Mamadou Diouf, enseignant d'histoire à l'université Columbia aux Etats-Unis, est au micro de Baye Omar Gueye de (Sud Fm) dans l'émission Objection.
COMMENT LES ÉLECTIONS ONT FAÇONNÉ LA DÉMOCRATIE DEPUIS 1925
Si le premier scrutin, plutôt artisanal, remonte à 1925 avec moins de 500 électeurs, le Bénin a depuis pris, notamment à partir de la conférence nationale de 1990, l’habitude des urnes. Des repères et quelques décryptages.
Afrika Strategies France |
MAX-SAVI Carmel |
Publication 28/04/2019
Si le premier scrutin, plutôt artisanal, remonte à 1925 avec moins de 500 électeurs, le Bénin a depuis pris, notamment à partir de la conférence nationale de 1990, l’habitude des urnes. A la veille de législatives qui bousculent la démocratie et déchainent des tensions, un passage en revue des élections dans l’histoire de la démocratie béninoise s’impose. Des repères et quelques décryptages.
Ouidah. Abomey. Porto-Novo. Trois villes qui ont, aussi bien l’une que l’autre, une importance stratégique et symbolique dans la vie de Patrice Talon. Le président du Bénin, au pouvoir depuis avril 2016, est né à Ouidah en 1958 d’une mère princesse venue d’Abomey puis épousera, dans les années 1980, Claudine Gbénagnon (mère de ses deux enfants, Lionel et Karen), originaire de Porto-Novo. Ces trois villes sont à l’avant-garde de l’histoire électorale au Bénin. Elles ont été les trois seules, à avoir organisé, en 1925, les premières élections pour la mise en place du Conseil administratif du Dahomey. Un cercle de notables chargés de représenter une Nation qui naissait à peine. On ne l’aurait jamais imaginé mais la première élection date de plus de trois décennies avant l’indépendance, une pratique plutôt rare dans les colonies françaises. Le Bénin fera l’exception, à l’instar des colonies anglaises. A la veille de législatives qui excluent l’opposition et auxquelles ne prennent par que deux blocs jumeaux assimilés au président de la République, Afrika Stratégies France fait une pause et revient sur l’histoire des élections. Dans un pays qui en a connues pas mal. Et qui en a fait la cheville ouvrière d’une démocratie vite devenue modèle !
Une démocratie construite autour des élections
Tout a commencé avec la création, au début des années 1890, d’un conseil administratif dahoméen basé à Ouidah. Il s’agit, avec l’autorisation du colon qui en sera l’instigateur, d’élire des chefs plutôt administratifs autour desquels des notables, choisis par eux, constitueraient la base de ce qui sera plus tard le pouvoir public autochtone. En 1925, la première élection. Un vote censitaire avec seulement 470 électeurs. 3 élus en résulteront, Augustinho Olympio, Casimir d’Almeida et Pierre Johnson, devenu célèbre à cause de son opposition, contrairement aux deux autres, aux colons. Des élections auront lieu tous les deux ans, notamment en 1928, 1930, 1932, 1934 et 1936. Deux journaux, La voix et le Phare du Dahomey apparaissent comme les deux pôles d’influences autour desquels se constituent les candidats, à défaut de partis politiques bien organisés. En 1934, les élus donneront la couleur des indépendances. Les élus sont tous proches du Phare du Dahomey et surtout, anti colons. En 1936, la donne change et des enjeux interviennent. Casimir d’Almeida bat Augustin Nicoué à Porto-Novo et Richard Johnson remporte face à Ambroise Dossou-Yovo à Ouidah. Jusque-là inconnu, Victorin Féliho, est élu à Abomey. La série d’élections de conseillers au Conseil administratif s’arrête. L’administration coloniale craint l’émergence d’une vague d’anti-colons qui basculent dans des exigences indépendantistes précoces. Il a fallu attendre 1945 pour que reprennent des scrutins dans la plupart des colonies françaises. Mais le Bénin a une longueur d’avance et surtout, une bonne expérience électorale qui aura bâti, d’une manière ou d’une autre, le socle démocratique qui en découlerait. Mais pour cela, il a fallu attendre 1990 et la fameuse conférence nationale. Avec un historique référendum qui fera adopter, à plus de 93% la constitution encore en rigueur ( et jamais modifiée) dans ce pays de 11 millions d’habitants. Tout comme dans la plupart des pays, quelques élections ont précédé l’indépendance. La première, en 1945, connaîtra l’élection d’un représentant des colons, Père Francis Aupiais et un des nationaux Sourou Migan Apithy. L’année 1947 ouvrira une série d’élections avec des élus, tous africains. Le 17 juin 1951, Hubert Maga (liste du Groupement ethnique du nord Dahomey, Gend) et Sourou Migan Apithy (liste d’Union Française) sont élus députés à la deuxième législature de la Quatrième République. Les choses deviennent plus sérieuses avec l’élection du 31 mars 1957 pour l’Assemblée territoriale et une large victoire au PRD de Sourou Apithy qui obtient la majorité des sièges. En 1958, cette position permet à Apithy de devenir le président du conseil de gouvernement avant de démissionner 5 mois plus tard pour être remplacé par Maga. Ce qui fera de ce dernier le premier président du Dahomey indépendant, en août 1960. Très vite, des coups d’Etat se mêlent aux élections s’ils ne les ont pas remplacées. La conférence nationale de février 1990 relance la démocratie et avec elle, le retour aux urnes.
Scrutins modernes dans l’histoire récente du Bénin
Le Bénin a l’habitude des élections. Le top a été donné, en quelque sorte, avec la conférence nationale des forces vives, dans la foulée de laquelle sera installé le premier parlement démocratique de l’air moderne. Depuis 1990, le Bénin connaîtra, le 28 avril 2019, son 8e scrutin législatif et en mars 2016, sa 6e élection présidentielle, celle qui a connu l’arrivée au pouvoir de Patrice Talon. La plupart des élections, depuis la conférence nationale se passent pour le mieux et ont imposé le pays comme un modèle démocratique, notamment face à la fragilité électorale de ses voisins. Le Togo multiplie, depuis l’échec de sa conférence nationale, des élections frauduleuses et contestées qui ont souvent été sources de tensions et de violences. Le Niger s’habitue aux alternances après de longs règnes dictatoriaux. Quatre alternance au sommet de l’Etat en 30 ans, des élections municipales depuis 2002, le Bénin, qui n’a pas l’habitude des référendums a l’histoire électorale la plus dense des colonies francophones de la sous région depuis l’avènement de la démocratie. Avec des résultats rarement contestés. L’élection qui a sans doute le plus marqué les esprits est celle présidentielle de 1996. Alors qu’il est candidat à sa propre succession (et par ricochet organisateur du scrutin) Nicéphore Soglo, soutenu par la France à son arrivée au pouvoir en 1991, a fait dos à Paris. Jacques Chirac, fraichement arrivé à l’Elysée, a donc choisi de soutenir l’ancien dictateur, mis à l’écart par la conférence nationale. Mathieu Kérékou sera élu dans des conditions encore floues et pour la première fois sur le continent, un président sortant aura perdu une élection. Depuis, le respect de la limitation des mandats, l’une des plus anciennes des colonies françaises en Afrique est une réalité. Kérékou et Yayi ont bien voulu tenter une modification mais y ont renoncé à cause d’une opinion nationale active et d’une société civile intransigeante. Mais aussi, grâce à des institutions dont une cour constitutionnelle qui a toujours su se soustraire au contrôle du chef de l’Etat. Depuis l’élection de Patrice Talon, les Béninois sont de plus en plus nombreux à douter de ce que ces verrous constitutionnels soient maintenus. Le nouveau président est accusé par l’opposition d’avoir aboli l’indépendance des institutions. D’autant que les premières élections qu’organise le nouveau locataire du Palais de la Marina aura été la plus contestée de l’histoire du Bénin avec la participation de deux listes cousines qui lui sont toutes acquises.
2019, législatives de tous les risques
Elles peuvent être celles de toutes les régressions. Dans un pays à la pratique démocratique évidente et pour la première fois depuis 30 ans, l’opposition sera exclue d’une élection. « Elle a choisi de ne pas y prendre part » lance Jean-Michel Abimbola, député de la majorité. Elle dit pourtant avoir tout fait y prendre part et alors que les proches du chef de l’Etat défendent la détermination de Patrice Talon à voir l’opposition aux législatives, le parti du renouveau démocratique (Prd) accuse l’exécutif d’avoir « évité la compétition« . Le parti d’Adrien Houngbédji(président de l’assemblée nationale) qui ne fait pas partie des deux seules listes autorisées à concourir dit « payer pour son refus à se fondre dans l’une deux branches de la majorité » comme précédemment voulu par Talon et crie « la fin de la démocratie« . Quant au président de la République, il accuse l’opposition d’avoir choisi de ne pas être en conformité avec le nouveau code électoral. Faux ! Rétorque Léonce Houngbédji qui indexe le certificat de non-conformité. « Cette pièce n’est prévue nulle part dans la loi » insiste cet opposant en exil à Paris. Une chose est certaine, alors que la campagne électorale a pris fin depuis hier, il est plus que certain désormais, que seul l’Union progressiste et le Bloc républicain iront aux législatives de demain, donnant ainsi au président la totalité des sièges. Occasion en or pour celui qui a été éprouvé par le blocus de sa révision constitutionnelle par la législature sortante de toiletter à loisir la loi fondamentale. Une situation dénoncée par la société civile, l’Eglise catholique mais aussi des organisations internationales. Les médiations de la Communauté économiques des états de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) et de l’Organisation des Nations unies (Onu) n’ont pas amené le président à faire usage de l’article 62 pour permettre, comme le souhaitait son prédécesseur Yayi Boni, à « tout le monde d’y prendre part ». Un précédent qui aura une énorme répercussion sur la démocratie d’autant que toutes les tentatives de contestations ont été réprimées par une armée qui a pris d’assaut les principales villes du pays. Mais dans la majorité, on relativise, « il aura une opposition au sein de la majorité » promet Abraham Zinzindohoué, proche de Talon. Sans convaincre !
Même si le scrutin arrive à avoir lieu sans l’opposition et sans incidents majeurs, la démocratie en aura pris un coup. Elle mettra du temps pour s’en remettre.
MAX-SAVI Carmel, Envoyé spécial à Cotonou, Afrika Stratégies France
par Christophe Châtelot
DES LÉGISLATIVES SANS OPPOSITION SONNE LE RECUL DE LA DÉMOCRATIE
Le scrutin de ce dimanche donnera une idée de la capacité de mobilisation de l’opposition qui appelle au boycott et, inversement, de la marge de manœuvre dont disposera le président pour continuer à maltraiter la démocratie
Le Monde Afrique |
Christophe Châtelot |
Publication 28/04/2019
Jamais depuis la période dite du « renouveau démocratique » au Bénin, à partir de 1990, une élection n’avait généré autant de tensions. Là où les scrutins précédents nourrissaient des débats de campagne enflammés, suivis de bruyantes fêtes réconciliatrices, ce sont des véhicules blindés de l’armée qui ont sillonné le pays avant les législatives de dimanche 28 avril. « Sont-ils là pour protéger la population – et de quoi – ou pour intimider les électeurs ? »,s’interroge un journaliste béninois joint par téléphone.
La situation est en effet inédite. Par un jeu de passe-passe politico-législatif, seulement les candidats de deux partis liés à la mouvance du président Patrice Talon – le Bloc républicain et l’Union progressiste, nouvellement créés – se disputeront les 83 sièges de l’Assemblée nationale. Toutes les autres formations ont été brusquement écartées de la compétition. La manœuvre a consisté en l’adoption, en juillet 2018, d’une nouvelle « loi portant charte des partis politiques » obligeant toutes les formations à s’enregistrer suivant de nouvelles règles et obtenir un certificat de conformité.
Ce certificat, aucun parti d’opposition n’est parvenu à l’obtenir. « Le gouvernement, notamment le chef de l’Etat, a fait une interprétation personnelle et personnalisée de la loi pour trouver des écueils dans les dossiers des partis d’opposition, et donc les empêcher d’avoir leur récépissé pour pouvoir se présenter aux élections législatives prochaines », a dénoncé Eric Houndété, vice-président de l’Assemblée nationale et député du parti d’opposition FCBE, la formation de l’ancien président Boni Yayi (2006-2016).
« Dérive autoritaire »
Les interventions extérieures de l’Union africaine, de la Cédéao – l’organisation régionale d’Afrique de l’Ouest –, ou celle du puissant voisin nigérian n’y ont rien fait. Pas plus que les consultations politiques intérieures ou bien avec les chefs traditionnels du Haut Conseil des rois du Bénin. Le président Talon n’est pas revenu sur sa décision au risque d’écorner durablement l’image d’un système démocratique béninois certes imparfait mais fonctionnel jusqu’alors.
« Il n’y a pas de compromis entre la dictature et la démocratie », a averti Nicéphore Soglo, le premier président béninois (1991-1996) issu de la première élection multipartite depuis 1972. « Quand tous les pouvoirs et les contre-pouvoirs sont entre les mains d’un seul homme, la démocratie est en danger », ajoute son fils, Ganiou. Proche de Sébastien Avajon – un autre homme d’affaires et ancien candidat à la présidentielle ayant soutenu Patrice Talon au second tour de la présidentielle de 2016 avant de basculer dans l’opposition puis l’exil en France –, Kenneth Johnson, président du Comité Europe-Afrique, s’inquiète aussi de cette « dérive autoritaire ». Même tonalité du côté de Boni Yayi.
En 2016, l’élection de Patrice Talon, homme d’affaires surnommé le « Roi du coton », avait pourtant soulevé un vent d’optimisme réformateur et de rupture après les deux mandats de Boni Yayi marqués par de retentissants scandales financiers. Ces casseroles avaient plombé la candidature de son poulain, le franco-béninois Lionel Zinsou, battu au deuxième tour. La victoire de Patrice Talon, faiseur de rois jusqu’alors plutôt que politique engagé, s’expliquait par le discrédit frappant une partie de la classe politique. « Nous portons notre part de responsabilité dans le fait que les électeurs ont préféré se tourner vers un homme d’affaires » reconnaît d’ailleurs Ganiou Soglo.
Trois ans plus tard, l’économie béninoise ne se porte pas si mal. La croissance économique a bondi de 2,1 % en 2015 à 6 % 2018, voire 7,6 % en 2019, selon les chiffres de la Banque africaine de développement. Mais ce bilan positif, salué par le Fonds monétaire international, comporte sa part d’ombre, dont une ambiance devenue délétère dans le business. « Que dire de ces réformes, demande Ganiou Soglo, lui-même actif dans le domaine agricole, dès lors qu’elles ne profitent qu’à un seul clan ? » – sous-entendu celui du « Roi du coton » et de ses proches.
L’opposition accuse également les autorités d’utiliser la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme pour s’attaquer aux opposants du régime sous couvert de lutte contre la corruption, objectif initial de cette structure créée en juillet 2018.
Les législatives de dimanche ne comportent donc aucun suspense, sauf le taux de participation, très élevé habituellement. Celui-ci donnera une idée de la capacité de mobilisation de l’opposition qui appelle au boycott du scrutin et, inversement, de la marge de manœuvre dont disposera le président pour continuer à maltraiter la démocratie béninoise.
SALIF SADIO RATE SON RENDEZ-VOUS
Non seulement il ne s'est pas présenté samedi, préférant se faire représenter par six émissaires, mais pire, son discours qu’on attendait de conciliation, fut plutôt une diatribe contre tous ses potentiels interlocuteurs
C’était la rencontre à ne pas manquer pour tous ceux qui s’intéressent à la paix en Casamance. Depuis des jours, la presse en faisait écho, tant la parole de l’un des principaux chefs du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance était attendue.
En effet, ce rendez-vous du samedi 28 avril 2019 à Koundiounghor, près de la frontière Gambienne, qu’il avait lui-même fixé pour s’adresser à l’opinion, était l’occasion pour lui, de rejoindre la dynamique unitaire des différentes ailes militaires du Mfdc, mise en branle pour faciliter les négociations avec le gouvernement.
Un rendez-vous doublement manqué
Non seulement Salif Sadio n’est pas venu, préférant se faire représenter par 6 émissaires, mais pire, son discours qu’on attendait de conciliation, fut plutôt une diatribe contre tous ses potentiels interlocuteurs.
A commencer par le Groupe de réflexion dirigé par Robert Sagna :
« Le groupe de réflexion dirigé par Robert Sagna est loin d’être légitime. Ils disent réfléchir pour la paix en Casamance, alors que son leader a fait trop de tort aux Casamançais, trop de mal à la Casamance. Pourquoi ce groupe n’a pas réfléchi sur le massacre de Casamançais, sur le bateau le Joola ? On ne négocie pas avec ses gens. »
Toutes les autres associations ou ONG, subiront le même traitement de la part de Salif Sadio.
Ainsi » l’ONG Oussoforal et tant d’autres groupuscules sont créés par l’état du Sénégal pour diaboliser le Mfdc. »
L’homme campe donc sur sa position et conforte plus que jamais sa réputation d’obstacle au retour définitif de la paix en Casamance.
PAPY FATY, CŒUR BRISÉ
Poussé par son rêve de participer à la Can 2019, Papy Faty est décédé jeudi dernier d'une crise cardiaque sur un terrain de football en Eswatini, alors que toute l'Afrique savait qu'il jouait sa vie à la roulette russe à chaque match
Il était parti en Eswatini parce que plus personne ne voulait de lui en Afrique du Sud. Sa réputation le précédait. Il s’appelait Papy, et avait un cœur prêt à s’éteindre. C’était une certitude depuis bientôt cinq ans, alors que lui en avait vingt-trois, et ce malaise en plein match du Bidvest Wits FC, conduisant son coach d’alors, Gavin Hunt, un ancien arrière droit international mis sur la touche à cause de problèmes au talon d’Achille, à lui faire passer des test médicaux complets. Le cardiologue l’avait alors convoqué seul dans son cabinet, blouse blanche et mains croisées, pour lui traduire des résultats sans équivoque : « S’il joue, il meurt. »
Son ventricule droit gonflait dangereusement pendant l’effort. Mais Papy voulait continuer à courir, ici ou ailleurs, le conduisant ce jeudi 25 avril 2019 sur le terrain du Malanti Chiefs FC, dans un match de championnat comptant pour la 23e journée de MTN Premier League, le championnat local. En face, à la 15e minute, les joueurs de Green Mamba l’ont vu s’effondrer sur lui-même, et ne jamais se relever. Il a été emmené à l’hôpital sans avoir pu être réanimé, et est mort dans l’ambulance avant même d’arriver sur place. Crise cardiaque. La veille, le journal local Soccer Laduma plantait sa photo en Une, accompagné de la citation suivante : « Le médecin a dit que je pouvais mourir » .
Une course à la mort
L’histoire de Papy Faty est douloureusement banale et banalement douloureuse à la fois. Tout le monde savait. Tout le monde l’avait mis en garde. Et pourtant, pliant face à sa volonté de continuer à jouer au football, tout le monde fermait les yeux en attendant la dépêche qui annoncerait que ça y est, la poitrine avait lâchée. Après coup, lire ses derniers mots à Soccer Laduma devient difficile. Il y raconte avoir, à plusieurs reprises, « perdu connaissance sur le terrain » lorsqu'il jouait sous le maillot du club qu’il avait défendu pendant sept ans, celui des Wits, racontant comment il s’effondrait pour mieux jouer quatre-vingt-dix minutes le week-end suivant. « C’était un soldat, remet par téléphone Valéry Nahayo, ancien capitaine de l’équipe nationale du Burundi. C’était un petit que j’avais recueilli dans la sélection, parce que je l’avais connu tout petit, à Cibitoke, c’était un ami de mon petit frère. On s’est parlé jeudi matin, il devait être 8h, je venais de me réveiller. Il avait commenté des photos de moi en me taquinant, puis il m’a expliqué qu’il jouait l’après-midi, un match en retard, à 15h. On s’est promis de s’appeler après. Je lui ai souhaité bonne chance. »
Papy courait en effet ces derniers mois après un rêve : celui de disputer la CAN 2019, dans deux mois. Il avait refusé de se faire opérer en février dernier, allant contre toutes les préconisations médicales, pour pouvoir être disponible pour son pays. Et le 23 mars dernier, à l’occasion du dernier match de qualification pour la compétition contre le Gabon, il avait été appelé. Mieux, il avait honoré sa 29e sélection, près de trois ans après la dernière, le 4 septembre 2016 face au Niger.
À Kickoff, il racontait alors : « Mes problèmes de cœur sont derrière moi. Le pays avait besoin d’un point pour assurer la qualification, et de joueurs expérimentés qui se sont déjà battus pour notre nation. C’est la raison pour laquelle le coach(AlainOlivier Niyungeko) et la Fédération m’ont appelé et questionné sur ma santé. Je leur ai dit ce que je viens de vous dire. » Il faut le dire, ses soucis de cœur, Papy n’y croyait qu’à moitié. « Il pensait que des gens étaient jaloux de sa réussite et de sa famille, explique Valéry Nahayo, il croyait que c’était un 'diagnostic d’africain’, et qu’il allait bien. » Les résultats, tombés en 2014 alors qu’il était au pic de sa forme, lui avaient fermé les portes de « trois grands clubs en Afrique du Sud » . Le mot avait tourné, on était désormais réticent à lui faire signer un contrat. Fut un temps, Papy avait même consulté un « sangoma » , nom local désignant un guérisseur, pour « vérifier » s’il était ou non victime d’une malédiction. Et concernant son cœur, il disait simplement croire aux « herbes traditionnelles » . Gavin Hunt, son coach aux Wits, avait accepté sous son impulsion de signer un contrat exonérant son club de toutes charges si jamais le gars venait à mourir, avocat à l’appui. « Fils, je t’aime trop, je ne veux pas te perdre » , avait dit l’entraîneur, stylo à la main. Puis Papy l’avait rassuré, et il avait signé.
« Je regrette de n’avoir rien fait »
D’ici, on est probablement un peu trop loin pour l’affirmer, mais il semblerait que le football ait perdu un type bien. Un blagueur, qui n’avait de problèmes avec personne. Un gars « spécial, un petit avec un grand cœur » , confie Nahayo. L’actuel capitaine de la sélection burundaise, Karim Nizigiyimana, n’a rien pu lâcher de plus qu’un : « J’ai mal... » avant de fondre en pleurs au téléphone, incapable de trouver les mots pour exprimer sa peine et rendre hommage à celui qui était en passe de participer à la première CAN de l’histoire du pays. La qualification, arrachée en contenant les pieds de Pierre-Emerick Aubameyang (1-1) et coupant la tête de Daniel Cousin, l’avait « surmotivé » , dit-on. « On est dans un bon groupe, on peut faire quelque chose » , avait déclaré Papy en apprenant que son pays allait affronter le Nigeria, la Guinée et Madagascar dans un groupe B abordable.
Tout aurait donc pu être parfait, sans ces « choses qu’il voyait, indescriptibles » , quand il levait les yeux au ciel pendant les matchs, et qui dansaient devant ses yeux. Alors, à qui la faute ? Les employeurs qui l’ont poussé à la mort ? Sa propre folie ? La Fédération qui a attisé le feu sur les cendres de son rêve impossible ? Son entourage ? « Je regrette de n’avoir rien fait, avoue Valéry Nahayo. Maintenant je suis en contact avec ses frères, ils essayent juste d’avoir assez d’argent pour ramener son corps au Burundi. J’espère qu’on va l’enterrer au pays, avec tout les honneurs qu’on lui doit. » Et rendre hommage à un Papy qui s'est sacrifié pour son pays, au sens propre.
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LETTRE A DU LEXIQUE DES SÉNÉGALAISERIES
Plus de 80 néologismes pour comprendre 2019 - Abdoudioufer : endormir la méfiance, courber l’échine une décennie durant avant de faire preuve d’ingratitude vis-à-vis de votre prédécesseur - Alioucisser : faire des mécontents quels que soient vos mérites
Plus de 80 néologismes pour comprendre 2019
et scruter au-delà de la présidentielle…
A
abdoudioufer : endormir la méfiance, courber l’échine et avaler des couleuvres une décennie durant avant de faire preuve d’ingratitude vis-à-vis de votre prédécesseur et mentor. Etymologie : d’Abdou Diouf, ancien président de la République, qui devait son accession au pouvoir par un passage de témoin pépère voulu par Léopold Sédar Senghor. Il s’évertuera à « dé-senghoriser » une décennie durant, expliquant la crise qui frappa le Sénégal par les décisions fantaisistes prises par le président-poète. Il les exécutait pourtant scrupuleusement en sa qualité de Premier ministre tout le temps qu’il fut sous ses ordres.
Ex : Macky Sall a abdoudioufé le Père Wade.
Substantif : abdoudioufure. Acte d’ingratitude.
abdoulmbayer : changer d’avis radicalement et sans crier gare. Par exemple, se déclarer monogame avant de se transformer en polygame. Ou bien défendre un régime considéré comme le meilleur depuis les indépendances avant de le brocarder et en dénoncer les dérives. Etymologie : néologisme provenant du nom d’un ancien banquier, Abdoul Mbaye, qui atterrira en politique par le sommet, en devenant un fringuant Premier ministre. Il se transformera du jour au lendemain en opposant irascible mais besogneux du régime qu’il a contribué à installer, en même temps que la presse faisait ses choux gras de ses frasques conjugales.
Ex : je pensais qu’il était quelqu’un de bien mais finalement j’abdoulmbaye.
Substantif : abdoulmbayage. Changement d’avis radical et sans préavis.
alioucisser : faire des mécontents quels que soient vos mérites. Vous avez beau être capitaine des Lions et mener vos poulains jusqu’en quart de finale de coupe du monde, ça ne fait pas de vous un footballeur respecté des amoureux du ballon rond. Même comme entraîneur qui conduit une équipe en coupe du monde, ça ne fait pas de vous un coach de première catégorie. N’importe quel toubab vient jusque chez vous, avec moins de résultats, vous chiper le titre de meilleur entraîneur africain. Etymologie : du nom d’Aliou Cissé, footballeur professionnel devenu entraîneur. Il aura conduit comme entraîneur adjoint l’équipe olympique du Sénégal en quart de finale des jeux de Londres et l’équipe première à la coupe du monde en Russie.
Ex : j’ai beau apprendre mes leçons et faire mes devoirs, les profs m’alioucissent… C’est ma tête qui ne leur revient pas ?
Substantif : alioucissitude. Incapacité à faire reconnaître ses mérites.
aliousaller : être dans tout et n’importe quoi, cumuler les fonctions comme les épousailles, avec un appétit insatiable, sans discernement mais avec aplomb et bonne conscience. Etymologie : néologisme provenant du nom d’Aliou Sall, frère de Macky Sall, le président de la République du Sénégal pendant sept interminables années de 2012 à 2019, ancien journaliste devenu fonctionnaire dans les ambassades, puis homme d’affaires dans le négoce du pétrole et dans la banque avant de devenir maire d’une commune de banlieue, directeur général de la Caisse des Dépôts et des Consignations, président de l’Association des Maires du Sénégal… Au final, personne ne sait plus comment l’appeler : M. le Maire, Président, Monsieur le Directeur Général. Ses épouses sont vernies : elles, au moins, peuvent rester simples et l’appeler « mon gros bébé »…
Ex : les émigrés, en général, quand ils rentrent au pays, avant de trouver leurs marques, aliousallent beaucoup.
Substantif : aliousalleur. Touche-à-tout, homme aux cent métiers.
amysarfaler : vendre du vent, parler pour ne rien dire, « kébétu » en wolof académique. Etymologie : d’Amy Sarr Fall, voluptueuse éditrice d’Intelligence Magazine, championne du leadership féminin, du développement personnel, recordwoman toutes catégories des « like » sur Facebook. Plus populaire, tu meurs…
Ex : tu payes combien si je t’amysarfale du développement personnel pendant un semestre dans ton entreprise ?
Substantif : amysarfalitude. L’art et la manière de passer pour intelligent plus que de raison.
assanedioufer : insulter copieusement, sans ménager ses efforts, de jour comme de nuit, de préférence via les réseaux sociaux. Etymologie : néologisme provenant du nom d’un émigré sénégalais qui aura longtemps vécu aux Etats-Unis où il est arrivé sous l’identité de son frère. Assane Diouf est devenu célèbre pour son langage fleuri, son vocabulaire châtié principalement consacré à la tribu du président Macky Sall. Immigré en situation irrégulière, il sera finalement rapatrié par les services de l’administration américaine. Il finira par être traduit en justice et incarcéré au Sénégal. Condamné à une peine de prison mais surtout à suivre un traitement psychiatrique.
Ex : un chauffeur de taxi m’a grillé la priorité au carrefour. Je te l’ai tellement assanedioufé qu’il en était choqué… Tu veux un exemple ? TSTN !
Substantif : assanedioufade. Injure publique à forte charge pornographique.
Prochain épisode, la lettre B
"CES QUATRE PERDANTS À LA PRÉSIDENTIELLE N'ONT AUCUNE LÉGITIMITÉ"
Abdou Mbow, 3ème vice-président de l’Assemblée nationale, minimise la levée de boucliers de l'opposition contre le projet de réforme constitutionnelle du chef de l'Etat
La réponse du berger à la bergère. Abdou Mbow, le 3ème vice-président de l’Assemblée nationale, minimise la levée de boucliers notamment la sortie des quatre (4) candidats de l’opposition contre le projet de révision constitutionnelle portant suppression du poste de Premier ministre. D’abord, assène-t-il, interrogé par Les Echos, « ces quatre (4) perdants de la présidentielle de février dernier n’ont aucune légitimité à demander au président de la République une telle chose parce que ces candidats malheureux n’ont aucun respect pour le peuple sénégalais. N’oubliez pas qu’ils avaient dit qu’ils ne reconnaissent pas celui que les Sénégalais ont choisi comme président. » Ensuite, « pour avoir rejeté la main tendue du président après sa réélection, ces opposants, qui ne sont intéressés que par des questions électorales, n’ont pas non plus le droit de demander des concertations sur des prérogatives que la Constitution donne au président de la République » notamment « de présenter à l’Assemblée nationale un projet de révision constitutionnelle après en avoir informé le président de (l’hémicycle). Ce que le président (Macky Sall), en républicain et démocrate accompli, a fait. »
Enfin, réplique-t-il, en réponse aux mouvements de contestation et organisations politiques qui sonnent la mobilisation, « ces gens-là se trompent d’époque et de contexte. Parce que le 23 juin, c’est la Charte fondamentale qui était touchée dans ses fondamentaux. Ici, on parle de gouvernement, qui reste et les prérogatives de l’Assemblée nationale qui seront renforcées. Il ne se passera rien. »
Le projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution sera examiné en procédure d’urgence le samedi 4 mai par les députés.
AU COEUR DES TENSIONS ENTRE LA MAURITANIE ET LE SÉNÉGAL
Kader Diop, journaliste à l'AFP au moment des faits, exhume le souvenir des événements troubles d'avril 1989
Le 9 avril 1989, dans la petite ville de Diawara dans le département de Bakel (rive gauche du fleuve Sénégal, à la frontière avec la Mauritanie), un énième accrochage oppose les bergers peuls mauritaniens et des paysans soninkés sénégalais. Cela aurait pu être classé dans le lot des incidents banals entre éleveurs et agriculteurs comme il s’en produit souvent dans la région. Mais, non. Il y a eu mort d’homme. Et tout dégénère. C’est le début, en cette fin de 20e siècle, d’un des plus grands conflits entre les deux pays voisins. 30 ans plus tard, les blessures refont surface et rappellent l’impérieuse nécessité de les refermer et de consolider la paix. Cinq personnalités originaires de Mauritanie et des régions Nord du Sénégal nous parlent de ces évènements. Comment les ont-elles vécus ? Comment la paix entre les deux pays doit-elle être consolidée? Journaliste à l’Agence France Presse (AFP) dont le bureau de Dakar couvrait aussi la Mauritanie, Kader Diop a suivi de très près ces évènements. Ce Walo-Walo originaire de Dagana est la première à rouvrir son cahier de souvenirs pour Kirinapost, qui tout le long du mois d’avril et de mai, va replonger au cœur de ces épisodes troubles et sombres des rapports entre les deux pays. Kader Diop nous raconte entre autres ici comment la presse sénégalaise avait relaté les faits à l’époque.
« C’est une mauvaise exploitation d’un évènement par une certaine presse de l’époque qui a créé un énorme conflit ». Le journaliste aujourd’hui à la retraite donne le ton. Pour lui, le conflit aurait pu être évité ou tout au moins circoncis dès le début. Malheureusement, cela ne fut pas le cas, parce qu’il intervenait à un moment où le régime sénégalais traversait une mauvaise passe avec la crise de Casamance et la contestation de l’opposition.
« Sopi, le journal le plus vendu à l’époque faisait aussi un peu l’opinion. Suite aux heurts entre éleveurs et agriculteurs à Diawara, ce journal avait titré : ++L’Armée mauritanienne tire sur des paysans: un mort 25 disparus++. Ce qu’il présentait comme armée mauritanienne était en réalité le garde forestier. De surcroit, tel que présenté, c’était comme si les 25 disparus étaient aussi morts, se souvient le journaliste avant d’ajouter qu’à la radio sénégalaise également, sitôt l’évènement de Diawara connu, un confrère, avait cru opportun de devoir convoquer la fierté nationale et exacerber le sentiment patriotique… « C’est ainsi, de but en blanc, que les Sénégalais se sont sentis blessés et ont réagi », se remémore-t-il.
Dès le 10 avril, les boutiques, des Mauritaniens de Bakel sont pillées. Le 13 avril, même scénario à Touba. Elles cesseront dans la ville sainte lorsque le khalife Général des Mourides, Serigne Abdoul Ahad, dira que tous les Mauritaniens de la cité étaient sous sa protection.
Le régime d’Abdou Diouf, déjà affaibli par une année blanche des étudiants, les grèves des syndicats et une opposition amenée par un Abdoulaye Wade au sommet de sa forme et faisant feu de tout bois, sent le besoin de réagir et de relever ce que le opposants considéraient comme un affront. C’est ainsi que le ministre de l’Intérieur se rendit à Diawara et déclara, bravache, que le Sénégal ne se laissera pas faire. Un des journalistes qui l’accompagnait crut bon d’en rajouter une couche « en exhibant des balles », qui n’étaient en fait que de la chevrotine.
Envoyé à Dakar pour apaiser les tensions, le ministre de l’intérieur mauritanien fit une déclarations tout en sourire minimisant ce qui s’était passé à Diawara. Cela sera très mal perçu par l’opinion sénégalaise très remontée contre les dirigeants du pays voisin. Cette période de surenchère fait éclater quelques manifestations. En Mauritanie des Sénégalais sont attaqués et Nouakchott semble vouloir profiter de ces soubresauts pour procéder à une véritable épuration et renvoyer les Sénégalais chez eux… des gens qui n’avaient jamais mis les pieds au Sénégal sont carrément déportés. À Dakar la tension est vive mais les manifs sont encore contenues et jusqu’ici pas de mort signalée contrairement du côté mauritanien.
La situation va dégénérer lorsque Abdou Diouf se rendit au Centre de Traumatologie (CTO), aujourd’hui Hôpital de Grand Yoff, afin de s’enquérir de l’état de santé des premiers rapatriés. L’information selon laquelle le Président aurait pleuré en voyant les blessés circule assez rapidement. Aussitôt, les abords de l’hôpital sont pris d’assaut par une foule en furie réclamant de voir les blessés, estropies et mutilés qu’on voudrait cacher, selon la rumeur. Devant le refus des forces de l’ordre, elle décida de se rendre à la foire où étaient soigneusement gardés des ressortissants mauritaniens. Là aussi, la foule fut repoussée par les policiers. S’en était trop pour elle. Commencèrent alors les premières attaques contre les nombreuses boutiques des Mauritaniens, les 22 et 23 avril. En vérité, les boutiques établies dans tous les coins de rue de Dakar, et détenant le monopole du petit commerce, étaient la cible de vandales et de pilleurs. Les premiers morts sont constatés du côté Mauritanien en terre sénégalaise.
« Quand je suis allé au CTO, je montre ma carte de presse et je parle au directeur qui m’assure qu’il n’y avait dans sa structure que des traumatisés en observation et parmi eux aucun blessé contrairement au bruit qui court mais le mal était déjà fait. Castors et Front de Terre (quartiers proches de l’hôpital) enregistrèrent les premiers heurts et les premiers morts », retrace monsieur Diop.
Les 24 et 25, des massacres sont perpétrés en guise de représailles par les populations de Nouakchott et de Nouadhibou (Mauritanie) contre la communauté sénégalaise, causant la mort d’environ deux cents personnes. Le couvre-feu est décrété dans ces deux villes.
Devenu formateur à la fin de sa riche carrière de journaliste, Kader Diop en profite pour évoquer la responsabilité du reporter, qui selon lui, n’a pas le droit de tout dire.
« Lorsque des premiers balbutiements du conflit, nous avons eu à l’AFP une information de source hospitalière faisant état de la mort atroce de plusieurs dizaines de Sénégalais. Mon collègue et moi avions un problème de conscience : doit-on tout dire ? Personne ne vous condamnera d’avoir tout dit bien évidemment, mais cela va parfois au-delà du métier. Envenimer une situation tendue et inviter quasiment les Sénégalais á la vengeance était-ce raisonnable ? Nous avons finalement opté de dire qu’il y avait au moins 17 sénégalais tués », raconte l’ancien reporter.
Alors que les premiers rapatriés venant de Mauritanie ont débarqué à Dakar racontant les atrocités et les actes xénophobes qu’ils avaient subis, une nouvelle flambée de violence embrase pendant le 27 avril la capitale sénégalaise. En deux jours, près d’une centaine de Mauritaniens sont tués. L’état d’urgence et le couvre-feu sont instaurés le lendemain.
Au niveau diplomatique, le Sénégal avait quand même gagné la bataille de l’opinion. Selon Kader Diop, c’est un des avantages de la démocratie.
« Le Sénégal était vu comme un pays ouvert où la presse pouvait travailler librement contrairement à la Mauritanie sous la férule d’un régime militaire. La communauté internationale avait largement soutenu le Sénégal tout en mettant tout en œuvre afin que la paix revienne au plus vite d’autant plus que le Sénégal devait accueillir le sommet de la francophonie » rappelle-t-il
En cette fin avril, un pont aérien conduit par Paris, Madrid, Ryad, Alger et Rabat, organise le rapatriement des ressortissants des deux pays.
Le 3 mai, la Mauritanie décide d’expulser de son territoire tous les Sénégalais ainsi que les Mauritaniens d’origine sénégalaise. À Nouakchott, parfois c’était même des personnes de race noire qui n’avaient jamais mis les pieds au Sénégal. Une véritable épuration. Et le 5 mai, le Sénégal décidera, à son tour, de renvoyer tous les Mauritaniens sur son sol.
À la fin du mois de mai, selon les chiffres publiés par les deux capitales, il y a soixante-dix mille réfugiés au Sénégal et cent soixante-dix mille en Mauritanie.
Entre les deux pays, la paix ne reviendra progressivement que vers le mois d’août et septembre. Un véritable ballet diplomatique sera déployé. L’Arabie Saoudite, la France, le Maroc ou encore des organismes comme la défunte OUA devenue Union Africaine proposeront leurs bons offices. Au Sénégal, feu Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh, Khalife Général des Tidianes sera en première ligne, avec d’autres, dans une diplomatie parallèle très active.
30 ans après ce triste feuilleton, la paix est là mais les braises incandescentes sont encore sous la cendre froide. Régulièrement, des heurts entre éleveurs et agriculteurs des deux pays reviennent au-devant de l’actualité. Mais, l’épicentre d’un potentiel conflit s’est déplacé. Il se situe sur la frontière maritime où régulièrement la garde mauritanienne tire encore aujourd’hui sur des pécheurs sénégalais.
Quoi qu’il en soit, selon Kader Diop, une paix définitive dépendra des chefs d’État mauritanien et sénégalais qui devront agir en ayant toujours en tête qu’on on ne choisit pas ses voisins.
« Les deux pays sont voisins et mieux, des deux côtés du fleuve Sénégal qui sert de frontière, vivent les mêmes familles. Des Sénégalais ont toujours travaillé en Mauritanie et vice-versa. De plus les liens religieux sont très forts entre les musulmans des deux pays. Il appartient aux autorités politiques, en haut lieu, de prendre ce problème à bras le corps car nous sommes condamnés à vivre ensemble et c’est possible de le faire harmonieusement. D’autant que des ressources de pétrole et de gaz découvertes à leur frontière maritime commune et qui vont être exploitées conjointement, ajoutent un lien supplémentaires à leurs rapports », conclut le journaliste sur un ton optimiste.
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