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30 septembre 2025
LE BAYERN BRISE LE RÊVE PARISIEN
Le Paris SG, refroidi par un but de son ancien attaquant Kingsley Coman, est tombé de haut (1-0) lors de sa première finale de Ligue des champions dimanche face au Bayern Munich, couronné champion d'Europe pour la sixième fois de son histoire
Le Bayern Munich a remporté la 6e Ligue des champions de son histoire en battant le Paris Saint-Germain (1-0) en finale dimanche soir à l'Estadio da Luz de Lisbonne.
La première mi-temps voyait les deux équipes porter le danger dans le camp adverse, mais se terminer sans but. Neymar butait par deux fois sur le gardien bavarois Manuel Neuer (18e) alors qu'à l'autre bout du terrain, Lewandowski voyait sa frappe en pivot repoussée par le poteau parisien (22e) puis sa tête à bout portant stoppée par le portier Keylor Navas (31e), un temps incertain mais finalement titularisé par Thomas Tuchel.
Le Bayern ouvrait le score à la 59e minute par Kingsley Coman. Le Français ponctuait victorieusement une jolie action collective des Bavarois pour porter le Bayern aux commandes (1-0).
Ce but, le 500e du Bayern en C1, vaut de l'or puisqu'il permet au 'Rekordmeister' d'être sacré champion d'Europe pour la sixième fois de son histoire, après 1974, 1975, 1976, 2001 et 2013. Le Bayern devient ainsi, à égalité avec Liverpool, le troisième club au palmarès de la C1 derrière le Real Madrid (13 titres) et l'AC Milan (7).
Le PSG disputait pour sa part sa première finale de Ligue des champions. Le palmarès européen du club parisien reste bloqué à une Coupe des Coupes remportée en 1996 à Bruxelles, tandis que Marseille, vainqueur de la C1 en 1993, reste pour un an au moins le seul club français champion d'Europe.
Coronavirus oblige, cette Ligue des champions s'est terminée par un Final 8 inédit au Portugal, où les matches étaient joués à huis clos sur une seule manche sur terrain neutre.
NON, IL N'Y A PAS EU 700 COUPS D'ÉTAT EN AFRIQUE EN 70 ANS
Un tweet partagé plus de 400 fois et aimé plus de 810 fois depuis le 18 août affirme qu'il y aurait eu "700 coups d'Etat en Afrique en 70 ans". C'est faux
Un tweet partagé plus de 400 fois et aimé plus de 810 fois depuis le 18 août affirme qu'il y aurait eu "700 coups d'Etat en Afrique en 70 ans". C'est faux : selon plusieurs bases de données académiques, le nombre de tentatives de coups d'Etat sur le continent africain depuis les années 1950 s'établirait entre 206 et 386.
"700 coups d'Etat en Afrique en 70 ans", affirme l'internaute. "Qu'est-ce que cela a apporté à l'Afrique?"
En réponse à ce tweet partagé plus de 400 fois depuis le 18 août 2020, certains utilisateurs du réseau social s'étonnent ("Ca en fait autant que ça ?"), d'autres ironisent ("Une histoire riche de coups d'Etat !"), d'autres enfin s'émeuvent ("Rien sauf la désolation et désespoir").
Or non, il n'y a pas eu autant de coups d'Etat que ce que l'internaute prétend : selon plusieurs bases de données américaines élaborées par des chercheurs, il y aurait eu entre 101 et 386 tentatives de coups d'Etat sur le continent africain.
La largeur de cette fourchette s'explique par le fait que les différentes bases de données consultées définissent et donc comptabilisent différemment les coups d'Etat.
Les chercheurs Jonathan Powell et Clayton Thyne, auteurs de la base de données Coups In The World, 1950-Present, régulièrement actualisée sur le sujet, considèrent par exemple qu'un coup d'Etat est "une tentative illégale et délibérée d'évincer le pouvoir en place par des militaires ou d'autres membres de l'élite de l'appareil d'Etat", une définition qui est aussi celle du dictionnaire Larousse.
"Sept cent coups d'Etat en Afrique, cela me semble extraordinairement élevé", commente Jonathan Powell, maître de conférences en sciences politiques à l'université de Floride centrale contacté par l'AFP le 19 août.
Avec Clayton Thyne, professeur de science politique à l'université du Kentucky joint le même jour par l'AFP, ils dénombrent plutôt 206 tentatives de coups d'Etat et parmi celles-ci, 101 tentatives réussies (dans lesquelles le groupe souhaitant prendre le pouvoir reste en place pour plus d'une semaine) sur le continent africain.
Néanmoins, ce seuil d'une semaine reste "arbitraire", reconnaît Jonathan Powell. Une semaine "était un délai suffisamment long pour décréter qu'un coup a réussi, mais pas assez long pour que d'autres facteurs rentrent en jeu".
"D'autres chercheurs tenaient des bases de données qui incluaient les rumeurs sur l'existence d'un coup, par exemple", ajoute Clayton Thyne.
"Cela ne nous convenait pas. Des dirigeants peuvent faire courir une rumeur qu'un coup se prépare pour réprimer l'opposition, par exemple", poursuit-il, sans que ce complot ne soit avéré.
Elargir la définition aux mutineries et aux guerres civiles peut également gonfler le chiffre final. "Mais ça n'a aucun sens", s'amuse Clayton Thyne : "Si on veut compter combien de personnes ont un rhume, on n'ajoute pas ceux qui ont une grippe au calcul !"
D'autres bases de données aux définitions plus larges
Deux autres bases de données (américaines également) recensent les coups d'Etat en adoptant des définitions plus souples.
Le Coup D'etat Project (CDP), lancé par le Cline Center, un centre de recherches affilié à l'université de l'Illinois aux Etats-Unis, intègre lui onze différents types de "coups d'Etat", des complots aux révoltes populaires en passant par les passations de pouvoir avec médiation internationale.
Selon le CDP, il y aurait eu 386 complots, tentatives de coup ou coups d'Etat avérés depuis les années 1950 en Afrique.
Une autre base de données, intitulée Coup d'Etat Events, 1946-2018, est publiée par le Center for Systemic Peace, une organisation à but non lucratif qui étudie la violence politique à travers le monde.
EXCLUSIF SENEPLUS - La société sénégalaise favorise les injustices, les intérêts des puissants. Et en vérité, elle est encore structurellement féodale - NOTES DE TERRAIN
Hasard heureux. En sortant de l’appartement, je ne pensais pas dévier de ma routine. Prendre le bus, qui va à Liberté 6. Descendre avant la « Boulangerie jaune ». Rallier le bureau. Mais ce matin, je me suis retrouvé nez à nez avec un chauffeur de taxi, qui m’avait déposé, très tard dans la soirée, la semaine dernière. Je l’ai reconnu, en entendant sa voix. Il portait la même casquette, et le même masque avec le logo de Nike. Un portrait de Serigne Babacar Sy était accroché à son rétroviseur. Une figurine de cheval, en plastique, flottait sur son tableau de bord. Il parlait fort. Il était en train d’envoyer un message vocal sur WhatsApp. Je me suis approché de la voiture et je l’ai salué. Lui rappelant notre discussion de la dernière fois. Il a ri, affectueusement. Puis, il m’a demandé si je cherchais un taxi. J’étais un peu hésitant car j’avais prévu de marcher un peu, et de prendre le bus. Finalement, j’ai acquiescé.
- Je vais au rond-point de la « Boulangerie jaune ».
- C’est 2000.
- Non, on y va à 1500.
- Monte.
La femme, qui venait de descendre, m’avertit, l’air moqueur : « Il met la musique trop fort. En plus, il ne parle pas doucement. Je te conseille d’aller prendre un autre taxi. » À bord, je lui ai demandé si son camarade, qui vit en Côte d’Ivoire, se portait bien. « Oui, je l’ai même eu ce matin sur WhatsApp. On a échangé dans le groupe ». L’autre soir, je l’avais entendu discuter avec quelqu’un. Il s’agissait d’un de ses amis d'enfance, établi en Côte d’Ivoire. Il lui envoyait un message vocal, pour prendre des nouvelles. En rigolant, il lui demandait de s’éloigner des troubles. Il faisait référence aux manifestations, à Abidjan, contre Alassane Ouattara. « J’ai vu que ça chauffe là-bas. Il ne faut pas te mêler de leurs histoires. Les hommes politiques sont tous pareils. Même moi, ici, je suis loin de la politique. Quand il y a une manifestation, je m’éloigne de la ville. C’est plus sûr, on ne sait jamais. Rien ne vaut la paix. »
Il parlait, certes, en taquinant son ami. Mais, c’est vraiment le genre de propos qui ne me laisse pas indifférent. Dès qu’il eût terminé d’envoyer son message, j’ai engagé la conversation.
- Mais grand, c’est la politique qui fait avancer la société. Je comprends ton point de vue, mais si nous nous désengageons tous, nos pays ne vont jamais changer. Les hommes politiques véreux attendent justement, de toi et de moi, des autres Sénégalais aussi, un relâchement. Comme ça, ils peuvent mener tranquillement leurs actions égoïstes et destructrices. C’est parce que nous ne sommes pas vigilants qu’ils font ce qu’ils veulent.
- Qu’est-ce qui a changé au Sénégal, depuis Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky ? Rien. Ils sont tous pareils. C’est toujours la même chose. Ils viennent et profitent. Nous devons être intelligents et le savoir. Chacun doit gérer au niveau de sa famille et de ses proches.
- C’est bien. Après, si chacun ne s’occupe que de son propre entourage, les choses ne vont pas, véritablement, s’arranger.
- J’investis aussi dans mon village. Avec des amis, on a construit une école coranique là où nous habitons, en cotisant chacun. Nous n’attendons personne. Nous voulons même construire un dispensaire.
- Grand, tu fais de la politique alors. Le terme est devenu péjoratif mais à la base, l’objectif de la politique est d’organiser la vie en société et de rendre le passage de l’Homme, sur terre, plus agréable. Ce que tu fais avec tes amis, c’est très louable. Après, il y a une autre dimension de la politique, qui est celle de la pratique du gouvernement et de la prise de décision. En fait, vous pouvez faire de votre mieux, à votre niveau. Mais ce sont les maires, les députés, les ministres, le président qui gèrent les affaires publiques. Ils ont presque un droit de vie et de mort sur nous tous. Si, par exemple, le président de la République avait construit des hôpitaux partout au Sénégal, au lieu de son TER, ça aurait pu sauver des vies.
J’essayais de traduire tant bien que mal, en wolof, cette citation : « Vous avez beau ne pas vous occuper de politique, la politique s’occupe de vous tout de même. » J’avançais qu’un autre Sénégal était possible. Qu’avec des autorités vertueuses et capables, on pourrait vivre dans un pays complètement différent. Où chacun pourrait envoyer ses enfants dans de bonnes écoles. Que les jeunes pourraient vivre décemment, au lieu de chercher à mourir dans la mer ou dans le désert. J’ajoutais qu’il nous faudrait des hommes et des femmes audacieux, probes. Pour mener des réformes et sortir des vieux schémas de prédation et d’immobilisme. Je n'étais pas convainquant. Apparemment. Le chauffeur de taxi n’attendait, visiblement, plus rien des hommes politiques.
- Ce ne sera jamais possible. Nos dirigeants aiment trop le pouvoir. Regarde ce qui se passe en Côte d’Ivoire. Tout le monde espérait que Ouattara allait faire du bon travail et changer les choses. Aujourd’hui, il est prêt à tout, pour rester au pouvoir. Il ne faut pas se fatiguer, rien ne changera ici.
On avait arrêté la discussion, devant chez moi. Quelque part, j’étais dépité par tant de pessimisme. Mais, au fond, le chauffeur de taxi n’avait pas vraiment tort. C'est normal de penser que l’horizon politique se rétrécit. 60 ans après les indépendances, l’impression est la même, partout en Afrique. Les dirigeants politiques, ex-défenseurs zélés de la démocratie et parangons autoproclamés de la liberté, deviennent les fossoyeurs de cette même démocratie. Ils peuvent tuer d’innocents citoyens, pour se maintenir au pouvoir. C’est, aussi, très normal de penser que les hommes et les femmes politiques sont interchangeables. Les transformations économiques ne suivent pas les alternances politiques. Très peu de changements sont visibles. Le découragement est, tout à fait, logique.
Seulement, nous oublions parfois que les dirigeants politiques sont à l’image de la société. Il y a des liaisons entre l’art politique et les valeurs sociales. S’il n’y a pas de grandes avancées institutionnelles, c’est parce que le corps social ne le permet pas, vraiment. La société sénégalaise favorise les injustices, les intérêts des puissants. Et en vérité, elle est encore structurellement féodale. Les structures sociales, dans la majorité des pays africains, sont sclérosées. Elles ne bougent pas. On veut la démocratie, la justice, l’égalité, des droits et des libertés politiques sans entraves. Or, la société n’est pas démocratique. Elle n’est pas égalitaire - il n’y a qu’à voir la persistance des castes au Sénégal. Par ailleurs, personne ne conçoit, ici, d’imposer aux nombreux fiefs - coutumiers et religieux -, de respecter scrupuleusement l’idée de démocratie.
Ce que nous demandons aux hommes politiques est contraire à la production sociale. En réalité, les hommes politiques agissent en concordance avec l’esprit qui gouverne nos communautés. Arrivés au pouvoir, ils deviennent réactionnaires car la société est réactionnaire. Ils se comportent en monarques, comme tout bon chef traditionnel. Avec leurs bouffons, leurs griots, leur procession majestueuse. Ils sont habités par le culte de la personnalité. L’infrastructure humaine qui dirige ne peut pas se dissocier de la structure sociale qu’elle représente. Nos utopies politiques ne concordent pas avec le mouvement de la société. Voilà la contradiction qu’il faut résoudre et qui n’est pas simple.
Retrouvez sur SenePlus, "Notes de terrain", la chronique de notre éditorialiste Paap Seen tous les dimanches.
Le ministre de la Justice a annoncé avoir saisi l’Inspection générale de l’administration de la justice en vue de diligenter une enquête sur les accusations du juge Yaya Amadou Dia à l’encontre du président de la Cour d’Appel de Kaolack, Ousmane Kane
Dakar, 23 août (APS) - Le ministre de la Justice, Malick Sall, a annoncé avoir saisi l’Inspection générale de l’administration de la justice (IGAJ) en vue de diligenter une enquête sur les accusations du juge Yaya Amadou Dia à l’encontre du président de la Cour d’Appel de Kaolack, Ousmane Kane.
Dans une lettre en réponse à une demande d’explication que ce dernier lui avait servie, Yaya Amadou Dia accuse son collègue de corruption. Il lui reproche notamment d’avoir fait libérer Omar Gaye, un accusé condamné en novembre 2013 à une peine d’emprisonnement à perpétuité pour meurtre et actes de barbarie.
Lors d’un point de presse, Ousmane Kane a défendu sa décision en ces termes : "Omar Gaye a coupé les tendons d’un cadavre dont la mort a été attribuée à d’autres. Aussi répugnant que cela puisse apparaître, l’acte de l’accusé s’appelle mutilation ou profanation de cadavre, même non inhumé, puni d’un emprisonnement de 3 mois à un an et d’une amende de 50 mille franc Cfa à 180 mille franc Cfa".
L’affaire défraie depuis quelques jours la chronique et sucite un véritable tollé dans l’opinion publique.
Samedi, le garde des Sceaux, ministre de la Justice a réagi dans un communiqué en annonçant avoir ordonné une enquête.
"A la suite de certaines déclarations parues dans la presse et relatives à des affaires relevant de la Cour d’Appel de Kaolack, le garde des Sceaux a saisi l’Inspection générale de l’administration de la justice (IGAJ) à l’effet de diligenter une enquête sur les faits allégués et de dresser un rapport dans les plus brefs délais dans le souci de tirer cette affaire au clair pour la sauvegarde de la crédibilité de l’Institution judiciaire’’, a écrit Malick Sall.
99 NOUVEAUX CAS ET 3 DÉCÈS
Quatre-vingt-dix-neuf nouvelles contaminations au nouveau coronavirus ont été recensées au cour des dernières 24 heures au Sénégal, a indiqué dimanche le porte-parole du ministère de la Santé qui a aussi fait état de trois nouveaux décès.
Dakar, 23 août (APS) - Quatre-vingt-dix-neuf nouvelles contaminations au nouveau coronavirus ont été recensées au cour des dernières 24 heures au Sénégal, a indiqué dimanche le porte-parole du ministère de la Santé qui a aussi fait état de trois nouveaux décès.
Le nombre de cas positifs a connu une nette baisse par rapport à la veille, où 161 cas avaient été recensés.
Les nouvelles infections ont été détectées sur 1.250 tests réalisés, contre 1.552 samedi, pour un taux de positivité de 7, 92 %, a précisé El Hadj Mamadou Ndiaye.
Trente-six cas contactés ont été enregistrés, un chiffre nettement en deçà des 62 cas communautaires détectés notamment dans les régions de Dakar, Thiès, Ziguinchor, Fatick et Kolda.
Le ministère de la Santé a fait état d’un nouveau cas importé, enregistré à l’aéroport international Blaise Diagne.
Le nombre de personnes déclarées guéries (122) est en légère baisse, en comparaison avec samedi où 168 patients avaient recouvré la santé.
A l’inverse, la liste des cas graves a diminué avec 37 personnes en réanimation, contre 38 la veille.
Le Sénégal a recensé 12.940 cas confirmés de Covid-19 depuis le 2 mars, date de la découverte d’un premier cas sur son territoire. Parmi ces personnes infectées, 8.455 ont guéri et sont 269 décédées. Au total, 4224 patients sont sous traitement.
SAINT-LOUIS, VILLE NAUFRAGÉE
« La brèche, ça a été une connerie monumentale, et après cette connerie, l’État n’a rien fait pour nous soutenir ». Si le niveau de l’océan continue de monter au rythme actuel, la cité de Ndar sera engloutie d’ici la fin du siècle
Le Devoir |
Stéphane Baillargeon |
Publication 23/08/2020
Makhra Ba vient d’accoster avec sa longue pirogue colorée. Le pêcheur rapporte du capitaine, délicieux poisson de mer payé environ 3 $ le kilo par le grossiste qui l’attend dans une cabane toute proche équipée d’un vieux frigo. La matinée de travail ne lui fournira que quelques dollars, pour ainsi dire rien, une fois les frais d’essence soustraits.
M. Ba a 45 ans. Il est de Tassinère, village de la commune de Ndiébène-Gandiol, sur la Grande-Côte, près de l’embouchure du fleuve à une vingtaine de kilomètres au sud de Saint-Louis. Il navigue depuis trois décennies sur les côtes d’Afrique de l’Ouest. Il a tendu des filets jusqu’à Freetown, en Sierra Leone. Il a six enfants. Son aîné, un garçon, a 17 ans.
« Pêcheur, ce n’est plus bon, dit M. Ba. Je ne veux pas que mon fils choisisse ce métier. Je veux qu’il émigre en Espagne. La traversée est très dangereuse, mais il faut bien risquer sa vie pour mieux vivre. De toute façon, il n’y a plus rien de bon ici pour nous. Notre monde a complètement changé. »
Ce monde ancien et menacé oscille autour de Saint-Louis, ancienne capitale majestueuse de l’Afrique occidentale française, autrefois tout en teintes pastel, aujourd’hui complètement décatie. La ville coloniale occupe un site exceptionnel. Son île centrale, reconnue au patrimoine mondial de l’UNESCO, repose à fleur d’eau douce sur le fleuve Sénégal, entre le continent et une longue péninsule de dunes joliment baptisée Langue de Barbarie.
La flèche littorale, vieille d’à peine 2000 ans, sépare le fleuve de l’océan Atlantique, un peu comme si l’île Jésus protégeait Montréal de la mer de Champlain qui se serait redéployée sur la Rive-Nord. La barrière de protection sénégalaise s’étend de la Mauritanie voisine jusqu’à une trentaine de kilomètres au sud, en passant par la commune de Gandiol et le village de M. Ba.
Un proverbe marin rappelle qu’un petit trou suffit parfois pour venir à bout d’un grand navire. Pour le vaisseau Saint-Louis, l’avarie s’est produite en octobre 2003 précisément. Des crues importantes du fleuve menaçaient la région. Un génie sans génie, en tout cas sans études d’impact, a fait ouvrir un canal de délestage de quatre mètres de large entre le fleuve et la mer, dans la Langue de Barbarie, comme on trace une rigole pour se débarrasser d’une flaque.
L’erreur monumentale n’a mis que quelques heures à déclencher de catastrophiques réactions en chaîne. Le passage ouvert à 7 km au sud de l’île historique a permis à l’océan de s’engouffrer dans le lit du fleuve tout en avalant progressivement d’immenses portions de la Langue de Barbarie.
La brèche s’élargissait déjà à plus de 650 mètres après un mois. La percée mesurait 3 km en 2013. Bout à bout, les connexions fleuve-mer s’étendent maintenant sur plus de 17 km, amplifiant les désastres environnementaux, stimulant les transformations socioéconomiques, souvent pour le pire.
« Quand la brèche a été ouverte, les dangers d’inondation étaient sérieux. La brèche devait épargner la ville. En faisant ça, on ne s’imaginait évidemment pas ces tournures. On ne s’imaginait pas non plus les effets sur toutes les activités humaines. L’élevage, l’agriculture et même la pêche sont sensiblement perturbés », résume le géographe Boubou Aldiouma Sy, de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis.
Le professeur ajoute que la catastrophe de la brèche a hautement fragilisé sa région, alors que les changements climatiques préparent déjà bien d’autres mutations. L’érosion côtière touche toute l’Afrique de l’Ouest, de la Mauritanie au Cameroun. Elle affecte des zones habitées par plus de 100 millions de personnes. Les plus touchées voient la terre reculée de dix mètres par année. La montée du niveau des océans ajoute des menaces.
INDÉPENDANCES AFRICAINES, LES PÈRES DE CES JEUNES NATIONS Y CROYAIENT SANS DOUTE
1960 c’était la promesse d’un paradis certain. L’indigénat et son code, aux oubliettes. Place à l’élite autochtone repérée sur les bancs des églises ou d’écoles, expatriée, convertie dans les cercles d’outre-mer
Ahidjo, Houphouët-Boigny, Léon Mba, Kasa-Vubu et les autres étaient certainement des gens fréquentables, patriotes, et plein de bonne volonté. En 1960 tous ces pères des jeunes nations africaines y croyaient sans doute. Comment leur en vouloir ? A l’époque en Afrique la parole de l’homme Blanc était sacrée, comme la radio.
Les missionnaires venaient droit du ciel, ils avaient vu Dieu. Les gendarmes étaient la loi, on avait peur d’eux. Il suffisait d’un costume-cravate pour sortir de la sauvagerie, celle des coutumes villageoises donc barbares. Il n’était pas nécessaire de passer le bac pour accéder à la science infuse. Prendre l’avion était une consécration nationale, ça rapprochait du ciel, et le ciel savait reconnaître le bon Noir.
Et les bons Noirs avaient reçu l’indépendance sur du papier. Ne pas l’avoir réclamée ne leur ôtait pas le droit de la célébrer. On n’a jamais tant dansé de croire Tanga nord et Tanga sud enfin réconciliés [Tanga est la cité coloniale décrite dans Ville cruelle, le célèbre roman de Mongo Beti, alias Eza Boto, paru chez Présence africaine en 1954, NDLR]. Mongo Béti ne pouvant pas se dédire, on lui avait préféré Joseph Kabasele.
1960 c’était la promesse d’un paradis certain. L’indigénat et son code, aux oubliettes. Place à l’élite autochtone repérée sur les bancs des églises ou d’écoles, expatriée, convertie dans les cercles d’outre-mer, puis rapatriée et infiltrée dans les arcanes des Etats en gestation.
Elle avait acquis le don d’écouter d’un côté, d’être écoutée d’un autre. De servir là-bas, d’asservir ici. La captivité et la tyrannie n’ont jamais mieux cohabité chez le même sujet. Un équilibre devenu exemplaire, qui n’a cessé de se reproduire depuis 70 ans.
Aujourd’hui, voilà Tanga nord et Tanga sud plus fâchés que jamais. On ne devrait parler des indépendances africaines que pour blâmer les bons Noirs de nous avoir cédé les vessies qu’on leur avait fait prendre pour des lanternes.
SALY ATTEND TOUJOURS SES VISITEURS ÉTRANGERS
Les autorités avaient décidé de la réouverture des frontières aériennes le 15 juillet dernier pour, entre autres objectifs, favoriser la reprise des activités touristiques. Plus d’un mois après, les touristes se font toujours désirer
Les réceptifs hôteliers de la station balnéaire de Saly Portudal ont rouvert leurs portes aux visiteurs qui ne se font pas prier pour reprendre place dans les différents sites. Mais, la particularité est que ces derniers sont constitués essentiellement de nationaux, car beaucoup de pays n’ont pas encore rouvert leurs frontières. Le Sénégal a ouvert son espace aérien depuis le 15 juillet dernier, mais à la station balnéaire, les étrangers, en particulier les Européens, se font encore désirer. Ceci n’est pas sans conséquence pour les acteurs touristiques dont les guides, premiers interlocuteurs des visiteurs, les artisans ou encore les pensionnaires du village artisanal dont les étrangers sont les principaux clients. Plusieurs acteurs dont l’activité dépend principalement des visiteurs expatriés sont dans l’oisiveté, en espérant de meilleurs jours.
Au village artisanal de la cité balnéaire, le décor qui s’offre aux passants frôle la désolation. Les rares occupants qui s’aventurent encore sur les lieux y sont par résignation. Moussa Gadj, vannier de son état et secrétaire général de l’Association des vanniers, renseigne que « sur les 102 boutiques que compte le village, moins d’une dizaine sont ouvertes ». Encore que ces artisans présents sur le site et qui ne veulent pas rester chez eux préfèrent venir sur place, boire du thé, deviser jusqu’au soir et repartir. Cette situation inédite n’a que trop duré. Certains ne se donnent même pas la peine de se déplacer sur le site en sachant qu’ils ne verront pas de clients. C’est le cas de Momar Diaw, président de ladite association. Joint au téléphone, il déclare : « Au lendemain de la réouverture des frontières, je suis parti travailler. Mais, après une semaine, un seul client ne s’est présenté. Je suis retourné chez moi et, depuis lors, je ne suis jamais reparti travailler ». Une situation préjudiciable à leur activité. Moussa Gadj affirme que les expatriés sont leurs principaux clients et leur absence les prive de revenus. Même complainte pour le président Moctar Lô dit Dj Makhou.
Développer de nouveaux concepts pour faire face
Autres impactés, et pas des moindres, les guides touristiques qui sont les premiers et derniers interlocuteurs des visiteurs étrangers à qui ils ont la charge de faire visiter le pays. À Saly Portudal, Serigne Lô et Mamadou Thiam pâtissent de la situation au même titre que leurs collègues. Respectivement président et secrétaire général de l’Association des guides des régions de Thiès et Diourbel, ils accusent le coup. « Depuis la réouverture des frontières, les touristes se font désirer. La reprise est très timide alors que la période faste (mars-avril qui coïncide avec les vacances de la sainte semaine, surtout avec la clientèle espagnole et française), est derrière nous », note M. Thiam.
Il ajoute qu’en août des Européens venaient au Sénégal, mais jusqu’ici, ce n’est pas la ruée. En contact avec ses partenaires européens, il indique que ceux qui ont décidé de sortir de leur pays ont choisi le voisinage immédiat. « La stratégie de l’Union européenne, c’est de retenir l’argent chez eux », dit Mamadou Thiam, rappelant que les principaux pays où se rendent habituellement les ressortissants européens ont été exclus de la liste des États dont les résidents sont exclus de l’espace Schengen. M. Lô d’indiquer que la situation actuelle n’est pas spécifique au Sénégal, elle prévaut à l’échelle mondiale avec des pertes estimées à 390 milliards de dollars. Il souligne que pour tous les pays, il est question de développer le tourisme local. C’est dans ce cadre, dit-il, qu’un nouveau concept, le « staycation », qui veut, pour le Sénégal, « que les autochtones découvrent leurs terroirs », a vu le jour. D’après Serigne Lô, pour l’année 2018, des études ont montré que sur les 200 000 Africains qui ont visité le Maroc, 45 000 provenaient du Sénégal. Un contingent qui, selon lui, pourrait faire du bien au secteur localement.
L’Agence sénégalaise pour la promotion touristique (Aspt) a, lui, saisi la balle au rebond avec le concept « Taamu Sénégal » à travers lequel le pays va gagner sur deux tableaux : découverte des terroirs par les nationaux et fonctionnement des différents segments de la chaine de valeur touristique (réceptifs hôteliers, transporteurs, guides, artisans, restaurants, etc.). « Cela fera des revenus supplémentaires qui ne vont pas combler complètement le gap, mais qui, au moins, constituent un pourcentage relativement important qui peut atténuer les pertes occasionnées par la pandémie », estime le président des guides touristiques. Mamadou Thiam tient toutefois à se féliciter de l’appui de l’État dans le cadre du Plan de résilience économique et sociale (Pres) du secteur. Il déclare que tous les guides officiels ont reçu, chacun, un prêt de 500 000 FCfa de la tutelle. M. Thiam renseigne aussi que l’Aspt a organisé à l’intention des acteurs une formation pour gérer les touristes à partir des mesures barrières mises en place.
DES SÉRIES TÉLÉVISÉES À CONTROVERSE
Telle une colonie ronflante, des associations moralisatrices ont levé la voix pour dénoncer certaines séries télévisées. Leurs cibles sont principalement les séries «Maîtresse d’un homme marié» et, pour la dernière en date, «Infidèles»
Ces dernières années ont vu l’explosion de séries télévisées sénégalaises épousant au possible les techniques, la grammaire et le langage cinématographiques modernes. L’évolution, qui répond à un certain cran artistique, ne semble pas du goût de certains. Ces derniers constituent une partie des populations et, principalement, des organisations censeures avec l’Ong Jamra à la tête. Ils provoquent et alimentent une polémique qui veut dessiner ces productions audiovisuelles comme des canaux de perversion qui méprise le principe de l’ellipse d’ordre social. Un argument que trouvent léger certains téléspectateurs et des acteurs culturels.
Telle une colonie ronflante, des associations moralisatrices ont levé la voix pour dénoncer certaines séries télévisées. Leurs cibles sont principalement les séries «Maîtresse d’un homme marié» et, pour la dernière en date, «Infidèles». La levée est principalement menée par l’Ong Jamra, à travers la voix de son vice-président Mame Makhtar Guèye dont le visage s’est finalement jumelé à cet assaut moraliste. Il accuse les séries incriminées de mener la jeunesse vers les venelles de la perversité et de menacer le legs vertueux des pieux devanciers. Durant la première saison de «Maîtresse d’un homme marié», Mame Makhtar Guèye avait dirigé l’offensive qui avait conduit Halima Gadji, actrice principale de la série, et l’équipe réalisatrice au prétoire du Cnra. L’actrice, Marème Dial dans la fiction, était accusée d’être «dévergondée et grossière». Au terme des conciliabules, l’Ong Jamra avait mis de l’eau dans son bissap, pardonné à l’irrévérencieuse et même dit être disponible pour aider dans la rédaction d’un scénario plus convenable au bon cadre social. Mais ce n’était qu’un court répit, avant que les vieilles habitudes de la création artistique cousue de liberté et d’audace n’émergent encore à la surface. Parmi celles-ci «Infidèles», série produite par Even Prod mais qui n’a pas bénéficié de délai. Après la diffusion du premier épisode, Mame Makhtar Guèye dégaine à boulets rouges et offre par-là une bonne promotion au produit audiovisuel. La polémique glisse sur les réseaux sociaux et la rue et laisse distinguer deux camps. Ceux qui s’alignent à l’indignation de Mame Makhtar Guèye et ceux qui n’y voient rien de scandaleux et s’en délectent. Ces derniers se montrent bien nombreux, car la série, après la diffusion d’une dizaine d’épisodes sur YouTube, capitalise une moyenne de plus d’un million et demie de vues. De ces sympathisants qui ont fini par se fidéliser à «Infidèles», une bonne brochette s’est ruée sur l’Ong Jamra et son «zèle», souvent avec des arguments peu mesurés.
Ibou Guèye a également répondu aux critiques et attaques de Mame Makhtar Guèye et ses affidés. Le directeur de la maison de production Even Prod, à travers une vidéo d’une trentaine de minutes en wolof diffusée le 29 juillet, a peu caché son ahurissement. Dans un ton lucide mais ferme, le réalisateur et producteur de la série «Infidèles» affirme que ce qui l’a le plus fait mal est qu’on les ait traités de mécréants. «Quand vous touchez à la foi d’un individu, vous agressez ce qui lui est le plus cher. Ces personnalités dites religieuses ont porté de graves accusations en affirmant que nous sommes supportés par des lobbies maçonniques, que nous encourageons l’adultère, l’homosexualité, etc.», déclare Ibou Guèye, prouvant, par moments, sa bonne culture religieuse avec des références divines et prophétiques.
Dans son communiqué, l’Ong Jamra et les 48 autres plaignants indiquent qu’«Infidèles» est «une série perverse» qui «banalise ce qu’il y a de pire dans la vie normale d’un adulte (…) Le contraire de la base même de notre système social, culturel et identitaire». Une perception qui étonne Ibou Guèye dans le sens où c’est fondamentalement ce qu’il combat. «Nous faisons de la pédagogie. C’est le nerf de tous les projets de «Even Prod». Ils sont tous pour créer un bouleversement qui va vers la perfection. Nous n’avons pas dérogé concernant «Infidèles», explique le réalisateur et producteur. «Nous avons ce scénario car nous pensons qu’il faut briser les tabous et heurter les sensibilités pour créer le déclic. C’est la méthode indiquée pour présenter l’évidence au public et les amener à distinguer le mal», poursuit-il. Des arguments qui ne convainquent vraisemblablement pas Mame Makhtar Guèye et sa ligue, qui, une semaine après, continuent de croire que la série télévisée révèle de «minables mimétismes de sous cultures occidentales qui inculquent subtilement à nos enfants des comportements déviants». Le communiqué vise en plus les séries «Reewolen sakh», même si toute la virulence a été servie à «Infidèles».
Malgré cette position et l’arbitrage du Cnra, Ibou Guèye «défie quiconque de sortir des propos obscènes de la série». Selon lui, il a avec son équipe dépouillé les dialogues du mieux possible et fortement privilégié le second degré. Aucun secret d’alcôves n’y serait trahi. Il précise bien qu’aucune séquence n’est anodine, quoiqu’elle puisse paraître sous certains tableaux, et contient au bout de chacune d’elle une pédagogie. En visionnant bien les scènes incriminées, toutes débouchent sur une leçon de morale ou une fin peu glorieuse pour marquer le malheur et le sacrilège de l’acte. Il y a également le personnage de Ousmane Ridial, un homme vertueux qui débite à longueur de scènes des recommandations religieuses et éthiques, et déjouent à chaque fois les entourloupettes des nymphes. En streaming, où on en est au 18ème épisode, les amateurs de pervers et de chair disent leur déception de ne plus voir la face vicieuse de la médaille. Ce qui donne raison à Ibou Guèye et certains défenseurs qui estiment que Jamra va vite en besogne. Selon le réalisateur, il fallait attendre cette étape d’éducation car c’est le propos de la série et tout ce qu’il faut retenir au final.
LE KUMPO, SYMBOLE D'UNE SYMBIOSE ETHNIQUE
Le masque reflète le brassage culturel, l’ouverture des groupes ethniques en Casamance. Les Mandingues et les Baïnouks se disputent la paternité de ces figures dotées de pouvoirs surnaturels aujourd’hui popularisées par les Diolas
Idrissa Sané et Seydou Ka et Moussa Sow |
Publication 23/08/2020
Le village de Bourofaye Baïnouk bascule dans une ambiance joyeuse l’après-midi du samedi 8 août 2020. Dans la vaste cour d’une concession, des femmes, sous l’ombre des manguiers, chantent et dansent, d’autres se trémoussent entre les grandes marmites posées sur le brasier. La cause de cette ambiance, une fille du village est donnée en mariage à un homme originaire de Niamone. Le village entier est en fête. Mais, tout s’accélère dans la soirée. Les convives attentent les ballets des masques. C’est la tradition dans cette communauté. Peu avant le crépuscule, un masque, avec les languettes de feuille de rônier, déboule derrière un bosquet. C’est le « kumpo ». Sa tête est surmontée d’un bâton coiffé d’un arc. Il se dirige vers la maison de la jeune mariée. Jadis, la danse du « kumpo » n’était pas réservée aux cérémonies de mariage. C’est la preuve que cette communauté a adapté la vocation de ce masque en fonction des nouvelles réalités. La constance, c’est la beauté de la chorégraphie, la force surnaturelle qui habite le porteur. Lorsqu’il tourne et se retourne, les languettes de feuille de rônier décrivent des formes circulaires captivantes. On n’est pas moins fasciné par son équilibre lorsqu’il s’arrête en s’agenouillant et enchaîne d’autres rotations sous les vivats des femmes, des jeunes et des non-initiés. Ce masque ne sort pas n’importe comment et n’importe où. Du moins, c’était la règle. Mais, depuis quelques décennies, les conservateurs sont moins rigides. « Le « kumpo » est encore sacré même si, aujourd’hui, il fait des prestations lors des mariages, des festivités, comme pour accueillir un hôte », tempère Malamine Goudiaby, le manager de la troupe culturelle et artistique de Tabi, baptisée Gharlanto. Au fond, le « kumpo » sert à cimenter la vie en communauté chez les Diolas où il est plus popularisé. Ce groupe l’a emprunté aux Baïnouks.
De Tabi, dans le Kalounaye, à Niamone, beaucoup reconnaissent que le « kumpo » est un mot mandingue qui peut signifier « inconnu » ou l’ « énigme ». Lors de notre passage dans la capitale des Baïnouks, comme des historiens, nous avons recueilli d’autres versions et vocations et des récits. « Dans le Niamone, le « kumpo » n’est pas banalisé. Nous ne savons pas ce qui est derrière. La robe en feuille de rônier est posée à l’entrée de la forêt. C’est à partir de là qu’il partira pour rejoindre le village. Mais, avant sa sortie, le village est informé 24 heures à l’avance. Lorsque le « kumpo » sort, il faut savoir qu’il y a un problème dans le village. Il participe à l’éducation des enfants et au renforcement de la cohésion sociale », confie Bakary Diémé qui appartient à la famille des tradipraticiens du village de Niamone où le « kumpo » est vénéré. « En réalité, le « kumpo » est un masque baïnouk plus connu chez les Diolas qui l’ont rendu célèbre », revendique Lacomb Coly. Cette thèse est soutenue par les plus anciens.
Selon d’autres versions, le « kumpo » est apparu à la suite de la rencontre du « Nama » mandingue et du « Kossé » baïnouk. C’est par la suite qu’il a été vulgarisé dans le Fogny et le Kalounaye par les Diolas et aussi en pays Kharones, dans les îles. Au-delà de tout, le « kumpo », le « kankourang » et le « fambondi » sont des masques qui symbolisent la symbiose ethnique », pour reprendre la formule de l’historien Amadou Fall, spécialiste de la Casamance et vacataire à l’Université Assane Seck de Ziguinchor. Le partage des masques véhicule l’harmonie d’une vie commune dans la diversité. « Il faut le dire, actuellement, les groupes ethniques se partagent beaucoup de masques en Casamance, qu’il s’agisse du « kumpo », du « kankourang », ou encore du « fambondi », précise l’universitaire.
Tout le monde peut voir le « kumpo » qui reste un esprit au sein des communautés. Mais, les non-initiés doivent se tenir loin. Aujourd’hui, à part le village de Ouonk, dans le Kalounaye, la sortie du « kumpo » a son caractère sacré. Ce qui est immuable, c’est que le « kumpo » est une figure mythologique des ethnies mandingue, baïnouk et diola du Sénégal, de la Gambie et de la Guinée-Bissau.