces bons résultats s’expliquent par la stratégie mise en place par la DOD avec un système de verrouillage en mode GPS Whatsapp qui permet de suivre les camions sur leur trajectoire annoncée. Dès que la déclaration est tirée, le système de contrôle effectué par 10 unités spécialisées est mis en branle » témoigne une source patronale évoluant au Port de Dakar. Selon notre interlocuteur, « les fraudeurs sont avertis de même les escrocs qui arrivent à confectionner de faux cachets de Douane. Beaucoup de fraudeurs sont en prison. Les autorités douanières soutenues par le Parquet ne badinent guère. Les récidivistes n’ont aucune chance de s’en sortir puisque le système de verrouillage est bien huilé. Et ce n’est pas seulement sur le fer à béton, mais aussi sur le tabac, l’huile, le sucre et le savon ».
Le colonel Alpha Touré Diallo, chef du Bureau des Relations publiques et de la Communication de la Douane, confirme la montée en puissance des gabelous qui ont réussi en peu de temps à juguler un tant soit peu la fraude sur le fer à béton. « Au plan réglementaire, l’acier et ses dérivés (fer à béton) ont été réintégrés en 2019 dans le champ du Programme de Vérification des Importations (PVI). Cela permet désormais un double contrôle. Ce qui n’était pas le cas avant. Depuis septembre 2019, une valeur de correction de trois cent mille (300 000) FCFA est appliquée sur la tonne de fer à béton et les produits similaires. Ce qui a permis d’éradiquer la sous-évaluation du fer dans les déclarations d’importations » souligne le colonel Diallo. Il précise qu’ « au plan opérationnel, les équipes chargées du dédouanement ont accentué le contrôle de la valeur déclarée sur le fer. Les visites physiques ont été renforcées et il y a eu le resserrement des circuits de vérification ainsi qu’une application systématique des barèmes intégrés dans le système GAINDE.
La surveillance et le contrôle post dédouanement du fer à béton ont été resserrés et les services dédiés veillent sur le fer en régime suspensif et sur le suivi des apurements en temps réel. Tout cela est accompagné d’un dispositif d’encadrement des réexportations à travers la prescription obligatoire de l’escorte et le suivi en temps réel des apurements, via un outil de communication piloté directement par le Directeur des Opérations douanières. La combinaison de toutes ces mesures réglementaires et opérationnelles ont permis de réduire considérablement les cas de versements frauduleux de fer à béton dans le territoire douanier ».
Le colonel Alpha Touré Diallo a confirmé les informations livrées par notre source sur le contentieux. « L’autre résultat appréciable réside dans le fait qu’entre janvier et juin 2019, (95) affaires contentieuses ont été réalisées sur le fer à béton pour plus de (15) milliards de francs CFA de recettes depuis le janvier 2019. Ce qui fait du fer à béton le produit le plus saisi par les services douaniers, après l’huile et le sucre. Mais le risque zéro n’existe pas. Il existe des cas d’écoulement frauduleux de matériaux de construction exonérés.
Des bénéficiaires peu scrupuleux abusent des facilités offertes par l’Etat et versent dans le détournement des produits exonérés de leur destination légale. La répression de ce phénomène a donné plus de 3 milliards de francs CFA de recettes depuis le 1er janvier 2020 » indique le patron des Relations publiques et de la Communication de la Douane. Il conclut pour dire que « le secteur du fer à béton se porte beaucoup mieux, les acteurs ont beaucoup magnifié l’action de la Douane ».
VIDEO
LA VISION ECONOMIQUE DU MOURIDISME
Développement endogène et efficacité des politiques publiques-La vision économique du mouridisme dans la science économique- une approche juridique pour une meilleure valorisation du secteur informel- Lika Sidibé et Abdoulaye Cissé accueillent Mme Rokhaya
Lika Sidibé et Abdoulaye Cissé accueillent Mme Rokhaya Daba Fall, Dr Khadim Bamba Diagne et Pr. Abdoulaye Sakho pour la troisiéme numero des zebinaires de l'Université Cheikh Ahmadou Bamba: Le Thème : Conférence 3/5 : Economie - Pauvreté - Exclusion sociale. • Sujet 1 | Développement endogène et efficacité des politiques publiques (Mme Rokhaya Daba Fall) • Sujet 2 | La vision économique du mouridisme dans la science économique (Dr Khadim Bamba Diagne) • Sujet 3 | une approche juridique pour une meilleure valorisation du secteur informel (Pr. Abdoulaye Sakho)
A LA CROISEE DES CHEMINS ENTRE LE PASSE ET LE FUTUR
Peycouck Sérère. Ce village, plus que centenaire, est à la croisée des chemins entre le passé et le futur.
Cheikh CAMARA, Correspondant permanent à Thies |
Publication 15/09/2020
Un beau royaume «noon», solide trait d’union entre «Ndione-Ndione», «Faye-Faye», «Digane», «Coundar» et «Khoul Khoul»
Peycouck Sérère. Ce village, plus que centenaire, est à la croisée des chemins entre le passé et le futur. Son présent, ce sont d’abord ses habitants. Très fiers, ils sont des hommes et des femmes très accueillants. Très modestes et surtout très solidaires. A part quelques rares étrangers, tout le monde dans cette localité est « noon », une sous composante de l’ethnie sérère du Sénégal seulement présente dans Thiès et ses environs.
Peycouck Sérère est à la périphérie Est de la ville de Thiès sur la route nationale 2 qui mène vers Khombole. C’est un village composé de cinq quartiers. Il s’agit de Fayène ou « Ki Faye-Faye », ensuite Ndionène ou « Ki Ndione-Ndione » aujourd’hui divisé en deux (Ndionène Boury et Ndionène Ngomack) et « Ki digane ». Vient enfin, Coundar, lui aussi divisé en deux (Coundar Biraye et Coundar Dembé). A côté de ces quatre carrés, il y a « Ki khoul khoul » où vivent les griots qui jouent un rôle essentiel dans la vie du village. Selon une version bien établie, les ancêtres des habitants actuels du quartier Ndionène ou « Ki Ndione-Ndione » sont les fondateurs du village de Peycouck Sérère. Seulement, les nombreux témoignages ne donnent aucune précision sur leurs origines exactes. Certains témoignages retiennent que les « Ndione-Ndione » à la tête desquels il y avait un patriarche sont arrivés à l’approche de la saison des pluies. Ils se sont établis avec leur troupeau à la périphérie Nord-Est sur les champs du clan des Tine ou « Tène Tène » de Ngoumsane. Qui les aurait accueillis sur autorisation des chefs de la tribu trouvée sur place. Et comme l’hivernage approchait, l’urgence était de recouvrir les cases construites à la hâte. Faute de paille fraîche, les « Ndione- Ndione » durent faire avec de la paille ayant déjà servi et appelée « couck » dans le dialecte locale. Par transposition, le terme a servi à désigner les nouveaux habitants.
«Khémès», la brave femme, réarma moralement les survivants d’une méchante épidémie de peste au 19ème siècle.
Comme la plupart des clans de l’époque, celui des « Ndione Ndione » aura connu « grandeur » et « décadence », selon nos sources. « Grandeur parce que la population a connu une telle croissance que les hommes ne pouvaient tenir sous un seul arbre à palabres pendant la période dite méridienne entre les deux saisons. On imagine alors que l’espace était très exigu pour jouer au ‘’yoté’’, un jeu tracé sur le sable avec des bouts de bâtons comme pions à planter dans des sillons faits avec le revers de la main. Ce qui a donné la création de deux autres arbres à palabres appelés ‘’seuguou’’ réservé chacun à un carré. Ainsi, il y a eu ‘’Félène’’, ‘’Nimrod’’, etc. », raconte notre source. La décadence viendra au 19ème siècle. Une méchante épidémie de peste a ravagé impitoyablement la grande famille des ‘’Ndione-Ndione’’. Les rares rescapés se comptaient sur le bout des doigts. Selon les témoignages, « le clan aurait disparu, n’eut été une femme d’un âge certainement adulte prénommée ‘’Khémès’’. Elle aurait réarmé moralement les survivants, traumatisés par la perte de parents, les obligeant à reprendre goût à la vie et de garder l’espoir qu’un jour la grande famille allait s’agrandir. « Ki ndionendione » relevait peu à peu la tête hors de l’eau quand il fut, une fois de plus, touché par une seconde épidémie de peste entre 1916 et 1918. Alerté, le service d’hygiène colonial dut brûler les cases et isoler la population sur le côté Est du village. Aujourd’hui, nous a-t-on appris, il ne reste plus que deux grandes familles. Il y a « Ki ndione-ndione Bouré » (Boury) qui, approximativement, est demeuré sur l’un des emplacements qui abritait un des trois « seuguou », et « ki ndionendione Ngomack » situé un peu au Nord à côté du clan des « Coundar-coundar ». Un autre trait de l’histoire attribue aux habitants de « Ki ndione ndione » une interdiction ferme de consommer du poisson.
Et si Peycouck Sérère m’était conté...
La date exacte de création de Peycouck Sérère est encore un secret de l’histoire. Cependant, à travers la tradition orale transmise de génération en génération, l’histoire retient, suivant les « circonstances de la fondation du village, que « les premiers habitants seraient, en effet, arrivés à l’approche de l’hivernage ». Pourquoi avaient-ils préféré cet endroit à un autre? Nul ne sait. La raison est peut-être liée à leur statut de paysans et de pasteurs. Ils avaient certainement besoin d’assez d’espace pour cultiver et faire paître le bétail. La preuve : les hectares à perte de vue légués aux fils actuels du village et qu’ils cultivent ou cultivaient encore avant que la démographie galopante du village et de la ville de Thiès ne vienne les conquérir. Ces terres sont bien connues sous les appellations de « thiop tia » (les terres déboisées) et « diora » (le sol dior). Nos sources renseignent que « les premiers venus n’étaient pas seuls sur le site. Ils ont trouvé sur place les gens de la localité de Ngoumsane qui les ont accueillis à bras ouverts. Un groupe de « sages » trouvé sous l’arbre à palabre raconte : « l’hivernage approchait. Il fallait vite dresser des cases. Mais la grande équation, c’était de trouver de la paille pour faire les chaumières. Les ‘’Ngoumé-ngoumé’’ - c’est ainsi que l’on désigne les habitants de « Ngoumsane » - sollicités, n’avaient que de la vieille paille ayant déjà servi, qu’on appelait et on l’appelle jusqu’à présent ‘’couck’’. Les nouveaux arrivants s’en contentèrent pour couvrir les toitures de leurs cases. Cela a servi de prétexte aux « Ngouméngoumé »pour désigner leurs nouveaux voisins. Ils leur donnèrent le nom de ‘’couck-couck’’ qui veut dire les gens à la vieille paille. L’histoire de Peycouck Sérère est donc intimement liée à celle du village de Ngoumsane ».
Sous un grand arbre surnommé «wouly» ou «mboul», se reposaient les voyageurs venus du Baol en route vers Rufisque
L’histoire fait également remarquer que le village est devenu, par la suite, un lieu de rencontre. Son emplacement géographique en faisait, en effet, un lieu d’escale pour les voyageurs venus du Baol vers le centre du pays (actuelle région de Diourbel) et en route vers Rufisque (dans la région de Dakar), une ville très commerçante à l’époque coloniale. Ces voyageurs, raconte une vieille dame sous le couvert de l’anonymat, « des Wolofs généralement, se reposaient sous un grand arbre que les ‘’Noon’’ surnomment ‘’wouly’’ et que les Wolofs connaissent sous le vocable de ‘’mboul’’. Pour désigner le lieu, ils parlaient de ‘’pey u couck’’, l’escale ou ‘’le lieu de rencontre de couck’’. Le nom est resté, auquel on adjoindra le mot sérère de la dénomination de l’ethnie à laquelle appartiennent les habitants du village ». Fait remarquable : l’endroit est aujourd’hui situé à quelques cent mètres de la route nationale qui n’a fait que remplacer l’ancienne piste autrefois empruntée par les voyageurs à califourchon sur leurs chevaux.
En plus de la modernité, Peycouck Sérère s’ouvre au monde
L’arbre en question, plus que centenaire, a existé jusque vers les années 1985 avant que le poids de l’âge n’ait eu raison de lui. Il s’est affaissé un beau jour de saison sèche. Son emplacement est occupé par une parcelle à usage d’habitation. Les cases sont, aujourd’hui, devenues de l’histoire ancienne. Elles existent encore, mais elles ne sont plus témoins du sommeil de ses occupants. Elles sont utilisées comme cuisines ou débarras pour la plupart. L’architecture à Peycouck Sérère est celle de bâtiments construits en dur avec du ciment. Certaines habitations sont mêmes faites de terrasses. D’autres, si elles sont à un niveau de rez-de-chaussée, sont prévues pour supporter un ou deux étages. Un coup d’œil, même furtif, renseigne sur le niveau de vie des habitants du village. Le village est également électrifié depuis 1999. Ses habitants sont joignables aussi à tout moment grâce au téléphone fixe comme mobile. Les poteaux électriques se dressent le long des rues principales et alimentent les concessions. Ainsi, des téléviseurs aux postes radios en passant par les lecteurs de CD, les réfrigérateurs, les congélateurs et les ordinateurs, chaque famille est aujourd’hui fière de mener sa vie au rythme du courant électrique. Les toits des maisons sont surmontés d’antenne de télévisions MMDS et parfois hissées très haut.
En plus de la modernité, Peycouck Sérère s’ouvre au monde, à la civilisation extérieure. Faisant aujourd’hui presque partie de la banlieue thiessoise. Le village rattaché à la commune de Thiès bénéficie d’eau potable. En plus des puits traditionnels, l’eau coule des robinets dans chaque concession. Pour ses habitants, le défi majeur pour Peycouck Sérère aujourd’hui, c’est de réussir la mutation dans laquelle le village est engagé depuis quelques années. La localité, du fait d’une urbanisation galopante accueille des nouveaux habitants, des Wolofs notamment. Comment alors vivre avec les autres et en même temps conserver sa culture et sa langue ?
UNE NOUVELLE DE LOUIS CAMARA
ALLO, MONSIEUR LE MINISTRE
Alors, tous ensemble se tournent vers elle et improvisent en chœur un nouveau « taassou » endiablé : madame Keïta, Keïta Mandé Mory Xanaa xamuloo li xéw ? Maodo sunu yakar Maodo sunu mbër Moodi ministar bu bees bi !...
Lorsque le téléphone sonne, bruyant, intempestif, le tirant de sa torpeur, Maodo ne peut s’empêcher de lancer un juron avant d’étendre lourdement le bras pour décrocher l’appareil et mettre un terme à ses ronronnements aigus. On n’a vraiment pas idée d’appeler à cette heure de la matinée ! Il est presque midi, moment où tous les fonctionnaires Sénégalais sont vautrés dans une torpeur bovine, assommés par la chaleur torride et l’atmosphère d’étuve qui règnent en ce mois d’Août, en plein cœur de l’hivernage. « Allo ?... »
Interroge Maodo d’une voix pâteuse, maussade. Le téléphone grésille un petit moment, puis une voix au débit rapide saccade des phrases dont Maodo seul, l’oreille collée sur l’écouteur, peut saisir le sens.
En face de son bureau, sa collègue, Madame Keïta, « drianké » adipeuse dont les formes généreuses débordent amplement de la chaise où elle est afalée, ronfle doucement, un sourire béat sur les lèvres… Sans doute rêve t- elle du prochain « yendou »qu’elle va passer chez son amie et non moins cousine à plaisanterie Madame Coulibaly qui, comme elle, est adepte des plaisirs du palais et adore le mafé et le soupou kandia.
Plongée dans les bras de Morphée, madame Keïta ne peut donc voir l’étrange métamorphose de son collègue de bureau Maodo Kane dont les deux mains, cripées sur le téléphone, sont en proie à un tremblement nerveux et sont tellement agitées que l’on pourrait croire que l’appareil va bientôt leur échapper et tomber. Mais le plus étonnant, c’est la transformation qui s’opère progressivement sur le visage d’habitude lisse de Maodo.
De fines ruelles de sueur l’ont brusquement recouvert, en dépit de la fraîcheur ambiante créée par le climatiseur, et des sortes de bourrelets se sont formés à sa surface comme s’il avait eu la chair de poule sous l’effet d’une subite allergie. Les ailes de son nez naturellement épaté se sont encore élargies et ses narines frémissent à toute vitesse ; prises d’un irrépressible tremblement, ses lèvres charnues frissonnent aussi imperceptiblement et ses yeux dilatés ressemblent à présent à une paire de grosses billes de verre.
Fait encore plus bizarre, ses cheveux se sont hérissés comme si un fantôme lui est apparu et sa voix devenue blanche, éraillée, émet avec difficulté des borborygmes plutôt que des paroles, adressées à son interlocuteur à l’autre bout du fil. Ce singulier ménage dure une bonne dizaine de minutes au bout desquelles la voix qui a appelé se tait.
Alors, Maodo raccroche, tremblant encore de tous ses membres. Visiblement ébranlé par ce qu’il vient d’entendre, il ressemble à un homme qui vient de recevoir une bonne décharge éméctrique, et n’eût été le papillotement incessant de ses cils, l’on jurerait que la foudre lui est tombé dessus. Soudain, sans raison ni mobile apparents, Maodo, bondit comme un diable hors de sa boite et, mû par un invisible ressort, se met à exécuter au beau milieu du bureau une danse endiablée qui ressemble à ce qui pourrait bien être le « bougarabou » des Diola, tout en poussant des cris suraigus. Il est dans un état d’excitation proche de l’hystérie…
Tirée brutalement de son sommeil par ce boucan inattendu, ùadame Keîta a quitté le monde de ses rêves gastronomiques et un mince filet de salive blanchâtre s’écoule le long de sa joue gauche tandis qu’elle écarquille ses yeux rouges de sommeil, croyant être victime d’une hallucination. Quant à Maodo, sa danse est de plus en plus frénétique et ponctuée de cris perçants où se mêlent, à parts égales le triomphe et la, joie… « Mais ?!... Maodo ?!... Qu’est-ce que c’est ça ?!... Li lu mu doon ?!... » S’écrie Madame Keïta à la fois interloquée et effrayée, pensant sans doute que Maodo est victime d’une subite crise de démence…
Mais pour toute réponse Maodo accélère le rythme de la danse et passe du « bougarabou » au plus débridé « sabar », improvisant au passage une chansonnette sans queue ni tête sur un air connu de « taassou ». Avant même que madame Keïta n’ait eu le temps de reprendre ses esprits ou de se poser d’autres questions, quatre ou cinq de leurs collègues des bureaux voisins déboulent en chantant, dansant et battant des mains et forment un cercle autour de Maodo qui continue à faire se contorsionner son grand corps dégingandé dans tous les sens. La pauvre Madame Keïta qui n’y comprend plus rien et ne peut néanmoins se résoudre à croire que tous ses collègues ont sombré en même temps dans la folie, se met alors à crier de toutes ses cordes vocales avec son accent Bambara très prononcé : « Mais enfin !... Yeen, wax leen ma lu xew¹ !... »
Alors, tous ensemble se tournent vers elle et improvisent en chœur un nouveau « taassou » endiablé : madame Keïta, Keïta Mandé Mory Xanaa xamuloo li xéw ? Maodo sunu yakar Maodo sunu mbër Moodi ministar bu bees bi !... (Madame Kéïta, Keïta Mandé Mory Vous n’êtes donc pas au courant de la nouvelle? Maodo notre espoir Maodo notre champion Est le tout nouveau ministre) Puis, ils se mettent à taper des mains, à faire du tamtam sur les tables du bureau, reprenant en choeur les couplets improvisés tour à tour par les uns et les autres. « Hé Djigui hèrè ! Allah Mansa ! Comment est-ce possible !... Maodo ?!... Ministre ?!... Mais où avez-vous appris cela ?!... « Mais Mme Keïta, où étiez vous ?!... Vous n’avez donc pas écouté la radio tout à l’heure ?!... le communiqué est passé trois fois aux informations de midi ! ». « Par décret présidentiel, monsieur Maodo Kane, greffier en chef au tribunal de Keur Massar, matricule 234 658/Z en service au ministère de la justice est nommé Ministre de la sécurité sociale et de la qualité de la vie en remplacement de Monsieur Moussa Diol appelé à d’autres fonctions. Le présent décret prend effet à partir de son adoption par l’Assemblée nationale… »
Alors là, Mme Keïta ne peut s’empêcher de laisser éclater toute sa joie. S’extrayant de sa chaise avec une souplesse que l’on n’aurait jamais pu lui soupçonner, elle fait une pirouette et deux entrechats avant de se jeter dans les bras de Maodo qui manque se retrouver par terre. « Hé Allah !... Maodo !... Quelle grande joie !... Quel honneur pour nous tous !... » Et de sa voix puissante, elle entonne en Bambara un chant de louanges en l’honneur de Maodo qui, submergé par l’émotion, craque et se met à verser des torrents de larmes… ministre !... ministre de la Republique !... Il ne parvient pas à y croire… Et pourtant, c’est vrai, absolument vrai : la preuve vivante en est la présence de ses collègues de bureau qui, en apprenant la nouvelle par la radio, ont accouru comme un seul homme pour lui témoigner toute leur solidarité fraternelle.
L’envolée impériale de madame Keïta a eu pour autre effet de faire cesser la bamboula et de faire reprendre leur sérieux aux collègues du nouvel élu de la nation. L’un après l’autre, ils s’approchent de Maodo pour le féliciter chaleureusement, le gratifier d’accolades appuyées et de bourrades amicales : “ Waw goor way! Felicitations Maodo ! Tu l’as bien mérité après tout !... » Puis, après un bref et dernier taassou, chacun regagne son bureau, le sourire aux lèvres, l’air satisfait, convaincu qu’avec la nomination de Maodo, l’heure de la promotion a également sonné pour eux…
Leurs collègues partis, Maodo se retrouva seul avec madame Keita comme cela se passe depuis quinze ans qu’ils travaillent ensemble dans ce bureau des greffes du ministère de la justice. Des larmes de bonheur coulent encore le long de ses joues mangées par une barbe d’au moins trois jours et il continue à marmonner des paroles décousues, sous l’effet du choc que lui a causé l’incroyable nouvelle.
Visiblement émue elle aussi, Madame Keîta a posé ses mains sur son opulente poitrine recouverte des broderies chatoyantes de son grand boubou en « cuup » malien. Comme elle a l’habitude de le faire lorsqu’on lui annonce une bonne nouvelle, elle a sorti de son sac à main en peau de crocodile un parfum de qualité dont elle s’asperge abondamment, embaumant du même coup tout le bureau. Elle regarde son collègue d’un air béat et une petite moue d’étonnement mêlée d’admiration se dessine sur sa bouche épaissie par le rouge à lèvres.
(À suivre…) dans notre édition du mardi 22 septembre
Par M. SYLLA
LA TOUTE DERNIERE LEÇON DE KHADIDIATOU GOUDIABY
En regardant ton corps enseveli, j’ai retenu que ton être ne se réduit pas à cela seulement. Tu n’es pas qu’un corps. Je te voyais en intelligence dans la classe et c’est ce qui demeure vrai
« Sans avoir honte de le clamer, disons au monde que nous te pleurons du dedans et du dehors »
Lamine Ndiaye, Départ, p. 80. Je manque de mot pour dire mon mal. Oui, j’ai mal en apprenant la triste nouvelle qui ne devrait jamais tomber et qui paralysa pendant toute la journée du samedi 09 novembre le lycée d’Oulampane.
Tu venais à peine d’arriver dans ce lycée où je suis affecté pour mon premier poste comme professeur. C’est à mon réveil au matin de ce samedi que je fus informé que le lycée était en deuil. J’aurais aimé que la chose se limite là. Mais, de la mort du ‘’on’’, la chose se précise davantage : c’est une élève de la TL2A.
Dans une posture si inconfortable qui fut la mienne, je dus développer un paravent psychologique appelé par Mélanie Klein : déni de réalité. Je connais toutes les filles de ma classe ; elles ne sont pas nombreuses. Je ne voulais penser à aucune d’elles. Me voilà devant le fait par une approche des plus apaisées de la part du Proviseur Touré. Khadidiatou Goudiaby s’en est allée !
Avec ce décès, je me vois dans une situation qu’aucun mot ne saurait traduire fidèlement. C’est là l’épreuve de la mort à la deuxième personne comme l’a indiqué Jankélévitch. Avec une parole toujours calme et juste, un regard pur et une posture respectueuse, tu ne pouvais pas rester invisible dans ton coin. C’est ta personnalité qui me marqua d’abord. Et quand tu parlas pour la première fois en me posant une question pour laquelle je te disais que nous chercherions ensemble la réponse, j’ai décelé en toi un bel esprit. En pensant à tout ce qui aurait pu constituer les chapitres de notre vie de classe durant cette année qui ne fait que commencer, je ne peux pas dire que la vie ne vaut rien, mais j’ose soutenir qu’elle ne vaut pas grand-chose. Ma chère Khadidiatou Goudiaby, je me suis isolé dans ma chambre pour te pleurer. J’ai fait de mon mieux pour résister à l’appel du cœur qui tire les larmes des yeux, mais c’est cela aussi la vérité. Ne sois point surprise, de là où tu es maintenant, de me voir à terre alors qu’il y a quelques jours je vous parlais de la profonde leçon des Stoïciens de la Grèce antique selon laquelle : il nous faut accepter les choses telles qu’elles arrivent. Je vous ai même parlé de la perte d’êtres chers.
Pour cette école philosophique, la naissance est un don gratuit ; ce qui amène à considérer la mort comme le retrait avec la même gratuité ce don contingent qu’est la vie. Le vendredi, je t’avais remis Esquisses de certitudes de Mamadou Ndione en te demandant de le lire pour après venir, dans quelques jours, nous en faire une lecture expliquée. Le livre m’a plu et je voulais faire de toi la trans-metteuse de son contenu à tes condisciples. C’est ici le lieu de mesurer l’extrême fragilité de cette vie. Justement, ce même vendredi, je vous avais donné rendez-vous pour un cours le samedi soir de 16h à 18h. Tu fus celle qui acquiesça de la tête pour stabiliser l’heure du démarrage sur 16h 00mn pour le lendemain. En te fixant du regard, j’étais loin de m’imaginer que c’était la dernière fois que nos regards se croisaient en cette vie si précaire et instable.
Ma chère Khadidiatou Goudiaby, ton départ m’a livré un précieux enseignement en écho à ce propos de Montaigne : « Il est incertain où la mort nous attende : attendons la partout […] le savoir mourir nous affranchit de toute sujétion et contrainte : il n’y a rien de mal en la vie pour celui qui a bien compris que la privation de la vie n’est pas un mal ». C’est de la haute sagesse. Mais comment s’y attendre surtout à l’endroit de ceux qui comptent pour nous ? On n’est jamais familier avec la mort. Son avènement bouleverse le tissu social et impose aux vivants un nouveau type de rapport avec le vécu. Chaque perte garde le sceau de sa particularité et devient une expérience unique.
L’invitation de Montaigne consistant à apprivoiser la mort devient de ce fait un vœu pieux que le vécu concret peine à intégrer. On ne s’habitue jamais à quelque chose qui n’advient que pour déconcerter. Tout acte courageux face à ce drame de l’existence doit revenir à hurler qu’on ne saurait « pardonner la mort à la mort », pour reprendre Kamel Daoud. C’est terrible d’être lucide face à cet échec de la vie qui rend prétentieuse, mais non moins inutile, toute entreprise qu’on voudrait grandiose par-delà le temps présent. La mort nous assiège de partout et tout le temps.
Ma chère Khadidiatou Goudiaby, tu as été d’un naturel attachant qui accroche les cœurs. Sans être sûr d’être dans le vrai, je voyais en toi l’un des apprenants qui étaient appelés à me marquer à vie comme je le fus pour mon professeur de Philosophie de la classe de terminale, il y a 10 ans. En regardant ton corps enseveli, j’ai retenu que ton être ne se réduit pas à cela seulement. Tu n’es pas qu’un corps. Je te voyais en intelligence dans la classe et c’est ce qui demeure vrai.
u es toujours avec nous dans cette salle 5 du lycée en parlant de Philosophie. Je vous parlais de ce mot qu’Homère, le premier écrivain, a mis dans la bouche d’Hélène qui causa la perte de Troie : « Le fils de Priam pense me posséder. Vaine illusion ». Aujourd’hui, nous aimerions t’entendre par delà le tombeau nous dire : La mort pense me posséder. Vaine illusion. Elle n’étreint que mon ombre. Le professeur Ousseynou Kane me conforte quand je lis sous sa plume : « le corps n’est que vanité, poussière qui retournera à la poussière ». Car quelque chose qui lui est supérieur n’épouse pas le néant. Sur la représentation de l’après-mort, je suis plus du côté de Platon que de celui d’Epicure. Je crois à la survie de ce principe immatériel qu’héberge le corps pour le temps d’une vie. Ton départ si brusque indique qu’il y a des êtres dont la vie est d’instruire les autres sur la brièveté de toute existence terrestre.
Ma chère Khadidiatou Goudiaby, j’ai aussi pensé à tes camarades de classe qui verront toujours ta place inoccupée et l’évitement de prononcer ton nom comme le signe de te garder dans le silence de nos cœurs. Tu es une absente qui brille d’ores et déjà de par cette présence autre qui n’est que le privilège de quelques-uns sur terre. Tu vas beaucoup nous manquer. Nous t’avons confiée à tes mânes dans ce coin de terre du village de tes pères pour ton sommeil éternel. J’ai aussi vu la manifestation authentique de l’humanisme chez tes pères.
Face à la montée de la logique capitaliste qui promeut l’oubli de l’humain, cet élan de compassion dans ce village reculé de Bougoutoub est le témoignage éloquent du sens de l’humain qui habite encore quelques cœurs. L’administration du lycée, tes camarades et le corps professoral ont tenu à être là jusqu’à l’ultime poignée de sable qui fend les cœurs les plus stoïques. En voyant l’étroitesse de la paroi de cette tombe prête à accueillir ton corps, pour tenir sur mes pieds, j’ai pensé à ces vers de Victor Hugo : « le tombeau qui sur les morts se ferme / Ouvre le firmament / Et que ce qu’ici-bas nous prenons pour le terme / Est le commencement ». J’ai vu le Proviseur Touré arborer sa toge de maître ès-qualité pour inviter un groupe de tes camarades venus t’accompagner à se pencher sur le « que sommes-nous ? » qui pourrait aider à répondre en un jour moins funeste à la question « qui sommes nous ? ».
En tant qu’un amoureux des écrits de Pascal, le Proviseur nous voit comme des roseaux qui ont la chance de disposer ce qu’Anaxagore a déjà désigné sous le poétique nom de Lumière Naturelle. Et cela nous oblige à continuer la tâche quelque peu ingrate, mais toujours exaltante qu’est l’exercice de la pensée. Ta disparition a causé l’émoi dans ce lieu consacré à la pensée. Ce lundi, j’ai eu toutes les difficultés du monde à dérouler correctement mon enseignement. Mes prises de paroles ont été entrecoupées de longs silences pour retenir les larmes.
La triste plainte de tes camarades se lisait sur tous les visages. Et je n’étais pas plus outillé pour les aider à tenir le coup. Je fais mien ce lumineux propos de mon aimable professeur, O. Kane : « En vérité nous sommes une communauté d’esprits et chaque fois que l’un d’entre nous meurt c’est à l’évidence une partie de l’esprit qui s’en va. Mais à supposer que l’âme ne soit pas immortelle, l’esprit lui-même ne meurt jamais ». Ma très chère Khadidiatou, tu vivras au-delà du voile du grand sommeil. Sois dans la lumière qui nous transcende et qui éclaire nos vies.