René Lake commente sur VOA, l'abandon de Bernie Sanders de la course à la nomination démocrate au profit de Joe Biden et l'entretien téléphonique de ce dernier avec Donald Trump
René Lake revient sur l'actualité politique américaine marquée ces derniers jours par le retrait de Bernie Sanders de la course à la nomination démocrate pour la présidentielle de novembre prochain, au profit de Joe Biden désormais assuré d'affronter Donald Trump. L'invité de VOA Afrique évoque également l'entretien téléphonique entre le président et son challenger, à propos du coronavirus.
Une tranche à retrouver dans la vidéo ci-dessous, dès la 12è minute.
LE TCHAD VA CESSER DE PARTICIPER À DES OPÉRATIONS ANTIJIHADISTES DANS LA RÉGION
"Nos soldats sont morts pour le lac Tchad et pour le Sahel. A compter d'aujourd'hui, aucun soldat tchadien ne participera à une opération militaire en dehors du Tchad", a déclaré Idriss Deby, vendredi
L'armée tchadienne, engagée dans la lutte antijihadiste au Sahel et autour du lac Tchad, va cesser de participer à des opérations militaires en dehors de ses frontières, a déclaré le président Idriss Déby Itno dans un reportage diffusé vendredi par la télévision nationale. "Nos soldats sont morts pour le lac Tchad et pour le Sahel. A compter d'aujourd'hui, aucun soldat tchadien ne participera à une opération militaire en dehors du Tchad", a-t-il déclaré jeudi en arabe devant les caméras de la télévision tchadienne, qui a diffusé ses propos traduits en français vendredi.
Le président tchadien s'est exprimé depuis Bagassola, en territoire tchadien, où il avait installé dix jours plus tôt le poste de commandement d'une opération contre les jihadistes de Boko Haram au lac Tchad. Déployée le 31 mars, l'armée tchadienne a annoncé avoir achevé cette opération mercredi, chassé les jihadistes de son sol et dit se trouver actuellement en profondeur sur le territoire du Niger et du Nigeria. Elle assure avoir tué 1.000 jihadistes et perdu 52 hommes.
Cette opération avait été déclenchée par le président Déby Itno pour venger l'attaque très meurtrière contre l'armée tchadienne le 23 mars, sur la presqu'île de Bohoma. Une centaine de militaires avaient été tués, soit la plus lourde défaite jamais enregistrée par cette armée en 24 heures.
Le président Idriss Déby a prévenu jeudi le Niger et le Nigeria que ses troupes quitteraient les bases prises aux jihadistes sur leur territoire le 22 avril, que leurs armées prennent le relais ou non.
L'armée tchadienne, considérée comme l'une des plus efficaces dans la région, intervient dans la zone du lac Tchad avec la Force multinationale mixte (FMM), lancée en 2015 avec trois autres pays riverains (Nigeria, Cameroun et Niger) pour lutter contre Boko Haram. Elle opère aussi au sein de l'alliance régionale du G5 Sahel contre les jihadistes qui frappent le Mali, le Niger et le Burkina Faso, et est à ce titre un allié clé de l'opération française Barkhane.
LES DISTRIBUTIONS DE RIZ À DAKAR SE PRÉPARENT
La mairie de la capitale a remis vendredi aux maires des communes qui la composent plusieurs centaines de tonnes de riz, du sucre et du savon à distribuer aux Dakarois les plus vulnérables à l'effet économique du Covid-19
La ville de Dakar a remis vendredi aux maires des communes qui la composent plusieurs centaines de tonnes de riz, du sucre et du savon à distribuer aux Dakarois les plus vulnérables à l'effet économique du Covid-19, ont constaté les journalistes de l'AFP. Les Dakarois commencent à ressentir les effets de la pandémie sur l'approvisionnement alimentaire, "y compris dans leurs assiettes", a dit la maire Soham El Wardini devant les piles de sacs de riz au pied de la tour abritant l'administration municipale.
La municipalité a acheté et remis 400 tonnes de riz, et des milliers de packs de sucre, de savon, de gels et de produits nettoyants aux maires des 19 communes qui composent la ville de plus d'un million d'habitants. A charge ensuite pour les maires d'en assurer la distribution.L'opération de la ville de Dakar va de pair avec les initiatives privées, mais aussi avec une distribution en train d'être montée par l'Etat.
L'Etat sénégalais a récemment passé commande de 5.000 tonnes de riz, 500 tonnes de sucre, 1.000 tonnes de pâtes, 10.000 litres d'huile ainsi que du savon, censés bénéficier à un million de ménages défavorisés, soit huit millions de Sénégalais, la moitié de la population. Le riz, importé, doit être chargé samedi dans des camions au port de Dakar puis partir pour les différentes régions du pays. Les ménages ciblés sont identifiés et la distribution commencera "certainement en début de semaine prochaine", a dit à l'AFP un responsable du ministère de l'Equité sociale.
Environ 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté avec moins d'1,9 dollar par jour, selon la Banque mondiale, et nombre de Sénégalais vivent au jour le jour sans pouvoir constituer de réserves, y compris dans la capitale. Le président Macky Sall a récemment admis que le pays subissait "de plein fouet" l'impact social et économique de l'épidémie."Nous recevons énormément de demandes" d'aide depuis l'apparition du premier cas de contamination début mars, a dit la maire. L'inquiétude est d'autant plus vive que le gouvernement n'a pas pour l'instant ordonné un confinement total, aux lourdes conséquences pour ceux qui sont forcés de sortir tous les jours pour gagner leur vie. Un couvre-feu nocturne a été instauré et les déplacements entre régions sont interdits.
Le confinement serait "compliqué pour les populations", a dit la maire, sans en écarter l'éventualité. Le maire de l'une des 19 communes, Cheikh Gueye, a salué la donation municipale parce qu'on "ne peut pas faire face au virus dans un contexte de famine". Sur les 45.000 habitants de sa commune, Dieuppeul Derklé, plus de la moitié est défavorisée. Cependant, il est favorable au confinement et croit que celui-ci finira par être mis en oeuvre. Le Sénégal a déclaré 265 cas de contamination et deux décès.
LES FUMEURS PLUS EXPOSÉS AUX COMPLICATIONS DU CORONAVIRUS
C’est plus que jamais le moment d’arrêter de fumer ! L'arrêt du tabagisme améliore la fonction pulmonaire, ce qui réduit la susceptibilité aux maladies respiratoires et améliore la fonction immunitaire - COMMUNIQUÉ DE CAMPAIGN FOR TOBACCO KIDS
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué de l'ONG Campaign For Tobacco Kids, daté du 10 avril 2020, à l'attention des fumeurs en cette période de pandémie du coronavirus.
"Il est de plus en plus évident que les personnes qui fument du tabac sont plus susceptibles d’avoir des complications graves si elles sont infectées par le COVID-19, rapporte une étude faite en Chine faisant le lien entre le tabagisme et la maladie du coronavirus.
La plus grande étude portant sur les associations entre le COVID-19 et le tabagisme publié à ce jour par le ‘’New England Journal of Medicine’’ s’est penchée sur les résultats cliniques de 1 099 patients atteints d’une infection COVID-19 confirmée en laboratoire dans 532 hôpitaux à travers la Chine.
L’étude indique que 12,4 % des fumeurs contaminés, ont été admis dans une unité de soins intensifs ou ont eu besoin d’une ventilation mécanique, comparativement à 4,7 % des non-fumeurs. Dans le même ordre d’idées, 21,2 % des fumeurs actuels présentaient des symptômes graves, comparativement à 14,5 % des non-fumeurs.
Bien qu’il n’y ait actuellement pas suffisamment de preuves pour affirmer avec certitude que les personnes qui fument du tabac risquent plus d’être infectées par la maladie du coronavirus 2019 (COVID-19), nous savons que les fumeurs sont plus exposés aux infections respiratoires. La pandémie de COVID-19 évolue trop rapidement pour que des preuves concluantes aient émergé sur l’impact du tabagisme sur la susceptibilité d’une personne à l’infection au COVID19. Toutefois les données recueillies suggèrent que les fumeurs sont susceptibles d’être plus gravement touchés par le COVID-19 s’ils sont infectés par le virus.
Cependant, il existe des preuves accablantes que les personnes qui fument sont plus à risque d’avoir d’autres infections respiratoires virales et bactériennes’’.
Selon Dr Omar Bâ, pneumologue et Coordonnateur du Programme National de Lutte contre le Tabac, cette étude conforte le fait que le tabagisme augmente le risque de développer une forme sévère du Covid-19 avec des complications comme la détresse respiratoire ou une infection pulmonaire aigue.
Dr Bâ d’ajouter : ‘’les fumeurs sont plus susceptibles d’avoir des fragilités pulmonaires et leur risque de développer une broncho-pneumopathie chronique obstructive (maladie chronique des bronches) est plus élevé que la moyenne’’.
En plus, selon Dr Bâ, « les fumeurs sont susceptibles d'être plus vulnérables au COVID-19 car le fait de fumer signifie que les mains et éventuellement les cigarettes contaminées, sont en contact avec la bouche, ce qui augmente la possibilité de transmission du virus ».
Sur la portée de l’étude, Dr Abdoul Aziz Kassé, cancérologue et ancien Président de la Ligue Sénégalaise contre le tabac signifie « que l’on soit fumeur ou non, on est exposé aux mêmes risques de contamination du virus, mais les fumeurs présentent un risque plus élevé de développer une forme grave s’ils sont testés positifs ».
« Les fumeurs peuvent également déjà être atteints d’une maladie pulmonaire ou avoir une capacité immunitaire réduite, ce qui augmenterait considérablement le risque de maladie comme le coronavirus ».
« D’une part fumer altère les défenses immunitaires et les capacités pulmonaires, d’autre part, les fumeurs portent régulièrement leurs doigts potentiellement porteurs de virus à la bouche, porte d’entrée fréquente du virus », a dit Dr Abdoul Aziz Kassé. Par ailleurs, « fumer la Chicha est bien évidemment à proscrire en ce moment. Cette pratique implique le partage d’embouts qui ne peuvent pas être stérilisés, facilitant la transmission du virus » note le médecin.
« Fumer la chicha en cette période est un vrai scandale. C’est une pratique qu’il faut interdire », a-t-il souligné.
Pour l’Organisation Mondiale de la Santé, l’acte de fumer entraine un contact fréquent des mains sur le visage, ce qui crée une voie de transmission virale potentielle.
« Le tabagisme compromet également le système immunitaire et donc la capacité du corps à répondre à l’infection », a dit l’OMS.
En conclusion : c’est plus que jamais le moment d’arrêter de fumer ! Les preuves sont claires que l’arrêt du tabagisme améliore la fonction pulmonaire relativement rapidement (en quelques mois), ce qui réduit la susceptibilité aux maladies respiratoires et améliore la fonction immunitaire, ainsi que de nombreux autres avantages non directement liés au COVID-19’’."
A propos de Campaign For Tobacco Kids (CTFK): CFTK est une ONG américaine dédiée à la lutte contre le tabac dont le siège est basé à Washington DC. Elle est représentée au Sénégal, dans la sous-région ainsi que dans le reste du monde.
La fonction qui permet de balayer les bronches qui sont comme des cils ne fonctionnent plus chez le fumeur qui accumule les dépôts de particules à l’intérieur de ses poumons, a-t-il expliqué.
MACKY INTERDIT LES LICENCIEMENTS
Le président de la République a pris une ordonnance pour interdire les licenciements et garantir des revenus aux travailleurs mis en chômage technique durant la pandémie de coronavirus, a annoncé vendredi le ministre du Travail, Samba Sy.
Dakar, 10 avr (APS) - Le président de la République a pris une ordonnance pour interdire les licenciements et garantir des revenus aux travailleurs mis en chômage technique durant la pandémie de coronavirus, a annoncé vendredi le ministre du Travail, Samba Sy.
L’ordonnance du chef de l’Etat ‘’vise, dans les limites de la durée de la loi d’habilitation, d’une part, à interdire le recours au licenciement, d’autre part, à garantir un revenu au travailleur mis en chômage technique’’, a dit M. Sy lors d’un point de presse.
‘’L’ordonnance comporte des mesures comme l’interdiction, durant la pandémie de Covid-19 et dans les limites de temps de la loi d’habilitation (…) du 2 avril 2020, de tout licenciement autre que celui motivé par une faute lourde du travailleur‘’, a-t-il précisé.
Cette mesure prise par le chef de l’Etat oblige les employeurs à ‘’rechercher, avec les délégués du personnel, des solutions alternatives telles que la réduction des heures de travail, le travail par roulement, l’anticipation des congés payés, le redéploiement de personnel, le travail à temps partiel’’, pour éviter les licenciements, selon Samba Sy.
Le niveau de rémunération d’un travailleur en chômage technique ne saurait être inférieur ni au salaire minimum interprofessionnel garanti, ni à 70 % de son salaire moyen net des trois derniers mois d’activité, a indiqué le ministre du Travail.
Les entreprises qui veilleront au respect de ces décisions bénéficieront des ‘’mesures d’accompagnement’’ prévues par l’Etat pour les employeurs, durant la période de la pandémie de coronavirus.
Vendredi 3 avril, veille de la fête nationale, le président de la République a annoncé que ‘’des remises et suspensions d’impôts seront accordées aux entreprises qui s’engageront à maintenir leurs travailleurs en activité pour la durée de la crise, ou à payer plus de 70% du salaire des employés mis en chômage technique pendant cette période’’.
‘’L’Etat procèdera à la suspension du recouvrement de la dette fiscale et douanière des entreprises les plus affectées par le Covid-19. En contrepartie, elles devront s’engager à maintenir les salaires de leurs employés ou à payer plus de 70% du salaire des employés mis en chômage technique’’, avait dit Macky Sall.
L’Assemblée nationale a adopté, mercredi 1er avril, un projet de loi habilitant le président de la République à ‘’prendre, par ordonnances, des mesures relevant du domaine de la loi pour faire face à la pandémie du Covid-19’’.
UN ÉTUDIANT SÉNÉGALAIS RETROUVÉ MORT DANS SA CHAMBRE À VILLEURBANNE
Découverte tragique à Villeurbanne près de Lyon. Un sénégalais habitant la résidence CROUS Jussieu de Villeurbanne a été retrouvé mort dans sa chambre. Toutefois, le décès n’est pas lié au Covid 19.
Découverte tragique à Villeurbanne près de Lyon. Un sénégalais habitant la résidence CROUS Jussieu de Villeurbanne a été retrouvé mort dans sa chambre. Toutefois, le décès n’est pas lié au Covid 19. L’autopsie a confirmé la thèse d’une mort naturelle. Les services consulaires ont informé les parents de la victime. Qui devront faire face à la difficile question du rapatriement des dépouilles, en cette période de crise sanitaire.
Face à la pandémie du Covid 19, les autorités sénégalaises ont pris la décision d’interdire le rapatriement de toute dépouille mortuaire provenant de pays touchés par la pandémie. Ces sénégalais de l’extérieur qui sont déjà confrontés à des cas de décès dans plusieurs pays devraient bénéficié d’une aide de l’Etat chiffrée à 12 milliards, selon les autorités.
texte collectif
CORONAVIRUS : POUR EN SORTIR PLUS FORTS ENSEMBLE
Vingt-cinq intellectuels africains, dont Kako Nubukpo, Alioune Sall, Felwine Sarr, Achille Mbembe, Reckya Madougou, Souleymane Bachir Diagne, cosignent cet appel à la mobilisation des intelligences pour vaincre la pandémie de Covid-19
Jeune Afrique |
Texte Collectif |
Publication 10/04/2020
Covid-19 est le nom scientifique du virus responsable d’une maladie respiratoire très contagieuse pouvant devenir mortelle. Épidémie puis reclassée pandémie par l’OMS le 11 mars 2020, ses effets sont dévastateurs : il sème la mort, plonge les économies les plus puissantes dans la récession, et constitue une menace sans précédent pour l’existence des sociétés humaines. Selon certains experts, ce virus serait annonciateur des plus funestes jours à venir pour le continent africain et ses habitants.
L’Afrique n’est pas le foyer d’origine de cette pandémie, pourtant elle fait face à ses durs effets, par les contagions humaines en nombre croissant et la contraction brutale d’une partie significative des activités sociales et économiques essentielles. Le continent est donc sommé d’apporter une réponse indispensable, puissante et durable à une menace réelle qu’il ne faudrait ni exagérer ni minorer, mais bien rationaliser.
Il s’agit de battre en brèche les pronostics malthusiens qui prennent prétexte de cette pandémie, pour donner libre cours à des spéculations à peine voilées, sur une prétendue démographie africaine démesurée, désormais cible des nouveaux civilisateurs. C’est une opportunité historique pour les Africains, de mobiliser leurs intelligences réparties sur tous les continents, de rassembler leurs ressources endogènes, traditionnelles, diasporiques, scientifiques, nouvelles, digitales, leur créativité pour sortir plus forts d’un désastre que certains ont déjà prédit pour eux.
Le continent le moins impacté
Nous allons dans les prochains jours dépasser la barre de deux millions de contaminés par le Covid-19 dans le monde entier. Le virus se propage à une vitesse incommensurable et la résistance des systèmes de santé des pays africains face à ce dernier est au cœur des interrogations. L’offre de services sanitaires, équipements, personnels qualifiés, etc. est désormais la source de toutes les inquiétudes. L’OMS a même appelé récemment les pays africains à « se réveiller » et à « s’attendre au pire ».
Il convient de rappeler que l’Afrique est pour le moment le continent le moins impacté, avec son premier cas confirmé en février 2020 en Égypte, sans que l’on puisse apporter à ce constat, à ce jour, une justification concrète et documentée. Que les écosystèmes locaux, les facteurs démographiques, la nature mutante du virus, l’intensité des flux internationaux et d’autres éléments limitent la propagation de la pandémie reste hypothétique, mais il faut relever aussi la part prise par un certain nombre de mesures drastiques décidées par les gouvernements : fermetures des frontières, des écoles, des commerces et lieux de cultes…
Bien que la nature anxiogène de la pandémie, les contextes politiques locaux plus généralement, incitent à une demande sociale impatiente d’efficacité, l’observation des réponses publiques inégales apportées dans le monde, l’imprévisibilité relative de la pandémie, peuvent expliquer un processus d’essais et d’erreurs.
Systèmes de santé repensés
Si l’appréciation de la réactivité des pays africains est variable, à juste titre, il faut reconnaître pour s’en souvenir, l’effet catastrophique des décennies d’ajustements structurels sur la santé publique et l’offre sanitaire dans les pays africains. Malgré tout, nombre de systèmes de santé ont substantiellement évolué, tirés par la volonté d’atteinte des Objectifs du développement durable (ODD) en 2030 nonobstant les gaps à combler et des défaillances évidentes.
Pour ces raisons, les prophéties auto-réalisatrices ne sauraient se justifier. Les scénarios-catastrophes, envisagés çà et là pour le continent, pourraient de facto avoir un impact négatif sur les économies et l’évaluation des risques généralement défavorables à l’Afrique d’avant Covid-19, les investisseurs étant dans un contexte d’incertitude totale.
Les systèmes de santé en Afrique doivent être repensés totalement au regard de nombreuses considérations et limites actuelles, et nous ne devrions pas attendre les possibles effondrements engendrés par une pandémie de cette ampleur pour agir diligemment et efficacement.
Quelques pistes sont envisageables à cet effet :
• À court terme, une véritable union des pays africains sur les plans économique et sanitaire pourrait permettre une mutualisation des réponses aux risques engendrés par le Covid-19 et au-delà. Les initiatives multiples prises pour mobiliser des ressources financières suffisantes afin d’éviter que s’ajoute une crise économique majeure à la crise sanitaire annoncée sont à saluer. Nous appelons vivement, à la fois à une gestion rigoureuse desdites ressources, et à une coordination sous-régionale et régionale efficientes des actions, afin que lesdites initiatives gagnent en synergie et en complémentarité.
• De même, le partage de connaissance, de savoir-faire et de matériels médicaux sera un élément décisif.. L’énorme patrimoine culturel et traditionnel d’où est issue la pharmacopée africaine devrait être davantage mobilisé, mutualisé, panafricanisé, en association avec la médecine et les recherches dites modernes, comme l’ont fait avec succès certains pays comme la Chine. La créativité et l’ingéniosité locales devraient être stimulées, et l’offre artisanale valorisée à l’instar des équipements hydratants hygiéniques nouveaux proposées dans de nombreux pays (Ghana, Cameroun, …).
• L’Afrique doit apprendre de ses expériences et des autres régions du monde frappées par la pandémie, elle devrait davantage favoriser la solidarité dont elle possède les gènes, la sensibilisation massive, notamment en zone rurale, et le dépistage massif des populations. Les exemples provisoires de réussites montrent que ce ne sont pas nécessairement les moyens a priori abondants des pays à PIB très élevés qui produisent les meilleurs résultats sanitaires, à l’instar du Vietnam donnant 550 000 masques à 5 pays de l’Union européenne ou même de Cuba exportant son expertise dans la médecine d’urgence vers les pays dits développés
Le coronavirus est révélateur d’une certaine « fin de l’histoire » et de l’existence de modèles alternatifs. Il revient à l’Afrique d’inventer les siens. Notre continent dispose de ressources étendues, d’une population active mobilisable et créative, de professionnels formés pour résister et vaincre la pandémie. Il faudrait pour cela qu’il prenne les bonnes décisions et les ajuste au besoin. L’existence d’une nouvelle conscience reliant le continent à ses diasporas, ses nouveaux réseaux d’intellectuels, de professionnels, de chercheurs, de militants, d’associations, de politiques, d’indépendants, devrait pouvoir apporter des voix neuves et disruptives dans ces débats.
• À moyen terme, le principal enseignement de la crise du Covid-19 devrait être le constat pour l’Afrique qu’elle continuera d’être d’autant plus vulnérable aux chocs exogènes qu’elle ne trouvera pas de réponse structurelle aux défis de son développement. Assertion valable aussi bien pour la santé que tous les autres domaines. En effet la dépendance sanitaire reste un problème épineux et le coût des évacuations sanitaires des élites pose un cas d’injustice sociale et d’irrationalité économique, dans la mesure où nombre de ces services sont réalisables en Afrique à moindre frais. La perpétuation d’un modèle d’économie de rente, fondé sur l’exportation de matières premières non transformées en attendant des recettes extérieures volatiles est suicidaire. L’urgence africaine, c’est en l’occurrence la production locale de services sanitaires qualitatifs étendus, la transformation sur place des matières premières, vectrice de création de valeur et d’emplois, et la diversification de la base productive.
Défis de taille
C’est alors même que le Covid-19 met les économies à l’arrêt, sème la mort et la désolation dans les pays, perturbe le fonctionnement des sociétés, criminalise les formes de sociabilité les plus ancrées, perturbe les calendriers politiques, que paradoxalement, sonne pour l’Afrique l’heure de relever ses défis et de réinventer les modalités de sa présence dans le monde.
Certes le défi auquel nous sommes confrontés est de taille car en plus de nos économies à l’arrêt, la pandémie du coronavirus a offert à certaines chancelleries occidentales matière à réactiver un afro-pessimisme que l’on croyait d’un autre âge. Dans les scenarii qui y sont élaborés, le visage de l’Afrique est celui d’un continent vulnérable, où les morts pourraient se compter non pas en milliers mais en millions d’individus. Il nous faut affirmer que ce scénario n’a rien d’une fatalité historique à laquelle le continent ne saurait échapper. Il en dit plus sur ses auteurs que sur la réalité d’un continent Africain, dont nul ne saurait préempter l’avenir et l’assombrir par principe. Il est temps de se rappeler que les périodes de basculement du monde ont toujours engendré un renouvellement paradigmatique, culturel et parfois civilisationnel pour ceux qui embrassent les exigences du changement. Il nous faut donc faire face aux défis qui se profilent et engager résolument les combats nécessaires.
Nous en appelons à tous les intellectuels africains, aux chercheurs de toutes les disciplines, aux forces vives de nos pays, à rejoindre le combat contre la pandémie du Covid-19, nous éclairer de leurs réflexions, de leurs talents, nous enrichir des fruits de leurs recherches et tous de leurs propositions constructives. Il nous faut nous fixer un cap optimiste tout en ayant courageusement conscience des lacunes à combler. Une autre Afrique est possible tout comme l’est une autre humanité dans laquelle la compassion, l’empathie, l’équité et la solidarité définiraient les sociétés. Ce qui pouvait ressembler jusqu’ ici à une utopie est entré dans l’espace des possibles. L’Histoire nous observe qui nous condamnera si nous nous laissons aller à conjuguer notre avenir au passé.
Osons ne pas perdre confiance en l’avenir ou en nous-mêmes. Osons lutter ensemble contre la propagation du Covid-19 et osons vaincre ensemble le précariat mondial auquel donne naissance la pandémie éponyme. Oui, l’Afrique vaincra le coronavirus et ne s’effondrera pas.
Cette tribune a été cosignée par : Kako Nubukpo, Alioune Sall, Reckya Madougou, Martial Ze Belinga, Felwine Sarr, Carlos Lopes, Cristina Duarte, Achille Mbembe, Francis Akindès, Aminata Dramane Traore, Souleymane Bachir Diagne, Lionel Zinsou, Nadia Yala Kisukidi, Demba Moussa Dembélé, Franck Hermann Ekra, Alinah Segobye, Mamadou Koulibaly, Karim El Aynaoui, Mamadou Diouf, Hakim Ben Hammouda, Paulo Gomes, Carlos Cardoso, Gilles Yabi, Adebayo Olukoshi, Augustin Holl.
par Cheikh Mbacké Diop
LA CONTROVERSE
EXCLUSIF SENEPLUS - L’islam serait-il contraire à la liberté ? Serait-il incompatible avec la démocratie ? Le Coran justifierait-il la violence ? Telles sont, entres autres questions objet du débat entre les philosophes Rémi Brague et Bachir Diagne
De nos jours, l’islam fait régulièrement la Une de la presse internationale. Il fascine le grand public autant qu’il interpelle penseurs et décideurs. En effet, il est pointé du doigt comme étant, à tort ou à raison, le principe moteur de la violence qui sévit dans beaucoup de points du globe. Deux philosophes se sont penchés à travers un ouvrage sur la question. Rémi Brague, français et catholique, et Souleymane Bachir Diagne, sénégalais et musulman, engagent dans La Controverse, Dialogue sur l’islam (Stock, 2019, 187 pages), un débat passionnant et sans concession sur l’islam. Quand le premier jette sur le tapis les questions qui fâchent et celles qui font polémique, le second lui porte la réplique en déconstruisant les accusations savants contre l’islam.
L’islam serait-il contraire à la liberté et le libre-arbitre ? Serait-il incompatible avec la démocratie ? Serait-il insoluble dans la modernité ? Accorderait-il un statut marginal à la femme ? Le Coran justifierait-il la violence ? La raison serait-elle étrangère à l’islam ?
Telles sont, entres autres, les grandes questions qui font l’objet de ce débat, très souvent divergent, parfois convergent.
Le contexte de cette polémique est planté dès l’abord. A l’heure de la mondialisation et des migrations de masse, l’islam, constatent les auteurs, est en crise, du fait que des populations musulmanes ont quitté leurs terres d’origine pour s’implanter en Occident. Ainsi, après avoir été asiatique et africain, l’islam est-il devenu aujourd’hui une réalité européenne et américaine, avec ce que cela engendre en termes d’acculturation et de déracinement. Cette crise, Souleymane Bachir Diagne l’entend dans le sens d’un retour, d’une reprise de soi qui précède la « guérison ». Pour lui, l’islam est dans un tournant historique où les musulmans « doivent se réinventer en tant que musulmans ».
La Charia est un des points de discorde entre les deux philosophes. En fait, il est généralement admis que la Charia est un corpus de texte législatif qui encadre la vie des musulmans. Il n’en est rien pour Diagne, pour qui ce que l’on appelle la Charia ne veut rien dire puisqu’elle emprunte des formes différentes suivant les lieux et l’interprétation qu’on en donne.
Dans ce débat, le Coran est massivement cité, commenté et interprété. D’ailleurs si l’islam est aujourd’hui pointé du doigt comme une religion violente, c’est justement à cause du Coran qui légitimerait la violence. Le Coran, belliqueux et violent, selon Brague, est fondamentalement différent des Evangiles qui seraient par nature pacifistes. Diagne lui rétorque qu’on ne saurait imputer à l’islam les massacres faits à son nom par des terroristes, pas plus qu’au christianisme les violences qui ont accompagné son histoire, ni au bouddhisme les persécutions des Rohingyas par les moines.
Aussi, le Coran, soutient Brague, à la différence des Evangiles, est un livre dicté, et non révélé par Dieu. De ce fait, ses injonctions et ses interdits ont un aspect contraignant et offrent peu de place à l’interprétation au sens de la tradition juridique occidentale. Pour Diagne, avec le Coran, certes « la perfection divine a pu pénétrer une langue humaine, trop humaine », mais cette traduction verticale du verbe divin a pu faire l’objet d’une longue tradition philosophique et théologique dans l’islam et qu’elle a donné lieu au IXème siècle à une controverse majeure parmi les théologiens et les Mutazilites, les rationalistes de l’islam, à savoir le caractère créé ou incréé du Coran.
L’islam est souvent considéré comme une religion politique. Parce qu’il a existé de tout temps un Etat islamique depuis la mort du prophète, et que le Califat qui est le garant de l’ordre politique est une institution dans l’islam. Diagne réfute cette thèse pour deux raisons principales : primo, le Coran ne mentionne même l’ébauche d’un Etat. Secundo, le prophète lui-même n’a pas désigné de successeur à sa mort ni un mode de désignation, ce qui fait qu’à sa mort les modes de désignation des quatre califes bien guidés sont différents l’un de l’autre. Par la suite, ce sont des dynasties qui se sont installées dans le monde islamique. Cela donne aux sociétés musulmanes la liberté de choisir leurs modes de gouvernance.
L’islam serait incompatible avec les valeurs de la modernité, et, partant, d’aucuns préconisent un « islam des Lumières » pour sortir les musulmans de leur misère morale et matérielle. Diagne pense que l’on soutient cela en prenant le XVIIIème siècle européen comme référentiel ; que le monde de l’islam devrait parcourir le même chemin que l’Occident ; et que le modèle européen serait universel. En oubliant bien sûr que ce « siècle des Lumières » n’a pas été si lumineux qu’on le dit, puisqu’il est au aussi le siècle du « Code noir » qui régit l’esclavage.
Si l’on parle d’islam dans le monde contemporain, il y a certes la violence qui revient constamment, et avec elle la question de la femme. Le « siècle des Lumières » européen a consacré l’affirmation de l’individu autonome, et partant de la femme. Ainsi, comparée à la femme occidentale qui a acquis l’égalité face à l’homme, la femme en islam continue-t-elle à être assujettie, et la polygamie serait la parfaite illustration de cette condition. Pour Diagne, on oublie souvent que la polygamie n’est pas une recommandation mais une tolérance. Et que les statistiques actuelles dans le monde musulman tendraient à la suppression de cette pratique.
Au final, La Controverse a tenu ses promesses. Des questions de fond opposent les deux philosophes, de la nature de celles qui opposent l’islam et la pensée occidentale. Rémi Brague s’est fait écho des griefs que l’Occident, et a un degré moindre le catholicisme, porte contre l’islam et que l’actualité politico-sociale ne fait qu’amplifier. Souleymane B. Diagne puise dans l’histoire et la théologie musulmanes les arguments pour démonter les accusations et stéréotypes contre l’islam.