COMPRENDRE LES DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES DES SÉNÉGALAIS
Quand on parle d’économie, on pense souvent aux chiffres du PIB, aux bilans budgétaires et aux déclarations officielles. Pourtant, c’est dans le quotidien des citoyens que se mesure le vrai visage d’une situation économique.

Quand on parle d’économie, on pense souvent aux chiffres du PIB, aux bilans budgétaires et aux déclarations officielles. Pourtant, c’est dans le quotidien des citoyens que se mesure le vrai visage d’une situation économique. Une enquête sociologique menée début juillet 2025, auprès d’une cinquantaine de Sénégalais, montre que derrière les grands indicateurs, une jeunesse instruite, urbaine et ambitieuse vit des difficultés économiques pesantes, presque banalisées.
Une jeunesse diplômée, mais économiquement fragilisée
Majoritairement âgés de 18 à 25 ans et titulaires d’un diplôme supérieur, les répondants de l’enquête forment cette jeunesse que l’on qualifie souvent de « moteur de demain ». Mais paradoxalement, elle se sent bloquée, faute de débouchés professionnels. Plus des deux tiers déclarent être insatisfaits de leur situation économique. Comme l’avait souligné Durkheim, il arrive que les structures sociales ne parviennent plus à intégrer correctement les individus, créant ainsi du désarroi social.
Le chômage et la précarité ne sont pas ici des concepts abstraits : ils sont vécus dans la difficulté à payer les études, à accéder à des soins de qualité ou à s’offrir un logement décent.
Chômage et vie chère : des difficultés partagées
Au premier rang des préoccupations exprimées dans cette enquête, le chômage et la hausse du coût de la vie. Ce constat rejoint les analyses de la Banque mondiale et de l’ANSD, qui pointent une croissance économique qui profite encore insuffisamment aux couches populaires et aux jeunes diplômés.
La jeunesse interrogée ne rejette pas frontalement l’action publique, mais exprime une attente forte de réformes économiques capables de changer concrètement la vie des Sénégalais. Elle ne demande pas des discours, mais des actes.
Quelles pistes pour sortir de cette impasse économique ?
Loin de toute posture critique ou partisane, l’analyse des réponses nous invite à réfléchir aux leviers possibles pour améliorer la situation économique et sociale du Sénégal, dans une approche constructive. Voici quelques pistes sociologiquement et économiquement fondées :
1. Optimiser la gouvernance économique
Réduire le train de vie de l’État, pour dégager des marges budgétaires destinées aux dépenses sociales et à l’emploi.
Améliorer la gestion des ressources naturelles et des entreprises publiques, souvent sources de gaspillage ou de faible rentabilité, afin qu’elles servent réellement le développement national.
Optimiser la collecte fiscale et douanière, sans étouffer le secteur privé formel et informel. Une fiscalité juste et efficace est un levier clé pour financer les services publics.
2. Développer durablement les secteurs économiques clés
Relancer l’agriculture, la pêche, l’artisanat et les industries de transformation, pour créer des emplois dans les zones rurales et semi-urbaines.
Stimuler les services (tertiaire) et préparer l’avenir avec l’économie numérique, les énergies renouvelables, et les industries créatives (quaternaire).
Soutenir l’entrepreneuriat local, notamment des PME sénégalaises, afin qu’elles deviennent des pourvoyeurs d’emplois et non de simples survivantes.
3. Renforcer l’État social et recruter dans les secteurs essentiels
Le Sénégal souffre d’un manque criard de personnel dans la santé, l’éducation, la sécurité, la justice, l’administration territoriale. L’État doit pouvoir recruter massivement, non par clientélisme, mais par nécessité structurelle.
Relever le salaire minimum, afin de redonner du pouvoir d’achat aux plus modestes.
Mettre en place des politiques sociales ciblées : aides au logement, bourses d’études élargies, subventions pour les ménages précaires.
4. Investir dans des services sociaux de base de qualité
L’accès à une éducation publique performante, à des hôpitaux accessibles et à un logement décent reste une condition de dignité économique. Ces services ne sont pas des charges, mais des investissements dans le capital humain du pays.
5. Associer le secteur privé local à la relance économique
Encourager le secteur privé national, souvent éclipsé par les multinationales ou fragilisé par la concurrence déloyale.
L’État doit dialoguer davantage avec les entrepreneurs locaux pour co-construire des solutions au chômage et à la précarité économique.
Écouter pour mieux agir
Cette enquête n’a pas la prétention de donner une photographie complète du Sénégal économique. Elle ne couvre qu’une petite portion, essentiellement urbaine et éduquée. Mais elle apporte un message clair : le malaise économique est profond, mais les solutions existent si l’écoute et l’action suivent.
Pour la sociologie, ce sont ces « faits sociaux » du quotidien qu’il faut observer pour comprendre où la société doit agir. Car comme le rappelait Durkheim, "la société ne peut subsister si elle ne cherche pas à harmoniser les intérêts individuels et collectifs".
Une contribution citoyenne, pas une critique partisane
Loin d’être une critique contre les pouvoirs publics, cette démarche se veut une modeste contribution citoyenne, une alerte pour inviter à une réflexion collective. Aucun pays ne peut résoudre seul ses crises, mais chaque société peut inventer ses propres solutions adaptées à ses réalités.
Les difficultés économiques vécues par les Sénégalais ne sont ni une fatalité, ni une spécificité sénégalaise. Elles sont le signe d’une société en transition, qui doit repenser son modèle de développement pour être plus inclusif, plus juste et plus efficace.
Ce diagnostic n’est pas un réquisitoire. C’est un appel à l’action, pour que derrière chaque statistique, il y ait un citoyen qui retrouve espoir.