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28 juillet 2025
par Pape Sadio THIAM
SARKOZY-MIMI TOURÉ, AU-DELÀ DE LA POLÉMIQUE
En rétorquant à Mimi Touré que « quand on s’occupe de l’Afrique, on se fait engueuler. On ne s’en occupe pas, on se fait engueuler aussi. », l’ancien président français n’a fait que s’embourber dans les méandres d’un mépris morbide envers les africains
Margaret Thatcher a dit qu’en politique, « si vous voulez des discours, demandez à un homme. Si vous voulez des actes, demandez à une femme ». Cette formule qui pourrait choquer par sa teneur fortement féministe ne manque pourtant pas de fondement dans la réalité. C’est qu’on demande toujours plus à la femme ; culturellement on a des appréhensions sur ses capacités à diriger et à prendre des décisions. Aussi, la femme est-elle psychologiquement déterminée à relever un double défi : celui de démentir une misogynie devenue une opinion tenace et celui d’être circonspecte et efficiente dans ses décisions politiques. C’est sans doute ce qui fait que le stade du discours est sauté par la femme politique : elle met les pieds dans le plat et refuse de porter des gants. Ceux qui suivent l’ascension politique de Madame Mimi Touré concéderont qu’elle est l’incarnation parfaite de cette théorie de Margaret Thatcher. Intellectuelle de gauche, nationaliste, militante de la cause de l’Afrique, femme d’action, elle a le courage de ses idées et ne s’embrasse pas de scrupule pour combattre ouvertement et sans délai ce qu’elle estime être une injustice. C’est sur ce registre que s’inscrit sa sortie musclée mais bien argumentée contre Nicolas Sarkozy à propos de sa dérive sur la fécondité abondante de la femme africaine qui constituerait, d’après ses élucubrations, une menace de suroccupation de la planète déjà fortement accablée. Apôtre des idées stéréotypées et des clichés sur l’Afrique, Nicolas Sarkozy ne manque jamais l’occasion de s’attaquer à la forte natalité dans le continent, natalité qu’il considère comme une pesanteur économique. Mais au-delà de leurs positions opposées, que nous apprend cet échange sur leur posture respective ?
En suggérant l’absurde relation qui existerait entre la fécondité de la femme africaine et les problèmes environnementaux, Nicolas Sarkozy était loin de s’imaginer que la réplique de Mimi Touré allait être aussi instantanée et sarcastique : « Il n’y pas de lien scientifiquement prouvé entre la fertilité des femmes africaines et le réchauffement de la planète par l’effet de serre ». C’est ce qu’on appelle faire d’une pierre deux coups : en plus d’avoir démoli l’argumentaire tendancieux de Sarkozy, Mimi Touré a implicitement accusé les pays industrialisés d’être responsables du réchauffement climatique. On ne sait pas comment Sarkozy a pu tomber dans un argumentaire aussi simpliste au regard de la répartition démographique dans le monde. La mortalité infantile, la pandémie du SIDA, les guerres en Afrique sont autant de périls qui continuent de dépeupler le continent. La forte natalité en Afrique est donc contrebalancée, voire annihilée par le taux de mortalité qui y reste élevé. Il aurait suffit à Sarkozy de comparer la population africaine (très jeune du reste) à celle occidentale pour voir que le risque de suroccupation de la planète ne peut pas être imputé à une quelconque forte fécondité de la femme africaine.
La surexploitation de la nature qui pose avec gravité le problème de la disponibilité à long terme des ressources de la planète trouve son origine dans une certaine conception de l’homme et de son rapport à la nature : celle capitaliste. Le culte du profit, la passion du luxe et du loisir ont fini d’encastrer le système capitaliste dans une logique de consommation à outrance. Cette logique n’est pas forcément universelle, elle n’est, en tout cas pas, celle de l’Afrique. Dans ce continent, les besoins de l’homme ne sont pas suscités artificiellement par la machine folle du couple production-consommation. L’essentiel des ressources de la planète est utilisé par la minorité et principalement les populations des pays du Nord parce que les pays du Sud n’ont généralement pas la technologie requise pour extraire et transformer les matières premières. Il y a par conséquent une double injustice que les pays du Nord font subir à ceux du Sud : en plus de profiter à vil prix de leurs matières premières, on pollue la planète, l’appauvrit et la laisse exsangue aux Africains à qui on demande de payer la note par une diminution de la consommation !
Culturellement, il y a des différences d’approche entre l’Afrique et l’Europe sur les questions liées à la société, à l’homme, à l’enfance, à l’homosexualité et à la religion. La mondialisation est certes une réalité indéniable, mais les frictions culturelles demeurent une réalité exacerbée par la prétention occidentale d’imposer des valeurs universelles. Ces différences d’approche et les frictions culturelles qu’elle entraîne font que les paradigmes politiques et économiques conçus selon les schèmes occidentaux ont souvent du mal à s’adapter aux réalités culturelles de l’Afrique. Depuis très longtemps l’Afrique souffre de cette nécessité de devoir aliéner sa spécificité aux exigences des pays du Nord. La coopération Nord-Sud est supposée être bilatérale, mais elle est originairement et naturellement unilatérale. Les politiques du Sud n’ont aucune espèce d’autonomie puisqu’elles sont clonées sur celles du nord sans tenir compte des spécificités culturelles et de l’environnement social dans lequel elles sont censées être appliquées. Sarkozy est à tort ou à raison perçu par les populations africaines, et notamment par la jeunesse, comme un européocentriste invétéré, incapable de concevoir la diversité.
Depuis son fameux discours de Dakar, il ne cesse de récidiver par son discours afro-pessimiste et à la limité condescendant envers les Africains. Foulant aux pieds les règles élémentaires de la diplomatie, les hommes politiques français ont la fâcheuse habitude de prétende penser pour les Africains. En rétorquant à la remarque de Mimi Touré que « quand on s’occupe de l’Afrique, on se fait engueuler. On ne s’en occupe pas, on se fait engueuler aussi. », l’ancien président français n’a fait que s’embourber davantage dans les méandres d’un mépris morbide envers les Africains. L’Afrique n’a certainement pas besoin qu’on s’occupe d’elle comme si elle était incapable de se prendre en charge : c’est précisément cette dépendance mentale qu’il urge de déconstruire chez les intellectuels africains. La réponse de Mimi Touré à cette remarque absurde de Sarkozy trouve toute sa pertinence dans ce processus de déconstruction de la mentalité d’assisté qui subsiste encore dans l’inconscient collectif de certaines élites africaines. Prétendre s’occuper de l’Afrique par on ne sait quelle sagesse étrangère au continent, c’est implicitement suggérer qu’elle n’a pas de ressources humaines locales aptes à comprendre ses problèmes et à leur trouver une solution. Voilà ce qui est proprement inacceptable, surtout lorsque cela provient d’un ancien président français.
En affirmant avec beaucoup d’euphémisme que « la politique est l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde », Paul Valery ne faisait que caricaturer une pratique de dissimulation, d’hypocrisie et de manipulation devenue une tradition chez les politiques. En plus de la violence inhérente au combat politique, la ruse, l’inconstance, la trahison, ont fini de salir l’image de la politique auprès de l’opinion. L’ostracisme dont les intellectuels sont victimes de la part des politiques est un grave dysfonctionnement de notre système politique. Alors qu’ils devraient penser les politiques économiques et sociales, les intellectuels sont très souvent à la périphérie du système où ils ne servent qu’à légitimer des choix politiques parfois impopulaires et improductifs. S’ils ne sont pas confinés dans les sphères austères des universités et les instituts, ils constituent la sous-classe des intellectuels organiques. C’est le système qui les nourrit, les fait fonctionner, de sorte qu’en dehors de celui-ci, ils perdent leur éloquence, leur lucidité et même une partie de leur science. Quand on est intrinsèquement lié au système comme les organes le sont au corps, on ne peut véritablement pas avoir une autonomie d’action. C’est cela la grande faiblesse des intellectuels africains : ils sont soit outrageusement moulés dans le confort du système qu’ils sont incapables soit ils y sont exclus par des intrigues qui leur enlève tout forme d’efficience dans la vie politique de leur pays. Ils sont soit en rupture avec la marche de la société soit noyés dans un système corrompu et destiné à uniquement produire les moyens de sa propre perpétuation.
La réplique de Mimi Touré à Sarkozy devrait être naturelle chez les dirigeants africains, mais malheureusement ce n’est pas le cas et dans les cas de provocation les plus manifestes, ce sont des intellectuels isolés qui s’organisent pour apporter la réplique. Le discours de Dakar a valu à Sarkozy un livre-réponse, mais ce serait plus pertinent si une voix officielle apportait la réplique en de pareilles circonstances. Ce que Mimi a montré, c’est que ce n’est point une fatalité pour un intellectuel que de dissoudre sa personnalité dans le bain agréable du pouvoir. C’est possible d’être dans les couloirs du pouvoir et garder à la fois sa lucidité intellectuelle et son courage politique. Un intellectuel, c’est d’abord une vocation de toujours soumettre les situations à l’analyse des principes universels de la raison ; c’est ensuite le courage de sortir des sentiers battus pour produire la lumière là où on s’y attend le moins ; c’est enfin le pari de toujours rester aux côtés du peuple, quelle que soit la station qu’il occupe. Le prix qu’il faut payer pour réussir ce pari est la fin de la promotion de la médiocrité et des contre-valeurs. Il est temps que les enquêtes de moralité soient menées de façon plus sérieuse et qu’elles insistent davantage sur la carrure intellectuelle, le passé professionnel et le patriotisme des pressentis. Pour défendre son pays dans ce monde où l’économie globalisée fragilise les frontières et affaiblit la souveraineté des États, il faut être nantis de connaissances et d’informations éloquentes et à jour. Il faut sans cesse mettre à jour ses connaissances, accepter la confrontation avec les idées les plus exotiques et faire preuve de cohérence dans ses prises de position.
La promptitude et l’adresse avec lesquelles Mimi Touré a répondu à Sarkozy doit donc servir d’exemple dans la stratégie des élites à prendre en charge les défis qui sont lancés à l’Afrique et aux Africains. L’Afrique a suffisamment de cadres dans tous les domaines pour s’occuper de son destin, pour prendre sa défense lorsqu’elle est salie, mais pour vendre sa culture, ses valeurs, bref le made in Africa. On ne peut être un ressortissant du contient qui a élaboré pour la première fois une véritable charte des droits de l’homme (Charte du Mandé) et la première révolution politique qui a proclamé la bonne gouvernance comme exigence politique cardinale (Ceerno Souleymane Baal) et nourrir un complexe envers des idées et des valeurs qui viennent d’ailleurs. Pourquoi devrions-nous encore copier des modèles venus d’ailleurs alors que tout ce dont nous avons besoin existe chez nous ? Les idées et les valeurs sont comme les ressources naturelles : elles ont besoin d’être diffusées dans le monde et ce, non pour un quelconque chauvinisme intellectuel et moral, mais par obligation de contribuer à la construction d’une véritable communauté internationale. A défaut d’être exploitées, mises en valeur et proposées dans le « marché » des idées et des valeurs, le potentiel humaniste qui existe en Afrique risque d’être perdu. Il ne s’agit pas d’être passéiste, il s’agit plutôt d’arrimer dans le présent et le futur dans un passé qui n’est utile que parce qu’il est mesure de les éclairer.
Si comme dit Senghor la civilisation du futur, pour être celle de l’homme intégral, doit être « un rendez-vous du donner et du recevoir ». Il faut créer les conditions d’un véritable dialogue et ne plus se contenter du monologue qui conduit inéluctablement à un narcissisme à la fois intellectuel et culturel. Si les Grecs ont vulgarisés toutes les sciences empruntées aux Égyptiens au point d’apparaître comme les véritables inventeurs de celles-ci, c’est parce qu’ils avaient le sens de la délibération, de la confrontation des idées. Les ancêtres nous ont légué les assemblées de sages, les arbres à palabre, les retraites initiatiques, mais la rupture introduite par la colonisation ne nous a pas permis de prendre le relais pour en faire quelque chose de nouveau. Il ne faut pas que les élites se trompent de stratégie : autant notre Continent a tous les atouts naturels pour son épanouissement intellectuel, autant il a les ressources intellectuelles et morales pour résoudre non pas seulement les problèmes spécifiques auxquels il est confrontés, mais aussi pour contribuer à relever les défis auxquels l’humanité est aujourd’hui confrontée.
Pape Sadio Thiam est Journaliste chercheur en science politique
Le plus grand mérite des partis de Gauche, ce n’est pas de rester ad vitam aeternam au pouvoir, mais d’être des écoles de la vie d’où l’on apprend les idées et les convictions chevillées au corps
De tous et de toutes qui ont eu à flirter avec la Gauche et les idéaux de Gauche (les ex-gauchistes, les gauchisants, les gauchers) tout comme tous et toutes qui sont resté.e.s de Gauche et dans la camaraderie, le président Macky Sall, est le symbole de celui qui aura plus compris que quiconque, ce que c’est la Gauche, c’est quoi être de Gauche.
Le président Macky Sall a été militant de AJ/PADS, puis du PDS puis de l’APR. Dans sa trajectoire politique et idéologique, le président Macky a été de la Gauche. Il a ensuite bifurqué à Droite avant de basculer aujourd’hui au Centre. Ce qu’enseigne être de la Gauche et des idéaux de la Gauche, c’est que rien n’est figé en politique, que l’Homme (finalement) n’est rien d’autre que situation pour parler comme Sartre. Que la seule constante, reste le changement raisonné et réfléchi. Et qu’il arrive des situations où il faut être un fils de son temps plus qu’un fils de son père……
Quand on voit comment le président Macky Sall, l’ancien camarade de Gauche, qui est passé à Droite avant de se repositionner au Centre, est parvenu à manœuvrer pour avoir dans son sillage et en parfaite intelligence, la Gauche, la Droite, le Centre, les Conservateurs, les Traditionalistes, c’est dire que lui au moins, le président Macky Sall, a compris mieux que quiconque, ce que c’est la Gauche et les idéaux de Gauche.
Je finirais par croire que le plus grand mérite des partis de Gauche, ce n’est pas d’y rester ad vitam aeternam, mais d’être des écoles de la vie d’où l’on apprend les idées et les convictions chevillées au corps. Parce que les partis de Gauche sont des ponts de douceurs qui vous mènent vers d’autres directions. Ce qui est le plus capital, n’est pas la structure (les partis de Gauche) mais la substance (les idéaux de Gauche) : Humanisme, Solidarité, Partage, Témérité, Endurance, Liberté, Discipline, Dépassement de soi, etc.
Entre 15 et 25 ans, ne pas être de Gauche, c’est avoir une pierre à la place du cœur. A partir de 30 ans jusqu’à 60 ans, rester 100% Gauche chevillé au corps, sans opérer une mue, c’est alors ne rien comprendre du rythme du monde et de la politique, à moins d’être ‘’un rebelle au cœur d’or’’ dans l’âme, comme mon Grand Demba Ndiaye de la sentinelle. On ne flirte jamais avec la Gauche et ses idéaux, être tété à la sève nourricière de la Gauche et ses idéaux, surtout dans sa jeunesse, et s’en sortir indemne. La Gauche et ses idéaux, ont ceci d'étonnant et d’éclatant, qu’elle mène vers toutes les directions. Certain.e.s continuent le combat, au risque de se faire marginaliser. D’autres se repositionnent au Centre quand d’autres basculent carrément à Droite. Mieux, d’autres se décalent carrément en investissant le champs et le fait religieux.
Historiquement, au Sénégal, la Gauche fut/est une très belle idée avait/a tout pour séduire et drainer les masses, mais jamais les attentes n’ont été à la hauteur des espérances, électoralement s’entend. A toutes les élections, les plus faibles scores ont été ceux des partis de Gauche.
Cette situation de la Gauche au Sénégal, qui est à l’image de la plus belle femme qui ne s’est pas trouver un mari, est à mettre à l’actif de deux incompréhensions majeures qui vont tuer dans l’oeuf, les partis de Gauche.
Les deux incompréhensions fatales à la Gauche sénégalaise
La première incompréhension est interne aux partis de Gauche. En effet, le modèle et l’inspiration des partis de Gauche au Sénégal, est la Gauche Léniniste et Bolchevique, la Gauche soviétique, qui est une Gauche ouvrière et industrielle, - donc s’adapte à une société/économie ouvrière ‘’classe moyenne’’ et industrielle ‘’le Capital’’- alors que le Sénégal est une société/économie agricole plutôt qu’ouvrière et artisanale plutôt qu’industrielle. C’est donc ce qu’avait compris très tôt la Chine de Mao, en adaptant la Gauche soviétique (socialisme) à la sauce chinoise pour donner naissance à une Gauche authentiquement chinoise : Le Communisme.
La deuxième incompréhension est extérieure aux partis de Gauche. En effet, l’on a diabolisé la Gauche et les partis de Gauche, dès le début, auprès des autorités religieuses et coutumières traditionalistes. Sans que la Gauche et les partis de Gauche, ne soient capables de ‘’tégui tuma’’. Par exemple, les détracteurs de la Gauche sont allés dire à feu Serigne Fallou Mbacké, que feu Mamadou Dia, alors président du Conseil, est en train de construire une prison à Kédougou et envisage d’y enfermer les marabouts. Il a donc manqué à la Gauche, de véritables tribuns, qui pouvaient réfléchir, sachant parler et déclamer en Homme du peuple. Au LD/MPT comme au PIT, c’était entre professeurs et enseignants. A AJ/PADS, c’était entre les ‘’ONG-nistes’’ et ‘’Droits de l’Hommistes’’. Et comme dans tout courant politique, il y a nécessairement des propagandistes, des populistes, des beaux parleurs, qui doivent parler avec le peuple, dans le langage et dans la pédagogie que le peuple comprend. Depuis lors, la Gauche sénégalaise est davantage un débat d’idées entre lettrés qu’une affaire des masses populaires. Ce que du reste, a très bien réussi le libéral, un certain Abdoulaye Wade qui savait si bien parler à son peuple.
La Gauche sénégalaise n’est plus sexy
Aujourd’hui, les partis de Gauche sont ‘’morts’’ de leur belle mort mais les idéaux de Gauche, restent plus que jamais d’actualité. Les partis de Gauche ne sont plus sexy car ils ne parlent pas technologies et ne se sont toujours pas décomplexés avec l’argent, mais les idéaux de Gauche sont aujourd’hui plus que jamais, au cœur des rapports de conflictualités, diffus ou apparents, parce qu'on est plus dans la lutte des classes, mais dans la lutte des places. Finalement, la Gauche vous rapproche des Hommes et des contradictions, alors vous devenez un Homme politique hors classe et hors catégorie comme le président Macky Sall ; ou alors la Gauche vous rapproche de…... Dieu et de la spiritualité. Beaucoup de la camaraderie sont devenus des imams, des ‘’nayimes’’ ou des soufis. Thiey Yallah…... En bas les partis de Gauche. Vive les idéaux de Gauche.
À SALY, LA TRAITE DES MINEURES AFRICAINES
Le Sénégal, et plus particulièrement cette station balnéaire située sur la «Petite Côte», à 60 kilomètres au sud de Dakar, joue un rôle spécifique dans la structuration des réseaux de traite qui alimentent le marché européen de la prostitution
La traite des êtres humains est en augmentation, selon le dernier rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (1). En 2016, 70 % des personnes qui en étaient victimes étaient des femmes ou des jeunes filles. En Afrique subsaharienne, le travail forcé des enfants reste la forme d’exploitation la plus fréquente. Mais 31 % des victimes de traite dans cette région le sont à des fins d’exploitation sexuelle, en tant qu’esclaves en situation de conflit armé ou prostituées dans les centres urbains et les zones touristiques (2).
Le Sénégal, et plus particulièrement la station balnéaire de Saly, située sur la «Petite Côte», à 60 kilomètres au sud de Dakar, joue un rôle spécifique dans la structuration des réseaux de traite qui alimentent le marché européen de la prostitution. Les jeunes filles exploitées à Saly sont souvent mineures, mais toutes ont tendance à majorer leur âge, conformément aux instructions données par les trafiquants qui les séquestrent et les obligent à se prostituer (3).
Elles sont sénégalaises ou étrangères ; 17 nationalités ont été répertoriées ; les plus nombreuses sont burkinabées, camerounaises, gambiennes, ghanéennes, ivoiriennes, maliennes, nigérianes, sierra-léonaises, parfois thaïlandaises ou chinoises. Toutes ont transité par d’autres lieux d’exploitation sexuelle, principalement des pôles touristiques situés en Gambie ou en Guinée-Bissau, la ville de Ziguinchor en Casamance, région encore fragilisée par un conflit armé de plus de trente ans, mais aussi des bassins miniers de bauxite en Guinée et des sites d’orpaillage du Sénégal oriental. Certaines effectuent une étape préliminaire au Bénin. A Cotonou, les personnes qui les ont recrutées rencontrent notamment des femmes de Kédougou, ville du bassin aurifère du Sénégal oriental, qui viennent négocier leur «achat». A ce moment-là, la jeune fille vendue ne connaît pas les termes de la négociation ; elle découvre la réalité seulement à son arrivée sur le site d’orpaillage. Ses pièces d’identité lui sont confisquées. Le prix du rachat d’une hypothétique liberté est fixé par les «maîtres» ou les «patrons» à 3 000 euros environ. Pour s’affranchir de cette «dette», les jeunes filles se prostituent et font des versements quotidiens, enregistrés dans des carnets par les «gestionnaires». Ce fut le cas de Mercy, une jeune Nigériane, à qui un trafiquant avait promis une vie meilleure et des études supérieures en Angleterre (4) : «Je suis venue il y a deux ans. J’ai été amenée par un homme qui m’a forcée à coucher avec lui d’abord, puis à me prostituer pour racheter ma liberté» (Saly, juillet 2018).
Les réseaux de traite implantés à Saly reposent sur une organisation très hiérarchisée. Ils réunissent cinq à dix jeunes filles, étrangères ou sénégalaises ; elles sont exploitées dans les rues et les bars. Parmi elles, Fatu, jeune Sierra-Léonaise, a été volée sur le chemin de l’école, puis conduite dans un hôtel avant d’être vendue par un homme qu’elle n’a jamais revu depuis qu’elle est arrivée à Saly. Son souhait le plus cher est de retrouver les siens : «Je veux rentrer ; je n’ai jamais exercé le métier de prostituée auparavant», dit-elle (Saly, juillet 2018). Ces jeunes filles sont «encadrées» par des «tantes» plus âgées : elles-mêmes victimes de traite, elles sont utilisées par les trafiquants pour recruter de nouvelles victimes (5). Ces «madam’s» espèrent ainsi solder leur «dette» et gèrent les jeunes filles pour le compte des «tuteurs» et des «fiancés» qui sont un à deux par réseau, le plus souvent nigérians ou italiens.
Ainsi, bien que les réseaux de traite se déploient principalement à l’échelle régionale en Afrique de l’Ouest (6), d’importantes routes de trafic international se structurent autour de pôles touristiques comme Saly où les jeunes victimes sont non seulement exploitées, mais également «initiées» aux pratiques du marché européen de la prostitution.
Entre l’Afrique subsaharienne et l’Europe, le Sénégal occupe désormais une position stratégique sur les routes de la traite des jeunes filles à des fins d’exploitation sexuelle.
(1) Onudc - Global Report on Trafficking in Persons, 88 p., 2019.
(2) Ibid.
(3) La prostitution est autorisée au Sénégal pour toutes les personnes majeures disposant d’un carnet sanitaire et social en cours de validité.
(4) Par souci de confidentialité, tous les prénoms utilisés sont fictifs.
(5) Les «tantes» sont généralement des femmes plus âgées qui gèrent au quotidien l’exploitation sexuelle des plus jeunes. Appelées également «madam’s» en anglais.
(6) Onudc (2019) Ibid.
par Mathias Hounkpe
DES INSTITUTIONS FORTES PLUTÔT QUE DES ÉLECTIONS PARFAITES !
À observer les scrutins qui ont été récemment organisés, la manière dont ils ont été gérés, les résultats qui en ont découlé et le comportement de ceux qui ont été élus, il paraît légitime de s’interroger sur la pertinence du système dans son ensemble
Jeune Afrique |
Mathias Hounkpe |
Publication 05/10/2019
Ces dernières années, de nombreux ouvrages de référence ont interrogé l’utilité des élections pour les démocraties contemporaines. En effet, le jeu électoral demeure facilement influençable – par les partis au pouvoir, par les puissances de l’argent, par les leaders d’opinion et parfois même par des forces étrangères – et que les électeurs, mal renseignés sur la réalité de l’offre politique, n’ont souvent pas les moyens de jouer convenablement leur rôle.
Les études montrent que, même lorsqu’ils savent à quoi s’attendre, comme c’est censé être le cas dans les démocraties les plus anciennes et donc considérées comme établies, ils peinent à sanctionner dans les urnes les élus qu’ils jugent pourtant non performants (Christopher H. Achen et Larry M. Bartels en ont fait la démonstration en 2016 dans Democracy for Realists : Why Elections Do Not Produce Responsive Government [« La Démocratie pour les réalistes : pourquoi les élections ne produisent pas de gouvernement efficace »]).
Méfiance des citoyens
Rien de tout cela n’est très nouveau, mais les choses ne vont pas en s’arrangeant, car les réseaux sociaux et, d’une manière plus générale, internet, ont accru la méfiance des citoyens vis-à-vis des élections. Parce qu’ils facilitent la diffusion des fausses informations, mais aussi parce qu’ils augmentent les risques de manipulation des scrutins. À cet égard, personne n’est à l’abri, même dans les « vieilles » démocraties.
La frustration des citoyens est donc aisément compréhensible, mais faut-il pour autant jeter les élections aux orties et penser un nouveau mode de sélection des représentants du peuple ? Pas nécessairement, même s’il ne faut pas écarter la possibilité que l’on finisse par trouver un mécanisme plus convaincant.
Il faudrait déjà réviser nos attentes à l’égard du système et comprendre que ces élections ne sont qu’un outil. Autrement dit, il n’est sans doute pas réaliste d’attendre d’elles qu’elles produisent de manière automatique et quasi naturelle des gouvernements efficaces, non corrompus et à l’écoute des citoyens.
Ceci étant posé, il est toujours possible, dans les « vieilles » et – à plus forte raison – dans les « jeunes » démocraties, d’améliorer l’outil, et c’est ce que font de nombreux pays sur tous les continents. Il n’y a donc pas de raison que ces efforts ne soient pas poursuivis dans les « jeunes » démocraties africaines, et ceci d’autant plus que, selon les sondages réalisés par Afrobaromètre, entre 73 % et 82 % des Africains interrogés entre 2002 et 2018 « soutiennent » le principe de l’élection comme mode de sélection des gouvernants.
Contrepoids et équilibre
Surtout, il est temps que l’on accorde plus d’attention – et de prérogatives – aux institutions de contrepoids et d’équilibre, qui existent dans la plupart des démocraties. Citons, par exemple, non seulement le législatif et le judiciaire, mais également les agences de lutte contre la corruption, les commissions des droits de l’homme et les autorités de régulation des médias.
Il est de notoriété publique que ces organes ne jouent pas leurs rôles dans les démocraties africaines et, dans le fond, c’est peut-être cela qu’il faut commencer par changer. Car même avec les élections les plus propres, les plus transparentes et les moins influencées, il est irréaliste d’espérer que les gouvernants soient irréprochables et qu’ils aient à cœur de satisfaire les attentes de leurs concitoyens si on ne leur adjoint pas de garde-fous.
Comme l’a dit James Madison, quatrième président des États-Unis et coauteur du recueil Le Fédéraliste : « La dépendance vis-à-vis du peuple est, sans doute, le premier contrôle sur le gouvernement ; mais l’expérience a montré la nécessité de précautions complémentaires » – une allusion explicite aux institutions de contrepoids et d’équilibre.
Mathias Hounkpe est titulaire d’un Master of Philosophy en science politique de l’Université Yale aux États-Unis et d’un doctorat en physique mathématique de l’Université d’Abomey-Calavi du Bénin. Il est actuellement l’Administrateur du Programme de Gouvernance Politique et de Consolidation Démocratique de OSIWA (Open Society Initiative for West Africa).
LES FOLLES STATISTIQUES DE GANA GUÈYE AVEC LE PSG
Acheté pour 30 millions d'euros par le PSG cet été, l'international sénégalais rayonne pour le moment au sein de l'entrejeu parisien. Ses performances avec le club de la capitale sont impressionnantes
France Football |
Antoine Malosse |
Publication 05/10/2019
La saison dernière, Thomas Tuchel a régulièrement regretté l'absence d'un milieu de terrain au profil défensif, capable d'épauler Marco Verratti. Cette saison, l'arrivée d'Idrissa Gueye semble avoir résolu la problématique. Sur le terrain, son intensité défensive et sa capacité à se projeter avec efficacité crèvent l'écran. Un constat qui est illustré par des statistiques significatives : le PSG a remporté les huit rencontres auxquelles Gueye a participé, sans encaisser le moindre but ! Le Sénégalais n'a pour l'instant manqué que trois rencontres, pour deux défaites du club parisien, face à Rennes (1-2), et contre Reims (0-2). Des chiffres impressionnants, qui montrent que l'ancien joueur d'Everton a solidifié la défense parisienne. Lors de la victoire du club de la capitale face à Angers ce samedi, il s'est en plus permis le luxe d'inscrire son premier but sous ses nouvelles couleurs. Indispensable, on vous dit.
Les huit victoires du PSG avec Idrissa Gueye :
-PSG 4-0 Toulouse
-Metz 0-2 PSG
-PSG 1-0 Strasbourg
-PSG 3-0 Real Madrid
-Lyon 0-1 PSG
-Bordeaux 0-1 PSG
-Galatasaray 0-1 PSG
-PSG 4-0 Angers
PAR AFRICA WORLDWIDE GROUP
DES ÉTATS-UNIS D’AFRIQUE AUX ÉTATS MUTUALISTES D’AFRIQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - Que vaudra la très haute profitabilité économique du marché ouest-africain, CEDEAO, si nous ne pouvons pas nous nourrir par nous-mêmes et pour nous-mêmes ? Oui, à une armée africaine ! - AFRICAN GLOBAL NEWS
Cheikh Anta Diop (.....les fondements d’un Etat fédéral d’Afrique Noire), Kwamé Nkrumah (We must unite now or perish) et autres penseurs et politiques africains, avaient préconisé à l’aube des indépendances de la plupart des pays africains (années 60), un Etat fédéral africain comme projet politique et institutionnel. Hélas, la position du ‘’démembrement’’ de l’Afrique avec une option de regroupement par cercles concentriques ‘’les communautés sous-régionales’’, avait fini par s’imposer.
Depuis lors, cinquante ans après, la situation générale de l’Afrique, se perçoit différemment. Si dans certains pays et dans certaines zones géographiques, des pas de géant ont pu se réaliser en autorisant des reclassements inédits (Ile Maurice, Cap Vert, Maroc, Botswana, Ethiopie, Nigéria, etc.), par contre, dans certains pays et dans certaines zones géographiques, le bilan est plus que mitigé.
Globalement, l’Afrique n’est pas en crise mais elle se métamorphose parce qu'en profonde mutation sous la combinaison de trois chocs : (1) choc des économies, (2) choc des générations et (3) choc des cultures. Et c’est à l’issue de ces mutations-transitions-transformations (jusqu’en 2025), qu’il se donnera de voir on ne peut plus clair, de quelle trajectoire va emprunter l’Afrique pour de très longues décennies encore.
S’il est permis de faire une relecture de Cheikh Anta Diop et de Kwamé Nkrumah, avec les yeux de la modernité et dans une certaine intertextualité et intercontextualité, les complexités et les enjeux de l’heure nous ‘’imposent’’ d’aller vers les Etats mutualistes d’Afrique, en attendant l’Etat fédéral d’Afrique.
Comme le dit la sagesse grecque, ‘’on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve car les eaux se seront déjà écoulées’’, parce que les contextes nationaux et géopolitiques des années 60 (décolonisation, guerre froide) ne sont plus les contextes nationaux et géopolitiques des années 2000 (globalisation et innovations technologiques).
Comme le dit une sagesse bien asiatique, ‘’il faut toujours marcher sur ses deux jambes pour garder l’équilibre’’, l’intégration politique va de paire avec l'intégration économique parce que la paix et la sécurité précèdent au développement.
Aujourd’hui, que vaudra la monnaie ouest-africaine, ECO, si nous ne pouvons pas assurer par nous-mêmes et pour nous-mêmes, notre propre sécurité nationale et collective ?
Aujourd’hui, que vaudra la très haute profitabilité économique du marché ouest-africain, CEDEAO, si nous ne pouvons pas nous nourrir par nous-mêmes et pour nous-mêmes ?
C’est alors que l’Afrique, au nom du principe de la différence et de l’altérité, détient toutes les cartes en main, pour penser hors-cadre, et favoriser la réalité des Etats mutualistes d’Afrique, en mutualisant nos forces de défense et de sécurité avec la création d’une armée africaine pour assurer notre sécurité collective, d’une part et d’autre part, en mutualisant nos agricultures et nos politiques agricoles, pour une agriculture africaine, du Nord au Sud, d’Est en Ouest, pour tirer grandement avantage de la situation géographique sans précédent de l’Afrique : le seul continent au monde sur deux hémisphères à la fois et le seul continent au monde aux huit régions géo-climatiques identiques de par et d’autres de l’équateur, avec tous les climats du monde et donc toutes les récoltes du monde.
Oui, à une armée africaine ! C’est maintenant. Pour compléter nos forces armées d’Afrique par une armée Africaine, qui serait une force en attente, pour intervenir partout sur le continent pour rétablir l’ordre constitutionnel, la paix civile et la sécurité militaire. Dans une logique de disponibilité opérationnelle et de réaction rapide.
Oui à une agriculture africaine ! C’est maintenant. Afin que ‘’l’Afrique Aide l’Afrique’’, selon la belle formule du patriarche Abdoulaye Wade. Avec trente millions de km2, plus d’un milliards d’habitants dont une écrasante majorité de jeunes (moins de 20 ans), plus d’un tiers des ressources naturelles du monde, des ressources hydriques en surabondance, les meilleures terre du monde pour l’agriculture ; alors l’agriculture est un puissant levier pour unir l’Afrique pour vaincre la faim.
En attendant les Etats Unis d’Afrique, osons les Etats Mutualistes d’Afrique et mutualisons nos Armées et nos Agricultures et tout le reste (Industrialisation, Commerce, Arts et Culture) suivra naturellement.
L’université n’a plus le droit de se cloitrer dans son inertie, sa distance et sa suffisance. Participer aux débats est une exigence du service à la communauté
Un constant s’impose : le Sénégal est un terreau fertile pour le débat. Une matière première pour les acteurs de la vie publique. D’ailleurs Dakar est un hub du débat. A première vue, on pourrait tomber naïvement dans le rapprochement “débat, liberté d’expression, démocratie”. Ce raccourci facile et lapidaire qui peuple les résolutions de certains séminaires.
Depuis quelques semaines, l’espace médiatique est inondé par des discussions avec des sujets qui (dé) mobilisent tout en mettant sur le curseur des controverses – utiles – mais aussi des fractures qui méritent d’ être interrogées. Ces propos, s’inscrivent dans une subjectivité assumée, une opinion critiquable car le sens de ce qui se passe reste ouvert.
Le processus est en cours, il se transformera sans cesse, il fera déjouer toute tentative de le circonscrire dans un cadre fermé… Toutefois, il est aisé de retenir un certain nombre de choses.
Le clash pour exister : selon certains analystes, comme Christian Salmon, nous sommes à “l’ère du clash”. Cette pratique, dont l’un des plus grands praticiens est le président américain Donald Trump, consiste à faire usage du tacle pour créer le spectacle, afin d’attirer l’attention du public en transgressant les règles habituelles.
Dans l’arène médiatique sénégalaise, s’il existe quelqu’un qui use et abuse de cette tactique trumpienne c’est bien Ahmed Khalifa Niasse. En fin observateur de la scène publique, il maîtrise le fonctionnement de la machine médiatique; elle est friande de “buzz” et de spéculations.
La transgression comme posture, avec malice il se donne libre cours. Il provoque pour susciter la polémique et exister dans les médias; quitte à faire sienne l’indécence folle des attaques. Un partisan du clash comme Ahmed Khalifa Niasse multiplie les sorties, attaque pour générer de la confusion et il choisit sciemment les sujets consensuels. Ce qu’il cherche, ce n’est plus la lumière dans les idées – même s’il est fort en syllogisme – mais le bruit médiatique pour d’autres enjeux.
Dans ce même lot, on retrouve Moustapha CisséLô, El Hadj Diouf, l’avocat, et des chroniqueurs qui ne crachent que du vide. Ils n’existent que par les médias et chaque débat est un combat de catch pour eux…Certains observateurs pourraient inclure dans cette catégorie Adama Gaye ou encore Guy Marius Sagna. Cependant, les deux sont dans le story, ils ont un récit cohérent par rapport à leurs engagements. Le premier s’inscrit dans la dénonciation de la gestion des ressources naturelles; tandis que le second emprunte les sillons tracés par les combattants de l’impérialisme.
Ils ne sont des adeptes de la provocation que pour mieux habiller leurs luttes. Sous ce rapport leur séjour carcéral n’est qu’une ruse des pouvoirs politiques pour court-circuiter leur récit – basé sur du factuel – qui risquerait d’éveiller ceux qui s’intéressent à ces controverses.
Soupçon et discrédit : la boulimie du débat fait apparaître des fractures. La plus visible, ces derniers jours, est celle sur la question du voile à l’Institut Sainte Jeanne d’Arc.
Au delà des jeux de compromis et de compromissions des représentants de l’Etat sur cette question, il serait plus intéressant de se pencher sur la réaction des acteurs de ce débat comme l’historienne Penda Mbow. Dans un texte intitulé “J’ai mal pour le Sénégal”, aux allures de réquisitoire, elle écrit : “notre société devient tellement intolérante et anti-intellectuelle qu’on se demande s’il est nécessaire de partager et de débattre”.
Celle qui a enseigné pendant plus de 30 ans “l’histoire du moyen musulman” subit le soupçon et le discrédit qui touchent les institutions. Même l’université n’est pas épargnée. Dans un autre registre sa récente absence du débat, avec sa casquette d’historienne, altère sa lecture des nouvelles formes de prise de parole dans l’espace commun.
Oui, l’inflation énonciative que favorise le numérique donne une place à ceux qui “ironisent sur tout, désacralisent tout” pour reprendre ses mots. Oui, le droit de mal penser se développe. Oui, sur les réseaux sociaux des avis gangrenés par des certitudes commencent ou se terminent par “je ne débats pas”. Oui, la trollosphère rigole de tout, oublie votre statut.
Oui, les plateformes du numérique accentuent les phénomènes et le lynchage collectif est de plus en plus communautaire.
Toutefois, cette attitude ne signifie pas crédulité. Les universitaires devraient, avec l’écosystème numérique, se départir de cette sorte de mépris des classes. L’université n’a plus le droit de se cloitrer dans son inertie, sa distance et sa suffisance. Participer aux débats est une exigence du service à la communauté.
Cependant, comprendre la grammaire des échanges sur ces plateformes permettrait d’éviter certaines collisions. Sur les«internets», l’expertise se ridiculise en voulant se comporter comme dans son milieu d’origine. Ce chamboulement est à prendre comme normal, même si la perte du monde connu peut faire mal. Les institutions seront davantage discréditées, elles survivront en s’adaptant.
“Soupçon et discrédit” : ces deux substantifs pourraient résumer le brouillard informationnel autour de la publication des premiers tomes de l’Histoire Générale du Sénégal. Le Pr Iba Der Thiam, qui a dirigé ce vaste projet a reçu des critiques corrosives remettant en question parfois son expertise. Il a eu le mérite de coordonner ce projet,même si la méthodologie laisse apparaître des failles.
Discrédit? Non. Son parcours académique et son humilité à reconnaître certaines errances scientifiques prouvent sa bonne intention. Champ de bataille idéologique, l’histoire nous apprend aussi sur nos fractures. Chaque communauté veut sa part du “tong tong” oubliant ainsi une évidence: le passé ne s’est pas fait seulement avec des personnes qui n’auraient accompli que du positif.
Dès lors, rejeter tout le travail coordonné par le Pr Thiam revient à ne jamais terminer cette entreprise. Si elle se veut officielle, l’ histoire évite les compromis et les embellissements qui sont propres à l’épopée. Elle n’est pas un théâtre de revanche sociale. Et Birago Diop de renchérir avec cette mise en garde tirée de la bibliothèque de l’oralité “quand la mémoire va chercher du bois mort, elle ramène le fagot qui lui plaît”.
L’histoire du pays a été faite par les rois, les reines, les ceddos, les marabouts, les artisans, les traîtres…
Un pont est vite jeté entre cette écriture de l’histoire du Sénégal et la figure de Cheikh Anta Diop. Les échanges épistolaires, portant principalement sur lui, entre l’écrivain Boubacar Boris Diop et le philosophe et universitaire Souleymane Bachir Diagne ont déçu par le ton personnel qui ressemble fort à une querelle des égos. Certains commentaires ont même évoqué le rejaillissement des litiges entre l’Egyptologue et le poète Léopold Sédar Seghor.
Malheureusement, ces derniers partagent le même sort ; ils sont plus cités que lus. Pour les saisir, il faut faire le tour de leur production: ils ont bâti des œuvres. Par ailleurs, ceux qui se délectaient des échanges entre Boris et Bachir étaient, dans leur majorité, plus obnubilés par les coups fourrés dans la rhétorique que par les problématiques soulevées. Les lecteurs n’étaient pas exigeants, à force de se débattre dans la médiocrité.
Un renouvellement des formats de l’information : le rôle prégnant des médias a toujours été au cœur des grands débats. Or, il est peu de dire qu’il existe une mutation dans la diffusion de l’information. Sous cet angle, il est loisible de prendre comme exemple l’invitation faite par le parlement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) à un “Snapeur” pour couvrir un de ses événements. Cette nouvelle figure nous renseigne sur le renouvellement de l’espace médiatique.
Ce personnage, rejeton du couple “journalisme de compte rendu”- Tech, cloné par le président du parlement de la Cedeao, est le miroir qui renvoie aux journalistes les mutations de leur secteur. Il donne un aperçu sur la méfiance des médias; une sorte de discrédit.
Depuis des années, les acteurs du système médiatique ont laissé pourrir la situation, sous le regard complice des décideurs. Toutefois, s’attaquer à ce personnage qui aurait par infraction basculé la quiétude de ceux qui sont “professionnels” serait méconnaitre les racines du mal.
Ce “snapeur ” à ses cibles et ceux qui font appel à lui cherchent de la visibilité. Sous ce rapport, une bonne occasion se présente pour faire avancer des chantiers comme le code de la presse, la convention des journalistes, les conditions de travail dans les rédactions. Il s’y ajoute aussi cette nécessité de s’adapter aux changements; même si rester fidèle aux fondamentaux du métier demeure une armure. A ce titre, il faut magnifier le travail de ceux qui s’inscrivent encore dans l’idéal du journalisme et saluer des initiatives comme “La Maison des Reporters”.
Sous un autre angle, la pratique du débat met en lumière des commentateurs professionnels à travers des émissions de talk show. C’est le règne des chroniques et éditoriaux, si prévisibles allant jusqu’à prendre l’allure de marronniers. Les nouvelles retrouvailles consistent à créer des engueulades artificielles pour maintenir l’attention du public avide de “divertissement”.
La recette est simple: hystérie, intox, commentaire du commentaire concernant les polémiques, partialité affirmée et toujours quelqu’un qui joue le rôle du sage…les médias deviennent le temps de ces “débats” nos propres caricatures…
Au demeurant, il est loisible de remarquer que dans ce texte, nullement les mots comme citoyens, Républiques ou encore espace public ne sont utilisés. Ils sont une sorte de constellation de sens et leur utilisation abusive cache, plus qu’elle ne révèle, les réalités qu’ils désignent. Certes, il nous faut des débats pour mieux comprendre nos fractures, mais encore plus de lucidité afin de faire sens.
Sahite Gaye est enseignant chercheur en sciences de l’information et de la communication
MIMI, L'EX-AMIE DE LA GAUCHE
Une des figures du régime actuel, Aminata Touré a bourlingué en politique avant de se faire une place au soleil au prix d’un changement de trajectoire ou d’une remise de sa pensée politique
Du Msu à And jef, Aminata Touré, 57 ans, a atterri à l’Alliance pour la République du Libéral Macky Sall, ex-militant de la Gauche. Une des figures du régime actuel, Aminata Touré a bourlingué en politique avant de se faire une place au soleil au prix d’un changement de trajectoire ou d’une remise de sa pensée politique.
Pas ferme, droit dans ses bottes, Aminata Touré marche sur le tapis rouge de l’hôtel King Fahd Palace. Regard franc, elle a l’allure d’un général qui fait une revue des troupes. La présidente du Conseil économique, social et environnemental (Cese) vient de quitter la réunion des femmes de l’Alliance pour la République (Apr) en ce 12 juillet 2019. Une rencontre qui marquait l’installation de Ndèye Saly Diop Dieng, présidente des femmes du parti présidentiel. Devant ses sœurs de parti, la présidente du Cese affiche son soutien total au successeur de Ndèye Marième Badiane. Sa popularité se mesure à l’applaudimètre. Un discours de circonstance qui dicte la discipline de parti. Car contester le ministre de la Femme, c’est tout bonnement défier les choix du Président Macky Sall. Cependant, au regard de sa trajectoire politique, on voit mal comment l’ancien Premier ministre pourrait suivre Ndèye Saly Diop Dieng. Car Aminata Touré, c’est l’incarnation du leadership. Ou rien. Tout simplement.
«Mimi n’est pas du genre à se soumettre»
Dans le syndicalisme, la politique, le sport, Mimi a toujours voulu jouer les premiers rôles. Sidiki Daff est un ancien camarade de parti de l’ancien Premier ministre à l’époque d’And jef/Parti africain pour la démocratie et le socialisme (Aj/Pads). Vieillesse tatouée sur le visage, marqué par des années de lutte dans la Gauche, il relate la personnalité de Mimi Touré en 1993 : «C’était la première fois que l’on avait un porte-parole femme. Elle est très combattive, a la tête sur les épaules. Ce n’est pas un hasard si elle est là aujourd’hui. C’est une dame qui n’a pas sa langue dans sa poche. J’ai toujours dit que c’était une erreur de voir Mimi Touré Premier ministre parce qu’elle n’est pas du genre à se soumettre. Macky l’a finalement enlevée. C’est une forte tête avec des convictions chevillées au corps. Elle accepte difficilement qu’on la dirige parce qu’elle est trop autonome. Mimi est une femme courageuse», a témoigné M. Daff le 21 septembre, lors de la Journée d’hommages aux ex militants de la Gauche à la Maison de la Culture Douta Seck.
Le courage, le combat, des convictions, Aminata Touré les a appris dans le mouvement de Gauche. A 14 ans, elle épouse cette idéologie véhiculant les principes de justice sociale, le soutien au monde rural, la répartition de richesses… Elle intègre le Mouvement pour le socialisme et l’unité (Msu) avant les années 90. Et lors de la Présidentielle très contestée de 1993, elle est directrice de campagne du candidat Landing Savané, leader d’Aj/Pads. Elle avait 31 ans. «Ce qui nous surprenait, c’est que la contestation est telle que nous pensions que le pouvoir sortant ne pouvait jamais gagner. Finalement, on voyait que ce que nous croyions n’avait rien à voir avec le verdict des urnes», se souvient Mimi Touré. Au lycée Van Vo, devenu aujourd’hui lycée Lamine Guèye, la jeune Aminata est aux avant-postes des combats. Puis l’Université va prendre le relai. En France, Mimi est en chevelure afro, avec blue-jeans, liquettes, baskets et passionnée de sports. Elle avale les différents bréviaires révolutionnaires, à commencer par le Manifeste du parti communiste, de Karl Marx et Friedrich Engels, son livre de chevet à la résidence universitaire. «Mimi la rouge» est-elle ainsi surnommée par ses camarades étudiants. Elle n’hésite pas à monter parfois à Paris à l’occasion des grandes manifestations du Parti communiste, dont la traditionnelle fête de l’Humanité. Tour à tour, elle milite dans l’Association des étudiants sénégalais en France (Aesf), de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (Feanf) et de l’Union nationale des étudiants de France (Unef). «Elle pouvait parler pendant des heures de politique, d’idéologie et de marxisme-léninisme sans se fatiguer», racontait une amie de Mimi dans un portrait sur elle, réalisé par Rfi en 2013.
Malgré ses années dans la Gauche, Aminata Touré a décidé de diluer son engagement. La dame qui aura 57 ans le 12 octobre prochain a migré vers le Centre. «Je n’ai jamais été libérale. L’Apr n’est pas un parti libéral. C’est un parti dans lequel il y a tous les courants. Je me définis comme une sociale-démocrate. Il faut que la politique sociale soit affirmée, surtout dans nos pays en voie d’émergence, tout en respectant les règles du marché : la propriété privée, le droit d’être dans un environnement qui favorise les affaires dans le respect des droits aussi bien des travailleurs que des autres segments de la société», a-t-elle théorisé au cours d’un entretien avec Le Quotidien en août dernier au siège du Cese.
«Je ne suis pas Margareth Thatcher»
Cette audace et ce refus de se soumettre, Aminata Touré les a forgés au cours de son enfance. Mais elle se défend d’être un garçon manqué. «Si j’étais un homme, je pense que ce débat ne se poserait pas. Il y a des rôles qu’on a assignés aux femmes, d’autres aux hommes. Or, ça n’a pas toujours été comme ça. Dans l’histoire du Sénégal, les femmes ont toujours joué un rôle important. Dans le Walo, Dieumbeuth Mbodj et sa sœur Ndatté Yalla ont tenu tête à l’envahisseur français et ça s’est soldé par des négociations. Dans le Sud, il y a Aline Sitoé Diatta contre la colonisation française. Dans la religion, il y a de grandes figures comme Mame Diarra Bousso, un des rares femmes qui occasionne de grands rassemblements religieux à travers le Magal de Porokhane. Au Sénégal, les femmes ne rasent pas les murs et n’ont jamais rasé les murs», se justifie-t-elle. Qualifiée de garçon manqué par ses détracteurs, Mimi est comparée à Margareth Thatcher, ancien Premier ministre britannique, caricaturée dame de fer à cause de son intransigeance. Une comparaison qu’elle rejette : «Je ne suis pas Margareth Thatcher, elle était de droite et je suis du centre. Je suis une progressiste. Cela n’a plus de sens de parler de droite et de gauche.»
Après des années aux Etats-Unis durant le régime de Wade, c’est le Libéral Macky Sall qui le convainc de faire son retour au bercail. «Mimi est une femme de Gauche. Je l’ai rencontrée il n’y a pas longtemps et elle me l’a réaffirmé. Son ambition est de porter haut les couleurs de la Gauche», précise Amadou Vieux Ndiaye également membre du comité de pilotage de la Journée d’hommages aux ex-militants d’Aj/Mouvement pour la révolution et la démocratie nouvelle. Au sein de la Gauche, Mimi a également été très tôt amoureuse du sport. Elle va pratiquer à l’école le football, le handball, le judo. Mimi était ailière aux Gazelles de Dakar alors que le foot féminin était à ses premiers balbutiements. Au début des années 80, elle ambitionne même de faire carrière dans le sport. Elle intègre l’Equipe nationale d’athlétisme. Déterminé à voir sa fille auréolée de diplômes, le père de Mimi refuse.
«Le sport m’a appris la discipline, la rigueur, le sérieux»
Mais chassez le naturel, il revient toujours au galop. En France, la jeune étudiante est très active dans les milieux sportifs. Lors d’une compétition de judo, elle se fracture le coude. Une péripétie qui va définitivement sonner le glas de sa pratique sportive. «Le sport m’a appris qu’une victoire peut arriver après une défaite dans quelque domaine que ce soit. Dans le sport, j’ai appris la discipline, la rigueur, le sérieux. J’essaie d’appliquer ces principes en politique et dans ma vie en général», dit Aminata Touré. Pour suivre son regard, il faut aller au ministère de la Justice. Premier garde des Sceaux du gouvernement de Macky Sall, Aminata Touré imprime sa marque dès le début du régime de M. Sall et assume la politique de la traque des biens mal acquis. Les dignitaires du Pds sont traqués dont son ex-mari, le Trotskyste devenu Libéral Oumar Sarr, qu’elle a connu en France en tant qu’étudiant. Ils ont une fille : Dior. Comment cette dernière a vécu cet épisode ? «Je ne raconte pas ma vie privée en public. Cela fait 7 ans que les gens me posent la question, j’ai toujours refusé d’y répondre. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais étaler ma vie privée sur la place publique», confie Mimi Touré. De sa vie privée, on ne connaît que très peu de choses. Après ses divorces avec Oumar Sarr et Momar Wade, Mimi Touré est actuellement en couple avec Oumar Wade, un entrepreneur.
LA GAUCHE MALADOITE
Très actifs dans les combats pour la démocratie et une juste répartition des ressources, les partis de Gauche, en accointance avec les différents régimes, ont peu à peu perdu de leur superbe
Très actifs dans les combats pour la démocratie et une juste répartition des ressources, les partis de Gauche, en accointance avec les différents régimes, ont peu à peu perdu de leur superbe. Phagocytés ces 20 dernières années par l’hyper-puissance du Libéralisme, ils semblent se plaire dans cette situation malgré de timides tentatives de bouleverser l’ordre établi et de reconstituer cette force qui se conjugue au passé.
Le constat est implacable : Les partis de gauche sont en crise. C’est un euphémisme que de l’affirmer, car les militants de l’idéologie marxiste-léniniste se sont dilués dans les grandes coalitions qui ont porté au pouvoir les Libéraux. Me Abdoulaye Wade et Macky Sall ont eu leur part des forces de Gauche dans leur marche vers la conquête du pouvoir auquel ils n’ont jamais pu accéder, malgré leur discours et les sacrifices consentis comme la clandestinité pour l’avènement de la démocratisation du pays. Aux avant-postes lors des grandes manifestations aux relents de révolution, la Ligue démocratique (Ld), Parti de l’indépendance et du travail (Pit), And jef/Parti africain pour la démocratie et le socialisme (Aj/Pads) sont réduits à des porteurs d’eau pour des Libéraux. Et non plus cette Gauche-caviar qui peut illuminer une compétition électorale. Ces rapports avec le pouvoir d’incarnation libérale n’ont pas manqué de participer à la déliquescence de ces formations politiques qui essaient de renaître de leurs cendres. Comme le Phénix… Mais les initiatives de reconstituer la puissance de la Gauche, à travers la Confédération pour la démocratie et le socialisme (Cds), risquent de buter sur la realpolitik. Tant les intérêts des différents pôles sont divergents.
Leader d’And jef/Mouvement pour la révolution et la démocratie nouvelle (Aj/Mrdn) en 1981, un parti qui venait de sortir de la clandestinité, Landing Savané a été longtemps au premier rang des luttes sociales. Des jeunes comme un certain Macky Sall sont même tombés sous le charme en y adhérant au début des années 80. Cependant, cela ne se traduisait jamais aux élections présidentielles de 1988 et de 1993 (0,25% et 2,91%) malgré le soutien de Mamadou Dia, ex-président du Conseil. «Nous avions fait une excellente campagne avec Mimi Touré comme porte-parole du candidat Landing Savané, mais surtout avec de bonnes propositions en 1993», se remémore Sidiki Daff, enseignant et ex-militant d’Aj/Pads. Là constitue le mal de la Gauche : conquérir et exercer le pouvoir.
Finalement, le parti de Landing Savané s’est divisé en pôles. Savané dirige aujourd’hui Aj/Pads/Authentique (allié de Macky Sall), Mamadou Diop Decroix, son ex-compagnon de lutte, qui a hérité du nom originel du parti, est dans l’opposition. Mazide Ndiaye, l’un des adjoints du général Mamadou Niang au sein de la Commission du dialogue politique, s’active dans l’expertise électorale, donc dans la Société civile. Madièye Mbodj, leader de Yoonu askanwi, continue à incarner les idéologies de Gauche. Mais son discours est presque inaudible alors que Bassirou Sarr a créé le parti Aj/Niax jarinu. Un émiettement des forces qui dévoile des contradictions électoralistes qui ont fini d’absorber les idéologies.
La Ligue démocratique n’a jamais été un parti de masse. Mais le charisme de son leader Abdoulaye Bathily rendait cette formation politique incontournable dans l’espace politique. Contrairement à Aj/Pads qui ne s’est jamais remis de son alliance avec Wade en 2000, la Ld est revenue au premier plan après son divorce avec le régime libéral. Pas pour longtemps. Allié de Macky Sall, ce parti s’est affaibli et la scission est intervenue en 2017 avec la création de la Ld-debout qui refuse le compagnonnage avec la coalition Benno bokk yaakaar. Entre-temps, Bathily et Mamadou Ndoye sont partis et ne cachent plus leur dépit. «Ce qui est important pour nous, c’est de participer à la transformation sociale du pays. On peut le faire en ayant un candidat qui gagne ou en participant à une coalition victorieuse. La Ld refuse de faire dans ‘’l’idéologisme’’, le dogmatisme. Cela n’a pas de sens de dire que coûte que coûte à toutes les élections, la Gauche doit avoir un candidat. Nous sommes des acteurs politiques qui prennent la réalité avant de prendre des décisions», justifie Moussa Sarr, porte-parole de la Ld, rappelant l’importance des forces de Gauche dans l’avènement de Me Abdoulaye Wade au pouvoir.
Héritiers : Pastef, France dégage, Aar li ñu bokk…
«Mais le pouvoir absolu corrompt absolument», disait Alpha Blondy. Si Mamadou Diop Decroix précise que les partis de Gauche ont très tôt méprisé l’argent, la Ld fait exception à cette règle. En 2017, Mamadou Ndoye révèle que le Président Macky lui octroyait un salaire de 4 millions uniquement en tant secrétaire général d’un parti allié à la mouvance présidentielle. Cette sortie avait quelque peu mis un sérieux coup à la crédibilité des partis de Gauche. Malgré ce constat peu reluisant, l’optimisme est de mise. «La victoire du Libéralisme n’est pas sénégalaise, elle est mondiale. Il y a eu une période où le bloc socialiste s’était effondré, cela devait forcément avoir des conséquences ici et ailleurs. Mais cela va repartir parce que le Libéralisme, la bourgeoisie, l’oppression, l’exploitation, c’est l’échec. Toute exploitation produit une contraction, une résistance et toute résistance, si elle s’enracine dans les masses populaires, aboutit à une victoire. Je suis fondamentalement optimiste. Je pense que demain ce sera de nouveau la victoire des forces progressistes», prophétise Landing Savané aujourd’hui vice-président du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct).
Orphelin de sa figure de proue, le Parti de l’indépendance et du travail se morfond dans Benno bokk yaakaar. Avec un ministre et un député, ce parti de Gauche est un acteur du régime actuel, dont il a soutenu le leader lors des deux dernières Présidentielles. En 2015, une tentative de regroupement des partis de Gauche a été portée sur les fonts baptismaux. Aujourd’hui, seuls les partis proches du pouvoir animent la Confédération pour la démocratie et le socialisme (Cds) qui est sortie de sa léthargie depuis août dernier, car Madièye Mbodj et Mamadou Ndoye de la Ld-debout sont dans l’opposition. A la place, ce sont des partis comme Pastef et des mouvements sociaux comme Aar li ñu bokk, France dégage qui prennent le flambeau de la contestation. Une aube nouvelle.
"LA GAUCHE SÉNÉGALAISE N'A PAS D'AVENIR"
Enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’UGB, Moussa Diaw explique les raisons de l’effondrement de ces partis marxistes-léninistes confrontés au problème du renouvellement de leurs élites
Qu’est-ce qui explique l’effondrement de la Gauche sénégalaise ?
Il faut dire que le phénomène est mondial. La Gauche est en crise. Même en France, le discours du Parti socialiste ne tient plus. Raison pour laquelle il a perdu le pouvoir. Il n’y a plus ces leaders qui tiennent des discours mobilisateurs parce que la Gauche française s’est disloquée. Le Gauche ne joue plus son rôle. Est-ce que c’est dû au fait que depuis la période de la guerre elle a du mal à mobiliser et à adapter son discours par rapport à l’évolution des sociétés ? C’est la grande question qu’il faut se poser. Au Sénégal, c’est la Gauche qui a mené tous les combats pour la démocratie et l’égalité sociale. C’est ce qu’on appelait à l’époque les idéaux marxistes. On peut citer feu Amath Dansokho, Pr Abdoulaye Bathily et d’autres dans leur parti qui ont joué un rôle d’avant-gardiste pour un changement social. Maintenant, le discours de la Gauche n’est plus audible parce que les leaders ont changé de stratégies et se sont conformés à l’évolution des pratiques politiques. Comme disait Amadou Ka (auteur d’un livre sur la Gauche sénégalaise), «on n’est plus dans la lutte des classes, mais dans la lutte des places». Les forces de Gauche cherchent aujourd’hui une position au sein du pouvoir afin de participer à la gestion et à la gouvernance des ressources. Aujourd’hui, on note pour le regretter que les gens ne se battent plus pour un changement social, une justice sociale et la meilleure répartition des ressources. On n’entend plus cette Gauche qui s’est conformée à ce discours néolibéral, aux injonctions du Fmi et de la Banque mondiale. Elle a complètement rompu les amarres avec ce qui faisait son socle sur le plan idéologique. C’est assez étonnant parce qu’au Sénégal, on voit une fracture sociale entre une poignée d’individus très riches et une majorité qui vit dans la misère.
Est-ce que les partis de Gauche ont un avenir ?
Cette Gauche n’a plus d’avenir à moins qu’elle ne modifie complètement sa vision politique. Il y a un décalage entre leur discours idéologique et ce que vivent les gens au quotidien. C’est la Gauche qui déclenchait les combats de masse. Nous avons aujourd’hui une Gauche qui se préoccupe plus du pouvoir que des luttes sociales. Leurs animateurs cherchent des positions de pouvoir en fonction des coalitions dans lesquelles ils se trouvent.
Que doivent faire les partis de Gauche pour sortir de cette crise et venir au pouvoir ?
Il faut qu’ils se cherchent des héritiers. Dans les partis de Gauche, il y a peu de jeunes. Je dirai que cette frange de la population y est quasi-inexistante. Ce sera très difficile parce que les préoccupations des jeunes d’aujourd’hui sont très différentes de celles il y a une quinzaine ou une trentaine d’années. Le discours doit changer. On est dans l’ère du numérique et il faut donc s’adapter à la jeunesse avec des nouveaux discours. Il va falloir modifier le discours et s’adapter aux réalités en changeant complètement de paradigme. Cette Gauche qui a mené des combats contre le régime socialiste et durant le régime libéral est vieillissante. Il se pose donc un problème de renouvellement de cette élite. Les partis de Gauche n’arrivent pas à recruter des jeunes parce que le discours n’est pas fait de telle sorte pour qu’ils puissent l’entendre.