EXCLUSIF SENEPLUS - Doit-on célébrer les héros de la colonisation au Sénégal ? Doit-on célébrer les leaders racistes de la guerre civile aux Etats-Unis ? Héritage historique ou célébration de l'horreur ? Néo-colonialisme ou universalisme ?
René Lake et Ousseynou Nar Guèye |
Publication 17/06/2020
Lu Bees avec René Lake à Washington et Ousseynou Nar Gueye à Dakar.
Ousseynou Nar Gueye revient sur la demande de certains membres de la société civile à Saint-Louis de débaptiser le pont Faidherbe et de déboulonner sa statue trônant dans la ville. Et il s'interroge : quelle place pour les noms des personnages sénégalais et africains à donner aux rues, places et monuments ?
De son côté, René Lake indique que ce même débat d'actualité au Sénégal est également à l'ordre du jour aux Etats-Unis et encore plus depuis le meurtre de George Floyd. Il est contre le fait d'honorer les auteurs de crimes contre l'humanité que ce soit le colonisateur français ou encore les sudistes racistes en Amérique.
La réalisation et le montage de ce talk hebdomadaire du mercredi sont assurés par Boubacar Badji.
L'AUTRE FACTEUR DE PROPAGATION DU VIRUS
Initiée contre les incidences de la propagation de la pandémie du coronavirus, l’aide alimentaire est en train de devenir une solution à problèmes. La distribution de ces kits draine des foules sans aucune protection, ni respect des mesures barrières
Initiée pour atténuer les incidences de la propagation de la pandémie du coronavirus, l’aide alimentaire est en train de devenir une solution à problèmes. La distribution de ces kits draine des foules sans aucune protection, ni respect des mesures barrières. Au quartier populeux de Ouakam, très touché par la pandémie, l’opération de distribution de vivres lancée ce lundi par le ministre Mansour Faye, s’est faite dans une ambiance très propice à la propagation de la pandémie. Reportage !
Bébé au dos, le visage perlé de sueur, Noumbé Niang se faufile entre les différentes files d’entente pour trouver une place assise aux abords du mur de l’école Jean Mermoz de Ouakam. Il est midi passé. Explosée sous ce soleil de plomb de début d’hivernage, elle attend depuis 9 h son tour pour recevoir son kit alimentaire. Comme la majorité des personnes présentes sur le lieu, elle en a marre d’attendre. ‘’Je n’en peux plus. La chaleur est insupportable. On nous a convoqués à 8 h et la distribution devait se tenir vers 9 h. Mais il est midi passé et il n’y a personne. On nous demande d’attendre que le ministre sorte pour nous remettre nos dons. J’ai très peur de rentrer avec la maladie, c’est pourquoi j’ai porté mon masque de protection. Comme vous le remarquez, il est impossible de garder la distance requise pour la protection, parce qu’il y a trop de monde’’, regrette-t-elle.
A côté d’elle, un groupe de femmes, n’en pouvant plus, ne cesse de se lamenter. La situation commence à devenir intenable. De petites querelles jaillissent de partout. Les nerfs sont très tendus et l’ambiance est morose. A ce moment de la journée, le soleil darde ses rayons sur la foule stoïque.
Devant la porte de l’institut privé Jean Mermoz contiguë à l’école primaire de Ouakam qui abrite la cérémonie de distribution, deux longues files indiennes de personnes démunies qui attendent, impatientes. Un groupe de jeunes, portant des tee-shirts avec effigie ‘’Volontaires contre la Covid-19’’, fait le tour avec des listes des bénéficiaires pour la vérification des identités. Aidés par quelques agents de la gendarmerie, ils essayent en vain de faire respecter la distance d’un mètre requise pour se protéger de la contamination de la Covid-19. L’endroit est bondé de monde. Impossible de faire respecter les mesures barrières, surtout la distanciation sociale. De même, il n’y a aucun dispositif de prévention. Ni pour le lavage des mains encore moins pour la prise de température. C’est le désordre qui prédomine. Ici, tous déplorent une mauvaise organisation de l’opération ainsi que le retard accusé.
‘’Je suis ici depuis 9 h et j’attends toujours. Les jeunes volontaires changent les rangs à volonté et nous demandent à chaque fois de nous inscrire sur de nouvelles listes, mais rien. C’est le désordre total. Les gens sont entassés ici et ce n’est pas normal. Il est impossible de respecter la distance de protection demandée et beaucoup ne portent même pas de masque. On peut contracter facilement la maladie. On risque de rentrer et, au lieu du riz, de ramener la Covid-19 chez nos familles’’, s’inquiète Alassane Hanne, tout de blanc vêtu, la soixantaine révolue. Comme la plupart des bénéficiaires, il attend sous les rayons piquants du soleil son tour pour recevoir son aide.
‘’L’organisation est très mauvaise’’
Non loin de là, mère Rokhya Niang, accompagnée de son petit-fils, patiente dans les longues files indiennes. Obèse, la taille moyenne, bien drapée dans un joli grand boubou voile mauve, la grand-mère qui peine à supporter la position debout, est assise à même le sol au milieu de la foule. Elle est venue de la cité Avion de Ouakam pour prendre son aide. Comme tout le monde ici, elle regrette amèrement la situation. ‘’Je suis ici depuis 10 h. La chaleur est insupportable, surtout pour le troisième âge. C’est trop difficile. Il fallait isoler les personnes âgées pour faciliter les rangs, car si tout le monde est mélangé, ça devient très difficile. Et le malheur est qu’on risque de rentrer avec la maladie. Or, en tant que personnes du troisième âge, on et très vulnérables face à la Covid-19. On pouvait vraiment éviter situation’’, estime-t-elle.
Sur certaines files d’attente, les nerfs sont plus tendus. Fatigue et stress se lisent sur tous les visages. Une situation difficile qui était pourtant évitable. ‘’L’organisation est très mauvaise. Si c’était fait au niveau des chefs de quartier, comme c’était le cas pour les ciblages, on pouvait éviter tout cet embouteillage. Si on convoque tous les quartiers pour recevoir en une seule journée, c’est évident que ça pose problème. Il y aura forcément des embouteillages. Si on avait procédé par quartier et que chaque chef de quartier convoque ses habitants bénéficiaires un à un, comme cela a été fait pour l’établissement lors du ciblage, on n’aurait jamais tout cet embouteillage. Le recensement s’était bien déroulé, mais la distribution est catastrophique. On ne peut même pas observer une distance de 10 cm, tellement il y a du monde. Les gens sont venus récupérer leur kit alimentaire, mais ils risquent de rentrer avec le virus’’, martèle Dora Dia, père de famille, tout furieux.
Une cérémonie aux allures d’un meeting politique
Pendant ce temps, à l’intérieur de l’école, l’ambiance est tout autre. L’on se croirait à un meeting politique. Le seul trait de ressemblance avec la situation du dehors, c’est le non-respect des mesures de protection contre la propagation de la maladie. Sinon, pour le reste, on dirait que ces deux évènements n’ont rien à voir. Ici, tout est aménagé pour mettre les invités du jour à l’aise. Deux tentes bien dressées dans la cour de l’établissement protègent les autorités de la chaleur suffocante qui sévit en cette période de la journée. Les trois Djaraf qui représentent ce village lébou sont élégamment drapés dans leur boubou traditionnel. À côté d’eux, le ministre Mansour Faye et le maire de Ouakam se réjouissent des remerciements et autres félicitations du cercle restreint choisi pour s’exprimer au nom de la population.
Sur le podium, les discours se succèdent et se ressemblent. Tous saluent l’initiative et félicitent le président de la République et son gouvernement. L’opération est présentée comme une grande réussite. Contrairement à la situation tendue dehors, ici, l’on parle d’une démarche innovante pour faciliter la distribution de l’aide. Présentée par le maire de Ouakam Samba Bathily Diallo, l’innovation de la distribution des kits alimentaires à Ouakam tient à l’utilisation du numérique. A l’en croire, à Ouakam, la population n’a pas besoin de souffrir pour recevoir ses kits. La solution, c’est le numérique. Selon le maire (contrairement à ce que l’on remarque) tout est digitalisé pour éviter les rassemblements au niveau des points de distribution.
‘’Nous avons pris l’initiative de digitaliser la distribution de l’aide alimentaire, pour éviter les rassemblements. Sur 3 000 bénéficiaires que compte le village de Ouakam, 1 000 vont recevoir leur don aujourd’hui. Pour éviter les attroupements, nous avons mis en place une application mobile qui permet de convoquer les bénéficiaires qui ont déjà été recensés par ordre avec des intervalles de temps. Chaque bénéficiaire recevra un message qui lui indiquera l’heure précise qu’il doit venir recevoir son kit. Ce qui permet de respecter les mesures de protection et d’éviter les rassemblements’’, a expliqué fièrement le maire de la ville sous les applaudissements de populations présentes dans la cour et les félicitations chaleureuses du ministre.
Un discours en porte-à-faux avec la situation du dehors.
VIDEO
DES MILITANTS S'EMPARENT D'UNE OEUVRE AU QUAI BRANLY
Un groupe de cinq activistes africains est venu arracher de son socle un poteau funéraire du 19ème siècle, provenant de la tribu Bari, au centre-est de l'Afrique. Ils entendait dénoncer la dépossession de l'Afrique de ses richesses
Un groupe de cinq activistes africains est venu arracher de son socle un poteau funéraire du 19ème siècle, provenant de la tribu Bari, au centre-est de l'Afrique. Ils entendait dénoncer la dépossession de l'Afrique de ses richesses.
DES GRAPHEURS TAGUENT LE BLACK POWER SUR LE BÉTON DE DAKAR
Une douzaine d'artistes ont mis la dernière touche lundi, dans le coeur trépidant de Dakar, à une fresque monumentale portant la revendication noire, tout en refusant la posture de victime incarnée selon eux par le mouvement Black Lives Matter
Les Dakarois qui, au sortir d'un des ronds-points les plus encombrés de Dakar, s'engagent en voiture sur la rampe d'accès à la voie rapide traversant la capitale, voient désormais défiler les visages surdimensionnés d'activistes ou de personnalités noires, dans de grands rehauts de couleur bombés sur 80 m d'une paroi de béton.
Il y a là un Malcom X au regard sévère, les athlètes américains Tommie Smith et John Carlos brandissant le poing, l'historien sénégalais Cheikh Anta Diop ou l'abolitionniste américaine Harriet Tubman.
Mais pas de portrait de George Floyd.
Certes les grapheurs du collectif Radikal Bomb Shot (RBS) ont représenté l'un des bâtiments incendiés lors des manifestations qui ont secoué Minneapolis et les Etats-Unis après la mort de cet afro-américain décédé lors de son interpellation par un policier blanc.
Mais le mural achevé lundi au prix de centaines de bombes et d'un peu de peinture acrylique, s'inscrit dans une autre dynamique plus offensive que défensive, dit l'animateur de RBS, Madzoo, alias Serigne Mansour Fall, 33 ans, dont 16 à graffiter sur les murs de Dakar et d'ailleurs.
Le collectif, l'un des principaux groupes qui font de Dakar une sorte de musée à ciel ouvert de l'art de la rue, comptait depuis pas mal de temps recouvrir l'ancienne fresque qu'il avait consacrée là au vivre-ensemble et qui se décolorait.
- Acte fondateur -
La mort de George Floyd n'a fait que précipiter le passage à l'acte, dit Madzoo.Au Sénégal, elle n'a pas suscité de mouvement d'ampleur.
"Que nos vies comptent (le sens de Black Lives Matter), pas besoin de le dire", dit Madzoo.Ce que veut RBS, c'est "réveiller les peuples" autour de luttes communes, et faire en sorte que quand un Noir "se promène à New York, il sache qu'il a tout un peuple derrière lui".
Il prêche "l'afro-centrisme" et arbore un tee-shirt Black Panther, le mouvement révolutionnaire de libération afro-américaine créé en 1966.L'emblématique panthère figure en bonne place parmi les visages et les motifs africains de la fresque.Madzoo veut voir dans le mural "l'acte fondateur" de Black Panther en Afrique de l'Ouest, dit-il.
Cette oeuvre est "plutôt Black Power que Black Lives Matter", abonde Akonga, un artiste sur la douzaine qui se sont réparti les tâches face au mur de béton, dans la chaleur et les gaz d'échappement.
Akonga, Cherif Tahir Ismail Diop à l'état-civil, 27 ans, s'est chargé du portrait de Kémi Séba, activiste controversé, essayiste franco-béninois panafricaniste et anticolonialiste.Comme Madzoo, la mort de George Floyd le touche.Mais, sur le fond, "sa vie ne vaut pas plus que tous ceux qui sont morts avant lui".
"On n'a pas à se victimiser", dit-il.
par l'éditorialiste de seneplus, serigne saliou guèye
FAIDHERBE OU L’INSULTE MÉMORIELLE (1/2)
EXCLUSIF SENEPLUS - Les Ndar-Ndar ou autres Sénégalais qui tiennent encore à lui, doivent être édifiés sur ce personnage inhumain qui, nonobstant ses crimes abjects, continue de fasciner une partie de la descendance de ses victimes
Serigne Saliou Guèye de SenePlus |
Publication 16/06/2020
La mort par asphyxie du Noir américain Georges Floyd aux Etats-Unis plus précisément à Minneapolis, a provoqué un peu partout dans le monde, des vagues d’indignations et de protestations. Elle a réveillé en Europe et aux Etats-Unis, ce sentiment antiraciste assoupi qui a débouché sur le déboulonnage de plusieurs statues de figures historiques esclavagistes et colonialistes qui trônent avec morgue dans plusieurs villes.
Le 7 juin 2020, plusieurs milliers de manifestants furax ont déboulonné la statue d’airain du marchand d’esclaves britannique Edward Colston à Bristol, ville du sud-ouest de l’Angleterre, érigée en 1895. Ils l’ont roulée sur plusieurs mètres dans la rue éponyme avant de la jeter dans la rivière Avon.
Le général britannique Edward Cornwallis, connu pour les sévices et mauvais traitements qu’il infligeait aux Amérindiens est tombé de son piédestal 240 ans après sa mort.
En Belgique, ce sont les statues de Léopold II de Belgique, symbole du colonialisme le plus monstrueux, qui ont été attaquées et vandalisées dans plusieurs villes (Tervuren, Hal, Ostende et Ekeren). Ce dernier a mené alors à la baguette l’exploitation du Congo au prix d’une répression sanguinaire avec la mise en place d’un véritable système d’esclavage s’appuyant sur le travail forcé et par la terreur. On vous épargnera les détails des atrocités et des actes de torture inhumains se traduisant par des mains coupées pour contraindre les populations rétives du Congo (actuel RDC) au travail et les 10 millions de Congolais qu’il a exterminés en 23 ans.
A Boston (Massachussetts), une statue de l’explorateur italien Christophe Colomb a été décapitée dans le parc qui porte son nom. A Miami (Floride), des statues qui portent son effigie ont subi la rage des manifestants qui les ont complètement badigeonnées.
A Richmond en Virginie, une statue de Jefferson Davis, le président des Etats confédérés pendant la guerre de Sécession qui a opposé le Sud au Nord abolitionniste de 1861 à 1865, a été déboulonnée. Dans cette même localité, c’est la statue du général sudiste Williams Carter Wickham, esclavagiste, qui a été basculée à terre.
Le 12 août 2017, la statue du général sudiste Robert Edward Lee, pro-esclavagiste, située à Charlottesville, en Virginie, qui a été démantelée dans un climat de tension (entre néo-nazis, suprématistes blancs et antiracistes), a débouché sur un mort et plusieurs dizaines de blessés.
A Prague et à Londres, les statues du Premier ministre britannique Winston Churchill ont été taguées.
Déjà le 9 mars 2015 à l’Université du Cap en Afrique, des étudiants réunis dans le mouvement « Rhodes must fall » (Rhodes doit tomber) demandaient le retrait de la statue de Cecil Rhodes, érigée en 1934 à l’entrée du campus. Après une bataille intense, le 9 avril 2015, la statue de l’archétype du colonialiste anglais et de l’oppression des Blancs sur les Noirs est déboulonnée.
On pourrait citer à l’infini les statues de figures de personnalités historiques racistes, esclavagistes ou colonialistes qui sont en train de subir leurs derniers instants en station debout. Mais si nous avons évoqué toutes ces statues déboulonnées et détruites, c’est pour mieux aborder celle du colon-gouverneur sanguinaire Faidherbe qui trône avec morgue à l’entrée de l’île de Ndar. Je préfère utiliser le mot « Ndar » qui véhicule notre identité propre plutôt que Saint-Louis qui fait référence au Roi croisé de France Louis IX, lequel régna en France de 1226-1270. Même s’il a été une figure légendaire de l’histoire de France et de la Chrétienté jusqu’à prendre le nom de Saint-Louis, même s’il a été un modèle du prince et du chevalier soucieux de l’ordre et de la justice, cela ne doit pas constituer des critères éligibles pour débaptiser Ndar et lui donner le nom d’un souverain de France dont la majeure partie des Sénégalais ignore l’histoire.
Indubitablement, des esprits chagrins, qui vivent encore dans les tréfonds de leur subconscient le colonialisme comme un bienfait, se lèveront pour défendre un soi-disant patrimoine de l’histoire de notre pays. Mais, Faidherbe, loin d’être un patrimoine, symbolise une blessure mémorielle qui, à chaque minute de sa station, suinte ses ignominies indélébiles et exhale ses cruautés fétides.
Depuis fort longtemps, des intellectuels intrépides comme Khadim Ndiaye, Abdou Khadre Gaye Emad et d’autres se sont levés pour exiger le démantèlement de la stèle faidherbienne de Ndar. Si certains Ndar-Ndar et autres Sénégalais, nostalgiques du colonialisme, s’opposent mordicus à toute idée de déboulonnement du plus sanguinaire colon que le Sénégal ait jamais connu, il faut souligner que d’autres Sénégalais ont fait du combat « Faidherbe doit tomber » une œuvre de citoyenneté, de souveraineté, de rectification et d’assainissement de l’histoire du Sénégal ternie par 11 années sanglantes de présence du gouverneur de Ndar sur le territoire sénégalais. Ce tortionnaire sans pitié a dirigé la colonie Sénégal en usant du fer, du feu et de la faim contre les populations rebelles pour obtenir du sang, de la sueur et des larmes. Une chose est sure : l’histoire réelle de Louis-Léon César Faidherbe n’a jamais été enseignée aux Ndar-Ndar voire aux Sénégalais qui se prosternent encore devant sa statue suintante de sang et des larmes séculaires de nos grands-pères résistants.
Aujourd’hui, tout un tas de mythes (mensonges au sens grec du terme) est construit autour de Faidherbe. Certains de ses admirateurs soutiennent naïvement que c’est le père de l’Etat moderne du Sénégal pour qu’on lui trouve une statue, une place et un pont baptisés en son nom. Même dans la capitale Dakar, Faidherbe est plus que vénéré avec une avenue célèbre, un hôtel et une pharmacie qui portent son nom. Heureusement que Iba Der Thiam, devenu ministre de l’Education sous le règne d’Abdou Diouf, a débaptisé, avec son projet « Ecole nouvelle », le lycée Faidherbe en lui donnant le nom du marabout-guerrier Cheikh Omar Foutiyou Tall.
Ce qui sous-tend le jumelage servile Ndar-Lille matérialisé depuis 1978, c’est parce que Louis-Léon César Faidherbe, y a vu le jour le 3 juin 1818. D’ailleurs pour lui rendre hommage, une statue équestre, située sur la place Richebé à Lille, y a été érigée depuis en 1896. Si au Sénégal certains anticolonialistes, minoritairement, portent inlassablement le combat « Faidherbe doit tomber », en France, l’association Survie Nord, le Collectif Afrique, l’Atelier d’histoire critique, le Front uni des immigrations et des quartiers populaires et le Collectif sénégalais contre la célébration de Faidherbe se battent pour déboulonner ladite statue, symbole de la pérennisation et de la valorisation de l’entreprise de négation humaine appelée pudiquement colonisation. C’est pourquoi, lors du bicentenaire de la naissance où Lille célébrait Faidherbe pour avoir résisté et défendu « courageusement », pendant trois mois, la France de l’invasion prussienne en 1870, ces associations susnommées ont dénoncé l’invasion africaine pendant plusieurs décennies dudit Général, patriote chez lui et bandit en Afrique. Ainsi elles ont demandé « le retrait de la statue de Louis Faidherbe et de tous les symboles qui glorifient le colonialisme dans les espaces publics lillois et qu’à leur place, hommage soit rendu aux victimes de la colonisation et à celles et ceux qui y ont héroïquement résisté ».
Aujourd’hui, rien ne s’oppose à ce que la statue provocante du sanguinaire Faidherbe soit déboulonnée et jetée à la mer. Pour certains esprits, Faidherbe est avec Mame Coumba Bang, les mânes protecteurs qui veillent sur Ndar. Que ceux-là qui défendent nostalgiquement le persécuteur de leurs grands-pères nous disent pourquoi, dans la nuit du 13 au 14 août 1983, les autorités sénégalaises ont fait enlever la statue de Faidherbe se trouvant en face du palais de la présidence de la République, dans le jardin du bâtiment qui abrite l’actuelle maison militaire de la présidence ? C’était une insulte à l’endroit de notre souveraineté incarnée par le palais présidentiel.
Les Ndar-Ndar ou autres Sénégalais qui tiennent encore à grand-père Faidherbe, parce qu’ignorant que ce dernier a massacré, au nom de la pacification et de la mission civilisatrice des races inférieures par celles supérieures, leurs vrais grands-pères, doivent être édifiés sur ce personnage inhumain qui, nonobstant ses crimes abjects, continue de fasciner une partie de la descendance de ses victimes.
EXCLUSIF SENEPLUS - Faire des réalisations viables et durables pour sa collectivité nationale ou territoriale, ne doit pas être pour un homme ou une femme politique, un motif de fierté, de gloire ou de fanfaronnade
Faire des réalisations viables et durables pour sa collectivité nationale ou territoriale, ne doit pas être pour un homme ou une femme politique, un motif de fierté, de gloire ou de fanfaronnade imméritée/injustifiée. C’est un devoir, une nécessité qui lui incombe. C’est donc le contraire qui aurait plutôt surpris, étonné. Car, quand il/elle sollicite, avec un sourire commercial (i.e bien calculé et intéressé) les suffrages de ses concitoyens ou des populations de sa commune, c’est parce qu’il/elle se sent en mesure de répondre concrètement à leurs attentes et à leurs aspirations profondes. Du moins, c’est la promesse qu’il leur fit pendant la compagne électorale. Accordez-moi vos suffrages et je répondrai à vos besoins d’accès aux services de base. Par contre, ce qu’il feint de leur dire, c’est qu’il accède facilement à la richesse pendant que les populations peinent à avoir à leur tour, accès aux services sociaux de base, et que les moyens dont il se sert pour répondre à leurs attentes et aspirations, ne sont pas tirés de sa poche et de ses économies personnelles. C’est de l’argent public et donc du contribuable sénégalais. Peut-être, a-t-il un cœur de pierre et non de chair, un dessein inavoué et sombre pour exploiter son peuple. Sinon pourquoi la politique est devenue le raccourci le plus sûr pour s’enrichir et enrichir ses proches ? Pourquoi ne se préoccupe-t-il pas de la prochaine génération mais toujours de la prochaine élection ? Pourquoi s’obstine-t-il tant à vouloir frapper les esprits et non à marquer son temps de son empreinte indélébile ? Frapper les esprits ne relève-t-il pas de l’évènementiel, du sensationnel, de l’éphémère, du superficiel alors que marquer son temps relève du durable et donc de l’utile ?
Répondre aux questions ci-dessus impose ou du moins devrait contraindre et ordonner à tout homme ou à toute femme politique d’être humble, modeste. Ne nous apprend-on pas que l’humilité/la modestie c’est de l’or, du diamant ? L’homme n’est donc plus le remède de l’homme ? Pourquoi oublier comme nous le rappelle Seydou Bodian (InSous l’orage) que l’homme n’est rien sans les hommes, il vient dans leurs mains et s’en va dans leurs mains ?
O toi homme politique : qui es-tu pour te croire suffisant ? Qui es-tu pour clamer si bruyamment que tu n’as pas besoin de conseils ? Qui peut véritablement s’enorgueillir de n’avoir pas besoin de conseils en ce monde ? Et pourquoi tant d’orgueil si mal placé. Un homme ou une femme politique doit-il/elle faire preuve d’une telle dose d’insolence, d’arrogance et de suffisance ? Le champ politique n’est-il pas par excellence un espace ouvert aux débats d’idées et à la contradiction ?
Le politicien aura beau amasser des richesses ici-bas, il ne les emportera pas dans sa tombe, encore moins dans l’au-delà. Il aura beau construire villas, immeubles et réussi à collectionner des voitures de luxe, il laissera tout derrière lui. Et pour ne pas laisser à sa famille, des regrets post-mortem, il doit chaque jour, pendant qu’il est encore en vie, implorer le Tout-Puissant pour que son héritage ne divise pas sa progéniture comme c’est souvent le cas. Doit-il alors se nourrir de la misère de son peuple ? (Ndax rongoniou baadola, war naa siim cerey buur) ? Ne serait-il pas le plus court moyen de voir les portes du ciel se refermer devant lui ? Se nourrir de la misère de son peuple ne ferait-il pas retomber la colère divine sur sa progéniture ?
Qui ne se rappelle Jean-Bédel Bokassa, Joseph Désiré Mobutu, Ahmet Sékou Touré et plus récemment Pierre Nkurunziza ? Pierre Nkurunziza n’avait-il pas un agenda caché à la Kabila ? Mais ce qui est encore plus marrant, c’est qu’Ahmet Sékou Touré avait froissé le général De Gaulle (celui-ci s’était senti si humilié et froissé qu’il avait oublié son képi en repartant) à travers son téméraire et historique refus : « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à l’opulence dans l’esclavage ». Ce qui n’aura pas empêché à son magistère d’être fortement entaché par les atrocités (50 000 morts) du funeste Camp Boiro.
A tous ces anciens dirigeants, nous souhaitons bien-sûr, la miséricorde divine. Mais, pourrions-nous manquer de nous demander si leurs disparitions ne devraient pas nous interpeller, nous pousser à nous interroger sur le retard du Sénégal alors au même niveau de développement que la Corée au lendemain de la deuxième guerre mondiale ? Or, il y a un fossé qui sépare maintenant le Sénégal de la Corée. Pourquoi ce retard de notre pays et de l’Afrique en général ? Pourquoi ne pas partir de nos erreurs passées pour améliorer le quotidien de nos concitoyens ? Pourquoi s’entêter à retomber dans les mêmes travers ? Faire de la politique n’est-ce pas se mettre au service de la cité ? Quoi de plus noble que de servir et non se servir de son peuple ? Pourquoi chercher à « se célébrer » plutôt que de laisser le peuple vous célébrer en signe de reconnaissance pour bons et loyaux services rendus ?
A beau vouloir d’une longévité, ne convient-il pas de reconnaitre qu’un homme ou qu’une femme centenaire finit toujours par devenir un poids pour ses proches ? Il faudrait alors se ressaisir et se départir de son machiavélisme. Il faudrait cesser d’éteindre les autres pour mieux briller. Pire, il faudrait arrêter de marcher comme un serpent sous l’herbe, prêt à mordre et à inoculer son venin mortel aux passants. Le temps est venu de faire son examen de conscience, (son introspection) et son mea culpa pour changer, se convertir/reconvertir avant qu’il ne soit trop tard. Car nul ne sait quand la mort frappera et anéantira tout, surtout ce qui ne fut que vanité. L’ecclésiaste ne prévient-il pas que vanité des vanités, tout est vanité ?
A bon entendeur…
VIDEO
LA VISION SANS CONCESSION DE FELWINE SARR
Selon l'économiste et écrivain, la crise du coronavirus est l’opportunité historique pour les Africains de ne plus se laisser traverser par l'Histoire, mais d'être des sujets de l'Histoire
Selon l'économiste et écrivain Felwine Sarr, la crise du coronavirus est l’opportunité historique pour les Africains de ne plus se laisser traverser par l'Histoire, mais d'être des sujets de l'Histoire. Il nous explique pourquoi la catastrophe annoncée par de nombreuses instances internationales sur le continent n'a pas eu lieu. Pour lui, les représentations négatives sur l’Afrique sont si ancrées qu'une partie du monde ne prend même plus la peine de regarder la réalité et les faits. L'auteur d'"Afrotopia" appelle aussi à repenser les relations entre le continent et le reste du monde.
par Siré Sy
MACKY, LE COUP DE POCKER DE LA DETTE PUBLIQUE (2/5)
EXCLUSIF SENEPLUS - Sur ce point de la dette publique, le président a mal posé le sujet - Il avait l’occasion d’être le chantre africain d’une nouvelle forme de solidarité internationale - PRÉSIDENT ET GESTION DE CRISE, ‘’QUAND L’HEURE EST GRAVE !’’
L'adage dit que c’est au pied du mur que l'on reconnaît le maître-maçon. Dans la même temporalité, c'est par et dans la gestion de crise(s) de magnitude ‘’secousse du régime’’ sur l'échelle d'une Nation-État, que l'on apprécie les choix, les décisions et le leadership d'un chef d'Etat dans sa fonction de président de la République. Le Think Thank Africa WorldWide Group vous propose une toute nouvelle série du Feuilleton managérial : Président et Gestion de crise, ‘’quand l'heure est grave !’’, de cinq (5) épisodes, entièrement et exclusivement consacrée à et sur le président Macky Sall. Pour cette deuxième épisode de ''Président et Gestion de crise ‘’quand l'heure est grave’’, Style et Méthode de gestion de crise du président Macky Sall.
Dès les premiers mois dans le cadre de la gestion de la Covid-19 au Sénégal, le président Macky Sall, au plan intérieur, a pris des mesures drastiques : Etat d'urgence assorti d'un couvre-feu, restrictions et privations dans les mobilités, mise en place d'un fonds de mille milliards FCFA, fermeture des écoles, universités, lieux de culte, gares routières et marchés.
Au plan extérieur, le président Macky Sall en a appelé aux bailleurs de fonds et autres créanciers, pour une annulation de la dette africaine. Si bien qu'on pourrait être amené à penser que le président Macky Sall, en prenant ses mesures drastiques au plan interne, s'est voulu couper les veines et faire un clin d'œil aux créanciers (G20, BM, FMI), pour leur justifier en amont, de la nécessité et de la pertinence d’une annulation de la dette publique. Une façon de mettre les créanciers devant le fait accompli...
Mais voilà, le président Macky Sall, qui certainement depuis fort longtemps n’a plus relu Boileau, a peut-être oublié que "ce qui se conçoit bien s'énonce clairement - Et les mots pour le dire arrivent aisément".
Sur ce point de la dette publique, le président Macky Sall a mal posé le sujet. Car, le problème n'est pas la dette (en soi) publique mais le taux d'intérêt de la dette publique africaine.
Ainsi, au moment où certains pays (Allemagne, USA) empruntent au taux zéro, d'autres pays (Italie, Espagne) empruntent au taux de 1,5% alors que les pays africains empruntent au taux de 6%. Au moment où en Afrique, le risque-pays est de plus en plus maîtrisé d'une part et d'autre part, au moment où de nouveaux gisements pétroliers et gaziers très prometteurs sont découverts de plus en plus dans des pays africains.
C'est pourquoi, au lieu d'en appeler pour une annulation de la dette publique africaine (ce qui n’est conséquent d’ailleurs, le G20, la BM et le FMI parlent de suspension en lieu et place d’annulation), le président Macky Sall avait l’occasion d’être le chantre africain d’une nouvelle forme de solidarité internationale, en mettant le curseur sur une baisse drastique du taux d'intérêt de la dette publique africaine.
Est-ce alors à dire que le président Macky Sall a voulu donner une réponse économique à une crise humanitaire, en "confinant" presque le Sénégal dès les débuts de la Covid-19, et que devant le refus des bailleurs de fonds et autres créanciers du G20, d'annuler la dette publique africaine en optant plutôt pour sa suspension, le président Macky Sall a finalement "déconfiné" les Sénégalais ? Lui seul le sait !
ENQUÊTE SUR UNE FAKE NEWS QUI A SECOUÉ LE SÉNÉGAL EN 2019
L'article accusait le candidat sénégalais de l'opposition à la présidence, Ousmane Sonko, d'avoir accepté des pots-de-vin importants d'une compagnie pétrolière européenne. Il a été écrit par "Michelle Damsen", un nom à deux lettres du mien
BBC Afrique |
Michelle Madsen |
Publication 16/06/2020
Par une journée ensoleillée de janvier dernier, je suis sortie d'un cours de danse dans le nord de Londres avec sur mon téléphone une série d'appels manqués provenant de numéros africains.
Je n'avais aucune idée de ce dont il s'agissait - j'ai donc vérifié ma boîte de réception et mes comptes Facebook et Twitter - il y avait des centaines de messages me demandant tous la même chose - étais-je "Michelle Damsen ?", l'auteure d'une mystérieuse histoire au centre d'une tempête médiatique au Sénégal.
"Un scandale de corruption secoue mon pays et votre nom a été mentionné". "Nous sommes très inquiets depuis que nous avons vu un article censé être écrit par vous."
"Je suis un journaliste sénégalais et j'ai vraiment besoin de vous parler !"
Ils voulaient tous savoir si j'avais écrit un article intitulé "Les défis de l'exploitation des ressources naturelles en Afrique", qui est paru sur un obscur site d'information ghanéen, Modern Ghana, le 9 janvier 2019.
L'article accusait le candidat sénégalais de l'opposition à la présidence, Ousmane Sonko, d'avoir accepté des pots-de-vin importants d'une compagnie pétrolière européenne. Il a été écrit par "Michelle Damsen", un nom à deux lettres du mien - Michelle Madsen.
C'était juste quelques semaines avant l'élection présidentielle sénégalaise et M. Sonko était l'un des principaux opposants au président Macky Sall.
En tant que journaliste d'investigation indépendante, ayant découvert la corruption dans l'industrie des ressources naturelles en Afrique de l'Ouest, j'ai écrit plusieurs articles sur le Sénégal et les compagnies pétrolières.
J'ai même écrit un article sur M. Sonko après qu'il ait publié un livre accusant le frère du président sénégalais, Aliou Sall, de corruption - des allégations qu'il a niées.
Mais je savais que je n'avais pas écrit l'article publié sur le site Ghana moderne et j'ai dit la même chose à tous les journalistes qui m'ont contacté. Mais j'ai été ébranlé par certains détails des reportages qui ont été publiés au Sénégal et par la rapidité avec laquelle l'histoire a été reliée à ma personne.
L'un d'entre eux, écrit dans Press Afrik, m'a même nommée directement, en disant que j'avais écrit l'article. Un autre article paru sur le site d'information Seneweb mentionnait Frank Timis, l'homme d'affaires basé au Royaume-Uni qui opère au Sénégal et a des liens étroits avec le frère du président Sall, sur lequel une équipe de journalistes indépendants et moi-même venions d'obtenir des fonds pour enquêter.