Franceinfo Afrique a recueilli le témoignage de Momar Fall, président de l’Association Les petites gouttes. Il dénonce la complicité de toute la société sénégalaise qui ferme les yeux sur la détresse des enfants-talibés maltraités..
Franceinfo Afrique |
Martin Mateso |
Publication 24/11/2019
Ils sont estimés à 100 000 par les experts indépendants du Comité des droits de l’homme de l’ONU, qui ont tiré la sonnette d’alarme début novembre 2019. Un chiffre effrayant, mais tout à fait crédible pour Momar Fall, président de l’association Les petites gouttes, qui leur apporte un peu de réconfort depuis cinq ans. Des Sénégalais de la diaspora et ceux vivant au pays se sont mobilisés depuis 2014. "Nous voulons apporter notre modeste contribution", explique Momar Fall, révolté par la détresse de ces milliers d’enfants, tombés entre les griffes de marabouts sans scrupules.
"Ces enfants sont devenus comme des animaux qui errent. Ils vivent dans des abris délabrés et doivent remettre l'argent qu'ils mendient à leurs marabouts sous peine d'être punis. On a vu des cas où le marabout frappe l'enfant jusqu'à la mort" - Momar Fall, président de l'association Les petites gouttes à franceinfo Afrique.
Dans les écoles coraniques, où ils sont censés recevoir une éducation religieuse, des milliers d’enfants-talibés, âgés d'à peine cinq ans, sont forcés à mendier. Ils se lèvent à l’aube pour descendre dans la rue avec une mission bien précise : rapporter à leur maître des quotas journaliers d’argent sous peine d’être battus et parfois enchaînés en cas de refus.
"Les parents sont dans l’abandon"
"C’est une tragédie qui mérite d’être traitée en urgence absolue", confie à franceinfo Afrique la psychologue sénégalaise Aminata Mbengue. Malheureusement, constate-t-elle, l’Etat sénégalais "brille par son incompétence", tout comme les parents de ces pauvres malheureux, qui ferment les yeux sur la détresse de leurs propres enfants.
"Certains enfants n’ont pas de nouvelles de leurs parents depuis des années. Et s’ils fuguent pour retourner dans leur famille, certains parents les renvoient à leurs bourreaux. Les défaillances des parents entretiennent aussi cette traite. C’est tellement révoltant", s’insurge la psychologue sénégalaise. Elle décrit des enfants qui se retrouvent en bandes, en rupture familiale.
Des enfants qui se shootent comme pour se couper de la réalité. Comme pour s'anesthésierAminata Mbengue, psychologue sénégalaiseà franceinfo Afrique
Le président de l’Association Les petites gouttes, Momar Fall, explique à franceinfo Afrique que la paupérisation des campagnes sénégalaises a draîné un flot de plus en plus important de ruraux vers la capitale. Et avec eux, des marabouts peu scrupuleux, en quête d’argent facile, ont pris les enfants talibés en otages. Ils sont malmenés, privés de tout et finissent généralement à la rue. C’est là que Momar Fall et ses amis, tous bénévoles, vont les trouver pour tenter de les ramener à la vie.
"Nous leur apprenons à lire et écrire. Nous prenons en charge leurs soins de santé. Et au lieu d’aller mendier pour leurs repas de midi et du soir, nous avons mis en place un réseau de femmes dans les quartiers, où les enfants peuvent récupérer gratuitement leurs repas. Ça veut dire que le reste du temps, ces enfants restent dans les écoles coraniques pour apprendre le coran ou d’autres cours. Nous avons signé pour cela, une charte avec leurs marabouts", explique-t-il.
"Un mal chronique qui se nourrit de nos lâchetés"
Grâce aux cotisations des membres et aux dons des particuliers, son association suit aujourd’hui quelque 185 enfants-talibés répartis dans quatre écoles coraniques. Pour lui, il faut mettre fin à la politique de l’autruche pour sauver ces milliers d’enfants voués à la déchéance. Comment peut-on rester insensible face à une telle tragédie ?, lance Momar Fall à ses compatriotes. Il appelle les autorités sénégalaises àréglementer le fonctionnement des écoles coraniques et à faire respecter la loi qui interdit la mendicité des enfants. Et il n’est pas le seul à sonner la mobilisation générale. Sur les réseaux sociaux, de plus en plus de Sénégalais dénoncent "un mal chronique qui se nourrit de nos lâchetés et de nos hypocrisies".
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YANCOUBA DIÉMÉ, D'AULNAY-SOUS-BOIS À DAKAR
C'est un jeune auteur qui raconte dans Boy Diola, l’histoire du papa né dans une forêt de Casamance au Sénégal et qui aura fait en 1969 le grand voyage de ceux qu’on appelle aujourd’hui les brûleurs de frontières
Il peut être fier, le papa. Fier de son fiston né en 1990 en banlieue parisienne, (donc dans le béton, la cité des renois, le foot et le rap).
Mais Yancouba Diémé, 29 ans, peut regarder la France dans les bleus et dans les yeux. Diplômé du master de création littéraire de l’Université Paris 8, il est aussi un jeune auteur Flammarion qui raconte dans Boy Diola l’histoire du papa, né dans une forêt de Casamance au Sénégal et qui aura fait en 1969 le grand voyage de ceux qu’on appelle aujourd’hui les brûleurs de frontières. En Sol Majeur vous conseille de lire ce premier roman en mâchonnant des feuilles d’ekangouléye (vous vous débrouillez), roman où on peut lire page 87 : «l’école organise une sortie. Tous les élèves payent, sauf moi. Premier en classe mais dernier à payer...»
L’exemple tanzanien aurait pu ou dû venir du Sénégal ou de tout autre pays, à travers le monde, où journalistes et autorités gouvernementales veulent que le journalisme ne se pratique que par ceux qui sont formés (« sur le tas » ou à une école formelle) pour exercer cette profession. En effet, en Tanzanie, le gouvernement interdit désormais que les organes de presse recyclent en journalistes des disc-jockeys et comédiens. C’est comme si, en plus de vouloir mettre fin à l’exaspérant mélange des genres, des professions, des compétences et spécialités, les autorités étatiques tanzaniennes avaient voulu faire un clin d’œil à leurs homologues sénégalaises. « Ceux qui ne tiennent pas compte de cet avertissement se verront infliger une amende ou se verront retirer leur licence comme le stipule la loi », a déclaré la Tanzania Communications Regulatory Authority (Tcra) dans un avis publié dans le journal gouvernemental Daily News.
Un appel du pied qui aurait été bien légitime et bienfaisant, tant il y a tout dans le paysage médiatique sénégalais, vraiment tout ; ce tout-venant transformé en journalistes : un rôtisseur, un vendeur, vigiles, vendeurs d’équipements sportifs… Ne parlons même des griots – petits et grands - dont a fini par croire qu’ils sont les seuls à pouvoir parler avec pertinence et commenter des combats de lutte traditionnelle sénégalaise – avec frappe ou sans. Nous avons eu à parler, dans cette chronique, de « gilets jaunes de la presse » par allusion à ce vrai gilet jaune de France recruté par une chaîne de télévision.
La désinvolture et le laxisme avec laquelle on recrute dans la presse sénégalaise, surtout audiovisuelle, aboutit à une banalisation de la profession et fait à l’idée qu’il n’y a pas à une aptitude particulière pour être journaliste. Ceux qui font peser le sentiment de doute et de prévention sur la profession sont ceux qui y ont fait leur entrée, avec des profils des plus fantasques et, quelques fois, avec niveau d’instruction Bac -6. Exagération ou pas. Certains ont été recrutés par de respectables journalistes, parce qu’ils feraient de l’audience – sur les chaînes de radios et de télévision. Et c’est cette engeance qui échappant à ceux qui les ont cooptés, deviennent des monstres tordant le cou à l’éthique et à la déontologie du journaliste. Autrement dit, ils sont des créatures du Docteur Frankenstein. Des monstres incapables de s’interroger sur leurs propres méfaits, parce que ne suivant, sans scrupules, les intérêts illégitimes que le journalisme leur a ouverts.
Que reste-t-il à faire ? Peut-être tenir ce que le formateur en journalisme et fort respecté Mame Less Camara appela, pour d’autres circonstances, « le bal des Guinéens », une soirée où quand il y a trop de resquilleurs, on coupe la musique, met tout le monde dehors, puis on vérifie les entrées régulières.
Parions que le pas encore entré en vigueur « Nouveau code de la presse sénégalaise » va introduire cet assainissement d’une profession qui en a tant besoin. L’entrée en vigueur d’une carte d’identité des journalistes professionnels devrait être cet outil de régulation qui circonscrirait les usurpations. En effet, de toutes les professions du monde, le journalisme est une des plus usurpées. La solution devrait être conjointe, car autant, elle doit être prise par les autorités comme en Tanzanie, autant il est attendu des journalistes une collaboration franche et, peut-être, un engagement à plus de rigueur et de fermeté dans le travail de définir qui est journaliste et qui est Dj ou comédien. Il y a quelque trois à cinq ans, j’avais entendu sur une radio dakaroise un comédien professionnel se plaindre de ce que des journalistes, notamment des présentateurs de la revue de presse, viennent usurper leur art dans leur manière et manie de présenter le « Journal des journaux ». Un grief qui ne serait pas sans pertinence aux oreilles de ceux qui se navrent de ce qu’ils appellent « la théâtralisation de la revue de presse ».
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OBJECTION AVEC MASSOKHNA KANE
Le président de SOS Consommateurs, est l'invité de Baye Oumar Guèye
Massokhna Kane, avocat et présient de SOS Consommateurs, est au micro de Baye Omar Gueye de (Sud Fm) dans l'émission Objection.
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DIANOBI AVEC MODOU FALL
Le président de la Fédération Nationale des Organismes Privés stockeurs et Transporteurs (FENOPS-T), fait le tour de l'actualité au micro de Maodo Faye, dans l'émission dominicale en Wolof
Modou Fall est au micro de Maodo Faye dans l'émission dominicale "Diano-bi" (Wolof) sur Sud FM.
"BORIS A MÉJUGÉ BACHIR"
Felwine Sarr est revenu ce week-end sur les empoignades qui ont oppoé,, il y a quelques mois, Boubacar Boris Diop et Souleymane Bachir Diagne sur SenePlus à propos de Cheukh Anta Diop
Felwine Sarr, écrivain, philosophe et économiste, est revenu sur les empoignades intellectuelles opposant, il y a quelques mois, le littéraire Boubacar Boris Diop au philosophe Souleymane Bachir Diagne à propos de la paternité du Carbone 14 de l'historien Cheikh Anta Diop. Et c'est pour affirmer que "Boris a méjugé Bachir".
Invité de l'émission Jury du dimanche d'iradio, Sarr raconte: "Le jour où l'article de Boubacar Boris est sorti, j'étais en train de travailler sur un ouvrage collectif pour un atelier de la pensée, et ça portait sur un article que Bachir avait publié 6 mois avant où il réfléchissait sur la pensée de l'identité et du devenir. Et dans ledit article, il a écrit des pages admirables sur Cheikh Anta".
Le professeur en économie à l'Université Gaston Berger pense également que "pour critiquer quelqu'un, il faut le lire dans la durée, on regarde tout ce qu'il a dit sur l'individu. Ce n'est pas un article, une interview qui vont résumer sa pensée".
Felwine Sarr, qui compte par ailleurs rencontrer son "ami" Boris, au mois de janvier prochain en terre égyptienne, pour discuter de la question, révèle dans la foulée que Diagne et Diop sont de "grands intellectuels" qui gardent de bons rapports.
« CETTE RESTITUTION NOUS OBLIGE À REDISCUTER D’EL HADJI OMAR »
Les circonstances de la disparition d’El Hadji Omar restent à être élucidées, selon Femwine Sarr, invité du Jury du dimanche (JDD), de Mamoudou Ibra Kane, sur iRadio et Itv, ce 24 novembre
« Le vrai sabre d’El Hadji Oumar Tall se trouve à Bandiagara, et il n’avait pas qu’un seul sabre. » « Il n’avait même pas de sabre » ! La polémique enfle suite à la restitution du sabre d’El Hadji Oumar Tall, dimanche dernier, au palais de la République, par le Premier ministre Français Edouard Philippe, au président Macky Sall, en présence de Felwine Sarr, auteur du rapport, avec Benedicte Savoy, sur la restitution du patrimoine culturel africain.
« Je trouve que le débat que cela pose est un débat d’historiographie, tranche ce dernier, invité du Jury du dimanche (JDD), de Mamoudou Ibra Kane, sur iRadio et Itv, ce 24 novembre. Pour moi, c’est important de le dire à la lumière de l’histoire générale du Sénégal. Et pourquoi, c’est important d’avoir une historiographie sénégalaise. C’est une question historique qui a été traitée par plusieurs sources. Il y a des historiens américains qui ont travaillé dessus, des historiens sénégalais, ouest-africains, français. Et, on a une documentation extraordinaire sur le 19e siècle ouest-africain. Et ce moment-là où il y a la conquête d’El Hadji Oumar Tall, et la pénétration coloniale. L’historiographie que nous on retient, parce qu’on a lu beaucoup de sources, on en a fait des synthèses, on a recoupé, à un moment donné, il y a des versions que tu lis mais que tu n’arrives pas à attester par d’autres, et on travaille pour être en mesure de recouper des sources et de voir ce qui est le plus plausible. Parce que, la science dit que la vérité que nous avançons est une vérité qui dit sur quoi elle se fonde. ’’Nous savons, et comment nous savons’’. J’ai été voir la famille omarienne à la Médina parce que la famille avait entrepris depuis 1993, (pour que le sabre revienne). Est-ce que El Hadji Omar avait un ou plusieurs sabres, je n’en sais rien. Probablement ! On aurait pu dire un sabre d’El Hadji Omar plutôt que le sabre. La famille considère qu’El Hadji Omar avant d’aller à cette bataille de Bandiagara en 1864, avait confié à son fils Ahmadou ce sabre ».
Les circonstances de la disparition d’El Hadji Omar restent à être élucidées, indique le chercheur. Qui retient que « cette restitution nous oblige à rediscuter d’El Hadji Oumar Tall ».
Pour rappel, le sabre en question a été emporté comme butin de guerre par le Colonel Louis Archinard, après avoir vaincu Ahmadou à Ségou.
LE MARIAGE À LA DÉRIVE
La société sénégalaise évolue, en intégrant de nouvelles réalités qui étaient, jusque-là, inconnues de beaucoup de citoyens. C’est l’exemple des pratiques comme le Takkou Souf, le ‘’Taara’’ ou encore le Bara Yeggo
Il est connu que la religion musulmane, tout comme le code de la famille du Sénégal autorisent la polygamie limitée à 4 épouses. Cependant, certains hommes font comme bon leur semble. Les uns optent pour la monogamie et finissent parfois dans la polygamie avec des unions en cachette ou Takkou Souf. Tandis que les autres, polygames, épousent des femmes au point de dépasser les 4 épouses légitimes. Celles qui viennent après ces 4 légales sont ainsi appelées Taaras. Il existe encore ceux qui répudient leur femme à volonté et qui se voient, après trois divorces, obliger de manœuvrer pour se réconcilier avec des Bara Yeggo. Autant de pratiques qui dévoient le mariage sénégalais.
La société sénégalaise évolue, en intégrant de nouvelles réalités qui étaient, jusque-là, inconnues de beaucoup de citoyens. C’est l’exemple des pratiques comme le Takkou Souf, le ‘’Taara’’ ou encore le Bara Yeggo. Des phénomènes qui semblent prendre de l’ampleur, au point que le Khalife général des Tidiane, ait jugé nécessaire de dénoncer la dépravation des mœurs, à travers ses diverses manifestations, notamment le mariage en cachette et le taara (5éme femme). S’exprimant à la cérémonie officielle du Gamou, Serigne Babacar Sy Mansour a dénoncé les multiples phénomènes de mœurs qui se développent dans le pays et qui, selon lui, sont néfastes pour la société. Il s’agit, entre autres, de la pratique du Taara concernant les hommes qui épousent plus de quatre femmes, soit au-delà de la limite légale édictée par la religion musulmane, du mariage en cachette, ou encore du non-respect des règles du divorce en islam (Bara Yeggo) considérées comme des pratiques déviantes à dénoncer.
En effet, au Sénégal, la législation et l’islam autorisent la polygamie mais certains n’osent pas, pour diverses raisons, exercer ce droit librement. Ainsi, pour convoler en secondes noces, ils le font dans la plus grande discrétion à l’insu de toute leur famille, surtout de la première épouse. C’est ce qu’on appelle en wolof le ‘’Takkou Souf’’ qui peut se traduire par le mariage en cachette. Ce phénomène est souvent pratiqué par les hommes qui avaient opté pour la monogamie, mais qui, au cours de leur vie de ménage, désirent prendre une deuxième épouse. Ce qui cause souvent des problèmes quant à la reconnaissance de la seconde épouse ainsi que les enfants nés de cette union. La législation sénégalaise est catégorique en ce sens. La deuxième femme d’un monogame n’est pas reconnue par la loi.
‘’Le fait de cacher le mariage ne doit pas avoir des conséquences sur les enfants’’
Cependant, pour l’islam, les avis semblent parfois partagés. En effet, l’islam distingue le mariage normal, temporel et celui contracté purement en cachette. Le mariage en cachette est considéré comme une union pendant laquelle on demande aux témoins de garder l’évènement secret. Ainsi, la religion considérant qu’un mariage doit être rendu populaire, toute action consistant à le rendre secret, le rend simultanément illégal. C’est pourquoi le Takkou Souf, pris comme un mariage purement en cachette, est interdit par la religion musulmane et certains imams considèrent même cette pratique comme une fornication.
C’est le cas du cadi du tribunal de Dakar (voir ailleurs). C’est également l’avis du religieux Ameth Khalifa Niass. Selon ce dernier, le mariage en cachette n’existe pas. Il n’existe que ‘’le mariage’’ en islam. Cependant, on peut opter pour un mariage discret qui est aussi légal. Et si le Takkou Souf renvoie à un mariage discret, il est admis par la religion musulmane et les enfants issus d’une telle union ont droit à la succession et à l’héritage. ‘’L’homme peut craindre la réaction de son épouse qui peut avoir un AVC, rien qu’en apprenant qu’elle a eu une coépouse. Il y a aussi certains hommes, comme les instituteurs et certains fonctionnaires, qui peuvent être affectés dans un lieu de travail éloigné de celui de résidence de leur femme. Par exemple, quelqu’un de Dakar, qui est affecté à Kédougou et qui ne peut venir que pendant des vacances et qui a ses pulsions naturelles d’homme. Il a le choix de, soit forniquer à volonté, soit d’épouser une femme qu’il va cacher à l’autre, parce que celle-ci n’acceptera pas d’avoir une coépouse. Dans ce cas, l’islam lui autorise d’épouser une femme pour éviter de forniquer’’, renseigne le marabout qui indique qu’à l’époque du prophète, ‘’les gens voyageaient pour le commerce ou pour la guerre sainte et, dans les deux cas, ils avaient besoin du repos du guerrier. C’est pourquoi l’islam a autorisé le mariage temporel’’.
Sur le takkou souf, les positions sont nuancées, car dans certains cas, comme lorsque l’union n’est cachée qu’à la première épouse, le mariage reste admis et les enfants issus d’une telle union ont droit à l’héritage et à la succession. Ameth Khalifa Niass préfère parler, dans ce cas, de mariage discret au lieu de mariage en cachette. Et cette forme d’union est comme le mariage temporel. ‘’Les enfants issus d’un mariage discret sont bien légitimes. C’est pourquoi, souvent quand une personne décède, on voit des femmes inconnues dans la maison familiale venir avec leurs enfants et leurs documents pour dire que le défunt était leur époux et avait reconnu ses enfants. Ces enfants sont légitimes et ont droit à l’héritage. Le fait de cacher le mariage ne doit pas avoir des conséquences sur les enfants, parce qu’ils ne sont pas fautifs. L’enfant qui est né d’un mariage caché est un enfant légitime’’, explique-t-il.
Sydo Diallo : ‘’Certaines femmes victimes découvrent la vérité au moment du divorce’’
En outre, le Takkou Souf ou le Taara est une réalité que certaines femmes vivent parfois à leur grand insu. Certaines femmes acceptent d’être des épouses cachées, à la limite des concubines, sans s’en rendre compte. C’est dire que certains hommes pratiquent le Takkou Souf au vrai sens du terme. En vrais stratèges, ils arrivent à manœuvrer pour cacher à tout le monde y compris l’épouse concernée la vraie nature du mariage. Ce qui fait que certaines femmes, dès qu’elles découvrent la réalité au cours du ménage, demandent aussitôt le divorce. D’autres, par contre, vivent leur mal en solitaires, à cause de la crainte du jugement de la société. ‘’Les femmes victimes de Takkou Souf qui viennent à la boutique de Droit ne veulent pas s’afficher. Parfois, c’est parce qu’elles ne savaient pas et c’est après coup, qu’elles découvrent qu’elles ont été mariées par Takkou Souf. Dans ce cas, certaines veulent coute que coute demander le divorce. Parfois aussi, c’est l’homme qui a contracté le Takkou Souf, qui n’arrive plus à gérer la situation, qui demande le divorce’’, explique Sydo Diallo, coordinatrice de la boutique de droit de la médina.
Elle indique que dans ces cas, la boutique de droit assiste les femmes dans les procédures de demande de divorce pour protéger les enfants nés de cette union. ‘’Les divorces de Takkou Souf sont un peu compliqués, parce que, même l’entourage n’est pas souvent au courant. Ce qui pose aussi problème à ce niveau est que, pour divorcer, il faut d’abord avoir un certificat de mariage. Néanmoins, dans tous les cas, les enfants sont protégés. Même s’il s’agit de Takkou Souf ou que l’homme avait opté pour la monogamie et qu’une action d’annulation a été intentée et que le mariage est annulé, les enfants sont protégés et ils auront le droit à l’héritage’’.
En islam, on ne parle pas de taara mais d’esclave
Il est connu que la religion musulmane, comme le code de la famille du Sénégal, autorise la polygamie limitée à 4 épouses. Cependant, dans la société sénégalaise, on voit parfois des hommes qui dépassent ce nombre. Et celles qui viennent après les 4 légales sont ainsi appelée Taara. Peut-elle revendiquer les mêmes droits que les autres ? D’ailleurs d’où vient ce concept de taara ? En effet, selon le cadi Mamadou Séne, Taara désignait jadis, les captives de guerre sainte qui devenaient des esclaves. ‘’La religion autorise en cas de guerre sainte que les captives soient considérées comme des esclaves et peuvent être utilisées comme des épouses par leurs maitres. Ces captives ne font pas parties du décompte des 4 épouses légales. Elles n’auront pas également les mêmes droits que ces dernières’’, indique l’imam. Qui souligne que, c’est pourquoi, une fois qu’une femme musulmane accepte de devenir 5 ou 6éme femme, elle perd ses droits d’épouse légale, de même que ses enfants ne seront pas considérés comme ceux des autres femmes. Cependant, selon le religieux dans le contexte sénégalais d’aujourd’hui, l’on ne peut plus parler de Taara. ‘’C’est impossible d’avoir des taaras actuellement au Sénégal. Si on le fait aussi, on le cache, parce que c’est illégal. On ne peut pas dire qu’on est des musulmans et après vouloir avoir des taaras, parce que l’islam ne le reconnait pas’’, ajoute M. Séne.
Sur ce point aussi, Ameth Khalifa Niass est du même avis. Selon le chef religieux de Leona Niass, on ne peut avoir des taras au vrai sens du terme. Il donne pour cela les mêmes raisons que celles évoquées par le cadi. Mieux, M. Niass souligne que même à l’époque du prophète et des guerres saintes, l’islam encourageait l’union des taras pour réduire et abolir l’esclavage. ‘’ Le Taara était encouragé par l’islam, car c’était un moyen d’abolir l’esclavage, avec la libération ou l’affranchissement par le bien du mariage’’, indique-t-il. Avant de préciser : ‘’Cela existe encore en Mauritanie, même si c’est très rare. Mais au Sénégal, on peut plus trouver une femme qui réponde à ces critères de captive’’.
Qu’en est-il donc de ceux qui prétendent avoir plus de 4 femmes. Tout comme le cadi, Ameth Khalifa pense pareil. C’est catégoriquement défendu par la religion musulmane. Pour preuve, explique-t-il, à l’époque du prophète, quand quelqu’un voulait se convertir, on lui demandait s’il avait plus de 4 femmes. Et si c’était le cas, on lui exigeait de choisir les 4 qu’il veut garder et de libérer les autres. Toutefois, indique-t-il, parfois un homme peut avoir apparence d’avoir plus de 4, mais en réalité tel n’est pas le cas. ‘’Un homme peut avoir une apparence d’avoir plus de quatre femmes alors qu’en réalité, il n’en a que 4.
Par exemple, on peut avoir une femme qui a atteint la ménopause et qui ne veut plus avoir des relations maritales. Mais, qui, par contre, est la mère des grands enfants et qui, même si vous divorcez, ne peut pas quitter la demeure familiale. Ainsi, d’un commun accord, l’époux peut la libérer, mais ne l’abandonne pas. Par erreur, les gens peuvent la compter comme épouse, alors qu’elle n’est plus parmi les légitimes, pour ces raisons. Souvent, il n’est pas conseillé aux femmes de plus de 45 ans de tomber enceinte et, après la ménopause, plusieurs femmes ne veulent plus de relations sexuelles. À plus forte raison celles qui ont 60 ans. Ce qui induit les gens souvent en erreur, c’est qu’il y a le décompte apparent et celui réel. C’est comme quelqu’un qui a cinq voitures, mais dont l’une est en panne, depuis 5 ans. Quand, les gens comptent, ils diront 5, mais en réalité c’est 4, car celle qui ne fonctionne pas n’en fait plus partie’’, estime le marabout.
PAR Leonora Miano
SI LA FRANCE CHANGE DE VISAGE, C'EST LE FAIT DE L'AVENTURE COLONIALE
Le pays a le visage de ces conquêtes dont il révère les agents. Ces Français « issus de l’immigration » auxquels on reproche de ne pas s’assimiler à la culture du pays sont le résultat de notre passé de conquêtes
Alain Finkielkraut fait de moi l’annonciatrice réjouie du « grand remplacement » et ne rate pas une occasion de me mentionner pour justifier l’effroi de ceux qui évoquent une « colonisation migratoire ». Je tiens à ne pas m’excuser d’avoir enfoncé une porte ouverte en déclarant que la société française était en mutation et que son passé colonial lui présentait la facture. De même, indiquer que les baby-boomeurs, qui ont puissamment contribué à bâtir le monde actuel, ne seront pas là pour contempler l’achèvement de leur œuvre est une lapalissade. L’énoncé de ces truismes a traumatisé l’auteur de L’Identité malheureuse (Stock, 2013), lui fournissant un prétexte pour faire peser, sur une partie du corps social, la responsabilité d’un projet dont je ne sais rien et auquel je ne crois pas.
Ennemis de l’intérieur
Le « grand remplacement », tel que présenté par ceux qui l’évoquent, ne résulterait pas de la relation dans laquelle la France s’est engagée avec diverses régions du monde. Il s’agirait d’un complot ourdi par des ennemis de l’intérieur. Ces Français qui n’en finissent pas d’être « issus de l’immigration » se seraient mis en cheville avec une « élite mondialisée », afin d’élaborer un plan de destruction de la nation. Sur les décombres de celle-ci, leur intention serait d’ériger une version inédite du Nouveau Monde et, sans doute,de repousser les Français dits « de souche » dans des réserves au fond desquelles, privés de tout pouvoir, ils chériraient le souvenir d’une grandeur révolue. Je ne me suis jamais fait la promotrice de ce délire. M. Finkielkraut comme d’autres, outre qu’ils se livrent à une présentation fallacieuse de mes propos, se rendent coupables d’un grand effacement, passant sous silence les causes des effets par eux déplorés.
Si la population de la France hexagonale change de physionomie, ce n’est en raison d’aucune intention destructrice émanant des minorités d’ascendance subsaharienne ou maghrébine. Cette évolution est le fait d’une aventure coloniale dont le point final est encore attendu en Afrique subsaharienne. S’agissant des mœurs de ces minorités françaises auxquelles il est reproché de ne pas s’assimiler à la culture du pays – dont on ne sait comment la définir en Guyane ou à Mayotte –, on feint d’ignorer que la société les a incarcérées dans une extranéité dont le terme « issues de l’immigration » est un rappel constant.
En 1983, alors que ses organisateurs l’avaient baptisée Marche pour l’éga lité et contre le racisme, les commen tateurs trouvèrent plus pertinente l’appellation « Marche des beurs ». Une partie de la jeunesse de France s’élançait vers son pays. Elle fut ethni cisée, contrainte de réinventer sur place l’ailleurs auquel elle était assi gnée. D’autres exemples permet traient de montrer que les minorités furent invitées à façonner une cons cience dédoublée, source d’inconfort identitaire. Le pays ne se forgeant pas d’outils valables pour venir à bout d’un problème suscité et minoré, les premiers concernés les trouvèrent une fois de plus dans un ailleurs dont on leur avait indiqué le chemin.
Passion pour l’Amérique noire
On se plaint de l’influence des théo ries étatsuniennes sur le militan tisme contemporain, sans interroger la passion de la France pour l’Améri que noire et sa dévaluation de ses propres expériences afrodescendan tes. La société s’étant mise en quatre pour confirmer qu’être noir et occi dental était l’apanage des Africains Américains, les Français noirs reçu rent le message. Nino Ferrer clamant jadis dans une chanson son désir d’« être noir » voulait ressembler à Ja mes Brown, pas à Manu Dibango qui dirigeait son orchestre. Les cinéastes ou les écrivains qui s’intéressèrent aux Black Panthers dans les années 1960 n’accordèrent pas la même at tention au Bumidom [Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outremer, orga nisme public chargé d’administrer le déplacement des ultramarins vers l’Hexagone], encore moins à la ré pression sanglante de manifesta tions en Guadeloupe en mai 1967. Il serait possible d’écrire des pages sur les manquements qui produisirent ce que l’on déplore sans jamais en pren dre sa part de responsabilité.
Le discours des inventeurs du « grand remplacement » efface aussi les circulations des Français, la piètre qualité de leur assimilation aux sociétés étrangères dans lesquelles ils s’établissent. Ils y vivent en commu nauté, s’assurent que les denrées du pays natal ne manquent pas, en voient leurs enfants dans des écoles françaises, se gardent bien de leur donner des prénoms autres que fran çais, de maîtriser les langues du cru. L’environnement local n’est qu’un décor dont on apprécie les couleurs, tout en faisant en sorte de n’être pas affecté par lui. Les Français peuvent ils exiger des autres ce à quoi euxmê mes se refusent avec tant d’applica tion ? L’effacement méthodique de cet aspect du sujet frappe du sceau de la mauvaise foi les quérimonies des pourfendeurs de la transformation démographique du pays.
Ce silence dissimule l’idée que les Français, lorsqu’ils se déplacent, apportent un plus aux sociétés qui les accueillent, surtout si ces derniè res se trouvent dans l’hémisphère Sud. C’est oublier, parmi eux, les pédophiles et autres délinquants qui ont toute latitude pour pénétrer sans visa dans certains pays. C’est afficher son mépris pour des cultures que l’on répugne à adopter. Mais on s’y rend, dans ces territoires, et on y gagne beaucoup mieux sa vie qu’on ne le ferait en France. Pour dire en core un mot de l’Afrique subsaha rienne, dont la démographie in quiète en raison de la submersion de l’Europe qu’elle provoquera selon certains, la France entend se mainte nir dans cette région du monde. Pré tendon continuer à tirer profit des biens tout en excluant la présence des corps ? Ce désir témoigne d’une assuétude à la prédation et à l’injus tice qui ne sera pas encouragée, il suffit pour s’en convaincre d’écouter la jeunesse subsaharienne.
La parole réactionnaire omet de rappeler que d’autres firent l’expé rience de la disparition du monde connu et ne se lamentent pas tout le jour à cet égard. Ceux qui virent l’Eu rope de l’Ouest leur tomber dessus dès la fin du XVIe siècle ne survécu rent pas tous à l’invasion. Lorsque leur puissance de vie leur permit de ne pas disparaître en même temps que leurs archétypes dérobés pour remplir les musées occidentaux, de ne pas être effacés comme le fut une grande partie de leur univers de réfé rence, ils surent se réinventer. Les Subsahariens auraient bien des le çons à donner en la matière, eux qui apprivoisent le monde conçu pour eux par d’autres. Ceux d’entre eux qui viennent en France de nos jours tiennent à leur identité. Comme les Français en Afrique.
La France a désormais un autre vi sage parce qu’elle a bâfré aux tables du monde, qu’elle s’est forcée dans le lit des peuples du monde, et que, de ces corpsàcorps, sont nés des ci toyens français. Le pays a le visage de ces conquêtes dont il révère les agents, la silhouette que lui dessinent ses manquements à l’intérieur, ses appétits à l’extérieur.
Leonora Miano est une écrivaine franco-camerounaise. Elle est l’auteure d’une quinzaine d’ouvrages dont « La Saison de l’ombre » (Grasset, 2013, prix Femina) et « Rouge impératrice » (Grasset), paru en août.