Korité dan la division
Le Sénégal va encore célébrer la fête Aid El Fitr dans la division. Alors que la majorité des sénégalais ont décidé de célébrer la Korité demain, dimanche, une autre partie de nos compatriotes va clôturer le ramadan ce samedi. Parmi ceux-ci, il faut citer la communauté Ibadourahmane, mais aussi la famille omarienne dont un des ténors a égrené un long chapelet de localité où le croissant lunaire a été aperçu. Le chef de l’Etat pour sa part va prier à son domicile de Mermoz. Il ne nous reste plus qu’à vous souhaiter, chers lecteurs, à toutes et à tous une bonne fête.
La Cms célèbre la korité aujourd’hui samedi
Alors que la Commission Nationale d’Observation du Croissant Lunaire entend scruter la lune ce samedi, la Coordination des Musulmans du Sénégal, par la voix de Mamadou Ndiaye, annonce la fin du ramadan. A l’en croire, le croissant lunaire a été aperçu à Kaolack, plus précisément à Darou Saloum, à Sokone, au Mali, en Côte d’Ivoire, Niger etc. Suffisant pour que la Coordination des Musulmans du Sénégal fête l’Aïd El Fitr ce samedi 23 Mai.
Lundi déclaré chômé et payé
La fête de Korité sera célébrée pendant tout le week-end au Sénégal. Une partie va prier aujourd’hui samedi et le reste demain dimanche. Par conséquent, le ministre du Travail, du Dialogue social et des Organisations professionnelles, Samba Sy, décrète le lundi 25 mai, journée chômée et payée.
Arabie Saoudite célèbre la Korité dimanche
Restons avec la fête de Korité pour dire qu’elle sera célébrée dimanche en France, en Arabie Saoudite, au Japon, en Chine, en Inde, en Malaisie etc. Le croissant lunaire n’a pas été aperçu dans ces pays. Par conséquent, les musulmans de ces pays vont jeuner le 30e jour ce samedi et fêter l’Aïd El Fitr demain, dimanche 24 Mai. A Paris, la prière de l’Aïd El Fitr ne pourra pas être accomplie à la grande mosquée en raison du contexte de pandémie et de l’interdiction de rassemblement.
Aly Ngouille Ndiaye
C’est la déception chez beaucoup de Sénégalais qui espéraient passer la fête de Korité en famille. Le ministre de l’Intérieur a corsé les mesures pour limiter les déplacements des populations jusqu’au 26 mai prochain. Même les détenteurs d’autorisation de circuler ne sont pas épargnés. En effet jusqu’à mardi prochain, aucun détenteur d’autorisation de circuler ne peut transporter une autre personne non détentrice d’autorisation. Alioune Ngouille Ndiaye va plus loin en prévenant : «en application des décrets relatifs à l’état d’urgence et aux arrêtés subséquents pris par le ministre de l’Intérieur, une autorisation spéciale pour raisons professionnelles vous a été délivrée afin de permettre l’exercice de vos activités dans la limite des espaces territoriaux figurant sur l’acte». Aly Ngouille Ndiaye ajoute : «si au moment où vous recevez ce message, vous vous trouvez dans la région de Dakar ou dans les départements de Thiès ou Mbour, nous vous informons que cette autorisation vaut exclusivement dans ce périmètre constitué des six départements du vendredi 22 mai 2020 à 21h au mardi 26 mai à 5h».
La bande à Ibrahima Barry déférée
La bande de trafiquants de faux billets de banque, composée de trois Camerounais et de deux Guinéens, mise aux arrêts par les éléments de la brigade de recherche de la gendarmerie de Saly, a été déférée hier, au parquet du Tribunal de Grande Instance de Mbour. Ils sont tombés dans les filets des pandores à la suite d’une longue filature. Au début de la semaine, les trois Camerounais, qui avaient loué un appartement servant de lieu de lavage de faux billets, ont été les premiers à tomber. Lors des auditions, ils ont balancé les noms de leurs acolytes dont le cerveau Ibrahima Barry. Leurs compagnons de fortune, au nombre de deux, sont à leur tour alpagués par les pandores qui les ont conduits à la brigade pour les besoins de l’enquête. Présenté comme le cerveau de la bande, le Guinéen est passé aux aveux. A souligner que la bande a été dénoncée par des habitants du quartier résidentiel intrigués par leurs incessants va-et-vient.
Mort du CFA, Me Wade s’exclame : vive l’AFRICOR !
Alors que beaucoup d’Africains se réjouissent du désengagement de la France du CFA, qu’elle a acté en Conseil des ministres, et l’arrivée très prochaine de l’Eco, Me Abdoulaye Wade lui parle de sa monnaie, «Africor». Lorsqu’il a appris en effet que le Président Macron a soustrait la garantie de convertibilité au franc CFA et mis fin au système du compte d’opération auprès du Trésor Français, étendu au Système Européen, l’ancien président du Sénégal s’est exclamé : «Le CFA est mort, vive l’AFRICOR». Me Wade promet d’ailleurs de revenir largement sur cette question dans les prochaines heures.
Evasion
Selon des sources d’ «Alkhabar», un cas positif au Covid-19 s’est évadé, dans la soirée du jeudi dernier, lors de son évacuation du centre hospitalier de Nouakchott vers son lieu de prise en charge à l’Université de Nouakchott. Le patient s’est échappé en sautant de l’ambulance qui le transportait, sur la route de Nouadhibou. Il y avait à bord un infirmier avec le chauffeur et un autre malade. A ce jour, la Mauritanie compte 173 cas confirmés de Covid-19 dont 4 décès et 6 guérisons. Le virus s’est propagé dans 9 régions du pays Nouakchott-Nord, Nouakchott-ouest, Nouakchott-sud, Nouadhbou, Adrar, Assaba, Brakna, Gorgol et Trarza.
Le corps sans vie de Khombole
On en sait un peu plus sur le corps sans vie retrouvé à Khombole le 20 mai dernier, plus précisément au quartier Ndiayène Gouye. Il s’agit de Massamba Arame Faye, âgé d’environ de 36 ans, habitant la ville de Rufisque et domicilié au quartier Ngandiole de Khombole. Le défunt travaillait dans les carrières d’exploitation de basalte de Diack comme chauffeur. Selon des sources médicales, les résultats issus des prélèvements faits sur le corps se sont révélés négatifs au coronavirus, mais il a succombé suite à une attaque cardiaque. Pour rappel, c’est dans l’attente du car de ramassage devant le conduire à son lieu de travail que le défunt a subitement perdu la vie.
La gendarmerie arrête un camion transportant 13 personnes
Tous les moyens sont bons pour rejoindre la famille afin de fêter la Korité auprès des siens. En cette veille de fête, les forces de défense et de sécurité ont renforcé le dispositif pour surtout limiter les déplacements à partir de Dakar vers l’intérieur du pays. Car la capitale est devenue l’épicentre de la pandémie du coronavirus au Sénégal. En effet, les pandores ont arrêté hier un chauffeur de camion pour transport irrégulier et mise en danger de la vie d’autrui. Le camionneur transportait 13 personnes cachées sous une bâche dans la caisse de son camion. Il avait quitté Thiaroye pour rallier Fass Boy à Mboro.
Des dizaines de véhicules en fourrière
Le ministère de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique dirigé par Abdou Karim Fofana n’est plus jamais décidé à débarrasser Dakar des épaves de véhicules qui constituent le décor des rues de la capitale. En effet, dans le cadre de sa stratégie de lutte contre l’occupation anarchique de la voie publique, le Directeur de la Lutte contre les encombrements, le Lieutenant-Colonel Maguette Mbaye a conduit une opération dans la nuit du jeudi 21 au vendredi 22 qui a permis de démanteler 3 parkings de vente de véhicules et envoyé à la fourrière de Yenn une quarantaine de voitures. A cette occasion, les agents de terrain du ministère ont nettoyé l’avenue allant du Rond-Point Liberté 6 au Rond-Point JVC, de toute sorte d’installations constituant une agression du cadre de vie des populations et encombrant l’espace public. En plus des véhicules, plus de 19 tonnes d’ordures et de 4 tonnes de fer ont été ramassées parle lieutenant-colonel et ses hommes. Ils ont démantelé également 2 ateliers de mécanique auto, 3 ateliers de tôlerie, 2 ateliers de peinture auto, 3 vulcanisateurs et 6 panneaux publicitaires.
Un gendarme tué
Un accident tragique s’est produit hier, à hauteur du village de Sikilo, dans la commune de Kayi située dans la région de Kaffrine. En effet, un véhicule de la Police a mortellement fauché un gendarme en service d’après nos confrères de la «RFM». Le véhicule de la police a quitté Kaolack pour se rendre à Koumpentoum. La dépouille du gendarme a été acheminée à la morgue de l’hôpital de Kaffrine. Une enquête est ouverte.
Don
La compagnie turque d’énergie, Karpowership, a remis hier des dons au Centre hospitalier national d’enfants Albert Royer en présence de la Directrice, Dr Issa Tall Diop, du Directeur général de la Senelec, Pape Mademba Biteye et de Sinan Tulun, Directeur pays de Karpowership au Sénégal. Le don est composé de vivres et de kits sanitaires. Il s’agit d’une marque de solidarité de Karpowership en faveur de structures ou associations à vocation sociale d’aide aux plus vulnérables, en ce temps de Ramadan, d’une part et, de l’assistance à certains groupes de la population pour leur permettre de se préserver de la pandémie de la COVID-19, d’autre part. Le Directeur général de la Senelec a dit toute sa reconnaissance à son partenaire Karpowership qui participe aux œuvres sociales de l’entreprise. Pape Mademba Biteye a rendu un vibrant hommage à tout le personnel soignant pour sa mobilisation contre la pandémie. Les dons estimés à 60 millions Fcfa sont composés de riz, du lait en poudre, sucre, dattes, savon, flacons de gel hydroalcoolique, eau de javel et masques réutilisables
Oustaz Alioune Sall
Restons avec la société turque Karpowership qui a appuyé également le «Daara Ali Imrane» de Oustaz Alioune Sall qui a reçu les mêmes denrées que l’hopital Albert Royer. Ce geste entre dans le cadre de la responsabilité sociétale d’entreprise (RSE). Oustaz Alioune Sall a magnifié le geste louable dont les rétributions sont incommensurables. Karpowership compte appuyer également l’Association Aide aux Malades Mentaux Démunis (AMMD) qui s’occupe de personnes particulièrement vulnérables, notamment les déficients mentaux parfois sans abri et leurs enfants qui vivent dans des conditions comparables à l’orphelinat
LE TRANSPORT AÉRIEN PRÉPARE SA REPRISE EN AFRIQUE
La compagnie nationale, Air Sénégal pourrait pour sa part reprendre début juillet sa liaison vers Marseille via Barcelone
RFI |
Olivier Rogez, Charlotte Idrac, Sébastien Nemeth, Claire Bargelès, Pierre Pinto |
Publication 23/05/2020
Depuis le début de la pandémie, les compagnies aériennes sont à l’arrêt et les aéroports africains sont déserts. Hormis pour les vols destinés au rapatriement de leurs ressortissants, ainsi que les vols cargos, les États ont demandé aux compagnies de stopper leurs activités. Le mois de juin devrait marquer le redémarrage de certaines liaisons aériennes passagers. Mais la reprise s’annonce longue.
Sénégal
Les liaisons aériennes sont fermées depuis le 21 mars et jusqu’au 31 mai. Mais on ne sait pas encore si la mesure sera prolongée ou non en juin. La compagnie nationale, Air Sénégal pourrait pour sa part reprendre début juillet sa liaison vers Marseille via Barcelone. Elle a mis en place en mai un vol de rapatriement hebdomadaire, chaque mercredi, depuis Paris.
Côte d’Ivoire
Air Côte d’ivoire qui a stoppé ses liaisons aériennes n’annonce pas encore de date de reprise. En revanche, plusieurs compagnies étrangères ouvrent déjà les réservations pour les vols au départ et à destination d’Abidjan. Ethiopian Airlines à partir du 2 juin, Corsair à partir du 23 juin, Brussels Airlines à partir du 15 juin. Des dates susceptibles de modifications.
Mali
Les vols internationaux sont suspendus, de même que ceux de la compagnie locale Afrikayes. Aucune date de reprise n’a été annoncée.
Burkina Faso
À l’arrêt depuis le 29 mars, Air Burkina a mis ses personnels au chômage technique pour trois mois à compter du 15 mai, ce qui laisse supposer un arrêt des activités jusqu’à la mi-août.
Togo
La compagnie panafricaine, Asky, basée à Lomé est à l’arrêt et n’a pas encore annoncé de reprise de ses vols passagers
Kenya
Depuis le 25 mars le gouvernement a suspendu les vols internationaux. Les vols domestiques sont suspendus vers et en provenance des zones les plus affectées par le virus (Nairobi et plusieurs comtés de la côte). Aucune date de reprise des vols internationaux n’a été annoncée.
Soudan
L’aviation civile soudanaise a fermé les aéroports depuis le 16 mars. À l’exception des vols humanitaires et des vols cargo, aucune liaison n’est assurée. La mesure a été étendue jusqu’au 31 mai.
Soudan du Sud
Depuis le 12 mai, l'espace aérien a été rouvert et vols internationaux ont repris au niveau régional du moins. Tous les étrangers entrant sur le territoire doivent fournir un certificat médical indiquant qu'ils n'ont pas le coronavirus et passer 14 jours en quarantaine à leur arrivée.
Somalie
Après une réouverture de 48 heures des vols internationaux le 21 mars, la Somalie a de nouveau suspendu les vols internationaux jusqu’à nouvel orodre.
Éthiopie
Le 21 mars, Ethiopian Airlines, la première compagnie d'Afrique a suspendu ses vols passagers vers 30 destinations à l'étranger avant de l’étendre, le 31 mars à 80 destinations. Mais la compagnie annonce des dates butoirs, laissant présager un retour du trafic, en fonction cependant des décisions prises par les autorités des pays concernés.
-Vers Angola-Luanda, vols suspendus jusqu'au 25 mai
-VersTchad-Ndjamena, vols suspendus jusqu'au 31 mai
-VersGuinée-Conakry, vols suspendus jusqu'au 6 juin
-Vers Kenya-Nairobi, vols suspendus jusqu'au 6 mai
-Vers Madagascar-Antananarive, vols suspendus jusqu'au 4 juin
-Vers Mozambique-Maputo, vols suspendus jusqu'au 31 mai
-Vers Namibie-Windhoec, vols suspendus jusqu'au 2 juin
-Vers Dakar-Sénégal, vols suspendus jusqu'au 31 mai
-Vers Soudan-Khartoum, vols suspendus jusqu'au 31 mai
Djibouti
Depuis le 18 mars, tous les vols internationaux à l'arrivée et au départ de l'aéroport d'Ambouli sont suspendus jusqu'à nouvel ordre.
Érythrée
Depuis le 25 mars, tous les vols passagers sont suspendus.
Afrique du Sud
L’Afrique du Sud est en niveau quatre de confinement, ce qui n’autorise toujours pas la reprise des liaisons aériennes passagers. Le niveau trois le permettra pour les liaisons domestiques et le niveau deux pour les liaisons internationales. Aucune date n’a encore été fixé. Certaines compagnies européennes tablent sur une réouverture des liaisons vers l’Afrique du Sud en juin. C’est le cas de l’Allemande Lufthansa.
Zimbabwe
Les vols passagers sont toujours suspendus jusqu’à nouvel ordre. La compagnie low-cost locale, Fastjet Zimbabwe a par exemple annulé ses vols jusqu'à au moins fin juin.
Botswana
Le confinement a pris fin au Botswana le 21 mai. Cependant, l'interdiction d'entrée de voyageurs étrangers demeure pour l’instant.
Mozambique
Jusqu’au 31 mai, le Mozambique n’accepte aucune liaison aérienne. Rien n’a encore été annoncé pour juin.
Namibie
Depuis le 5 mai, les vols domestiques sont de nouveau permis. Pour ce qui est des liaisons internationales, Air Namibia table sur la date du 30 juin mais la décision est du ressort des autorités gouvernementales.
Air France
La compagnie française annonce son programme de reprise des vols vers l’Afrique pour le mois de juin, sous réserve de la levée des restrictions de voyage dans les pays desservis. Les liaisons reprendront le 2 juin vers Cotonou, Douala et Yaoundé pour les vols passagers. Abidjan, et Bamako pour les vols cargo. Nouakchott et Conakry ne seront commercialisés que vers Paris au cours du mois de juin.
par Babacar Beuz Diedhiou
ENTRE ARTEMISIA, VACCINATION ET COMPLOTISME
Ces panafricanistes virtuels qui sont farouchement anti-européens dans la rhétorique, voient pourtant la politique, la médecine, la guerre et l’économie par les yeux de l’européen et à travers ses médias
Les maux et leur cortège de dangers étaient déjà sur les réseaux sociaux, mais avec le coronavirus, comme au lendemain de chaque triste événement d’une dimension médiatique mondiale, on assiste à une boulimie de théories absurdes. Les experts en tout genre prolifèrent, et les fanatiques se radicalisent encore plus. Et pour notre part, un panafricanisme qui frôle le ridicule et rampe vers le racisme se développe. La cause : les nouveaux médias. Une vraie maladie ! L’emballement des gens sur les réseaux sociaux face aux mensonges, aux rumeurs et autres théories du complot, la manipulation des images et vidéos à des fins propagandistes, ainsi que la polarisation des croyances, sont exponentiels et explosifs. Il y a urgence ! Plus les mensonges sont grossiers et invraisemblables plus ils ont de « like », et plus ils sont partagés.
Les fausses croyances
La paresse intellectuelle nous pousse à nous attacher à des croyances erronées, pourtant des informations nous permettent de les vérifier. Si l’on s’attache obstinément à des propos faux, c’est parce que l’on a tendance à chercher des données qui confirment nos hypothèses, à trouver de faux repères, et que l’on a une propension à quêter et à guetter des gourous, des révélations, le messie… En cela internet nous aide bêtement et follement bien.
Ainsi, le président malgache, avec sa fameuse artémisia, devient une star, ses vidéos sont partagées sur toute la toile africaine, et l’artémisia devient la plante miracle ! C’est mal connaître l’Afrique, sa pharmacopée, la diversité et les vertus de ses plantes. Mais c’est aussi une sorte de réactivité face à l’Occident qui serait apparemment la cause de tous nos maux. Il faut un esprit critique, il faut des arguments scientifiques empiriques, solides, carrés et binaires par moment, il faut un lien entre hypothèses, données et connaissance, un minimum de logique mathématique, si nous voulons être crédibles. Comment se fait-il que le président malgache focalise notre attention sur une plante originaire de Chine, où elle est utilisée dans la pharmacopée depuis 2 000 ans pour ses propriétés curatives contre la fièvre et la malaria ? Des milliers de plantes soignent encore aujourd’hui en Afrique, et dans certaines régions, les gens n’ont jamais eu recours à la médecine dite « moderne » ou occidentale. En quoi le président malgache avec sa « covid organics» est-il révolutionnaire ? Cette inculture a une seul cause : internet via ses réseaux sociaux. Il nous désintègre, nous crétinise ! Il serait très compliqué et très long dans un article de faire le diagnostic et les pronostics des pathologies que les réseaux sociaux ont provoqué dans notre vie quotidienne tant au niveau social, politique, économique, culturel et surtout personnel, intellectuel et spirituel.
Internet nous rend bêtes !
A côté des avantages et des bienfaits, il y a vraiment des dérives face à ces réseaux sociaux, des effets très négatifs, donc nous ne sommes pas assez conscients : une désintégration de la culture qui se manifeste par une réduction de la qualité et de la fiabilité des informations, une destruction des relations interpersonnelles, une abolition de la vie privée, une altération de la santé, un diktat du virtuel sur le réel, une diminution des compétences intellectuelles, le développement de la crédulité, l’émergence et la dispersion de croyances irrationnelles, un fouillis d’articles et d’injonctions contradictoires... On aurait pu détailler chacun de ces maux, mais que chacun fasse son propre examen, et constate la superficialité de ses connaissances, de ses relations, et son exposition aux fausses idées, informations, et à certaines théories du complot.
Plus récemment Nicolas Carr, dans un essai célèbre intitulé « internet rend-il bête ? », a montré, en partant de son expérience personnelle et en s’appuyant sur de nombreuses études, comment internet, le media actuellement le plus utilisé, altère la structure du cerveau et modifie en profondeur ses différentes fonctionnalités. De nombreux spécialistes ont souligné le pouvoir des médias sur nous, de par leur structure et leur mode de fonctionnement, sans que nous en soyons conscients. Sans parler de la révélation continue des détails de notre personnalité, comme le fait Facebook pour nous influencer.
En effet, une fois que l’entreprise s’est fait une idée très précise de qui nous sommes, de nos envies, de nos craintes, de notre mode de vie et de nos faiblesses, la voie est libre pour nous proposer des messages au bon moment et sous le bon format, pour qu’ils soient le plus à même d’influencer notre volonté. Des contenus qui jouent sur nos humeurs, une sorte de « contagion émotionnelle » ; sans parler des méthodes de traçage, répandues sur le web. Ne parlons même pas de Whatsapp, devenu le relais de toutes « les fake news », « bullshit » et de tous les cochonneries religieuses, propagandistes – une aubaine pour les conspirationnistes panafricains. S’il y a un vaccin que nous devons réfuter et combattre c’est bien celui-ci, cette « nouvelle seringue hypodermique », pas un vaccin contre le coronavirus, qui serait créé « pour réduire la population mondialement, notamment les africains ». N’importe quoi ! Même les vrais réfractaires et réactionnaires aux vaccins n’évoquent pas ces arguments. Ils parlent du vaccin plutôt comme une manœuvre des grands laboratoires pharmaceutiques pour maximiser leurs profits, ou de l’existence de substances nocives pour notre organisme, etc. D’ailleurs, contrairement à ce que pensent ces conspirationnistes africains, pour l’OMS, la vaccination permettrait d’éviter entre deux et trois millions de morts chaque année dans le monde, pas d’en tuer. Que ceci soit faux admettons ! Cela veut dire que de part et d’autre, il y a des gens qui essaient de nous manipuler, de nous persuader ! La solution, c’est l’esprit critique : une étude réfléchie des fondements de l’esprit critique, une autodéfense intellectuelle ! Mais est-ce que tous ces millions de jeunes africains livrés à eux-mêmes, sur l’autoroute internet, sont bien armés pour cela ? Voilà une piste de combat et de réflexion noble pour tous les activistes africains.
Une multitude de récits théoriques se diffusent, qui se prétendent cohérents et cherchent à démontrer l'existence d'un complot, entendu comme le fait que des occidentaux puissants se coordonnent en secret pour planifier la réduction de la population africaine. Quelle idiotie ! Quel danger ! Quelle aberration ! Quelle hérésie ! Il se peut que des conspirations secrètes civiles, criminelles ou politiques, existent, généralement dans l'objectif de détenir ou de conserver une forme de pouvoir (politique, économique ou religieux). C’est très probable ! Rien de nouveau, c’est de la politique ! Mais avec un virus né à Wuhan, qui a tué plus de 330 milles de personnes dans le monde, noires, blanches, asiatiques, africaines, européennes, américaines, et un vaccin destiné à protéger la population mondiale, où est le complot ? Qui complote contre qui ? La tentation de démontrer qu'aucun complot n'est à l'œuvre sera interprétée comme une nouvelle tentative de tromper, de comploter ou comme le fait d’être un envoyé spécial des blancs. Tant pis ! Que des scientifiques s’activent pour trouver des remèdes, comme cela a toujours été le cas, pour inventer des vaccins, que le président Macky Sall demande à ce que le vaccin soit gratuit, où est le complot ? On connait l’appréciation que j’ai de ce président, je n’ai pas changé d’avis, mais à ce sujet, les toquards, et les crétins, ce sont ceux qui pensent qu’il y a complot !
De l’intelligence dans le panafricanisme
Le panafricanisme ! Oui ! Mais à condition qu’il soit fin, tactique et tactile, animé d’un esprit critique. C’est pourquoi le combat aujourd’hui doit tout d’abord être une lutte contre l’impérialisme numérique, pour une mentalité de la conquête du savoir, et contre notre tendance à croire que nous comprenons le monde à la perfection. Les Occidentaux ont réussi à dominer le monde en faisant un aveu d’ignorance, et dans la foulée développé une mentalité de conquête. Ces panafricanistes virtuels qui sont farouchement anti-européens dans la rhétorique, voient pourtant la politique, la médecine, la guerre et l’économie par les yeux de l’européen et à travers ses médias. Et bien qu’ils ne soient généralement pas prêts à le reconnaître, sont européens dans leur habillement, leur pensée, leurs goûts, leur nourriture, leur manière de se soigner. C’est ce paradigme qu’il faut changer. Si nous voulons réussir dans notre combat contre tous les impérialismes, il faut suivre des exemples comme Cheikh Ahmadou Bamba* qui prie pour que Dieu pardonne le colon qui vient de le capturer, ou comme Mandela qui pardonne après 25 ans de prison, chez qui, dans leur combat contre l’impérialisme colonial, on sentait la grandeur, la culture, la lecture, l’intelligence, et la dimension spirituelle ; et qui avaient leur propre agenda, pas celui du colon ou des GAFAM (Google, Facebook, Amazon, Microsoft).
« On ne doit pas tout craindre, mais on doit tout préparer »* *. « Dans la vie, rien n'est à craindre, tout est à comprendre »***. Encourageons la conquête des savoirs pour le futur et soyons conscients que la théorie du complot et le nationalisme perdront tôt ou tard le terrain. Cela n’empêchera pas de se battre pour des solutions locales, pour des intérêts communautaires, mais dans le raisonnable et la diversité ! Un travail en profondeur doit être engagé pour protéger les risques liés autant au foisonnement informationnel qu’aux faiblesses de la pensée humaine, pour le rationalisme, une professionnalisation de l’esprit critique et l’autodéfense intellectuelle. Une voie vers l’autodétermination et l’autonomie.
Babacar Beuz Diedhiou est Journaliste / communicant
*Cheick Ahmadou Bamba dans son poème (Rabbi Bima Yashrahou)
** Richelieu
***Marie Curie
VAINCRE NOS VULNÉRABILITÉS POUR POURSUIVRE NOTRE MARCHE VERS L’ÉMERGENCE
L’ancien Premier ministre du Sénégal, et actuel ministre d’Etat, Secrétaire général de la Présidence de la République, Mahammed Boun Abdallah Dionne livre ici sa lecture de l’économie de guerre et de la dette publique
Depuis le déclenchement de la crise liée à la pandémie de la covid19, plusieurs pays, africains notamment, ont lancé des appels pour une annulation de leurs dettes. Il faut reconnaitre que le contexte particulier, marqué par le ralentissement, voir l’arrêt de l’activité économique, demande des mesures spéciales pour permettre aux économies africaines de s’en sortir. Connu pour ses analyses économiques pertinentes, l’ancien Premier ministre du Sénégal, et actuel ministre d’Etat, Secrétaire général de la Présidence de la République, Mahammed Boun Abdallah Dionne livre ici sa lecture de l’économie de guerre et de la dette publique.
En 1820, l’économiste et philosophe britannique, David Ricardo, disait qu’en cas d’éclatement d’une guerre et qui implique un supplément de dépenses de vingt millions par an, un pays libre de toute dette disposait de trois moyens pour fournir à ces dépenses :
« En premier lieu, les impôts pourraient être augmentés d’un montant de vingt millions par an, dont le pays serait totalement libéré au retour de la paix.
En second lieu, l’argent pourrait être emprunté chaque année et la dette consolidée ; dans ce cas, si l’on admet un intérêt de 5 pour cent, la première année de dépense entraînerait une charge perpétuelle d’un million ; une deuxième année de guerre entraînerait à nouveau la charge perpétuelle d’un million et ainsi de suite pour chaque année supplémentaire.
Le troisième moyen de financer la guerre serait d’emprunter chaque année les vingt millions nécessaires, comme ci-dessus, mais de constituer en outre un fonds d’amortissement, par l’impôt, qui, augmenté des intérêts composés, permettrait finalement de rembourser la dette.
De ces trois moyens, nous sommes résolument en faveur du premier. Alors, le fardeau de la guerre est sans doute très lourd tant qu’elle dure, mais il disparaît en même temps qu’elle. Du point de vue économique, il n’y a pas de réelle différence entre les trois moyens. Mais les personnes qui paient l’impôt ne raisonnent pas ainsi. Nous ne sommes que trop enclins à estimer le coût de la guerre à ce que nous payons comme taxes sur le moment, sans réfléchir à la durée probable de l’imposition ».
Selon le ministre d’Etat, Secrétaire général de la Présidence de la République du Sénégal, Mahammed Boun Abdallah Dionne, « ce texte éclaire notre compréhension des rapports politiques et économiques que les générations de citoyens d’un même pays entretiennent entre elles au fil du temps».
Dans une tribune publiée récemment, l’ancien premier ministre du Sénégal explique que pour Ricardo, toute augmentation de la dette aujourd’hui se traduit demain par une augmentation de l’impôt, pour rembourser cette dette. Plus tard, Barro complétera le travail de Ricardo et de cette réflexion, naîtra le théorème d’équivalence de Ricardo-Barro. « Ce théorème établit qu’il n’y a, d’un point de vue macroéconomique, pas de différence significative entre un financement par l’impôt et un financement par l’emprunt d’un montant donné de dépenses publiques ». explique l’économiste sénégalais.
Poursuivant son introduction, M. Dionne rappelle que Solow avait démontré par la suite, pour sa part, que le théorème de neutralité ricardienne ne se vérifie que dans des situations très particulières. Solow en conclut que l’Etat ne peut se contenter d’un rôle économique neutre. « Et il eut bien raison ».
Revenant sur le sujet de la dette et du déficit publics, M.Dionne affirme que la pertinence des politiques budgétaires ne se discute plus vraiment. « Par contre et surtout en temps de crise, ce qui est déterminant pour provoquer l’effet multiplicateur de Keynes sur les agents économiques déprimés, reste la qualité de la dépense publique » écrit-il en affirmant que s’endetter pour couvrir prioritairement des dépenses courantes sans impact sur la croissance économique ne paraît pas « raisonnable ».
Exemple à l’appui, l’économiste et homme d’Etat sénégalais confire que dans tous les pays du monde, le risque sur la dette est tributaire de plusieurs facteurs comme la nature de celle-ci, sa viabilité telle que perçue par les marchés financiers et les épargnants, sa dénomination, son taux d’intérêt, sa maturité, la réputation du pays, son niveau d’épargne intérieure et l’usage qui est fait des ressources qui sont tirées de la dette. « C’est pourquoi la dette publique de l’Italie ou du Japon qui se situent entre 150 et 200% du PIB, ne suscitent pas de débat particulier », souligne-t-il.
Pour expliquer cette situation, il affirme que « de tels pays ont atteint un palier qui leur permette de rembourser leurs emprunts passés par l’émission de nouveaux titres de dette, de plus en plus libellée dans leur propre devise. Ce renouvellement infini de la dette publique des Etats fait qu’en pratique elle n’est jamais remboursée ».
Comment reconquérir la capacité d’endettement des pays africains
« Imaginons à présent un pays endetté, aux capacités financières limitées, et qu’une guerre éclate qui implique un supplément important de dépenses, comment financer cette dépense de guerre qui lui est imposée ?
En instaurant un nouvel impôt pour gagner cette guerre, le pays court le risque d’une crise sociale intérieure et d’une récession dont les effets, se cumulant à celui de la guerre, entraîneraient la perte à court terme de celle-ci.
En second lieu, en réussissant à emprunter pour couvrir cet effort de guerre, le pays court toutefois à moyen terme le risque d’un défaut sur sa dette et la perte de la guerre surtout si elle devait perdurer.
Le troisième moyen pour financer la guerre est le renouvellement de la capacité d’endettement du pays. Ce renouvellement peut s’opérer grâce à la conversion du stock de dette du pays en rente perpétuelle ; plus la rente perpétuelle se rapprochera du taux zéro, plus vite le pays financera sa guerre surtout si les intérêts de ses créditeurs sont intriqués aux siens, partageant avec lui le même intérêt pour la victoire.
De ces trois moyens, nous sommes en faveur du troisième car l’emprunt perpétuel est une obligation sans date d’échéance, dont seuls les intérêts sont exigibles. Si le taux d’intérêt de la rente est nul, l’emprunteur n’a donc plus rien à payer. »
Se référant de nouveau à ce texte de Ricardo, Mahammed Boun Abdallah Dionne opte lui aussi pour le le renouvellement de la capacité d’endettement du pays. Selon lui, il s’agit la du meilleur moyen pour sauvegarder la réputation financière de l’Etat. « Il réduit significativement le service de sa dette, soulage sa trésorerie immédiate et renouvelle sa capacité d’investissement, en annulant de facto la dette publique, même si celle-ci continue d’exister perpétuellement de jure sur le papier », estime t-il.
En évoquant le cas de l’Afrique, continent qui a encore besoin d’emprunter massivement pour financer l’investissement productif et son industrialisation, M. Dionne explique que l’annulation directe de la dette reste la meilleure solution. C’est d’ailleurs cette solution qu’avait proposé le président de la République du Sénégal, Macky Sall et à juste raison. Sa proposition est appuyée par M. Dionne qui estime que le chef d’Etat « ne s’y est pas trompé en portant le plaidoyer de l’annulation de la dette publique africaine auprès de ses pairs du continent et du monde ».
Plus en détails, l’expert en économie précise qu’une annulation du stock de la dette ouvrirait la voie à la poursuite dans les meilleures conditions de l’investissement, dans les secteurs essentiels (i) de la santé et de l’éducation, (ii) des infrastructures, (iii) de l’agriculture, et (iv) des services d’appui à l’industrialisation.
Toutefois, si cette solution n’est pas envisageable, M. Dionne propose une voie médiane. Celle de l’allongement de la durée de la dette à cent (100) ans au minimum, voire sa perpétualisation, à un taux voisin de zéro. « Certains diront, comme en droit judiciaire, que la perpétuité évoque une contrainte dont on ne se libère jamais. Nous leur répondrons que comme s’agissant de la grâce, même si celle-ci entraîne la non-mise à exécution d’une peine, et qu’elle n’entraîne point son oubli que seule l’amnistie accorde, l’essentiel pour le condamné est de reconquérir sa liberté de mouvement », a-t-il expliqué. Il affirme dans ce sens que « l’essentiel pour l’emprunteur est qu’il n’ait plus rien à payer afin de reconquérir sa capacité d’endettement ».
Appelant les partenaires du G20, du Club de Paris, mais également les grands pays partenaires comme la Chine et ceux du Moyen Orient à travailler de concert avec les leaders africains afin que l’annulation du stock actuel de la dette publique extérieure du continent soit une réalité, M. Dionne rappelle que « c’est à ce prix que nous pourrons vaincre nos vulnérabilités exacerbées par la crise sanitaire et que nous serons en position de poursuivre notre marche victorieuse vers l’émergence »
SORTIE DU FCFA, CE QUE DIT LE PROJET DE LOI FRANÇAIS
Si les représentants de la France ne siègeront plus au sein des instances monétaires, Paris conservera un droit de regard, notamment en cas de crise, sur la gestion de la nouvelle monnaie
Jeune Afrique |
Alain Faujas |
Publication 22/05/2020
Deuxième étape vers la disparition du franc CFA et son remplacement par une monnaie unique baptisée Eco, le Parlement français devrait adopter avant la fin du troisième trimestre le projet de loi paraphé le 20 mai en conseil des ministres et destiné à ratifier l’accord de coopération monétaire conclu à Abidjan le 21 décembre 2019 avec les gouvernements des États membres de l’Union monétaire ouest-africaine (Umoa).
Deux changements majeurs y sont prévus : d’une part, il n’y aura plus de représentants de la France dans les instances techniques de gouvernance de la zone – où ils disposaient de voix non prépondérantes. D’autre part, la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ne sera plus obligée de déposer au moins 50 % de ses réserves en devises sur des comptes d’opérations du Trésor français. Deux points qui cristallisaient particulièrement les tensions autour de la monnaie ouest-africaine.
Le gouvernement français semble pressé de s’écarter de la mauvaise réputation du CFA. Paris a déjà cessé d’envoyer des représentants du Trésor et de la Banque de France dans les instances monétaires de l’Umoa.
La France deviendra « un strict garant financier de la zone », précise la note explicative publiée par le gouvernement. Deux piliers demeurent : « le régime de change, avec un maintien de la parité fixe avec l’euro [et] la garantie illimitée et inconditionnelle de convertibilité assurée par la France ».
Quel successeur aux comptes d’opérations ?
Bien qu’absente des instances monétaires, la France sera informée de l’état de santé de la nouvelle monnaie, précise le nouvel accord de coopération, qui prévoit qu’en cas de crise « sévère » (si le taux de couverture de la monnaie descendait en-dessous de 20 %, contre plus de 70 % en ce moment), « la France pourra désigner, à titre exceptionnel et pour la durée nécessaire à la gestion de la crise, un représentant au comité de politique monétaire de la BCEAO ».
« Il était illusoire de penser que le Sénégal gagne grand-chose du pétrole avant 2030. Et cela va encore être retardé »
Le rêve pétrolier et gazier s’éloigne encore un peu plus pour les Sénégalais. Initialement prévue en 2020, l’exploitation des deux principaux projets d’hydrocarbures, le champ pétrolier offshore Sangomar et le gisement gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA) partagé avec la Mauritanie – tous deux découverts en 2014 – avait déjà été retardée à trois reprises.
La pandémie due au Covid-19 vient à nouveau de repousser d’un an, à la fin de 2023, le lancement de la production commerciale. Un coup dur pour le pays qui compte sur ces ressources pour dynamiser son économie, créer des emplois et développer les infrastructures.
« L’effondrement des prix du pétrole brut ainsi que le ralentissement des activités du secteur (…) ont amené certains de nos partenaires à évoquer le cas de force majeure qui pourrait impacter les délais de livraison », indique un communiqué de Petrosen datant du 10 avril. La compagnie nationale sénégalaise reste tributaire des majors du pétrole et de leurs sous-traitants pour exploiter les 500 millions de barils de pétrole en réserve.
Ainsi, c’est un consortium de compagnies australiennes et britanniques qui détient près de 90 % des parts du projet Sangomar. Fin avril, l’australien Far, dont la participation s’élève à 15 %, a fini par se retirer du financement.
« Cas de force majeure »
Quant au gisement gazier GTA, le géant pétrolier britannique BP, qui en détient 60 %, a lui aussi brandi un « cas de force majeure » pour retarder d’un an l’installation de sa plate-forme offshore aux larges des côtes sénégalo-mauritaniennes.
Ce énième report inquiète Ndèye Fatou Ndiaye Diop, co-coordonnatrice de la plate-forme citoyenne Aar Linu Bokk (« Préserver nos biens communs », en wolof), mobilisée pour une gestion plus transparente des ressources pétrolières. « Malgré les incertitudes liées à ce projet, le Sénégal avait tout misé sur le pétrole. Il a perdu », estime la militante.
De fait, les conséquences économiques de ces nouveaux délais pourraient être lourdes. « Cette crise est un avertissement pour le Sénégal qui a emprunté une trajectoire d’endettement en se basant sur l’exploitation à venir des hydrocarbures », explique Luc Désiré Omgba, chercheur associé au laboratoire BETA-CNRS et spécialiste en économie de l’énergie. Le pays a d’ailleurs été parmi les premiers, au début de la pandémie, à faire campagne pour réclamer un allègement de la dette du continent africain.
Depuis 2012 et l’arrivée au pouvoir du président Macky Sall, la dette publique du Sénégal est passée de 42,9 % à 67 % du PIB en 2020, selon le Fonds monétaire international (FMI). Cet accroissement s’explique d’abord par les investissements massifs dans des projets d’infrastructures et de développement réalisés dans le cadre du Plan Sénégal émergent (PSE), mais pas seulement. « Le pays a augmenté les salaires des fonctionnaires dès 2018. Il a aussi mis en place des subventions en faveur du secteur énergétique, malgré une hausse des cours », précise M. Omgba.
Subir les contrecoups de la récession
Des dépenses engagées immédiatement alors que les retombées du pétrole sur l’économie ne sont pas prévues avant plusieurs années. « Il était illusoire de penser que le Sénégal gagne grand-chose du pétrole avant 2030. Et cela va encore être retardé », insiste Ousmane Sonko, président du parti d’opposition le Pastef.
Vice-président de l’Assemblée nationale et président de l’Institut panafricain de stratégies (Ips), Cheikh Tidiane Gadio revient, dans cet entretien, sur les enjeux qui attendent l’Afrique pour l’après-Covid-19. Il est convaincu que les pays africains n’ont pas le choix : ils devront mutualiser leurs forces pour exister dans cette reconfiguration de la géopolitique qu’il estime inéluctable. De l’annulation de la dette à la lutte à la rivalité sino-américaine, l’ancien ministre des Affaires étrangères aborde toutes les questions.
Le monde est frappé par une crise sans précédent. Quelle lecture en faites-vous ?
Pendant longtemps, l’humanité a vécu toutes sortes de calamités, de grandes crises sanitaires ou économiques. Par exemple : les virus du Sida et Ébola en Afrique, le virus du Sras en Asie, la crise financière de 2008 qui a failli effondrer l’économie mondiale. Mais, ce qui est extraordinaire, et j’espère que cela ne va pas se répéter cette fois-ci, c’est que l’humanité subit ces crises, s’affole, se bat, finit par les résoudre et, malheureusement, oublie immédiatement les enseignements tirés de ces dernières. Aujourd’hui, il y a, de toute évidence, un déficit de concertation mondiale, en plus de la malheureuse tentative de marginaliser et de se défausser sur l’Organisation mondiale de la santé (Oms) pour absoudre ses propres errements dans la gestion de la crise. Chaque pays, visiblement, y va avec ses recettes et ses stratégies.
Quelles peuvent en être les conséquences?
Cette crise va forcément refonder la marche de l’humanité en général, mais aussi reconfigurer radicalement la géopolitique mondiale. Nous Africains, nos pays et nos peuples étaient perçus comme étant les champions toutes catégories de la vulnérabilité. Mais aujourd’hui, nous réalisons davantage que Dieu est très démocrate quant à la vulnérabilité des peuples. Il n’y a que lui qui détient la puissance absolue. Les grandes puissances du monde offrent un visage presque pathétique. Nous avons pratiquement envie de compatir à leur désarroi et de venir à leur rescousse. Avec l’état du monde actuel, nous constatons que ces grandes puissances peuvent faire voler des avions pendant 20 heures, faire marcher l’homme sur la lune, réussir toutes sortes de prouesses technologiques, médicales (…) et que malgré tout cela, elles se retrouvent désarmées et désemparées face à un virus microscopique qui fait plus preuve d’ingéniosité et de capacité destructrice fulgurante.
Si on dit, aujourd’hui, que l’Amérique compte plus de victimes que lors de la guerre du Vietnam, nous nous rendons compte de l’hécatombe que le Covid-19 est en train de créer dans ce monde.
C’est quand même difficile à comprendre ?
Il y a plusieurs niveaux de lecture. C’est trop simpliste de penser qu’il s’agit juste d’une pandémie qui est venue déstabiliser le monde. Est-ce que le monde n’était pas déjà perturbé, marchant sur la tête, sens dessus dessous, évoluant dans un équilibre de façade, attendant juste un élément comme le coronavirus pour laisser exploser ses vulnérabilités et ses « fake certitudes » ? Je crois qu’il y avait trop d’injustices sociales, trop de fractures sociales et sanitaires; le très petit nombre de privilégiés barricadés dans leurs privilèges souvent indus, l’écrasante majorité se sentant hors-place et écrasée au quotidien…
En conséquence, nous nous retrouvons dans un monde totalement déséquilibré et en désarroi. Richard Haas, un grand spécialiste américain de la géostratégie et de la géopolitique, a écrit un livre prémonitoire, il y a trois ans à peu près, sur le monde en désarroi et « la crise du vieil ordre mondial » sur fond d’échec des politiques de globalisation « équitable », de multipolarité positive, de paix, de stabilité et de justice pour tous. C’est là où nous nous trouvons exactement.
Nous sommes dans une situation où personne ne sait pas de quoi demain sera fait. Ce qui est également remarquable du point de vue de la géopolitique, c’est que non seulement les rapports de force vont changer, mais les vulnérabilités des grandes puissances ont aussi déjà été révélées à la face du monde. Et comme beaucoup peuvent le constater, l’Afrique, avec très peu de moyens, très peu de ressources, semble s’en tirer relativement bien. Nous le disons toujours en touchant du bois. Mais, pour l’instant, il y a une sorte de résilience africaine qui ralentit la maladie et sûrement d’autres facteurs que nous ne maîtrisons pas encore sur le plan scientifique.
Est-ce à dire que l’Afrique s’en sortira mieux que les grandes puissances ?
Si je prends l’exemple du Sénégal, le Gouvernement a très bien réagi et très vite. Le Président Macky Sall a pris une initiative majeure en appelant à une consultation nationale. Il n’était pas obligé de le faire. Il y a très peu de pays qui l’ont fait.
Concernant l’Afrique, elle est indéniablement le ventre mou du système international. Elle est le continent le mieux doté en termes de richesses naturelles et en même temps le plus démuni. Aujourd’hui, nous avons la ressource la plus rare du monde et la plus importante qu’on appelle la ressource « jeunesse ». Cependant, nous nous sommes arrangés pour être dans une posture où, effectivement, le reste du monde sous-traite ses malheurs, ses angoisses et ses désarrois avec l’Afrique. Vous voyez des pays qui comptaient 20 000 morts quand l’Afrique, au même moment, en dénombrait 200. Au lieu de se focaliser sur leur sort, ces États plaignaient notre continent pour ses vulnérabilités et son impréparation. Et apparemment, ils ont la larme à l’œil quand ils parlent de l’Afrique. C’est presque un exercice d’exorcisme : chasser le malheur de son esprit en le déménageant chez les autres, particulièrement chez les Africains, surtout qu’en plus d’être vulnérables, ils n’ont pas droit à la parole, même dans les instances internationales.
Conséquence d’une telle logique : les gens se sont mis à épiloguer sur la faiblesse des infrastructures sanitaires de l’Afrique qui prouvent, à leurs yeux, que dès que le virus envahira le continent, ce sera la dévastation, la catastrophe et des millions de morts. Mais, le paradoxe extraordinaire dans tout cela est, malgré le fait qu’ils soient mieux dotés en infrastructures, ce sont eux qui souffrent le martyre et la désolation. Au lieu de gérer ce problème, ils se sont mis à pleurer sur le désastre qui va s’abattre sur l’Afrique. C’est suspect ! Plus que suspect !
Il y a quand même un paradoxe ?
Personnellement, je me suis dit est-ce que ce n’est pas dû au fait que le continent noir est le réservoir de ressources naturelles de ces pays ? Ils doivent se dire : veillons à sauver nos pays mais aussi à sauver l’Afrique qui a très peu de moyens. Si nous ne le faisons pas, demain, cela va se retourner contre nous. C’est un devoir de solidarité par défaut, mais surtout par intérêt. Mais, Dieu a fait que nos savants, nos scientifiques, nos chercheurs et nos médecins ont prouvé à la face du monde un talent extraordinaire, un calme, une sérénité, pour tout dire, une force tranquille insoupçonnée. Ils n’ont pas pris l’avion pour aller à Paris, Washington ou Pékin chercher des connaissances, de l’expertise, du coaching ou des débuts de solutions. Ce sont eux-mêmes qui sont recherchés et sollicités par les autres pour échanger sur les débuts de solutions. C’est d’ailleurs en cela que la géopolitique mondiale est totalement bouleversée et rien ne sera plus comme avant.
Maintenant, je dis à mes proches de faire attention quand nos amis occidentaux nous disent que plus rien ne sera comme avant. Je suis très suspicieux (rires).
Qu’est-ce que vous soupçonnez ?
Ils veulent continuer à diriger le monde. Ils veulent prendre cette phrase et lui donner l’orientation et le contenu qu’ils souhaitent. Si on n’y prend garde, le post-coronavirus va encore faire place aux mauvaises habitudes internationales. Vous allez voir une situation dans laquelle les gens vont se battre bec et ongles pour reconquérir le statu quo ante. Les privilèges qu’ils avaient, la domination du monde qu’ils avaient, les règles de partage injuste des richesses du monde ; ils vont vouloir retourner à cela tout en disant que « plus rien ne sera comme avant ». Donc, cela peut être une façon de nous endormir.
La planète entière a subi les chocs du coronavirus et doit, en principe, être prêt à accepter un monde plus juste et plus équilibré. C’est pour cela que je dis aux Africains : « Ayons notre propre discours du ‘‘plus rien ne sera comme avant’’ ! » Construisons-le nous-mêmes ! Et ne dépendons pas, encore une fois, de ce que les grands analystes européens, américains et asiatiques vont définir comme l’après-coronavirus et nous l’imposer. C’est une nouvelle façon de violer, de « buguer » encore notre intégrité intellectuelle et de nous tromper. L’Afrique doit avoir son propre discours et, impérativement, changer de logiciel, car elle aussi est condamnée à des changements majeurs. Nous devons aussi parler contre le statu quo, nous dresser contre leur volonté de dominer le monde. « Le plus rien ne sera comme avant » doit se traduire par une remise en cause de la Pax americana issue de la Deuxième Guerre mondiale, c’est-à-dire la domination du monde par l’Amérique et ses alliés occidentaux. Aujourd’hui, il y a forcément et fatalement une permutation des places qui va advenir. Après chaque grande catastrophe mondiale, comme la Première ou la Seconde Guerre mondiale, le monde s’en est sorti avec une permutation de places. L’Angleterre qui était l’une des grandes puissances du monde jusqu’à la Première Guerre mondiale a dégringolé pour céder la place aux États-Unis. Nous avons également vu que l’Union soviétique a émergé brutalement, à l’époque, comme puissance mondiale. D’autres candidats au statut de puissance mondiale comme la Chine se préparaient calmement, presque confidentiellement, à leur irruption dans les premières loges.
En quoi consiste la permutation ?
Le monde post-coronavirus sera un monde nécessairement et fortement reconfiguré. Est-ce que les États-Unis vont pouvoir garder leur statut de première puissance mondiale ? Est-ce que la Chine qui talonnait les États-Unis ne va pas avoir une meilleure gestion de la crise et de l’après-crise et se repositionner ? La Chine, il faut le noter, talonnait de près les États-Unis du point de vue de la permutation. Est-ce que donc le Covid-19 ne va pas créer les conditions d’une reconfiguration des rapports de force et d’une nouvelle géopolitique mondiale dans laquelle la Chine sera la puissance mondiale numéro un, les États-Unis numéro deux et l’Inde se rapprocher bientôt de la 3ème place ? Et là se pose maintenant la question de l’Afrique. L’Afrique n’a aucun avenir si, avec ce qui se passe avec le Covid-19, nos leaders continuent de prêcher « l’intégration lente au rythme d’une tortue avec des freins » et s’ils continuent de refuser l’unité politique ou le fédéralisme. Ce serait là la vraie catastrophe qui pourrait frapper le continent. Si l’Afrique, justement, dit que rien ne sera plus comme avant et prend en main son destin, cela pourrait être intéressant.
Aujourd’hui, par exemple, relativement à la posture des 54 pays africains, je trouve que le Président du Sénégal, Macky Sall, tient un discours réaliste et de rupture avec la situation antérieure dans la mesure où il affiche et affirme ouvertement son panafricanisme. Il a raison puisque seule une démarche concertée des pays africains pourrait nous sortir de la situation actuelle. Imaginez n’importe quel pays d’Afrique avec 10 000 personnes contaminées qui ont besoin d’un espace dans les salles de réanimation. Ce serait la catastrophe ! Nous n’avons pas ces moyens.
C’est pourquoi le Président Macky Sall, depuis lors, est en train de prêcher une concertation et une solidarité agissante des pays africains. Les solutions seront certes appliquées sur le plan national puisque le développement de la maladie dans chaque pays se présente différemment, mais l’expertise, le partage d’expériences et de bonnes pratiques doivent être mutualisés et s’opérer au niveau régional et continental.
Certains Chefs d’État africains se sont entretenus récemment par visioconférence ou ont même tenu des sommets. C’est excellent. Je pousserai une telle dynamique jusqu’à souhaiter la tenue urgente d’un « sommet extraordinaire de l’Union africaine par visioconférence ». Chaque Chef d’État devrait y participer et l’Oms en serait l’invité d’honneur, tout comme certaines sommités scientifiques africaines, comme celles du Sénégal, du Maroc, et d’autres pays qui font un excellent travail. Ces savants, chercheurs et médecins africains de classe internationale s’adresseraient aux Chefs d’État et feraient des propositions de réponse africaine solidaire et concertée contre le Covid-19. Il faut critiquer et se démarquer de ce que j’appelle « les chevauchées solitaires de nos États ». Si après le Covid-19 nos États maintiennent le statu quo, retournent à la situation antérieure, cela ne sera plus une chevauchée solitaire, mais une chevauchée suicidaire. Le monde va se reconfigurer, nous laisser sur le quai et continuer de jouir de nos faiblesses auto-infligées et de nos richesses.
Est-ce le seul moyen pour l’Afrique de figurer dans ce que l’on appelle de plus en plus le nouvel ordre mondial ?
Exactement. Il y a un concept qui était apparu il y a 10 ans ou 15 ans et était intéressant : les « New World Global Players » (les nouveaux acteurs de niveau mondial). L’Afrique ne peut pas, avec 54 États nains, balkanisés, émiettés, avec des budgets nationaux équivalant au budget d’une université américaine, faire partie des « New World Global Players ».
Ici, il faut rendre un hommage appuyé et affectueux au président Amadou Mahtar Mbow. Vers la fin des années 70, en sa qualité de directeur Général de l’Unesco, il a mené un combat héroïque pour ce qu’on appelait le Nomi, « le Nouvel ordre mondial de l’information ». Il se disait que tant que les Africains, les Asiatiques, les pays de l’Amérique latine et les autres peuples reçoivent de l’information sur leur réalité, sur leurs problèmes des médias occidentaux, ils auront toujours une image déformée de leur réalité et ils ne pourront jamais transformer cette réalité.
Les Américains ont alors mené une guerre farouche contre lui, beaucoup d’Occidentaux se sont mobilisés contre lui. Cela lui a coûté son poste à l’Unesco. Aujourd’hui, à nos Chefs d’État qui se battent pour « le nouvel ordre mondial », je rappelle la « jurisprudence Mbow » pour leur dire « soyez extrêmement prudents, « ils » vous ont à l’œil, « ils » se battront pour qu’après-Covid-19, « tout change, pour que rien ne change ! » Eux-mêmes prendront en charge le discours sur un nouvel ordre mondial afin d’obtenir un paradoxal « nouvel ancien ordre mondial ». Vigilance, voire vigilance absolue !
Comment rebondir ?
Chaque pays africain, chaque leader africain allant seul, court les risques de ce qui s’est passé depuis 1960. On élimine les leaders qui ont une vision et on nous propulse des leaders qui sont aux ordres et qui acceptent le discours des dominants. Il faut des ruptures paradigmatiques fortes. Il faut courageusement se dire « voilà les paradigmes sur lesquels nous avons fondé et basé le développement de l’Afrique 60 ans après. Le résultat n’est pas reluisant ! » Le progrès a été tellement faible en termes de là d’où nous sommes partis et là où nous voulions arriver. Exactement là où la Corée du Sud et la Malaisie sont arrivées de nos jours en 60 ans. L’éducation n’est pas réglée, l’agriculture, la santé, les infrastructures de base… Nous ne pouvons pas nourrir nos populations. Nous ne cultivons pas ce que nous mangeons et nous ne mangeons pas ce que nous cultivons. Nous sommes les pauvres les plus riches du monde et les riches les plus pauvres du monde. Nos leaders voient alors toutes leurs options se réduire en une seule : rompre avec le paradigme de 1960 (indépendance en solo) et Addis-Abeba, 1963 (apologie de la balkanisation et neutralisation du projet de l’État fédéral africain), et donc, relancer et laisser éclore le paradigme du « destin fédéral de l’Afrique » (Cheikh Anta Diop), en y incluant, bien sûr, l’indispensable diaspora africaine. Or donc, le Covid-19 pourrait être ce « choc fédéral » tant attendu.
Le Chef de l’État plaide pour l’annulation de la dette. Que pensez-vous de ce combat ?
Aujourd’hui, nous taquinons, dans les toutes prochaines décennies, les deux milliards d’habitants en Afrique. On sera, peut-être, la première puissance démographique du monde, en plus d’être le dépositaire de l’essentiel des ressources naturelles du monde. Cela montre la force et la puissance des Africains. La tristesse dans cette affaire, c’est que le monde entier en est convaincu, sauf les Africains eux-mêmes. Maintenant comment faire pour en convaincre les Africains ? Nous sommes potentiellement la première puissance du monde à tout point de vue. Tout ce qui nous manque, c’est de mutualiser, d’aller ensemble et d’arrêter de nous battre les uns contre les autres. Un Chef d’État africain (Macky Sall) se lève et demande l’annulation de la dette de l’Afrique. Sans surprise : qui sont les plus grands adversaires de Macky Sall, aujourd’hui, dans la lutte pour l’annulation de la dette de l’Afrique ? Ce sont des Africains. Ils se sont levés pour dire qu’il faut qu’on se respecte, il faut qu’on soit responsable, il faut assumer nos dettes. Notre opinion est aux antipodes d’une telle perception de la dette. Pour nous, l’Afrique, de l’indépendance à nos jours, a surpayé sa dette. Avec les taux d’intérêt usuriers, on ne fait que repayer, encore repayer, toujours repayer. Maintenant, sachant que les gens vont dire que la dette privée, c’est avec des privés, le Président Sall a bien précisé qu’il parle de la dette publique africaine qu’il souhaite voir annulée purement et simplement ! Même le Président français Emmanuel Macron s’est levé pour féliciter son homologue sénégalais. Et pourtant, ce sont des experts africains qui ont dit « non » à Macron : « Un moratoire ferait l’affaire ». D’après le Président français, ils lui ont donné comme argument que « c’est plus facile et plus rapide à obtenir ». Pendant qu’on agonisait sur la question du « pourquoi une telle attitude ? » d’autres personnalités africaines sont venues à leur rescousse pour défendre « le moratoire et non l’annulation ».
Donc, le mal est africain ?
Le problème est fondamentalement entre Africains. Chaque fois qu’un Africain a une brillante idée, au lieu que les autres Africains se battent pour enrichir la proposition et le rejoindre, ils préfèrent le tirer vers le bas. C’est comme si rien de bon ne pouvait venir d’un Africain. Qui a dit qu’en demandant l’annulation de la dette de l’Afrique que notre pays est en train de bouleverser les règles internationales ? Peut-être que ces règles devraient être bouleversées parce qu’elles sont fondamentalement injustes et nous ont coûté très cher. J’entends des gens dire que ce n’est pas bien puisque les bailleurs vont dire, demain, que ce pays ne respecte pas sa signature souveraine en matière de dette. C’est tellement faux ! Toute l’histoire de la dette, de l’économie des 20 ou 30 dernières années, même après les annulations, les bailleurs sont revenus proposés leurs prêts ou les consentir sans réticence. Parce qu’ils font trop d’argent chez nous, qu’ils peuvent même nous supplier pour nous prêter. C’est faux de nous dire que si le Président Macky Sall demande l’annulation de la dette publique de l’Afrique, cela va décrédibiliser le continent et que les gens vont hésiter avant de nous octroyer, à nouveau, un prêt. Je fais même une hypothèse. Est-ce que certains pays occidentaux qui se sont empressés de soutenir la question de l’annulation de la dette de l’Afrique ne sont pas plus intelligents que ceux qui s’y sont opposés ? Parce que si l’économie de l’Afrique post-Covid-19 s’effondre, elle emportera ses principaux créanciers. Ces derniers n’ont pas intérêt que l’on ferme boutique. L’effondrement des économies africaines, le cas échéant, précipiteraient leurs entreprises et multinationales implantées chez nous dans la faillite et le désarroi. C’est peut-être même une projection intelligente dans l’avenir qu’ils font en se disant qu’il faut leur donner une perfusion pour les maintenir sur pied après le Covid-19. Je ne comprendrai jamais, en tant que citoyen africain lambda, que des bailleurs de fonds créanciers nous disent qu’ils sont intéressés par la discussion sur l’annulation de la dette africaine et que des Africains se lèvent pour dire non : moratoire oui, annulation, non merci !
D’aucuns estiment que dans son combat pour l’annulation de la dette, Macky Sall est en train d’asseoir son leadership à l’échelle africaine…
C’est une affirmation qui a sa pertinence. Mais, dans un autre volet, dès que vous le dites, une mobilisation se forme pour combattre ce leadership. Un leadership, cela vient naturellement, vu le style du Président Sall. Lui-même ne se bombe pas le torse et ne se prétend pas leader de l’Afrique. Je pense qu’il fait le travail naturellement, et beaucoup de ses collègues l’appellent pour requérir son avis sur certaines questions. C’est là où un leadership commence à être accepté et va s’imposer de lui-même. Parce que dans la pratique et dans les faits, les gens constatent que vous avez des idées innovantes et une vision claire. Je crois que l’insistance du Chef de l’État sénégalais sur le fait que notre voie de salut pour les problèmes du contient soit le panafricanisme lui sert, sert le Sénégal, mais sert surtout l’Afrique. Mieux vaut le laisser dans cette dynamique. Un leadership qui émerge naturellement est mieux qu’un leadership qu’on force par des proclamations. Donc, je pense qu’il faut faciliter l’acceptation de ce leadership par ses propres homologues. Pour ce que j’en sais, les leaders africains sont très satisfaits des initiatives et du « style poli et courtois » du Président Macky Sall. Non seulement il a fait des propositions très fortes pour contenir le Covid-19, mais il a fait applaudir notre pays à travers le monde pour notre modèle de gestion de la pandémie, bien qu’il y ait actuellement des débats de remise en cause. J’estime que ce sont des débats sains entre experts. Ce n’est rien de méchant. Mais, en même temps que le Président Sall le faisait pour le Sénégal – je le sais pour en avoir échangé avec lui – son souci était que l’Afrique présente une réponse africaine à cette crise. D’où d’ailleurs l’éditorial signé dans votre quotidien, « Le Soleil », pour présenter « le point de vue d’un Africain ». Il pouvait bien le formuler en point de vue d’un Sénégalais. C’est cela qui est très appréciable.
Pourquoi à chaque fois qu’une solution vient de l’Afrique, elle est accueillie avec des pincettes ?
Effectivement. Si ce qui a été découvert à Madagascar ou dans d’autres pays d’Afrique était sous-traité avec des laboratoires occidentaux discrètement et confidentiellement, le succès allait nous revenir avec des applaudissements. Mais, dès que c’est l’Afrique, cela devient suspect. On pense déjà que nous ne sommes pas assez compétents et que nous n’avons pas des laboratoires et des équipements nécessaires. C’est purement et simplement de la stigmatisation. Maintenant, ce serait une erreur de répondre à cette stigmatisation par des bravades. Par exemple, si on découvrait ici, au Sénégal, que le « niim » ou toute autre plante médicinale pourrait apporter des solutions véritables au Covid-19, je ne pense pas que ce soit un politicien qui doit monter au créneau. Il faut transférer le débat aux scientifiques qui sont de classe internationale et de statut mondial. Alors, laissons à ces gens les résultats des découvertes et laissons les leur donner, en plus du label de l’authenticité africaine, le label de l’authenticité scientifique.
Une telle démarche est préférable tant nous avons tous été témoins, et avec beaucoup de fierté, de la compétence et de la bravoure de notre corps médical devant l’adversité et le danger. Nos soignants sont comme nos « Jambars » qui donnent leurs vies pour la patrie sans « hésitation ni murmure ». Au demeurant, nos médecins, chercheurs et scientifiques, comme tous les Africains talentueux, sont obligés d’être meilleurs parmi les meilleurs » pour être simplement « normaux et traités avec respect ».
par Makhtar Diouf
LE CORAN, LA SOUNNA ET LE CORONAVIRUS
EXCLUSIF SENEPLUS : Nous sommes en droit d’attendre que les partisans de l’ouverture des mosquées dans cette situation de pandémie présentent des versets du Coran et des ahadiss à l’appui de leur position
Voltaire en 1741 intitule une de ses pièces ‘’’Le fanatisme ou Mahomet le prophète’’. Montesquieu dans ‘’L’esprit des lois’’ en
1748 relie le fatalisme à l’Islam : « Cela est dans les décrets de Dieu, il faut donc rester en repos ». L’orientaliste Jacques Berque, dans sa traduction du Coran, a corrigé ces présentations déformées de l’Islam : « Je n’évoque pas ici la tendancieuse accusation de fatalisme que contredisent tant d’appels du Coran à la liberté et à la responsabilité humaine ».
Au Sénégal avec l’éclosion du coronavirus, une dissension est née entre les croyants à propos des lieux de culte : consensus chez les catholiques, mésintelligence chez les musulmans sur l’ouverture ou la fermeture des mosquées. Ce qui n’est pas sans rappeler le problème du fatalisme et du fanatisme qui vont de pair.
Le prophète (psl) exhortait de prier à la mosquée, disant que la prière en
groupe est 25 fois plus bénéfique que la prière faite tout seul, que chaque pas que fait le fidèle entre sa demeure et la mosquée est béni, de même que le temps qu’il reste assis dans la mosquée en attendant la prière. Il a même menacé, sans l’avoir jamais fait, de brûler les maisons des musulmans qui n’allaient pas à la mosquée (Sahih Bukhari, Mouslim). Mais toutes ces prescriptions ont été assorties de dérogations, c’est-à-dire exception à l’application pour cause de force majeure, toutes rapportées par Mouslim (1487-1491) :
En cas de forte chaleur, il recommandait de reculer la prière du milieu de la journée (tisbar). Lorsque le repas était servi, il demandait de manger avant de prier.
En cas d’intempéries (vents violents, pluies fortes …), il déconseillait d’aller à la mosquée. La prière du vendredi à la mosquée est une obligation pour le musulman qui n’a pas d’empêchement majeur, mais le prophète (psl) disait : « Je ne veux pas vous voir marcher dans la boue avec un sol glissant pour venir à la mosquée même pour cette prière». Dans de telles situations, il demandait au muezzin d’ajouter après l’appel à la prière : « Restez dans vos habitations ».
Le prophète (psl) demandait aux maris d’autoriser leurs épouses qui le désiraient, d’aller prier à la mosquée. Mais il conseillait aux femmes de prier à la maison, surtout avec les prières du matin et du soir pour une question de sécurité.
Le prophète (psl) qui recommandait aux musulmans de se dispenser d’aller à la mosquée pour ne pas être incommodés par des intempéries aurait-il demandé de les ouvrir dans une situation de pandémie comme le coronavirus qui peut conduire à la mort ? Les imams sénégalais qui ont fermé leurs mosquées n’ont fait que le suivre.
Lors de prière en mosquée, le prophète (psl) recommandait de serrer les rangs, de ne laisser entre les fidèles aucun espace où pourrait se glisser quelque dissension entre eux. Compte tenu du coronavirus, l’obligation faite de prier en mosquée à la condition de respecter la distanciation sociale fait fi de cette tradition prophétique. Raison majeure ? On accepte la raison majeure à l’intérieur de la mosquée, mais on la refuse en permettant d’y entrer. Et puis, avec la limitation du nombre de fidèles dans la moquée (comment sont-ils choisis ?) qu’en est-il de la frustration de ceux qui sont refoulés ?
Le prophète (psl) a certes dit que la prière en groupe est supérieure à la prière faite individuellement, mais la prière en groupe ne se fait pas uniquement en mosquée. Tout responsable de famille doit aussi être imam dans sa maison. Le prophète (psl) a aussi dit que « les lieux de la terre les plus chers à Allah sont les mosquées » (Mouslim), car c’est à Dieu qu’appartient toute mosquée comme le dit le Coran. Mais il a dit aussi : « la terre entière est une mosquée pour vous ; vous pouvez prier partout où vous vous trouvez à l’heure de la prière » (Mouslim). La prière (salat) figure 67 fois dans le Coran et la mosquée (masjid) 28 fois (sans la kaaba et la mosquée de Jérusalem).
Dans les pays occidentaux où le nombre de morts du coronavirus se compte par milliers, les foyers de propagation ont été des regroupements de personnes au mois de février 2020 : aux Etats-Unis, une cérémonie de mardi gras en Louisiane ; en France, les élections municipales, et une messe protestante à Mulhouse avec la présence de plus de 2 000 personnes ; les matches de football de huitièmes de finale de coupe d’Europe, en Angleterre, Espagne, Italie, France, Allemagne. Ces pays comptent pour plus de 80 pour cent des infections et décès du coronavirus dans le monde.
Le Coran a prévenu : « Et Nous vous éprouverons par un peu de peur, de faim, de perte de biens, de vies, et de récoltes, mais donne de bonnes nouvelles aux patients » (Coran 2 : 155). La patience n’est pas la résignation. Le Coran exhorte à l’action, à la précaution. Ce ne sont pas les versets qui manquent à cet effet :
- Et ne vous jetez pas par vos propres mains dans la destruction (Coran 2 : 195)
- Et ne vous tuez pas par vous-même (Coran 4 : 29)
Ô croyants ! prenez vos précautions … (Coran 4 : 71)
Allah vous veut la facilité et ne vous veut pas la difficulté (Coran 2 : 186)
Allah n’impose à personne ce qui est au-dessus de ses capacités (Coran 2 : 286 ; Coran 23 : 62).
Le prophète (psl) a poursuivi la sensibilisation sur la prise de précaution. Lors de la survenue d’une épidémie de peste, il lance cette mise en garde :
« Si vous êtes informés de l’éclatement de peste dans un lieu, n’y allez pas ; mais si la peste éclate dans un lieu pendant que où vous y êtes, ne le quittez pas (Boukhari, Mouslim) ».
C’est ainsi que le khalife Omar (rah), sur son chemin vers Cham (la Syrie) avec sa cavalerie, apprenant que cette région est infestée par la peste, fait demi-tour (rapporté par Mouslim).
Lors d’une épidémie, les autorités médicales conseillent d’éviter la transmission du virus d’une personne infectée à une personne saine. Le prophète (psl) ne dit rien de différent :
« Que celui qui croit en Allah et au jour dernier ne dérange pas son voisin » (Bukhari)
- « N’entrera pas au paradis celui qui inflige un tort à son voisin » (Sahih Mouslim n° 74, rapporté par Abou Huraira) ». Le terme utilisé dans le texte arabe est bawâ’iq traduit par le lexicographe anglais William Lane en ces termes : calamité, désastre, malheur, gêne… tout ce qui peut incommoder une personne pour lui rendre la vie difficile.
Selon le Coran, une calamité comme la pandémie peut survenir dans un monde et à une époque de perversité où l’on a oublié Dieu. Cette calamité se présente comme un démon, un compagnon dont personne ne veut. Et alors chacun pourrait dire :
« J’aurais aimé qu’il y ait entre toi et moi la distance séparant l'Est et l'Ouest ! Quel mauvais compagnon tu es ! » (Coran 43 : 38).
Le coronavirus est bien un compagnon dont personne ne veut, surtout qu’on ne le voit pas. C’est pour cela qu’il est recommandé la distance sociale entre les individus. Les lieux de culte (mosquées, églises …) sont des lieux appropriés de promiscuité entre les fidèles, avec forte propagation de virus. Au Sénégal, les musulmans qui s’opposent à la fermeture des mosquées s’en remettent à Dieu. Tout croyant s’en remet à Dieu, mais « Attache ton chameau, et place ta confiance en Allah ».
« Attache ton chameau, et place ta confiance en Allah ». Selon Anas ibn Malik, c’est un hadîss rapporté par At Tirmidji (sounan 2517) : il est tenu par le Prophète (psl) à un homme qui lui demande s’il peut entrer dans la mosquée et laisser son chameau libre. Il lui est ainsi enseigné que l’Islam n’a rien à voir avec le fatalisme, que le tawakul mentionné dans le Coran (distingué de tawaakul ) c'est-à-dire le fait de s’en remettre à Dieu, n’exclut pas la prise de précaution.
Le prophète (psl) en a donné l’exemple. Lorsqu’il décide d’émigrer à Médine, il prend toutes ses précautions, préparant son voyage méticuleusement dans le secret, demandant à Ali (rah) de dormir dans son lit, prenant un guide sûr, un compagnon sûr Aboubakr (rah) qu’il rassure. se basant sur ce verset : Une fois que tu as pris ta décision, place ta confiance en Allah (Coran 3 : 159). La prise de précaution précède la prise de décision.
Si les lieux de culte n’avaient pas été fermés ces derniers temps, le nombre d’infections et de décès aurait été beaucoup plus important. Des croyants infectés du coronavirus sans s’en rendre compte en auraient contaminé d’autres. La comparaison ne s’impose pas avec les épidémies de peste ou de grippe du passé ; celui qui en était atteint se savait malade et n’allait pas dans un lieu de culte qu’il n’était d’ailleurs pas besoin de fermer. Le problème avec la pandémie actuelle, comme nous le disent les spécialistes, est qu’une personne peut porter le virus sans se sentir malade.
Dans une période sans endémie, si une horde d’abeilles envahit une mosquée, personne ne voudra y entrer tant qu’elle n’aura pas été complètement désinfectée. Pourtant, une piqure d’abeille, même si elle peut être mortelle ne se transmet pas.
D’ailleurs, la fermeture des mosquées n’est en aucun cas définitive. Elle dure le temps que la pandémie soit maîtrisée. Les mosquées fermées restent en fait bien vivantes avec les appels à la prière (azann) qui y sont faites cinq fois chaque jour. Le azann est un condensé remarquable de l’enseignement de l’Islam : il contient les deux premiers piliers de l’Islam, et la wahdâniya (unicité de Dieu).
Cela dit, nous sommes en droit d’attendre que les partisans de l’ouverture des mosquées dans cette situation de pandémie présentent des versets du Coran et des ahadiss à l’appui de leur position. Même si nous la respectons.
Le verset (Coran 2 : 114) Y a- t-il plus injustes que ceux qui empêchent d’évoquer le nom d’Allah dans Ses mosquées et visent à les détruire ? n’a rien à voir avec la fermeture de mosquées en cas de force majeure et encore moins avec l’intention de les détruire. Le verset s’adressait aux païens idolâtres qui voulaient empêcher l’accès de la kaaba aux musulmans. Les appels à la prière qui sont maintenus lors de la fermeture des mosquées en cas de danger évoquent le nom d’Allah et font plus.
En cette occasion et en cette fin du mois béni de Ramadan au Sénégal surtout, il est opportun de rappeler ce propos du prophète (psl) :
‘’ J’ai demandé au Seigneur trois choses. Il m’a accordé les premières. Je Lui ai demandé que ma oumma ne soit pas détruite par la famine, Il me l’a garanti. Je Lui ai demandé que ma oumma ne soit pas détruite par des calamités naturelles, ni par une occupation étrangère, Il me l’a garanti. Je Lui ai demandé que ma oumma ne s’entredéchire pas, Il ne me l’a pas garanti ».
C’est peut-être, contrairement aux apparences, ce qui participe à ce renforcement de l’Islam partout dans le monde.
PS : C’est la tradition de rédaction en langue anglaise sur l’Islam qui a imposé la formulation hadîth (le th terminal anglais se prononce ss). Ce texte étant en langue française, il est plus logique d’écrire hadîss au singulier, ahadiss au pluriel.
par Siré Sy
MACKY ET LES JOURNALISTES
EXCLUSIF SENEPLUS - Pape Djibril Fall est parti pour être contre Macky Sall, ce que Latif Coulibaly et Souleymane Jules Diop fussent contre Abdoulaye Wade
Si Macky n’était pas géologue, certainement, il serait devenu un journaliste. N’est-ce pas ? Macky et les journalistes, c’est une longue histoire. Tantôt à crédit. Tantôt au débit. Mais toujours en équilibre. Comme ‘’il est Midi’’, ce beau temps qu’il fait toujours, au beau milieu de la journée. Tout en équilibre entre le jour et la nuit. Une certaine opinion disait que le président Macky Sall s’est fait entourer tellement de journalistes et de communicants en ce qu’il y avait d’aussi brillant (Hamidou Kassé, Abou Abel Thiam, Racine Talla, Abdou Latif Coulibaly, Souleymane Jules Diop, Madiambal Diagne, Yakham Mbaye, Mamadou Thiam, etc.) que ses pourfendeurs les plus virulents ne pourraient pas venir de la presse et des médias. Que nenni. En période électorale, c’est Ousmane Sonko qui empêche le président Macky Sall et son régime, de dormir du sommeil du juste. Exit le temps électoral, arrivent le temps politique et le temps médiatique. Et si tant est qu’il n’en ait jamais eu, ce sont, hélas, des journalistes, tout aussi brillants que les journalistes partisans et militants au régime de Macky Sall, qui empêcheraient le calme et le répit dans le maquis. Ils ont pour noms, Adama Gaye, Pape Alé Niang et Pape Djibril Fall.
Pape Alé Niang, le Chroniqueur ‘’critiqueur’’
Pape Alé Niang, dans le registre de la contestation et des attaques, est à l’image du noble charbonnier, chiffonnier et démineur. C’est lui qui va au front, descend dans les entrailles de la terre, pour dénicher les sujets à polémique. Même s’il ne se déclare pas organiquement militant de Pastef, à son corps défendant et à travers les actes qu’il pose, on pourrait dire que politiquement, ‘’Sonko est le plus grand bénéficiaire du travail de Pape Alé’’. A défaut d'être militant organique de Pastef, Pape Alé semble nourrir une certaine sympathie pour Ousmane Sonko. Toutefois, Pape Alé Niang est aussi dans le fond, dans son corpus et dans son argumentaire de contestation et d’attaques tous azimuts. Pape Alé s’interroge et nous interroge. Avec un verbe piquant et incisif. Dans ce Sénégal où parfois, des personnes laissent sortir de confuses paroles et posent souvent des actes difficilement explicables. Pape Alé Niang fait de la contestation sur pièce et sur place. Dans ses attaques tous azimuts, Pape Alé est dans la communication (le lien) quand le gouvernement est dans l’information (le message). Et c’est en cela que Pape Alé fait mouche dans chacune de ses sorties. Et pour réduire le gap creusé par Pape Alé, le gouvernement gagnerait à élever ses mots mais pas sa voix (disait Jalal Ad-Din Rûmi) parce que ‘’c’est la pluie qui fait grandir les fleurs, pas le tonnerre’’, enseignait Rûmi.
Pape Djibril Fall, le verbe en chantant
Pape Djibril Fall est la nouvelle coqueluche des téléspectateurs sénégalais et la nouvelle attraction à la télé au Sénégal. Dans l’espace audiovisuel, à chaque période, sa nouvelle figure et les Sénégalais aiment le nouveau, l’écarlate, le croustillant et l’étincelant, comme
l'est Pape Djibril Fall. Depuis un certain temps, le débat politique public s’est appauvrit. Il tourne autour d’un ordre du discours dénonciateur sans force de perspectives et d'espérances collectives (Opposition) et un ordre du discours de type message (information) sans croisement fertile, ni relations et ni mise en perspective pour nourrir et tisser le lien. Pape Djibril Fall fait du journalisme révolutionnaire : rebelle, originalité et imprévisibilité. Avec de (belles) idées devant la tête et un talent d’athlète du verbe…
Petit retour vers le futur. Au Sénégal, le journalisme (privé) est né et s'est nourri aux origines, dans une forme de conflictualité diffuse avec le pouvoir politique – quel que soit celui qui l’incarne -. Au point que dans l’imaginaire collectif, le ‘’bon journaliste’’ serait celui qui est dur et critique avec et envers le régime en place. N’importe lequel. En tout temps et en tout lieu. Le métier de journaliste et la profession de journalisme au Sénégal, sont fortement traversés et nourris par les idéaux de la Gauche, au point qu’en face du pouvoir, le journalisme doit choisir son camp qui ne saurait être que celui de la contestation et des attaques, celui de la sentinelle et de la vigie. Parce que le pouvoir et ceux qui l’incarnent, dans un imaginaire collectif et par un subconscient tenace, seraient par excellence, contre le peuple et seraient dans les combines et dans les calculs d’épiciers du dimanche, ne seraient pas de vrais patriotes, ont une courte vision des défis et ne seraient pas tout à fait au fait des véritables enjeux. Waw....! A l’époque, le journalisme était une stratégie de la Révolution qui elle-même reposait sur le triptyque : le Maquisard, le Guérillero et le Journaliste. Quand le Maquisard et le Guérillero traquent les corps ennemis par les armes, le Journaliste s’arme de sa plume et s’attaque aux esprits, en les travaillant corps à corps.
Et c’est sur cette vague que Pape Djibril Fall surfe et réussit si brillamment par son élégance dans sa posture, dans son éloquence dans le verbe et dans la suite dans ses idées. Depuis le repli stratégique d'un certain Abdou Latif Coulibaly et un abandon de combat d'un certain Souleymane Jules Diop, les consommateurs de produits, biens et services politiques, guettaient un nouveau messie. Car, la nature a horreur du vide. Et le vide fait le talent, dit-on. Et Pape Djibril Fall est parti pour être contre Macky Sall, ce que Latif Coulibaly et Souleymane Jules Diop fussent contre Me Wade. Pape Djibril est encore un verbe en chantant, un sophiste, et il a de la marge et le talent pour devenir philosophe. Le Sophiste convainc sans avoir raison et le philosophe cherche les chemins de la vérité. Parce que la critique est facile, mais l'art est difficile.
Siré Sy, Think Tank Africa WorldWide Group
par Souleymane Jules Diop
ÉPÎTRE À MON AMI ABDOURAHMANE SARR
EXCLUSIF SENEPLUS - Il n’existe pas de pays pauvres très endettés pour la bonne raison que ce sont les riches qui prêtent et ils ne prêtent pas aux pauvres. Quand ils le peuvent, ils les rançonnent
Tu sais jusqu’à quel point je te tiens en estime. Tu es, à n’en pas douter, un homme d’une grande stature intellectuelle et il m’est arrivé souventes fois, de faire appel à ton jugement en des matières relevant de ton domaine, l’Economie. Je pense que tu as été, de nous tous - n’en déplaise à tes contempteurs - celui qui a le plus influencé et donné de la crédibilité à notre marche vers une souveraineté monétaire, dont les premiers jalons viennent d’être posés.
Nous avons eu de longs échanges sur ces points qui longent ton curriculum. Je me suis rendu en ta résidence pour te les voir évoquer et j’en suis toujours revenu comblé, comme une abeille savourant son nectar.
En revanche, je te trouve, sur la question de la dette, d’un absolutisme qui frise l’arrogance et qui trahit ce que tu es vraiment : un homme à qui il a parfois manqué de la nuance, mais un homme ouvert quand même. Or, de la nuance, c’est ce que tu devrais apporter au jugement sévère que tu portes sur le texte de l’ancien Premier ministre Mohamed Dionne.
Que dit-il finalement ? Que nous sommes dans une crise (une guerre pour d’autres) et qu’il nous faudrait trouver le moyen de relancer nos économies par l’investissement public, après avoir financé cette sale guerre qui nous prend nos vies. En somme, nous devons faire du keynesianisme en 2020, dans un contexte de décapitalisation (les investisseurs ont retiré 90 milliards de dollars des marchés émergents). Nous ne pouvons le faire jusqu’ici (ou avons pensé pouvoir le faire) qu’en empruntant aux autres ou en taxant nos propres concitoyens. Leur reprendre par une main ce que nous leur avons donné par l’autre, au risque de soulèvements populaires, de licenciements massifs et de crises sociales. Cette dernière hypothèse nous semble inacceptable, parce qu’elle est injuste. Or donc, si les conditions de l’emprunt (que les citoyens paieront en dernier ressort par des impôts futurs) n’ont jamais été aussi favorables, nous ne pouvons y recourir sans remettre en cause nos grands équilibres et dégrader notre notation.
Au demeurant, les pays de notre espace économique et monétaire ne pourront plus respecter les critères de convergence hérités arbitrairement, tu le sais bien, de Maastricht. Y aurait-il une troisième voie ? C’est ce que Mohamed Dionne appelle « un troisième moyen terme ». Son inférence est donc nouvelle, tout comme la conclusion à laquelle il parvient. Il nous faut, dans un premier temps, accorder un moratoire aux pays africains pour que les ressources allouées traditionnellement au service de la dette servent à des besoins urgents dans les secteurs de la Santé, en soutien aux entreprises et aux ménages.
Ensuite, requalifier cette dette pour qu’elle ne devienne pas un frein à la relance de notre Economie. Il est devenu évident, pas seulement pour le Sénégal, mais pour le monde entier, mon cher Abdourahmane, qu’une réponse définitive doit être apportée à la question de la dette. En 2008, beaucoup de pays se sont endettés pour renflouer les banques et les grandes entreprises. Ce sont les contribuables qui ont finalement payé à la place des financiers, économistes qui ont promu et théorisé le laissez-faire dévastateur. En France, des acteurs politiques de premier plan posent avec pertinence la problématique d'une dette, de toutes les façons, impossible à payer par les Etats !
Les dettes des pays vont à nouveau exploser parce qu’il faut financer la « guerre » et financer la reprise. Bien avant la pandémie, le monde avait déjà un niveau d’endettement qui dépassait largement le PIB mondial. De nombreux pays ont dépassé les 100% de leur dette rapportée à leur PIB. Le Japon a dépassé les 200% suivi de pays comme l’Italie (150%), la France (115), les Etats-Unis dans les mêmes proportions.
Le débat sur la dette, mon cher Abdourahmane, devrait être abordé autrement. C’est une réflexion qui m’est venue quand Idrissa Seck, dont j’étais le conseiller, s’est félicité fièrement il y a bientôt 20 ans, du « point d’achèvement de l’initiative Pays pauvres très endetté. Il n’existe pas de pays pauvres très endettés pour la bonne raison que ce sont les riches qui prêtent et ils ne prêtent pas aux pauvres. Quand ils le peuvent, ils les rançonnent. Tous les pays très endettés sont des pays riches, figure-toi. Ensuite, aucun pays riche, en dehors de ceux qui vivent de rente pétrolière comme la Norvège, les pays du Golfe, qui sont créditeurs, ne s’est développé sans avoir eu recours à la dette.
A ce sujet, ton jugement selon lequel notre pays a accumulé un stock de dette sans résultats n’est pas juste : malgré les critiques bien justifiées sur nos choix en matière d’orientation, d’investissement, nous sommes plus riches que nous l’étions en 1960. Alors que nous n’étions qu’un million et que nous en faisons maintenant 15, nous sommes devenus plus riches en routes, en autoroutes, en infrastructure, en outils de production, en écoles, en universités, centres de formation, en entreprises, en entrepreneurs prospères et bientôt en rente gazière et pétrolière. En 1960, le goudron était une rareté et la voiture, un luxe réservé à de riches hommes.
Pour en revenir au sujet qui nous occupe, il va de soi que les Etats ne pourront jamais payer leurs dettes. Que faudrait-il faire ? Entrer dans un cycle de son remboursement par l’émission de nouveaux titres de dette ? Ou préconiser une solution durable comme celle qu’expose fort éloquemment Mohamed Dionne ?
Le vrai débat, celui qui doit nous occuper a été bien posé dans le cadre du PSE. Il nous faut créer les conditions d’une transformation structurelle de notre Economie, générer assez de valeur ajoutée dans nos secteurs les plus productifs, pour produire plus de richesse, taxer cette richesse pour faire face à nos besoins en développement et payer nos dettes.
Ce que la proposition de Mohamed Dionne a de pertinent, et il me semble que tu le restitues de manière injustement biaisée, c’est qu’elle apporte une réponse à une situation de pure aporie : les besoins urgents sont là, il faut les financer ; les intérêts de la dette sont échus, il faut les payer.
En ce qui me concerne, mon point de vue sur la question n’est pas d’ordre économique, il est moral. La dette des pays africains s’est constituée à partir du début des années 70, avec ce que Senghor a appelé « la détérioration des termes de l’échange ». Les règles imposées par les grandes puissances ont appauvri nos paysans et réduit au quart nos capacités budgétaires. Nous étions peu industrialisés, peu monétarisés pour faire face à une situation qui nous était imposée après trois siècles d’esclavage et un siècle de colonisation. Ensuite, les plus grandes victimes ont été les populations, pendant une longue période dite d’ajustement, qui a été une longue période de crises politiques et syndicales successives, parce que les populations ont légitimement refusé de se voir imposer le dictat du Club de Paris. Pourquoi les populations devraient-elles payer une dette à laquelle elles n’ont pas consenti et qui compromet tous leurs moyens de vivre ? Et en quoi demander son annulation peut-elle à ce point irriter ?
Mon cher Abdourahmane, il ne s’agit donc pas se ré-endetter comme tu sembles l’indiquer (ce sur quoi je suis d’accord avec toi). Il s’agit de se ré-endetter dans des conditions plus équitables pour des investissements dans des secteurs porteurs de notre économie, et rompre ainsi la chaîne de la dépendance aux facteurs exogènes qui nous inhibent.
Des économistes de votre trempe devraient justement faire preuve de courage en imaginant le monde d’après Covid, qui ne peut plus être celui d’avant, en rompant avec les paradigmes anciens. C’était le génie de Keynes de créer les conditions de la mise en place de l’Etat providence après la seconde guerre.
Le monde que nous imaginons doit être plus juste. Le PSE nouveau doit garder pour principale ligne directrice la réduction du gap entre riches et pauvres, villes et campagnes, réinventer les modalités de son financement, avec un rôle plus assumé de l’Etat dans ce domaine. C’est ce que nous avons voulu faire avec ce que j’ai appelé les 5P : Pse, Pudc, Promoville, Pumaf, Ppdc.
Et si le philosophe que je suis se mêle à ce débat d’initiés, c’est que vous êtes, Mohamed et toi, adeptes d’une discipline dont je conteste la dignité scientifique. Plus qu’une science qui a élaboré ses mécanismes de validation et de transmission, l’Economie est une pensée. Il existe chez vous comme chez les philosophes, des débats d’écoles et de pensée toujours remises en question.
Il s’y ajoute que les deux contemporains qui ont le plus marqué et infléchi vos méthodes d’analyse et vos moyens d’intervention n’ont rien à voir avec l’Economie. L’un est chimiste de formation, c’est Margaret Tatcher ; l’autre acteur de cinéma, c’est Ronald Reagan. Ils sont les deux parents de la « New Public Governement », que tu as dû approfondir lors de ton passage remarqué à Harvard. Nous sommes, Mohamed Dionne et moi, disciples d’un homme qui y a enseigné la philosophie politique jusqu’à sa mort en 2002. Il s’appelait John Rawls, auteur de « Justice as equity ».