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18 juillet 2025
"L'HOMME OCCIDENTAL BLANC NE PEUT PLUS FAIRE COMME SI LA MORT NE LE CONCERNAIT PAS"
Le Covid-19 a fait ressurgir des réflexes racistes, stigmatisant tantôt les Chinois, tantôt cet “autre” potentiellement agent de la contamination. Pour Achille Mbembe, elle doit surtout nous inviter à questionner nos identités, au-delà de notre humanité
Philosophie Magazine |
Victorine De Oliveira |
Publication 20/04/2020
La pandémie de Covid-19 a fait ressurgir des réflexes racistes, stigmatisant tantôt les Chinois, tantôt cet “autre” indéfini et potentiellement agent de la contamination. Pour le philosophe Achille Mbembe, elle doit surtout nous inviter à questionner nos identités, au-delà même de notre humanité.
L’Afrique semble pour le moment relativement épargnée par la pandémie. Quelles ont été les mesures prises en Afrique du Sud, où vous vivez ?
Achille Mbembe : Le gouvernement sud-africain a tout de suite compris le caractère de cet événement et n’a cessé de répéter que le virus menace les nations dans leur existence même. Ce faisant, il définissait la nation comme une communauté de vie mise en péril par cette possibilité inédite de morts de masse. Le gouvernement a donc mis en place immédiatement un certain nombre de mécanismes visant à juguler l’épidémie et à résister à la menace. Tout l’appareil d’État mais aussi les experts scientifiques, les milieux d’affaire, les banques, la société civile, les universités et les écoles ont été mobilisées dans l’élaboration d’une stratégie de riposte. Un confinement général et systématique a été décrété. Il a recueilli au départ l’adhésion d’une très grande partie de la population, même si beaucoup se sont ouvertement inquiétés des conditions de son application dans les quartiers pauvres où la lutte pour la subsistance requiert proximité, convivialité et mobilité – tout le contraire de la distanciation sociale. Dès le départ, l’impulsion a été de sauver des vies, de sauver l’existence de la nation sud-africaine menacée biologiquement et de prendre soin de ceux qui étaient contaminés.
Le réflexe premier a donc été de préserver la communauté de vie et de soumettre le politique à l’impératif de la vie. Mais, très vite, d’autres questions sont apparues. Peut-on préserver la communauté de vie en l’absence de fondations économiques ? Y a-t-il un rapport d’équivalence entre la politique de la vie ou du vivant, la politique du soin et de la protection, la gestion des risques mortels et l’économie de marché ? Depuis trois semaines, l’économie est pratiquement en panne sèche. Conséquence : 1 million de chômeurs de plus et des pertes énormes pour les catégories sociales les plus désavantagées, notamment celles qui vivent grâce à l’économie informelle. Au moment où je vous parle, et face aux risques de famine menaçant ceux qui n’ont pas grand-chose, un discours assez critique de la politique de confinement est en train d’émerger. La réponse du gouvernement a été de développer très vite une politique de résilience et de relance économique. Ces actions ont impliqué la réaffectation d’enveloppes financières très élevées à la lutte contre le Covid-19, alors même que le pays vit une situation macroéconomique difficile suite à son déclassement par les agences de notation.
En ce moment, le débat porte, comme en France, sur les modalités de déconfinement. On ne pourra pas déconfiner si l’on ne s’engage pas, au cours des semaines qui viennent, dans un vaste programme de dépistage. À cet effet, on a détaché une armée de travailleurs de la santé, dont la fonction est d’être postée dans des communautés susceptibles de devenir des foyers d’infection. Nous passons actuellement à une autre étape de l’effort contre le virus qui consiste en un dépistage massif de la population. L’Afrique du Sud est certes le pays le plus touché du continent, mais, pour le moment, les choses semblent sous contrôle. Nous nous attendons toutefois à ce que la situation se dégrade au fur et à mesure que nous entrons dans l’œil du cyclone.
Tout semble suspendu à la découverte d’un vaccin… que certains n’ont pas hésité à proposer de tester d’abord en Afrique ! Que vous inspire une telle idée ?
Je veux bien comprendre que la médecine fonctionne un peu comme un pharmakon, qui peut à la fois vous soulager et vous tuer. Mais s’exprimer de cette manière, en tant que médecin, montre que l’individu qui a formulé une telle idée se rapproche davantage du tueur que du guérisseur. Voici un médecin qui ne comprend pas grand-chose à l’histoire de sa profession. Dans l’histoire moderne de la médecine, telle qu’elle s’est constituée en Occident, un certain nombre de « races » ou de « classes de population » ont toujours servi de cobaye au progrès scientifique. Une telle attitude, qui visiblement perdure, est significative de la manière dont nos sociétés modernes se sont habituées à déléguer leur mort à d’autres, qu’elles considèrent comme inférieurs, quantité négligeable et disposable, dans le grand ordre des choses. Ces propos tendent à faire valoir l’idée selon laquelle certaines vies valent plus que d’autres, qu’on peut se débarrasser de la vie de certains peuples, de certaines communautés, de certaines populations sans jamais véritablement se poser la question de savoir au nom de quoi et pourquoi.
Comment analysez-vous les résurgences du racisme depuis le début de la pandémie ? Ne devrait-elle pas au contraire être l’occasion de la définition d’un nouvel universalisme ?
Si l’on part du fait purement physiologique et mécanique de la respiration, on se rend bien compte que nous sommes tous pris dans le même bateau. Ce virus menace notre capacité universelle de respirer, d’où l’importance des respirateurs, de toutes ces prothèses qui permettraient de pallier la défaillance de nos corps, quelles que soient leur couleur de peau et leur origine. Il n’y a rien d’aussi fondamental, d’aussi égalisateur, que le fait de respirer. Dans l’acte de respiration se manifeste la sorte d’égalité radicale, originaire et fondamentale qui est consubstantielle non seulement à la vie des humains mais aussi à celle des plantes et des animaux. Le vivant tout entier respire. L’unité fondamentale que nous devons désormais considérer est donc le vivant. La question est de savoir comment articuler, dans un contexte de planétarisation de notre monde, quelque chose qui pourrait et devrait relever d’une politique du vivant, qui prendrait en compte ce que nous partageons, qui nous est commun, et que nous devrions envisager comme précondition de notre durabilité. Si nous voulons durer, si l’humanité veut s’inscrire dans la durée, au cœur d’une histoire qui n’est pas que sociale mais technologique et géologique, elle va devoir reconsidérer sa place au sein du vivant. C’est le type de réflexion qu’impose à mon avis cet évènement. Les traductions concrètes de cette politique du vivant restent à débattre et à élucider de façon ouverte et démocratique. Mais c’est l’horizon qui s’ouvre à nous. Si jamais il y a un jour d’après, ce ne sera pas pour revenir à ce qui était. Ce sera pour, je l’espère, forger ensemble des chemins d’avenir au cœur desquels nous nous penserons désormais en résonance avec les autres espèces plutôt qu’en surplomb.
Cette épidémie n’est-elle pas un retour du refoulé de la vulnérabilité de l’homme blanc qui se vivait depuis quelques décennies comme indestructible ?
Nous assistons à un retour du corps sous sa forme virale. Ce n’est plus nécessairement le corps qui s’aime, le corps narcissique du néolibéralisme, celui qui est pris dans le vertige de l’autocontemplation et de la monstration, mais un corps dont il faut se méfier – celui d’autrui bien entendu mais aussi notre propre corps. Nous voilà en permanence à son écoute, craignant soudain qu’il nous joue un sale tour. Nous en interprétons le moindre mouvement interne, le moindre bruit ou échappée sous la forme d’éternuement, de fièvre, de démangeaison, de toux. C’est un corps d’ambivalences, d’incertitudes, et potentiellement létal, qui revient sur le devant de la scène, un corps contaminé et ordonné à la putrescence. La redécouverte de ce corps putrescible est un choc, notamment en Occident, où les efforts pour déréaliser le corps ou le transférer sur des objets artificiels étaient très avancés.
La conclusion est que nous sommes finalement condamnés au corps – au nôtre et à celui d’autrui. En tant que communauté humaine, nous sommes condamnés à faire corps d’une manière qui nous oblige à apprendre à mourir, et à arrêter de déléguer notre mort à autrui, à prendre en charge toutes les vies et toutes les morts de façon égale. L’« homme occidental blanc » (si un tel terme veut dire quoi que ce soit) ne peut plus faire comme si la mort ne le concernait pas. Qu’est-ce que cela implique politiquement ? Je n’en sais rien pour le moment. Mais je sens fortement que c’est l’une des interpellations que nous adresse ce moment pathogène.
LE PRIX DU BARIL DE PÉTROLE NÉGATIF AUX ÉTATS-UNIS POUR LA PREMIÈRE FOIS DE L'HISTOIRE
Du jamais vu. Les cours du pétrole coté à New York se sont effondrés lundi. Sur les marchés à terme, le brut américain a perdu près de 300% dans la soirée, passant en territoire négatif, à -37,63 dollars
Du jamais vu. Les cours du pétrole coté à New York se sont effondrés lundi. Sur les marchés à terme, le brut américain a perdu près de 300% dans la soirée, passant en territoire négatif, à -37,63 dollars. Il s'agit de la plus forte baisse en séance jamais enregistrée par Bloomberg dont les données remontent à 1983. Cette chute est en grande partie due à des facteurs techniques, avec l'expiration des contrats pour livraison en mai ce mardi, mais elle souligne les vents contraires que doit affronter le marché pétrolier..
L'or noir subit de plein fouet l'effondrement de la demande en raison des mesures de confinement pour endiguer la propagation du coronavirus. Selon les premières estimations, la consommation de pétrole dans le monde a chuté de 20 millions de barils par jour (mb/j) et jusqu'à plus de 30 mb/j pour les plus pessimistes. Avant la pandémie, le marché tournait autour des 100 mb/j.
Où stocker ?
A ce choc de demande s'ajoute une quasi- saturation des capacités de stockage . Le monde déborde d'or noir à ne plus savoir quoi en faire. N'importe quel oléoduc ou tanker en mer est utilisé comme réserve de pétrole. Les prix de location des navires ont d'ailleurs flambé passant de 30.000 dollars par jour à plus de 150.000 dollars.
Selon le relevé de l'administration américaine de l'information sur l'énergie, les stocks de brut de la plus grande économie mondiale ont augmenté de 19,25 millions de barils la semaine dernière. Le grand hub à Cushing dans l'Oklahoma est au bord de la saturation. Les réserves s'élèvent à 55 millions de barils alors qu'il n'y a de la place que pour 76 millions de barils.
Les infrastructures de stockage outre-Atlantique sont si pleines que certains producteurs texans vendent leur baril pour 2 dollars, selon les données de Bloomberg. On pourrait même en voir certains payer pour se débarrasser de leur pétrole. « Il n'y a plus de limite à la baisse quand les stocks et les oléoducs sont pleins. Des prix négatifs sont possibles », mettait déjà en garde Pierre Andurand, gérant d'un influent hedge fund sur le pétrole, précisant toutefois sur Twitter qu'un tel phénomène serait éphémère.
Autour des années 2010, lors de l'explosion de la production avec la révolution du schiste, les prix sur le marché physique avaient atteint des niveaux extrêmement bas. Les exportations d'or noir étant interdites, les stocks s'étaient remplis à grande vitesse. Les producteurs vendaient le pétrole à n'importe quel prix pour éviter de fermer leurs puits, une opération coûteuse.
Ecarts de prix
En attendant, « de tels niveaux de prix obligent à des fermetures et entraînent des pertes d'emplois. Les opérateurs tentent de réduire les coûts pour faire face à cet environnement de prix bas », explique Rystad Energy dans une note. Selon le dernier décompte de Baker Hughes, le nombre de puits de forage a chuté de 66 unités la semaine dernière, la plus forte baisse hebdomadaire depuis 2015.
Les tensions sur le stockage aux Etats-Unis expliquent la hausse de l'écart de prix entre le brent, référence européenne, et le WTI. Ce lundi, il a atteint environ 60 dollars, un plus haut historique, au-dessus du record de 2011 à 27 dollars.
Alors que les contrats arrivent à expiration ce mardi, les investisseurs qui les avaient achetés simplement pour les revendre à l'approche de la date butoir se sont retrouvés dans une situation très problématique : ils n'ont pas trouvé d'acheteurs et eux n'ont pas les moyens de recevoir la livraison prévue dans le contrat car ils ne disposent d'aucun lieu de stockage.
Le spread pourrait diminuer aussitôt que la bascule vers les contrats pour juin sera réalisée. Mais certains dans le marché affirmaient lundi soir que des fonds se sont déjà reportés sur les contrats avec livraison en juillet… ce qui pourrait alors peser sur ceux de juin.*
Une remontée significative des prix à court terme est improbable. Avant la chute des prix en territoire négatif, les analystes de MFUG anticipaient des prix proches de 20 dollars pour le brent et à près de 10 dollars pour le WTI dans les semaines à venir. Des perspectives partagées par Rystad Energy : « Comme toujours, on verra des hauts et des bas, mais la tendance sera sans aucun doute à la baisse. Du moins jusqu'à ce que des nations viennent en aide à l'Opep et à ses partenaires en réalisant des réductions substantielles. »
Un accord portant sur une réduction de production de 10 millions de barils par jour a été trouvé et signé le 12 avril par l'Opep et ses partenaires. Mais celui-ci n'entrera en vigueur que le 1er mai et n'a semble-t-il pas convaincu les marchés, qui considèrent que les réductions promises ne suffiront pas à compenser la chute massive de la demande provoquée par la pandémie.
par Felwine Sarr
UN TEMPS RETROUVÉ...
Cette situation nous oblige à dé-projeter le futur et à le laisser advenir. Etre présent à l’intériorité qui affleure, habituellement étouffée par la suractivité et les bruits du dehors
Le gouvernement vient de prolonger la fermeture des écoles et des universités. Nous nous acheminons vers une plus longue période d’astreinte sociale. Ce n’est pas encore le confinement total. Pour les entreprises qui le peuvent, leurs employés sont en télétravail. Pour les autres, ceux que l’on appelle les ambulants ou les informels, l’économie est d’abord relationnelle. L’interaction humaine est nécessaire à l’échange économique. Acheter (jënd), vendre (jaay), marchander, commercer, implique une présence physique. La distanciation sociale sous nos cieux doit être pensée en fonction du type d’interaction interindividuelle et adaptée à la sociologie de nos rapports sociaux. Cartographier les espaces d’agglutination, les lieux de regroupement humain, de compaction, en comprendre les motifs et les raisons, travailler à décompacter le groupe, tout en le maintenant en vie. Voici le défi de nos anthropologues et de nos sociologues.
La ville est toujours fantomatique. Elle n’est pas reconnaissable. Ses densités se sont défaites. Son énergie désormais diffuse, s’échappe et s’évanouit par ses flancs. On la voit sous un autre jour. Ses habitants s’étant fait plus rare dans ses allées, sa présence s’est accrue, son architecture, ses rues, l’allure de ses arbres, sa façade atlantique sont désormais visibles. Leur épaisseur, leur densité et leur présence nous hèle.
Ce temps pourrait être un temps retrouvé. Mais il est grevé par l’angoisse de devoir vivre avec de l’inconnu devant soi. Nous avions pris l’habitude de préempter le futur. De planifier le temps à venir. Pour ceux qui parmi nous vivent dans le tourbillon d’un monde globalisé, hyper-mobile, postmoderne, nous avions l’habitude de remplir nos agendas pour les mois à venir. Nous savions ce que nous allions faire l’hiver et le printemps prochains.
Nous avions congédié l’inattendu, harnaché par une psychologie de l’établi, un temps ordonné par des buts, des objectifs et des livrables. Nous habitions ce temps du capitalisme, orienté vers toujours plus de productivité, obnubilé que nous étions à effectuer la plus grande quantité d’actions par unité de temps. Occuper le temps, jusqu’à saturation. Pour d’autres, la majorité, les lendemains ont toujours été teintés d’incertitude. Ils apportent leur lot de défis et de cols abrupts, parfois de surprises et de consolations. Les lendemains incertains, ils connaissent et savent faire avec. Le temps, ils l’apprivoisent au tour du thé, dans la nasse d’une conversation qui le transmue en un lien d’une qualité renforcée.
Une fois l’étau desserré, que faire de ce temps retrouvé ?
Cette situation nous oblige à dé-projeter le futur et à le laisser advenir. Elle nous force à être avec nous-mêmes. Vivre avec soi. Etre présent à l’intériorité qui affleure, habituellement étouffée par la suractivité et les bruits du dehors. Nous avions différé le rendez-vous avec nous-même. Résonne à nouveau la vibration essentielle de notre existence. Les anachorètes, les écrivains et les artistes connaissent cela. Ralentir travaux. Se poser. Ecouter ses voix intimes, sa multitude bavarde ou silencieuse, le peuple qui vous habite. Ainsi, s’insinue en soi les choses qui ont besoin de temps, de latence, de durée pour affleurer, se cristalliser, être et cogner aux parois de votre être.
Les Pâques sénégalaises sont habituellement animées. Jeudi saint, vendredi saint, messe de pâques. Cette année la chorale de l’église des martyrs de l’Ouganda s’est tue. L’archevêque de Dakar et quelques prêtres célèbrent la messe seuls à la cathédrale de Dakar. Elle est retransmise à la télé et les fidèles pourront aussi la suivre sur WhatsApp. Chacun devant rester chez soi, la traditionnelle distribution de ngalax de la part des familles chrétiennes aux familles musulmanes, symbole et expression ici de la fraternité inter-confessionnelle, aura-t-elle lieu ?
LE REDRESSEMENT ÉCONOMIQUE RÉSIDE DANS LES RÉFORMES
Il est essentiel de renforcer les systèmes de protection et d’encourager la baisse du taux d’usure actuel des réseaux de micro-finance plafonné autour de 27 %
La propagation rapide de la pandémie du Covid-19 bouleverse profondément la sécurité et la quiétude de l’humanité. Le monde contemporain est confronté à une crise inédite, à un choc alambiqué entre l’homme et la nature.
La communauté internationale fait face à un nouveau contexte marqué par des perspectives économiques mondiales complexes et difficiles à un moment où l'anxiété et l'augmentation des pressions à la baisse reflètent en général un certain désarroi de l’économie mondiale confrontée à des défis tels que la contraction de la demande globale et le ralentissement drastique de la croissance de la productivité globale des facteurs.
La baisse des prix du pétrole met à rude épreuve la situation budgétaire des pays exportateurs nets de produits pétroliers et pèse sur leurs perspectives de croissance.
La réunion restreinte des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine qui s’est tenue le 03 avril 2020, en visioconférence, a été l’occasion de discuter sur les risques qui pèsent à court terme sur les systèmes sanitaires et l'économie africaine et les options politiques possibles pour relever les défis.
En ce qui concerne le Sénégal, différents instruments et mécanismes ont été mis à contribution pour déployer au mieux une réponse sanitaire et économique en vue de limiter la propagation de la maladie et minimiser les impacts de la crise sur l’économie nationale, ce à travers le paquet global de riposte constitué du Programme de Résilience Economique et Sociale (PRES) d’un coût global de 1000 milliards de FCFA, du Fonds de Riposte et de Solidarité « FORCE-COVID 19 », de l’aide alimentaire d’urgence, entre autres.
Un « chœur sanitaire » pour atténuer les impacts économiques de la pandémie
Si le Sénégal est à ce jour à un niveau de maitrise de la propagation de la pandémie, c'est bien grâce à la très haute vision politique du président de la République, à l’engagement patriotique élevé de tous les acteurs politiques et de la société civile, à l’esprit collaboratif du peuple, et bien sûr au professionnalisme bien connu des services de santé de toujours contribuer au progrès sanitaire du pays et à son rayonnement sur la scène régionale et internationale.
Le contraire aurait été difficile à comprendre quand on sait que, en dépit de moyens très limités, le personnel soignant assume avec enthousiasme et beaucoup de bonheur leur rôle de rempart sanitaire pour apaiser surtout les inquiétudes de la population.
Toutefois, dans un monde où les catastrophistes prédisent des scénarios apocalyptiques pour l’Afrique, seuls la solidarité, le civisme populaire et le professionnalisme des services sanitaires permettraient de surmonter les difficultés et de briser le cercle vicieux « sous-développement -mauvaises conditions sanitaires-maladies-sous-développement».
Agissant en qualité de « régulateur social et économique», l’Etat est dans son rôle capital pour réduire dans l’immédiat les risques et préparer l’après COVID-19 pour le système de santé et le redressement économique.
Encore que, conviendrait-il d'admettre que le monde de l’après Covid-19 va bien changer avec la révision des politiques nationales qui implique du réalisme et des choix difficiles parmi différentes priorités.
Dès lors, il requerrait de faire davantage pour le renforcement de la mise en œuvre des mesures prises pour juguler la crise, renforcer le filet de sécurité financière pour l’Etat et le secteur privé, chercher des solutions rapides à la relance des entreprises, éviter la situation de risque de dépression économique et renforcer le soutien aux sénégalais de la diaspora.
Comme la croissance économique attendue sera très faible et passera de 6,8% à moins de 3% et qu’il subsiste des risques de détérioration, il faudrait examiner tous les mécanismes pouvant permettre d’accroître la production effective et potentielle au moyen de réformes structurelles, au moyen d’investissements qui accroîtraient le capital productif et soutiendrait la demande intérieure pour la croissance.
Instrument de la politique économique, la réorganisation du budget de l’Etat ne devrait pas desservir la croissance. Dans la mesure du possible, il faudrait tenir compte de la stratégie de relance future en stimulant le capital productif par le financement des dépenses publiques d’investissement ou par l'effet de levier à travers le partenariat public-privé (PPP).
De la gestion de la crise à la préparation de l’après Covid-19, le redressement économique réside dans les réformes
A la pression baissière, le gouvernement a très tôt relevé qu’il est indispensable de recourir à un plan de riposte cohérent mais il serait également nécessaire de limiter les impacts de la crise par le choix de réformes ambitieuses de sorte à impulser ultérieurement les énergies du marché et des entreprises. Il nécessiterait alors de privilégier les ajustements ciblés pour rendre la résilience économique plus performante et efficiente.
En effet, les perspectives de récession globale s’installent sur toutes les grandes économies, la situation s’avèrerait critique pour les économies en développement, si le Sénégal n’entame pas des réformes structurelles profondes et courageuses aujourd'hui, son œuvre de transformation structurelle de l’économie à travers la mise en œuvre du PSE s’en trouvera compromise.
La poursuite de la politique macroéconomique et la mise en œuvre des mécanismes de riposte sont certes importantes, mais les réformes structurelles sont nécessaires pour insuffler une nouvelle dynamique à l’économique nationale. L’ancrage ferme dans la réalité est essentiel pour la mise en œuvre des actions concrètes et efficientes pour l’économie et les ménages.
Évidemment, sur le chemin de l’émergence voire du développement, il y’aura toujours des sceptiques aux réformes, à l’innovation et au progrès ; c’est pour cela que ceux qui sont impliqués dans le processus de développement économique feront souvent face à des circonstances inévitables dans leur travail. Il est toutefois impératif d’adapter les attitudes en vue d’approfondir les réformes pour juguler les problèmes aigus qui entraveront le développement du pays.
Le gouvernement gagnerait, en outre, à stimuler la consommation intérieure et de restructurer les entreprises d’Etat en difficultés.
Sur le plan de la souveraineté alimentaire, il convient de reconnaitre que le Sénégal a fait des progrès dans la production agricole mais il devrait résoudre davantage sa situation d’importateur net de denrées alimentaires.
Soubassement stratégique de sécurité alimentaire et de nutrition, de développement d’entreprises rurales et gestion des ressources naturelles, de garantie des moyens d’existence des ruraux, de moyen d’intégration sur les chaines de valeur, l’agriculture est une source significative de nourritures, d’emplois et de revenus pour le Sénégal et particulièrement pour les ménages en milieu rural.
Si le pays souhaitait fondamentalement bruler des étapes dans son processus de développement, il faudrait arpenter le chemin de la grande modernisation agricole qui devrait être ancrée dans une économie marchande planifiée orientée vers le marché en promouvant davantage le développement sur tous les plans de l’agriculture (agriculture vivrière / agriculture de rente), de l’élevage, de la pêche, de la sylviculture et de la pisciculture.
Aussi, nécessiterait-il de prendre en particulier des initiatives vigoureuses pour rendre l'agriculture sénégalaise plus efficiente en développant la productivité agricole, en encourageant la transformation par une politique d’industrialisation rurale à vocation agricole et en réduisant les goulets d’étranglement infrastructurels, les déficits d’intrants agricoles et de semences améliorées.
La politique de l’aménagement du territoire devrait désormais prendre en compte les questions relatives à la création de circuits commerciaux et de surfaces commerciales modernes par les entreprises nationales et les organisations socioprofessionnelles pour la distribution des biens et services dans les régions du Sénégal.
Les réformes devraient également concerner le secteur de la pêche dans la mesure où le pays pourrait favoriser principalement les ouvraisons des produits halieutiques avant de les exporter.
L’accès et le coût du financement demeurent un des facteurs pénalisant le soutien à la production nationale et le développement de la PME-PMI. Le Gouvernement en tirerait mieux profit en prenant des initiatives favorables au renforcement du taux d'épargne, encore faible, ce qui n’assure pas la mobilisation significative de fonds pour la croissance.
Il est essentiel de renforcer les systèmes de protection et d’encourager la baisse du taux d’usure actuel des réseaux de micro-finance plafonné autour de 27 %.
Par ailleurs, le président de la République appuie le déploiement, dans les meilleurs délais, de l’assistance de l’Etat aux sénégalais de la diaspora affectés par la pandémie. Bien qu’un plan sectoriel de contingence a été élaboré dans ce sens, il est aussi essentiel d’entreprendre une réflexion sur le rôle de la migration de l’après Covid-19 à l’effort de développement national.
En définitive, la pleine utilisation du capital humain pour la transformation structurelle de l’économie ne se fera qu’après une parfaite émancipation du système sanitaire et une utilisation appropriée des compétences.
Aujourd’hui, chaque citoyen sénégalais essaie de s’acquitter au mieux de ce qu’il doit à la patrie. Face aux circonstances, le leadership politique du président de la République, les prières des guides religieux, l’élan de solidarité nationale des acteurs politiques et de la société civile, le civisme populaire, l’alliance patriotique du secteur privé et le professionnalisme des services de santé pourraient contribuer à la réalisation précoce des objectifs de résilience sanitaire et de redressement économique.
Mamadou SARR est économiste, expert en commerce et développement international. Il a été distingué « GUERTE D’OR » édition 2019 de la FIKA dans la catégorie Partenariat international.
par Hamadoun Touré
L’AFRIQUE À L'ÉPREUVE DU CONFINEMENT
EXCLUSIF SENEPLUS - Nos gouvernants ont une charge supplémentaire face au confinement. Elles doivent opérer un savant dosage entre la répression tous azimuts et la pédagogie salvatrice
“Celui qui n’a pas de temps à perdre ne comprendra jamais rien à l’Afrique” Amadou Hampathé Ba
Le temps de la science n’est pas celui de la maladie. La pandémie du COVID-19 oblige la multiplication de mesures pour limiter sa propagation à défaut de la freiner.
En plus de ces mesures, dont celles prescrites par l’Organisation Mondiale de la Santé(OMS) nos Etats, incontestablement dépassés, ont imposé des directives coercitives. Leur mise en œuvre soulève des problèmes face à la réalité de notre histoire et de nos traditions.
Tardivement, en tout cas plus que ’autres, touchés par l’expansion du coronavirus, les Africains vont adapter leurs habitudes à l’obligation, devenue quasi-mondiale, du confinement qui est par essence contre nature. Même dans les sociétés individualistes dont la philosophie est chacun pour soi. Le confinement contrarie un droit naturel de l’être humain, celui d’aller et de venir, qui lui est propre comme le rire, principe cher à Rabelais.
En Afrique, en général, rester confiné chez soi est l’exception et en sortir la norme au contraire de la coutume de certains pays, en particulier occidentaux. Chez nous être cloîtré, en dehors de l’espace carcéral, s’apparente à une agression de la liberté individuelle. L’isolement est aussi assimilé à un mal être et à un refus de devenir un acteur social.
Dans notre culture, africaine, le voisinage est sacré. On lui doit la première démarche avant de prendre ses quartiers. Démarche traditionnelle mais combien symbolique qui instaure des liens, droits et devoirs réciproques.
Il est le premier lieu où commence la journée, le dernier où elle finit. Symbole de la vivacité des liens communautaires, du partage, de la convivialité. Et c’est avec le voisinage, que souvent se scelle le destin de quelque projet et se dénoue un arbitrage conflictuel. Donc aucun temps perdu car « celui qui n’a pas de temps à perdre, ne comprendra jamais rien à l’Afrique », comme l’a dit le vieil Hampathé.
Ainsi, en même temps que les mesures barrières imposées partout dans le monde, l’Afrique découvre un modèle de lutte contre la maladie en plus du couvre-feu : rester chez soi.
Un confinement vécu par la grande majorité de nos populations comme une anomalie tant il jure avec nos habitudes, valeurs sociales, culturelles, ressenti comme une agression administrative contre notre psychologie et nos traditions séculaires de rassemblement festif.
La rue, en plus d’être un lieu économique dynamique dans la quasi-totalité de nos pays où tant de familles se nourrissent au jour le jour, est, ne n’oublions pas, l’espace vital où se forge parfois le devenir de nos enfants. Ils y font souvent leurs premiers pas, les consolident progressivement, se forment à la vie adulte, et, polissons, reçoivent leurs premières corrections, premiers pas d’une initiation à la vie en société telle que transmise par nos ancêtres.
C’est aussi en dehors des maisons, concessions dirait-on par extension, espace clos des affaires intimes et des secrets de famille, et sous l’arbre à palabre que les adultes, sages par définition, délibèrent gravement, se chamaillent, concilient les oppositions, décident enfin et imposent les consensus opposables à tous.
Nous ne versons pas dans l’afrocentrisme en affirmant qu’en Afrique nous ne savons pas rester chez nous. Blaise Pascal l’avait dit avant : “ J’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre”.
Et nous proclamons solennellement ce dicton sénégalais « L’homme est le remède del’homme ».
Sacertodales dans un univers monacal où elles sont ascèce morale et nourritures spirituelles, les mesures de confinement ne peuvent que heurter certaines de nos traditions, comme ailleurs sans doute. Le confinement, chez nous, de personnes âgées, vénérées pour tout ce qu’elles représentent dans notre société est inimaginable. Cruelle interrogation : comment préserver leur vie en les confinant sachant que c’est aussi une façon de la leur ôter ?
En réalité, nous sommes face à un nouveau problème de société qui apparaît avec la tragédie de cette pandémie. L’Etat doit reconquérir le respect des citoyens. Les citoyens, à leur tour, doivent respecter l’autorité légitime qui, en la circonstance, impose des règles qui nous étaient étrangères.
Nous sommes confrontés comme jamais à un autre problème, celui de citoyenneté et d’acquisition des valeurs de base qu’elle suppose pour une vie harmonieuse en société: discipline et respect des normes en dehors de la peur du gendarme et/ou de la maladie. Les bons gestes s’acquièrent en amont des crises pour être efficaces dans leur application lors des situations d’exception.
Avons-nous intériorisé le respect des interdictions —de sortie— pour notre propre intérêt sans menace sur notre vie mais juste pour l’harmonie sociale ?
La réponse est d’abord dans notre comportement à l’égard du voisinage dans le quartier, face aux autres usagers dans la circulation routière, dans l’accès aux transports en commun, dans le respect de notre environnement quotidien.
La réponse est ensuite dans les actes de ceux qui désertent les lieux de confinement pour relever un piètre défi imaginaire ou juste pour épater un troupeau de crédules inconscients.
Nos gouvernants ont une charge supplémentaire face au confinement. Elles doivent opérer un savant dosage entre la répression tous azimuts et la pédagogie salvatrice.
Chance inouïe pour nos décideurs, ils ne vont pas naviguer en terrain inconnu car certains leaders, avant eux, ont opté pour le confinement alors que d’autres ont choisi des mesures différentes pour réduire les ravages de la pandémie.
Il ne s’agit donc pas d’imiter un modèle mais de s’en inspirer en fonction de notre terrain, c’est à dire de nos forces et de nos faiblesses. Nos moyens économiques et d’autres pesanteurs nous permettent-ils d’accompagner un confinement partiel, alterné ou total ?
Il est de la vocation et de la mission des dirigeants de trouver la réponse adaptée à la nature, au tempérament et aux attentes des populations. C’est à cette aune que se mesureront leur vision et leur leadership.
Hamadoun Touré est journaliste.
par Mamadou Lamine Diallo
L'AFRIQUE FERA FACE À L'EFFET PANGOLIN
L’Afrique plastique peut plier, elle ne rompt pas. Elle se doit d’engager courageusement dans la solidarité une révolution de type copernicienne.Faisons confiance à nous-mêmes d’abord
Il y a un débat intéressant sur les conséquences de la pandémie du covid 19 sur l’Afrique, lancé par des fonctionnaires, des intellectuels occidentaux et africains. Je m’en réjouis.En effet, si de manière théorique, la pandémie doit évoluer en Afrique comme en Italie ou à New York par exemple, on peut conclure facilement que, vu l’état du système de santé, ce sera la catastrophe. Ensuite, une révolte des populations s’en suivra qui pourra entraîner l’effondrement des Etats fragiles. Tel est le raisonnement des fonctionnaires du ministère des affaires étrangères de la France qui ont produit une note diplomatique largement diffusée dans les réseaux sociaux intitulée, l’effet Pangolin : la tempête qui vient en Afrique ?
Beaucoup de mes compatriotes ont manifesté leur indignation. Pour ma part, il n’ya rien de choquant, ils font leur travail, froidement comme le veut l’esprit scientifique. C’est bien normal. Ce scénario est possible. Que les français cherchent alors dans cette hypothèse quelles cartes à jouer pour garder leur influence, sowhat ? Rien de nouveau. Que des prédateurs disparaissent de la scène politique, tant mieux.
D’abord, observons qu’il y a un autre scénario possible. La population africaine étantjeune, 75% ont moins de 35 ans, et des mesures de distanciation sociale, confinement partiel, couvre-feu et d’adoption des gestes barrières ayant été prises, il est possible que la pandémie soit freinée.
Si en outre, ce que je crois, nous adoptons le protocole du Professeur Moussa Seydi de l’hôpital de Fann de Dakar basé sur la quinineet la généralisation du port des masques, la pandémie pourra être contenue à un niveau bien inférieur au résultat obtenu par les fonctionnaires du Quai d’Orsay.
Cependant, ce coronavirus, dénommé SARS Cov2, comme pour dire que c’est le secondd’une longue série, en envoyant un séisme économique et sanitaire dans le monde des Etats, met en évidence les déséquilibres et les problèmes nés de la nouvelle séquence de la mondialisation ouverte avec la révolution du numérique. On le sent, le monde peut être différent quand on viendra à bout de la pandémie du covid 19. Les germes du nouveau monde sont déjà là et c’est à nous de les lire. Il faut tirer les leçons de la pandémie née du coronavirus. Je vous en propose neuf.
Leçon 1. J’ai soutenu deux thèses sur l’Afrique, elle est l’enjeu du monde en ce siècle et la question de savoir si les Africains sauveront-ils l’Afrique est une question posée et à résoudre.
Leçon 2. Il ne sert à rien de pleurnicher sur un complot des vaccins ou une France qui reste coloniale. Le monde a besoin des ressources de l’Afrique qui peut être, après la Chine, le prochain atelier du monde. Pour cela, ses élites doivent accepter et diffuser dans la culture, l’esprit scientifique et la recherche de l’efficacité. C’est ici tout le sens du gouvernement continental rejeté en 2005 en Lybie qui proposait des ministères africains pour la santé publique, la recherche scientifique et les négociations commerciales.
Leçon 3. Le coronavirus met de l’ordre dans la priorité des neuf besoins fondamentaux dont la satisfaction est l’objet de l’économieque je classe en trois groupes : l’alimentation, la santé, le logement, la sécurité individuelle et collective (groupe 1), la reproduction, l’éducation (groupe 2), le transport, l’habillement, le loisir (groupe 3). Force est de reconnaître que le coronavirus filtre les biens premiers définis par Rawls. On peut comme Moustapha Kassé convoquer si on veut les théoriciens de la croissance endogènepour indiquer la priorité qu’il faut accorder au capital humain, santé et éducation. Mais le coronavirus de manière pratique en confinant 3 à 5 milliards d’individus, y compris les Etats Unis et la Chine, les deux candidats au centre de l’économie monde, indique que pour la survie de l’espèce humaine, le groupe 1 est prioritaire.
Le président Macron de France en écho du virus dit bien que ce serait une folie de laisser les autres s’occuper de l’alimentation, de la santé et de la sécurité de la France. Alors il faut relativiser la thèse du Président Xi Jing Ping de Chine à l’effet de dire que l’Afrique est dans une phase préindustrielle d’accumulation du capital technique limité aux infrastructures.
Que ces orientations ainsi rappelées puissent servir les responsables de l’économie en cette période d’incertitude. En effet, le recentrage du groupe 3 vers le groupe 1 de la politique économique est devenu critique. Le coronavirus pousse à la transformation locale des ressources minérales basée sur le patriotisme économique.. Déjà des africains talentueux inventent des respirateurs, des gels hydro-alcooliques, des machines à laver pour soulager les femmes. Notre talent va donc bien au-delà du sport et de la musique.
Leçon 4 Des cinq types de capitaux, capital institutionnel, capital humain, capital naturel, capital technique, capital intellectuel, le covid19 établit aussi une hiérarchie. Les règles sociales et les institutions mises en place pour les respecter constituent le capital décisif, le capital institutionnel. L’accent mis sur l’accumulation de capital technique consomme plus de capital naturel qu’il n’est nécessaire et accroît les inégalités dans une économie capitaliste. La pandémie illustre bien qu’il faut un solide capital institutionnel pour traiter du capital humain, de la santé en particulier.
Leçon 5 Le capitalisme planifié de la Chine est en compétition avec le capitalisme libéral de l’Occident qui apris le dessus sur le capitalisme social démocrate encore présent en Europe de Nord. A l’évidence, la proposition de Fukayama ; démocratie plus économie de marché donne le développement et la paix ne fonctionne pas. Irak, Lybie, Syrie, Somalie, Sud Soudan ne connaissent ni la paix, ni le développement. La tragédie des migrants montre qu’on ne peut pas avoir une mobilité du capital, des biens et services et des idées à l’échelle du monde sans la mobilité du travail. Le capitalisme mondialisé bute sur ce que Samir Amin appelle « la loi de la valeur ».
Leçon 6 Les inégalités de patrimoine et de revenus à l’intérieur des Etats provoqués par la mondialisation et les politiques économiques du consensus de Washington ont entraîné une inégalité des travailleurs, entre les nomades mondialisés et les sédentaires selon la formule de Pierre Noël Giraud. Les privilégiés du système, en général les nomades, sont au « télé travail » et les autres au travail sur le terrain ou au chômage. Curieusement, ce sont les nomades au départ qui ont fait voyager le virus vers les sédentaires.
Leçon 7 Face au choc simultané sur l’offre et la demande mondiale qui s’est répercuté sur les secteurs pétrolier et financier, il est à craindre demain une destruction de capital technique pour laisser la place à la création selon le mécanisme décrit parSchumpeter rappelé par Dominique Strauss Kahn, à l’industrie du big data et la robotisation.
Leçon 8 Crise du savoir, le monde patauge devant le remède face à la maladie. Crise de l’avoir, il peine à mobiliser 30 milliards de dollars pour trouver un vaccin selon Jacques Attali. Crise du pouvoir, les Etats pris de panique, hésitent et tâtonnent tandis que les banques centrales font fonctionner la planche à billets pour plus de 10 000 milliards de dollars foulant au pied les règles sur le déficit budgétaire ou le ciblage de l’inflation sans empêcher ce qui se dessine, récession, hausse des prix et chômage.
Leçon 9. Demain la nécessité de partager le savoir, l’avoir et le pouvoir adossée à des valeurs ; de courage patriotique, connaissance et respect de la loi, sens de la responsabilité, respect de la femme et sens de la grandeur, s’impose pour un monde qui donne plus de valeur aux relations humaines. C’est ce que j’ai appelé déjà le responsabilisme. Nous ferons face à l’effet Pangolin. L’Afrique plastique peut plier, elle ne rompt pas. Elle se doit d’engager courageusement dans la solidarité une révolution de type copernicienne.Faisons confiance à nous-mêmes d’abord. Commençons par s’attaquer aux flux financiers illicites de 50 à 60 milliards de dollars qui quittent l’Afrique chaque année et mis en évidence par le groupe du Président Thabo Mbeki .Il suffit de 5% de la force de travail, acceptant l’esprit scientifique, la recherche de l’efficacité et le patriotisme économique pour transformer structurellement les économies africaines.
Mamadou Lamine Diallo est Député à l’Assemblée Nationale du Sénégal, Président de la Commission Aménagement du territoire, de l’Urbanisme, de
l’Habitat, des Infrastructures et des Transports.
"LE JOUR OÙ NOUS AVONS DÉFIÉ DE GAULLE"
Le 26 août 1958, le Général De Gaulle en visite au Sénégal fait un discours à la place Protêt (actuel Place de l'Indépendance). Des jeunes porteurs de pancartes lui réclament l'indépendance avec des slogans. Assane Masson Diop, était l'un d'eux
Le 26 août 1958, le Général De Gaulle en visite au Sénégal fait un discours à la place Protêt (actuel Place de l'Indépendance).
Des jeunes porteurs de pancartes lui réclament l'indépendance avec des slogans.
Assane Masson Diop, président de l'Association des "Porteurs de Pancartes", était l'un d'eux.
Il raconte ce moment historique à Rose-Marie Bouboutou, Maxime Domegni et Alassane Dia.
AVENIR SENEGAL BI ÑU BËGG RECLAME L’AUDIT DE MANSOUR FAYE
La plateforme Avenir Sénégal bi ñu bëgg appelle à ce que le Comité de pilotage du fonds Force Covid-19 «vérifie» les conditions d’octroi des marchés dans le cadre de la gestion de l’aide alimentaire.
La plateforme Avenir Sénégal bi nu bëgg n’est pas convaincue par les explications de Mansour Faye. Dans un communiqué, Cheikh Tidiane Dièye et ses camarades invitent le président de la République «à mettre en place, sans délai, le Comité de pilotage du Force Covid-19 et de lui donner toutes les attributions légales, institutionnelles et techniques pour gérer toutes les dépenses liées à la riposte». Ce qui a étéfait hier par le président de la République qui a pris un décret pour décliner le fonctionnement du fonds qui sera dirigé par le Général François Ndiaye. De plus, insiste la plateforme, une fois ce comité mis en place, il devra «vérifier» non seulement les conditions d’attribution de ces marchés, mais aussi s’assurer que les quantités de riz commandées et payées soient effectivement livrées par les entreprises. «Dans certains marchés de fourniture de denrées alimentaires ou d’autres produits commandés en grande quantité, les malversations peuvent se trouver moins dans les prix pratiqués par les entreprises que dans une tactique consistant à livrer seulement une partie de la commande, si les mécanismes de contrôle appropriés ne sont pas mis en place. Et cela se fait le plus souvent avec la complicité des agents publics», alerte cette entité qui avait soutenu le candidat Ousmane Sonko lors de la Présidentielle de 2019.
«Réponse gênante» de Macky à France 24
Selon elle, l’effectivité d’un tel Comité de pilotage aurait épargné au président de la République sa «réponse gênante» donnée au journaliste de France 24 qui l’a interpellé sur la polémique liée à un soupçon de «favoritisme» dans l’attribution des marchés du transport du riz par un ministère géré par son beau-frère. «Il a été obligé d’affirmer qu’il venait de créer un Comité de pilotage alors que tout le monde sait que celui-ci n’existait pas encore», précise Avenir Sénégal bi ñu bëgg. D’après cette structure regroupant des membres de la Société civile, le ministre du Développement communautaire et de l’équité sociale et territoriale «n’a pas dissipé les craintes». Le communiqué d’ajouter : «En reconnaissant que le président de la République a mis à sa disposition les 69 milliards destinés à l’achat de vivres à distribuer à environ 1 million de ménages, il (Mansour Faye) a aussi avoué que seuls les techniciens de son ministère ont eu à gérer toutes les opérations de sélection et d’attribution des marchés et l’organisation de la logistique du transport.» Une pratique «contraire à l’esprit de transparence, d’inclusion et de bonne gouvernance
texte collectif
LE MORATOIRE SUR LA DETTE N'EST PAS ASSEZ AMBITIEUX
Ngozi Okonjo-Iweala, Tidjane Thiam, Donald Kaberuka, Vera Songwe et plusieurs autres grands noms africains de la politique et de l’économie reviennent sur la décision du G20 d’une suspension partielle du service de la dette de 77 États à bas revenus
Jeune Afrique |
Texte Collectif |
Publication 20/04/2020
Les pays africains, comme beaucoup d’autres sur la planète, sont aujourd’hui confrontés à un choc sans précédent qui nécessite une aide financière substantielle et sans conditions, dans l’esprit du fameux « quoi qu’il en coûte » de l’ancien patron de la Banque centrale européenne, Mario Draghi. Cette crise est inédite et frappe toutes les régions en même temps. Les institutions sont submergées car l’urgence se manifeste à tous les niveaux : sanitaire, économique et social.
Le continent n’est pas encore frappé de plein fouet par la pandémie, pourtant son économie est déjà à l’arrêt. Elle enregistrera cette année son plus mauvais taux de croissance depuis trente ans et, déjà, la crise sanitaire fait naître des crises économiques, financières et alimentaires. Les conséquences de cette catastrophe peuvent être contenues, mais uniquement si nous intervenons immédiatement, collectivement, et si nous mobilisons toutes les ressources disponibles.
mie de Covid-19. Parmi les principales recommandations résumées dans son communiqué, il faut citer :
– une constitution rapide du fonds de réponse d’urgence de 200 milliards de dollars créé à l’initiative des différentes banques multilatérales de développement
– l’appel à relever le niveau de contribution des États au Fonds fiduciaire d’assistance et de riposte aux catastrophes (ARC) et au Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FFRPC)
– une suspension temporaire du paiement du service de la dette par les pays les plus pauvres, ce dernier point étant particulièrement important.
Ce plan d’action répond en partie aux demandes formulées dans notre précédent appel, mais il ne va pas assez loin.
L’augmentation des contributions aux banques de développement et au FMI apportera une aide bienvenue, mais la part qui ira à l’Afrique ne suffira pas à couvrir les 200 milliards de dollars dont l’Union africaine (UA) a estimé que le continent avait besoin pour se défendre contre la pandémie.
Quant à la suspension du paiement de la dette, elle n’est pas assez ambitieuse. Pour permettre à l’Afrique de combattre vraiment la maladie et ses conséquences économiques, nous préconisons donc les mesures suivantes :
1 – Élargir le nombre de pays bénéficiant d’un moratoire sur la dette
Au stade où nous en sommes, tous les pays dont la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (IBRD) considère qu’ils peuvent se financer sur les marchés sont exclus du moratoire. Sur le continent, cela concerne l’Algérie, l’Angola, l’Égypte, la Libye, le Maroc, l’Afrique du Sud et la Tunisie. Mais face à une crise comme celle du Covid-19, le critère retenu pour suspendre le remboursement de la dette devrait être la nécessité de combattre le virus et ses conséquences sur l’économie.
Or quatre des cinq pays africains les plus touchés par le coronavirus – l’Algérie, l’Égypte, le Maroc et l’Afrique du Sud – font précisément partie de ceux que le moratoire exclut. Le fait que la Libye soit déchirée par une guerre civile et durement affectée par la chute du cours du pétrole, ou que la Tunisie ait été l’épicentre du Printemps arabe, avec les risques potentiels que cela implique, devrait être pris en considération. Si la pandémie n’est pas vaincue dans ces pays, leurs voisins en subiront les conséquences, même si ces derniers parviennent à l’enrayer sur leur propre territoire.
De même, les difficultés économiques et financières de ces pays auront un impact significatif sur l’ensemble du continent. Les sept pays exclus du bénéfice du moratoire par les règles de l’IBRD représentent à eux seuls 50 % du PIB de l’Afrique, 46 % de ses exportations et 55 % des exportations au sein du continent. Ils pèsent aussi très lourd dans les relations économiques avec le reste du monde – pour ne donner qu’un exemple, ils représentent 72 % des importations depuis l’Union européenne – et dans les flux migratoires. Et le nombre de candidats au départ ne fera que croître si l’économie de ces pays s’effondre en privant leur jeunesse de toute perspective.
2 – Accroître la participation des créanciers privés
Le G20 FMCBG a appelé le secteur privé à se joindre à l’effort collectif d’allègement de la dette. C’est un bon début, mais il faut aller plus loin en chargeant le FMI de développer, avec l’UA et l’Institut de la finance internationale (IIF), un mécanisme qui garantira à la fois la soutenabilité de la dette et le futur accès des États aux marchés financiers.
Aujourd’hui, le secteur privé représente une part importante de la dette africaine, et surtout une part disproportionnée du paiement du service de celle-ci. Pour beaucoup de pays du continent, même relativement peu endettés, le remboursement des intérêts peut représenter plus de 20 % de leurs revenus.
C’est pourquoi l’objectif du moratoire ne pourra être tenu que si les créanciers privés participent à l’effort. Bien sûr, les pays demandant une suspension des remboursements devront le faire de leur plein gré, mais nous estimons que les pays identifiés par l’IBRD y ont tout intérêt, et tout doit être mis en œuvre pour les encourager à recourir à de tels mécanismes.
3 – Renforcer les droits de tirage spéciaux
Les droits de tirage spéciaux (DTS) sont un outil financier qui a fait ses preuves lorsqu’il s’agit de renforcer les ressources disponibles. En décidant d’attribuer aux pays qui en ont besoin une part des DTS existants non utilisés, ou bien en en créant de nouveaux – dont le montant total pourrait atteindre 500 milliards de dollars –, on fournirait le niveau de liquidités nécessaire aux banques centrales et aux entreprises privées.
Actuellement, le flux des devises à destination du continent s’est tari du fait de la fuite des capitaux, de la chute des cours des matières premières et de la forte réduction des échanges commerciaux et des entrées de touristes. Si bien que beaucoup de pays n’ont que deux semaines de réserves et que les devises africaines se sont dépréciées de 20 à 30 %.
Plusieurs banques centrales ont un besoin urgent d’être renflouées, tandis que les entreprises privées ne trouvent plus de sources de financement, ou seulement à des taux très désavantageux. Certaines de ces sociétés – dans l’aérien, l’hôtellerie ou le tourisme, notamment – doivent en outre rendre des comptes à des compagnies étrangères. Le secteur aérien africain, par exemple, a besoin de 1 milliard de dollars uniquement pour payer la location de ses appareils. Si nous voulons que ces entreprises évitent la faillite, il faut un apport de capital.
Cette crise de financement nous oblige à nous montrer innovants. Un véhicule financier ad hoc pourrait être créé afin de recueillir les fonds nécessaires, sur la base du volontariat. Il permettrait, s’il est bien conçu, d’alléger le poids de la dette tout en garantissant aux pays qui l’utiliseraient l’accès aux marchés internationaux. Quant aux prêteurs, ils bénéficieraient de créances à la fois plus liquides et plus solides. Nous pensons donc que le FMI, l’IIF et l’UA devraient être chargés d’explorer cette voie.
4 – Améliorer la gouvernance et la transparence quant à l’utilisation de ces ressources
Grâce à un allègement substantiel de leur dette, les gouvernements africains pourront se concentrer sur la protection des populations les plus fragiles, soutenir leur secteur privé – en particulier les PME – en lui assurant un accès au crédit, et limiter l’impact économique et bancaire de la crise actuelle. Mais en retour, ils devront rendre des comptes, faire preuve de plus de transparence, publier des prévisions fiables…
Certaines organisations font déjà beaucoup pour la transparence sur le continent, mais ce sont les pays eux-mêmes qui doivent user de leurs moyens technologiques pour tracer et analyser les fonds qui leur seront alloués. Quitte à demander l’aide des ONG et des sociétés spécialisées dans ce type de procédures.
L’heure n’est pas à l’hésitation mais aux réponses politiques fortes. C’est en prenant maintenant des mesures décisives que nous éviterons de futurs défauts de paiement qui provoqueraient le chaos sur le marché des dettes souveraines. C’est aussi ce qui nous permettra de sauver des millions d’emplois sur le continent, d’éviter une déstabilisation politique et sociale et d’empêcher une flambée de l’insécurité et des migrations.
Ngozi Okonjo-Iweala, membre de l’Africa Growth Initiative (Brookings Institution), ancienne ministre des Finances du Nigeria et directrice générale de la Banque mondiale Brahima Sangafowa Coulibaly, directeur de l’Africa Growth Initiative (Brookings Institution), ancien chief economist de la Réserve fédérale américaine Tidjane Thiam, membre du Council on Foreign Relations (Etats-Unis), ancien directeur général de Crédit Suisse Donald Kaberuka, membre du comité de direction du Fonds mondial, ancien président de la Banque africaine de développement Vera Songwe, membre de l’Africa Growth Initiative (Brookings Institution), secrétaire exécutive de la Commission Économique pour l’Afrique (CEA) des Nations-Unies Strive Masiyiwa, fondateur et directeur exécutif d’Econet Global, philanthrope Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), ancienne ministre des Affaires étrangères de Rwanda Cristina Duarte, ancienne ministre des Finances du Cap-Vert
LE CIS DÉCHIRE L’ORDONNANCE DE MACKY SUR LA PROTECTION DES EMPLOIS
Le Club des investisseurs sénégalais (Cis) jette un regard critique sur les mesures de sauvegarde annoncées par Macky Sall pour protéger les emplois et «éviter un risque de crise sociale qui s’ajouterait à la grave crise sanitaire».
Le Club des investisseurs sénégalais (Cis) jette un regard critique sur les mesures de sauvegarde annoncées par Macky Sall pour protéger les emplois et «éviter un risque de crise sociale qui s’ajouterait à la grave crise sanitaire». Concernant l’ordonnance 001-2020 du 8 avril 2020 par exemple, l’organisation patronale que dirige Babacar Ngom, patron de la Sedima, relève dans un mémorandum que le texte «ne propose pas de façon explicite des recettes compensatoires et risque d’accélérer la faillite des entreprises du secteur privé».
Les chefs d’entreprise membres du Club des investisseurs sénégalais (Cis) ne semblent pas du même avis que leurs pairs des autres organisations patronales, notamment du Conseil national du patronat (Cnp) et de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes), par rapport aux différentes mesures d’urgence annoncées par le chef de l’Etat pour assurer la continuité de l’activité économique. Au moment où les responsables de ces deux organisations patronales saluent et adhèrent totalement à la batterie de mesures du Programme de résilience économique et sociale (Pres), le Cis émet non seulement des réserves, mais s’en prend à quelques-unes.
Pour ce qui concerne «l’ordonnance 001-2020 du 8 avril 2020, aménageant des mesures dérogatoires au licenciement et au chômage technique, l’Etat a pris des mesures de sauvegarde pour protéger les emplois et éviter un risque de crise sociale qui s’ajouterait à la grave crise sanitaire». Mais aux yeux du président du Cis Babacar Ngom, par ailleurs Président directeur général (Pdg) de la Sedima, et ses camarades,«l’ordonnance ne propose pas de façon explicite des recettes compensatoires et risque d’accélérer la faillite des entreprises du secteur privé». Pour eux, «l’Etat doit d’urgence mettre en place un mécanisme d’aide financière directe pour garantir la préservation des emplois».
Aussi, souligne le Cis, «les mesures de l’ordonnance de protection de l’emploi prennent effet le 14 mars 2020. Or les mesures fiscales, douanières et d’injection de liquidités qui doivent servir à en atténuer les effets sont censées entrer en vigueurle15avril2020.Durant cette période de décalage d’un mois, les baisses de rendement qui sont très importantes pour les entreprises ne sont pas prises en charge».
Obligation de payer les salaire
Dans le cadre du Pres, l’Etat a prévu d’accorder «des remises et suspensions d’impôts aux entreprises qui s’engageront à maintenir leurs travailleurs en activité pour la durée de la crise, ou à payer plus de 70% du salaire des employés mis en chômage technique pendant cette période».
Dans leur analyse, les membres du Cis estiment que cette «décision de l’Etat est lourde de conséquences». Ils expliquent : «Les salaires devront être versés jusqu’à la fin de la pandémie, sans que la question du maintien des activités des entreprises (et donc de leurs recettes perdues) durant cette période ne soit posée. Selon toute vraisemblance, les entreprises du secteur privé, en très grande majorité des Pme, seront fortement impactées et certaines iront vers le dépôt de bilan. Il ne serait pas rationnel pour les employeurs de puiser sur leurs maigres réserves (s’il en existe) pour payer les salaires, voire contracter des dettes (qu’il faudra rembourser).»
Trésorerie des entreprises
Pour permettre aux entreprises de conserver de la trésorerie et de répondre aux obligations qui pèsent sur elles quant au maintien des emplois, recommande le Cis, «l’Etat doit permettre celles d’entre elles qui ne génèrent plus de chiffres d’affaires d’avoir un filet de trésorerie pour pouvoir faire face à l’obligation de payer les salaires. Ce filet de trésorerie pourra provenir de deux mesures: étendre le différé de paiements des impôts et taxes à toutes les entreprises (sans référence au secteur d’activité et au montant du chiffre d’affaires) et au moins jusqu’à la fin du troisième trimestre 2020, demander aux établissements financiers d’accorder un report systématique et obligatoire d’échéances de crédit au moins jusqu’en fin septembre 2020 à toute entreprise qui le demande. Un maintien des lignes d’exploitation ou leur renouvellement jusqu’à la fin du mois de septembre au moins, participerait aussi des dispositions pour maintenir les entreprises en survie».
Précarité des entreprises formelles
Dans cette situation, mentionne le document, «toutes les entreprises formelles qui subissent les effets négatifs de la crise sont dans la précarité. Elles courent pour la plupart le risque de tomber faillite, conformément aux dispositions de l’Acte uniforme de l’Ohada (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires: Ndlr),ou de se mettre en faillite, si elles ne s’en sortent plus. La tendance à se réfugier dans l’informel devient très grande au détriment de l’économie du pays.
Il apparaît donc que les mesures présentées par l’Etat, à ce stade, transfèrent tous les effets de la crise à la charge des entreprises. Il n’est pas logique de demander aux entreprises privées de s’endetter pour prendre en charge des mesures d’autorité, même si elles sont imposées par la crise sanitaire, alors que le tissu de nos Pme est extrêmement fragile. Les salaires sont pris en charge par du chiffre d’affaires effectif. Dans les conditions actuelles et sans mesures concrètes d’accompagnement, le secteur privé ne pourra pas garantir la préservation des emplois. Il n’y a pas d’employés sans employeurs en mesure de maintenir une activité».
Pour une approche plus inclusive
Face à l’urgence, rappelle l’organisation patronale, «l’Etat a élaboré un plan dans le butd’éviter l’effondrement social, sans assez considérer que cela passe par la survie des entreprises, ce qui en limite la portée au court terme uniquement». Cependant, déplore-t-elle, «aucune mesure forte n’est prévue pour la continuité de l’activité économique. Or la situation des entreprises indique un effondrement économique à moyen terme qui impliquera l’effondrement social qui ne sera que différé en fin de compte».
Facilités bancaires
Ces chefs d’entreprise considèrent par ailleurs que «lesfacilités bancaires annoncées par l’Etat sont des emprunts qui devraientservirauxentreprises à préparer la relance postCovid-19. Or dans la situation actuelle, il est préconisé de les utiliserpourgérerdestensions de trésorerie, alors qu’au-delà de la trésorerie, il s’agit d’un arrêtdelaproduction,doncdes richessesàpartager.C’estune approche qui vise les symptômes et pas le mal des employeurs».