Le parcours a été parsemé d’embûches, mais Eumeu Sène s’est frayé un chemin pour se hisser au sommet, parmi les sommités de l’arène. Six dates clés aident à mieux connaître ce lutteur aux multiples facettes.
Ouza Sow (7 février 1999) : «Passage de grade réussi»
Son premier combat, Eumeu Sène l’a livré le 19 mars 1998 contre Mbodj Diagne. Il s’était soldé par une défaite. Mais celle-ci ne l’a pas empêché de faire son bonhomme de chemin et de saisir sa chance lors de son passage de grade face à Ouza Sow de Fass, le 7 février 1999. C’était un combat très dur : les lutteurs ont échangé des coups de poing sans retenue. Le combat s’est terminé sur une chute spectaculaire. C’est la victoire de Eumeu Sène la plus éclatante et sans doute l’une des plus importantes de sa carrière, parce qu’elle lui a permis de franchir un palier, d’entrer dans la cour des grands.
Nguèye Loum (7 aout 1999) : «Sur les pas de Tyson»
Ce combat, son premier chez les ténors, l’opposait au premier adversaire de son mentor, Tyson. A l’époque, Nguèye Loum, au summum de son art, respirait la forme et était craint de ses adversaires. Tout le monde pensait que Eumeu Sène, qui avait deux handicaps : sa taille et sa jeunesse, ne pouvait pas s’en sortir. Mais Eumeu en a surpris plus d’un ce jour-là. Son adversaire étant plus à l’aise dans la bagarre, il a mis la fougue de côté. Privilégiant la lutte, il a imposé sa force, pour, contre toute attente, sortir vainqueur de ce duel.
Gris Bordeaux (13 juin 2004) : Une pilule amère
C’était le choc entre Pikine et Fass. Un vrai «classico». Eumeu Sène était l’espoir montant de la banlieue, Gris la belle promesse fassoise. Deux lutteurs parmi les plus en vue de leur génération, qui s’affrontaient pour la première fois à Demba Diop. Ce jour-là, Eumeu Sène a fait preuve d’immaturité, en tombant dans le piège de son adversaire. Qui, très affûté, a imposé la bagarre pour prendre à défaut Eumeu, en allant chercher, avec beaucoup de technicité et de culot, les deux jambes du Pikinois.
Balla Gaye 2 (8 février 2009) : Un «Caxabal» d’enfer
Avant ce combat, Balla Gaye 2 avait fait le vide autour de lui. Il avait battu Bathie Seras, Boy Sèye, Tyson Junior (lutteurs de Pikinois), Ousmane Diop, et pris sa revanche sur Issa Pouye (Thiaroye). Eumeu Sène devait laver cet affront face à un adversaire que rien ne semblait pouvoir arrêter. Mais la suite, on la connaît : un «caxabal» d’enfer. Un geste simple, mais difficile à réaliser face à un lutteur de la trempe de Balla Gaye 2. Cette défaite avait freiné BG2, qui visait Tyson à l’époque. Il finira par le croiser, et l’issue de ce combat est l’une des raisons de l’éclatement de l’écurie «Boule Falé». Eumeu a pris son indépendance.
Gris Bordeaux (6 mars 2011) : Le prix du sang
En termes d’intensité et d’endurance, c’est sans doute l’un des meilleurs combats de l’arène ces dernières années. Des coups bien placés, une technique de lutte (placage) savamment exécutée, Gris Bordeaux/Eumeu Sène a été un combat de haute facture. Le Pikinois s’en était sorti blessé à l’œil, mais son blason a été redoré. «Il a démontré toutes ses capacités à lire un combat, en déjouant toutes les stratégies de Gris. Il l’a finalement battu à l’usure. Ce combat a relancé Eumeu et lui a donné un succès fou, une seconde jeunesse.
Bombardier (28 juillet 2018), le cadeau du ciel
Ce jour-là, le ciel tenait à récompenser un lutteur plein de qualités, mais que le destin n’a pas très tôt gâté. Face à Bombardier et ses 150 kg, peu d’amateurs pouvaient parier sur une victoire de Eumeu Sène. Le Pikinois a pris son courage à deux mains pour faire face au B52. Après une bagarre désordonnée, le mastodonte Bombardier s’écroule, Eumeu monte ainsi sur scène. C’est la consécration d’une carrière parsemée d’embûches.
AUDIO
LE WAX EN AFRIQUE, CLICHÉ OU IDENTITÉ DU CONTINENT ?
Souvent associée au continent africain, l’histoire de ce tissu est pourtant plus complexe. Est-il encore massivement porté comme un tissu traditionnel en Afrique ? Comment les Africains se le sont-ils réapproprié ?
Au dernier défilé Dior, la prestigieuse maison a présenté une collection avec plusieurs vêtements et accessoires en wax. Souvent associée au continent africain, l’histoire de ce tissu est pourtant plus complexe. Est-il encore massivement porté comme un tissu traditionnel en Afrique ? Comment les Africains se le sont-ils réapproprié ?
Avec :
- Marie-Jeanne Serbin-Thomas, rédactrice en chef du magazine Brune
- Anne Grosfilley, anthropologue, auteur de Wax 500 tissus (La Martinière)
- Paté Ouedraogo, fondateur de la maison de couture Pathé‘O en Côte d’Ivoire
- Aminata Coumbassa, fondatrice et rédactrice en chef du média Le monde du wax, destiné à tous les amoureux du life style africain.
MODOU LO, UNE CARRIÈRE À REMETTRE SUR LES RAILS
Après sa défaite en janvier face à Balla Gaye, un nouveau revers ce dimanche face à Eumeu Sène, serait lourd de conséquences pour l'enfant des Parcelles Assainies
Dans une discipline sportive normale et normée, Modou Lô qui sort d’une défaite face à Balla Gaye 2, en janvier dernier, n’aurait pu accéder directement au détenteur de la couronne de roi. Mais dans le monde de la lutte, les humeurs des amateurs, les intérêts des promoteurs et l’attractivité de l’affiche priment sur la logique sportive.
Eumeu Sène a réussi là où Modou Lô a échoué le 25 juillet 2015, mais son avance prise à la faveur d’une victoire devant le tenant du titre de roi des arènes, Bombardier, ne l’a pas mis hors de portée du Roc. Battu par Balla Gaye 2, Modou Lô n’a pas eu le temps de digérer sa défaite que son entourage lui a offert un combat royal en guise de consolation. Mais le cadeau pourrait être empoisonné.
Une deuxième défaite de rang, après son humiliation devant Balla Gaye 2, freinera son élan, au moment où de jeunes lutteurs à l’ambition démesurée se sont lancés de toutes leurs forces dans la course à l’entrée dans le cercle des grands. Les conséquences d’une deuxième défaite consécutive, la troisième d’une carrière ornée de 19 victoires et portée par une popularité sans précédent, seraient la fin d’une période de grâce qui commence à durer.
Mbaye Tine, coach écurie Baol Mbollo confirme : «si Modou Lô perd ce combat, le reste de sa carrière risque d’être difficile. Son adversaire numéro un sera alors Ama Baldé. Après, Gris Bordeaux et Lac 2 pourront également prendre leur revanche. S’il rate cette opportunité, il va vers une fin de carrière difficile. Déjà tous les ténors sont plus costauds que lui et il ne peut pas les battre, mais tout le monde connait maintenant sa stratégie.
C’est un lutteur qui attend pour exploiter les failles de l’adversaire. Et aujourd’hui tous les lutteurs qui ont cette stratégie se mettent à dos le public. En cas de victoire, il devient roi et aura la latitude de choisir ses adversaires.» Un revers donnera un sacré coup à sa popularité en veilleuse et remuera à nouveau le couteau dans la plaie ouverte par la deuxième défaite face à Balla Gaye, qui a laissé place à des critiques d’un entourage qui ne reconnait plus son lutteur.
LA FACE SOMBRE DE L'AMÉRIQUE
"Dans leur regard", la nouvelle série choc en 4 épisodes, raconte la véritable histoire des cinq adolescents noirs et latinos accusés de viol, alors qu'ils étaient en réalité innocents
Dans leur regard, «When They See Us » dans son titre original, une mini-série en quatre épisodes réalisée par la toujours excellente Ava DuVernay, réalisatrice de Selma et Middle Of Nowhere, est diffusée actuellement sur Netflix. cinéaste y décrit le processus trop commun par lequel cinq adolescents noirs et latinos ont été condamnés pour un crime qu’ils n’ont pas commis. Surnommés «les Central Park Five», Antron McCray, Kevin Richardson, Yusef Salaam, Raymond Santana Jr. et Korey Wise, dont l’âge variait de 14 à 16 ans à l’époque, ont été accusés d’avoir violé et battu Trisha Meili, 29 ans, qui faisait son jogging dans Central Park le 19 avril 1989. Malgré un interrogatoire d’un jour et demi sans la présence de tuteurs et sans nourriture, sans eau ni sommeil, malgré des aveux contradictoires obtenus sous la contrainte et malgré l’absence totale de preuves matérielles, les cinq garçons ont tous été condamnés et incarcérés. Quatre d’entre eux ont été placés dans des établissements correctionnels pour mineurs. Korey Wise, 16 ans, l’aîné, a été jugé en tant qu’adulte et incarcéré pour adultes, où il a subi d’horribles sévices physiques et psychologiques.
Une série extrêmement difficile à regarder, mais certainement pas par manque de savoir-faire. La direction et l’écriture de DuVernay sont claires et précises, et mettent l’accent sur ce que les garçons et leurs familles ont perdu au cours de leurs décennies d’épreuve. Bradford Young, directeur de la photographie nommé aux Oscars et collaborateur de longue date de DuVernay, apporte sa lumière brute et ses ombres clairs-obscurs caractéristiques pour donner à la série une apparence remarquable, notamment dans des tons bleus froids et avec la lueur chaude et dorée des lampadaires et des lampes des appartements. La distribution, constituée de plus de 100 comédiens, dont Vera Farmiga, Michael Kenneth Williams, Joshua Jackson, Blair Underwood, Felicity Huffman, Suzzanne Douglas, Jharrel Jerome et Kylie Bunbury, est aussi excellente. Ils font tous un travail fantastique avec leurs personnages. On peut ainsi citer Niecy Nash, dans le rôle de la mère de Korey, Aunjanue Ellis, celle de Yusef ou encore John Leguizamo, dans celui du père de Raymond – vous pouvez voir leur zèle pour défendre leurs fils, poussés par un amour profond, une fatigue extrême et une colère vertueuse.
Un déni de justice qui s’inscrit dans l’histoire sociale américaine
Non, en fait ce qui rend difficile à voir Dans leur regard, ce n’est pas seulement la violence infligée aux cinq garçons – qui sont si jeunes et impuissants par rapport aux policiers et à la machine judiciaire et médiatique qui s’abat sur eux – mais parce que vous savez par dessus tout que ces faits s’inscrivent dans une sorte de continuum d’injustice. L’histoire américaine nous renvoie ainsi, entre autres, aux émeutes du Zoot Suit de 1943 à Los Angeles, où des Marines blancs ont violemment attaqué des jeunes Mexicains, Noirs et Philippins ; à l’exécution en 1944 de George Stinney Jr. en Caroline du Sud, 14 ans à peine lorsqu’il a été reconnu coupable du meurtre de deux jeunes filles blanches (dont beaucoup pensent qu’elles ont été assassinées par un homme blanc puissant, George Burke) ; à la mort de Kalief Browder, un jeune homme du Bronx qui s’est suicidé après avoir été détenu à Rikers Island pendant trois ans sans procès pour un sac à dos volé ; et à la mort innombrable de jeunes hommes, femmes, garçons et filles de couleur des mains de membres auto-définis de la société et de policiers racistes et haineux.
Ava DuVernay lance une forme d’appel à l’action. Un appel à se rappeler qu’il ne fait pas continuer à laisser l’histoire se répéter. La population carcérale américaine s’élève actuellement à 2,2 millions de personnes, et 4,5 millions d’autres sont en liberté conditionnelle ou en probation, soit le nombre le plus élevé du monde dit « développé ». Ce sont des millions de familles détenues dans une sorte de purgatoire, des millions de vies détruites, parfois irréparables. Combien d’autres personnes devront vivre ce genre d’expérience avant que les choses cessent ? Oui, aujourd’hui encore aux États-Unis, les noirs américains sont toujours victimes criantes de discrimination.Pour un même crime, une personne noire sera condamnée à une peine dix neuf pour cent plus longue qu’une personne blanche. Si Dans leur regard s’attaque à une affaire bien précise, elle dénonce plus généralement un système judiciaire où l’égalité n’est toujours pas acquise aujourd’hui.
Jean-Luc Gadreau est critique cinéma et attaché de presse du Jury œcuménique au Festival de Cannes. Pasteur et chargé de communication de la Fédération Baptiste (membre de la Fédération Protestante de France et du Conseil National des Évangéliques de France). Artiste, musicien et chanteur depuis le milieu des années 80, il est aussi auteur du livre « Sister Soul - Aretha Franklin sa voix, sa foi, ses combats » édité en Mai 2019 chez Ampélos.
L'AFROTOPIE QUI VIENT
Felwine Sarr nous invite à faire un travail de déconstruction épistémologique radical pour sortir du capitalisme et de l’unimonde néo-libéral, afin de penser le réel à partir du plurivers, des différentes manières de faire l’expérience du monde
Dans cet épisode, on retrouve Felwine Sarr pour un long entretien où l’on prend le temps de parler Afrotopie, des potentialités africaines, des modalités de leur surgissement ; et à travers elles, de notre monde en commun.
Felwine Sarr nous redit l’importance de penser l’utopie, de penser le monde que l’on souhaite habiter pour le faire advenir.
On entrevoit comment les enjeux du présent nous appellent à former une véritable communauté humaine, à dépasser les catégories héritées du vieux monde, pour être en mesure de faire face aux défis du présent. Etats-nation, frontières, identité, figure de l’étranger...etc.
On revisite également les ordres du discours économique dominant.
Felwine Sarr nous invite à faire un travail de déconstruction épistémologique radical pour sortir du capitalisme et de l’unimonde néo-libéral, afin de penser le réel à partir du plurivers, des différentes manières de faire l’expérience du monde, qui s’affirment de plus en plus fortement depuis les Suds.
Le temps de l’insurrection épistémologique est venu.
On découvre comment le moment de réenracinement du patrimoine culturel africain peut soutenir la reconstruction du continent et pourquoi cette réappropriation est une étape essentielle de la reconstitution d’une mémoire longue, pour l’ensemble de la communauté africaine, diasporique et humaine.
Pour habiter le monde en commun, le plus grand défi est peut-être celui d’avoir en partage une mémoire commune de nos histoires plurielles.
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"MODOU LO N'A QU'UN SEUL DÉFAUT"
«S’il y’a un défaut qui pourrait couter cher à Modou Lo dans son combat avec Eumeu Sene, c’est bien son excès de confiance», selon l’ancien champion de lutte Katy Diop
«S’il y’a un défaut qui pourrait couter cher à Modou Lo dans son combat avec Eumeu Sene, c’est bien son excès de confiance», selon l’ancien champion de lutte Katy Diop. Il estime que, Modou Lo est un fin technicien et un excellent lutteur, mais qui a souvent tendance à sous estimé certaines qualités techniques de ses adversaires.
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IL FAUT QUE L'AFRIQUE PUISE DANS SES RESSOURCES POUR AVANCER
EXCLUSIF SENEPLUS - Boubacar Boris Diop, Boubacar Diop Buuba et Amadou Tidiane Wone jettent un regard critique sur la société sénégalaise et africaine à l'heure des grandes mutations, dans le prochain numéro de Sans Détour - BANDE ANNONCE
La nécessité d'écrire dans les langues nationales, l'emprisonnement de Guy Marius Sagna et les trames de l’accueil réservé aux Lions après l'épopée de la CAN 2019... Tels sont en résumé, les différents thèmes abordés par Boubacar Boris Diop, Boubacar Boris Diop, tous deux enseignants et éditorialistes de SenePlus dans le prochain numéro de sans Détour, l'émission co-produite par l'école d'imagerie Sup'Imax. Avec l'autre invité, Amadou Tidiane Wone, ancien directeur de cabinet du président Abdoulaye, les trois hommes ont balayé l'actualité sociopolitique et culturelle nationale.
Voir ci-dessus, la bande annonce de l'émission dont la diffusion est prévue pour mardi prochain, sur SenePlus.com
ABUBAKAR SHEKAU, LEADER MYSTÉRIEUX DE BOKO HARAM
Si la fréquence de ses vidéos de propagande ont rendu son personnage quasiment familier, le leader de la faction la plus radicale de la secte islamiste reste pourtant peu connu. Personne ne l'a vu en chair et en os en public depuis plus de dix ans
Fasciné par l'ancien leader Mohammed Yusuf abattu par la police le 30 juillet 2009, Abubakar Shekau a fui Maiduguri et pris la tête de Boko Haram en 2010. Leader aussi sanguinaire que mystérieux, il a façonné le groupe jihadiste qui a fait plus de 20 000 morts et deux millions de déplacés, ces dix dernières années.
Il est le visage le plus célèbre de Boko Haram. Son grand plaisir est de narguer les autorités. Uniforme de combat, AK-47 sur l'épaule et sourire machiavélique, Abubakar Shekau a des airs de fanatique illuminé dans chacune de ses vidéos de propagande.
Si leurs fréquences ont rendu son personnage quasiment familier, le leader autoproclamé de la faction la plus radicale de Boko Haram reste pourtant peu connu. Personne ne l'a vu en chair et en os en public depuis plus de dix ans.
Quant à son parcours, il se conjugue au conditionnel. Il serait né dans l'État de Yobe. D'origine Kanuri, il aurait grandi comme enfant des rues à Maiduguri où il aurait étudié la théologie islamique et aurait actuellement entre 40 et 50 ans. La seule certitude à son sujet est qu’il a une obsession pour le sang. « J'aime tuer quiconque Dieu me demande de tuer, de la même manière que j'aime tuer des poulets et des moutons », affirmait-il dans une de ses vidéos de 2012. Un leitmotiv bien servi par Boko Haram sans que Shekau ne soit jamais capturé. Et encore moins tué.
Déclaré mort à au moins quatre reprises par les forces de sécurité nigérianes, le « spécialiste du dogme » comme il se fait appeler, resurgit à chaque fois. Même s'il apparait en perte de vitesse depuis l'essor de la faction dissidente du groupe ISWAP emmenée par Abou Mosab Al Barnaou et reconnue par l'État islamique en 2016, Abubakar Shekau continue à semer le chaos dans l'extrême nord-est du Nigeria et au Cameroun.
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OBJECTION AVEC ELIMANE KANE
Insécurité, drogue, anti-valeur, qu'est devenue la société sénégalaise ? Quid de la gouvernance face à la corruption ? Éléments de réponse avec le président de Legs Africa, invité de Baye Oumar Guèye
Élimen Kane, président de Legas Africa, est au micro de Baye Omar Gueye de (Sud Fm) dans l'émission Objection.
SIBETH NDIAYE, L'ÉQUILIBRISTE
Elle est née à Dakar, elle franchit parfois les bornes mais, entre provoc et langue de bois, la porte-parole du gouvernement français est un pilier de la macronie
Paris Match |
Eric Hacquemand |
Publication 28/07/2019
« Salut ! Moi, c’est Sibeth », lance la secrétaire d’Etat en se présentant, ce soir-là, aux animateurs d’une colonie de vacances. Depuis sa nomination au gouvernement, il y a quatre mois, le « vous » avait chassé le « tu », et la poignée de main, protocolaire, remplacé la bise. Mais avec elle, chassez le naturel, il revient au galop : Sibeth Ndiaye retire sans complexe son costume de porte-parole. Ce jeudi 11 juillet, une surprise attend les petites têtes blondes du centre de vacances de Ouagne, dans la Nièvre. Une soixantaine d’enfants profitent d’un séjour sur le thème de la protection de l’environnement. Quelques tentes, vides, forment l’arrière-plan de la veillée. Les bananes au chocolat fondent tranquillement dans le brasero. A la tombée de la nuit, la ministre – ce qu’ils ont traduit par « secrétaire du Premier ministre » ! – se lance même dans un conte. La fiction n’est pourtant pas son domaine. « Mon rôle, c’est de raconter ce que fait le gouvernement », explique-t-elle doctement. Aux grands... comme aux petits.
A l’heure où les ministres prennent leurs congés, le nouveau visage de l’exécutif peut tirer un premier bilan : elle ne passe pas inaperçue ! Elle est même, déjà, devenue une cible. Verrouilleuse en chef, capable de rabrouer les journalistes, ou jeune femme solaire, au rire communicatif et à l’énergie débordante ? Nombre de portraits ont tenté de percer le mystère Ndiaye. « Hier, j’étais l’Elysée. Aujourd’hui, je suis Sibeth », sourit-elle, guère impressionnée par le passage du «off» au «on». En mars dernier, lors de sa nomination, Edouard Philippe a dû désamorcer certaines craintes. « Je suis cash ! » l’a-t-elle prévenu. « Moi aussi », a répondu le Premier ministre, qui lui a alors précisé la mission : « Je veux un porte-parolat bienveillant et rond.» Ndiaye n’a pas trop à se forcer. C’est le fruit d’une éducation. Avec ses trois sœurs, au Plateau, le quartier de Dakar où la famille est installée, elle ne connaît pas la misère. Mais elle se souvient de ces « cousins éloignés », enfants adoptifs, moins chanceux qu’elle et qu’il fallait nourrir. Et puis Fara, son père, est musulman. L’aumône est un pilier de l’islam. Le vendredi, à la sortie du collège Jeanne- d’Arc, où elle étudie, l’adolescente va aider lépreux et pauvres. «Avec des sacs de riz, des pots de tomates et de l’huile », la base du fameux thiep, le plat local. « Chez mes parents, l’humilité a toujours été considérée comme une vertu », confie- t-elle. Ça tombe bien, l’ex-conseillère de l’Elysée répond à la nouvelle exigence d’Emmanuel Macron : après la crise des gilets jaunes, son obsession est de se rapprocher des Français.
Un jour au vert en colonie ; un autre jour à l’ombre des barres HLM de « Clichy Plage », l’opération vacances en Seine- Saint-Denis. Le gouvernement se veut « à l’écoute ». Elle se charge de la mise en scène. Sans chichis. Au réveil, un bol de Nesquik attend la secrétaire d’Etat au réfectoire. Et le midi, c’est poulet-patates (et eau) dans les assiettes. D’ici, homards et grands crus paraissent très loin... Et pourtant, la polémique sur les dîners de François de Rugy la rattrape. D’une manière inattendue. Quelques minutes après le déjeuner, au moment de répondre à la presse, un animateur pose sous les yeux de la secrétaire d’Etat... un gilet jaune dissimulé dans son sac. Il porte cette inscription : « Marre du homard et des crabes au pouvoir ! » Le malaise ne dure pas longtemps. Elle n’hésite pas à hausser le ton : « Si vous ne voulez pas entrer dans la discussion, partez ! » rétorque-t-elle.
C’est aussi ça, le style Ndiaye: le combat. A l’image de son prénom. « Sibeth » évoque les qualités guerrières des reines de Casamance, une région du Sénégal. « Elle a la culture du rapport de force », témoigne un de ses anciens collègues. Un héritage de son apprentissage au sein de l’Unef, le syndicat étudiant, il y a une quinzaine d’années. «Aller se coltiner les mecs de droite dans les facs, ça ne lui faisait pas peur », témoigne Nadjet Boubekeur, une copine de l’époque. « Son terrain de jeu, c’est l’agora », abonde une amie. La piste de danse aussi, où elle n’est « jamais la dernière à s’éclater ». Sous les yeux attendris de Patrice Roques, un autre militant. Une histoire d’amour naît. Depuis, elle dure. L’engagement et le sens de l’organisation de la dirigeante font merveille. Au point qu’elle hérite d’un gentil surnom, « Sibeth pas si bête ». Un jour, elle gagne même un drôle de pari : obtenir le plus d’adhésions. « J’en ai fait 70 en une journée», s’enorgueillit-elle. Résultat, un percing à la langue. Pas question de s’en séparer, même aujourd’hui ! « D’autant que je peux adapter sa couleur avec mes tenues », sourit-elle. Sa capacité à affronter l’adversité a marqué Mathieu Hanotin.
En 2008, ce socialiste passé lui aussi par les rangs de l’Unef tente d’enlever le canton de Saint-Denis aux communistes. « Personne n’y croyait, sauf Sibeth et moi », jure-t-il. Le jeune candidat n’hésite pas à lui confier les clefs de sa campagne. « Elle savait tout faire », explique-t-il. Son peps tapera surtout dans l’œil du patron du 93, Claude Bartolone, une autre école de la dureté et de la loyauté... Ralliement à Emmanuel Macron oblige, certains amis de jeunesse, issus pour la plupart des rangs socialistes, se sont éloignés depuis. « Je ne la comprends pas toujours, soupire l’un d’eux. Où est passée celle qui aidait les sans-papiers étudiants ? » « Quand ce gouvernement dédouble les classes en Zep, il fait reculer les inégalités concrètement », rétorque la ministre. Fâchés ou pas, les amis ne sont pas vraiment surpris de son ascension. « Sibeth a une vision à 360 degrés des choses, décrypte Hanotin. Ce n’est pas une spécialiste. Mais elle a cette capacité à digérer de la donnée pour la traduire en termes politiques.
Emmanuel Macron l’a vite repérée en la recrutant à Bercy. Formée dans – et par – l’« ancien monde », elle est devenue la vitrine du nouveau. Ce n’est pas le moindre de ses paradoxes... La puissance du « symbole Ndiaye » transcende, il est vrai, les époques et les clivages.«Avec Sibeth, Macron envoie un signe de reconnaissance, approuve Boubekeur. La France black, blanc, beur, ce n’est pas seulement l’équipe de France de foot.» Une femme d’à peine 40 ans, pas énarque et noire au porte-parolat : c’est une première. Elle n’en joue pas outre mesure. Si elle a conservé son passeport sénégalais, la secrétaire d’Etat garde en mémoire l’obtention de la nationalité française. La cérémonie a eu lieu en 2016. «Ce jour-là, je me suis dit que j’étais prête à mourir pour mon pays», glisse-t-elle. Pour autant, Ndiaye n’a pas tiré un trait sur lAfrique. Ses trois enfants ? « Djimane, Youmali et Nguissally », dit la mère de famille avec tendresse. Lâchée, sa coiffure afro est devenue un marqueur. Ndiaye casse les codes. « Notre mère, Mireille, déjà ne s’embarrassait pas de conventions », raconte Anta Sow, une de ses trois sœurs. Mireille, magistrate à la forte personnalité, une référence éternelle. Loin du qu’en-dira-t-on, la benjamine Sibeth porte donc un tee-shirt dans la tribune d’honneur du dernier 14 Juillet. Et ses ongles ? Bicolores... « Comme toute la macronie, elle a la culture de la transgression et du bras d’honneur », dit un proche.
Entre franc-parler et dérapage, la limite est ténue. Son SMS «Yes, la meuf est dead », à propos du décès de Simone Veil, est entré au panthéon des boulettes. Même si elle a toujours nié l’avoir écrit en ces termes. Ses récents propos sur la France « qui mange du kebab », par opposition aux « Français qui ne mangent pas du homard tous les jours », ont fait la joie des réseaux sociaux. « Il va falloir te forger une carapace, tu vas t’en prendre plein la figure... », l’avait prévenue sa sœur Anta en mars dernier, volant à son secours quand Nadine Morano fustige « sa tenue de cirque ». « Une honte », lâche Anta. « Kebab », Matignon a quand même tiqué.
Coups d’éclat et improvisations ne font pas toujours bon ménage avec les contraintes du porte-parolat. Fiscalité, retraites, etc.: depuis sa nomination, elle ingurgite des ches. « Par hectogrammes », dit-elle. La langue de bois n’a donc plus de secrets pour celle qui, en juin 2017, à peine installée à l’Elysée, avait reconnu crânement « mentir pour protéger le président » et sa vie privée. Le temps d’un après-midi, Emmanuel Macron voulait passer un peu de bon temps au Touquet. « J’ai fait lambiner la presse, oui », se marre-t-elle encore aujourd’hui. Et le président a pu jouer son match de tennis à l’abri des regards indiscrets, « tranquillou bilou ». Du Sibeth dans le texte...