ÉVITER LE FANATISME
En déclarant que « les chaussures de son guide spirituel ont plus de valeur que le saint coran » - une sortie malheureuse qui a offusqué le commun des croyants -, le sieur Diagne ne s’attendait certainement pas à être arrêté et jugé devant une juridiction

«Est-ce que vous fumez du chanvre indien ? » Cette question devenue presque banale a été adressée par le représentant du parquet au prévenu Cheikh Diagne alias Moussa Diagne, chef religieux. Le mis en cause, tout embarrassé, n’a pas apprécié cette interpellation. Il s’attendait à toute sorte de questions sauf à celle-ci, surtout en présence de ses disciples et de ses parents. Ce qu’il semblait ignorer, c’est que la barre a ses particularités et ses réalités. Elle n’accorde aucune faveur basée sur le statut social, la religion ou la couleur. Au Sénégal, tous les justiciables sont d’égale dignité. Et le juge n’a pas manqué de lui faire cette précision. Mais aussi de lui rappeler que toute partie au procès a le droit de poser toute question qui lui semble appropriée pour éclairer la lanterne du juge.
En déclarant que « les chaussures de son guide spirituel ont plus de valeur que le saint coran » - une sortie malheureuse qui a offusqué le commun des croyants -, le sieur Diagne ne s’attendait certainement pas à être arrêté et jugé devant une juridiction de jugement. Sa déclaration blasphématoire sur l’islam et son Prophète est indigne d’un prétendu guide spirituel qui n’a pas su maîtriser ses émotions. Elle a provoqué une onde de choc auprès de l’opinion publique et suscité partout l’indignation. En effet, rien ne saurait justifier de tels propos.
Jugé le 4 juin 2025 pour discours contraire aux bonnes mœurs, incitation à la discrimination religieuse, discours qui tend à un soulèvement entre citoyens et insulte via un système informatique, il a reconnu les faits. Il a précisé que ses déclarations datent de 2020 et qu’elles ont été sorties de leur contexte. Même s’il a présenté ses excuses, le mal était déjà fait. Nous sommes dans une société où la religion a de beaux jours devant elle. Le défunt Khalife général des Tidianes, Serigne Abdou Aziz Sy Dabakh, n’a jamais cessé de le rappeler : le Sénégal est un terreau fertile en matière de religion. Malheureusement, de nombreux vendeurs de rêve qui prennent des vessies pour des lanternes se voient dans leurs délires en messies, en messagers de Dieu. Or, ils ne sont rien et ne savent pas grand-chose. Et beaucoup de jeunes, des espoirs pour leurs familles, mordent malheureusement à l’hameçon et se font facilement ferrer par ces mercenaires de la religion. C’est dans ce contexte qu’il faut replacer la déclaration du Général à la retraite, Meïssa Sellé Ndiaye, ancien aide de camp du Président Macky Sall. « L’erreur serait de croire que cela n’arrive qu’aux autres ». Cette mise en garde tient toute sa pertinence et intervient dans un contexte si particulier en partageant son inquiétude par rapport à la menace terroriste qui guetterait notre pays. Et il n’a pas tort, car aucun pays n’est à l’abri du terrorisme.
« Ils (les jihadistes) exploitent des facteurs sociaux comme le système des castes ou les séquelles de l’esclavage par ascendance pour convertir des populations marginalisées à un islam qui est présenté un peu comme une sorte de théologie de la libération », alerte François Soudan, directeur de la rédaction de Jeune Afrique, dans la semaine de JA, sur Rfi, publié le 7 juin 2025.
Le seul bémol dans l’alerte du réserviste semble l’indexation d’une communauté identifiable par l’accoutrement, la barbe, la manière de faire leurs prêches dans les écoles et autres lieux de culte pour un retour aux pures sources islamiques.
Garder cette longue tradition de paix, de cohésion sociale et d’harmonie de notre pays suppose donc que l’on évite certaines déclarations malveillantes sur les croyances religieuses. Le Sénégal, pays de la Téranga, est un terreau très fertile du dialogue interreligieux. Nous devons toujours veiller au respect des croyances des uns et des autres. Car, la religion touche le cœur et rien que pour cela, il est primordial de savoir raison garder. Nombre de pays ont basculé dans le chaos, la violence et le désordre à cause des « pyromanes » de type nouveau qui sèment la zizanie. La foi étant sacrée, nous devons bannir tout discours visant à l’ébranler. Nous devons surtout rester vigilants en croyant que cela n’arrive qu’aux autres.