J’AI LU L’OUVRAGE PASTEF, LA RÉSISTANCE CONSCIENTE FACE AU MACKYAVELISME
Avec le projet Pastef, il y a, pour paraphraser Gramsci, une préoccupation réelle d’opposer au pessimisme de la raison – au vu de ce qui se passe dans le pays depuis des décennies

Si un bon cœur et un bon esprit forment une formidable combinaison, comme l'a avancé Nelson Mandela, que dire de limpides idées enveloppées dans de belles lettres, comme l’ont fait Lamine Niang et Sadikh Top dans leur bel ouvrage, que j’ai eu beaucoup de plaisir à lire ? Je laisse à chacun le soin de répondre à cette question.
J'ai été, depuis des années, désespéré de la plupart sinon de tous les mouvements et partis politiques dans notre pays, où l'activité politique ne brille souvent que par sa face nocturne, dévoyée qu’elle est de sa trajectoire, et partant de son noble objectif originel. Dès lors, elle n’y est devenue que l’ombre d’elle-même : une véritable machine à désespérer le peuple - pour reprendre les propos d’Albert Camus -, désertée par nombre d’honnêtes citoyens soucieux de préserver leur image, et par conséquent évitant de plonger leurs mains de ce cambouis pour ne pas les salir. Mais, en refermant la dernière page de Pastef : La résistance consciente face au mackyavelisme, je fus empli d’une lueur d’espoir qui me fit songer que le meilleur était peut-être à venir. Car, avec le projet Pastef, il y a, pour paraphraser Gramsci, une préoccupation réelle d’opposer au pessimisme de la raison – au vu de ce qui se passe dans le pays depuis des décennies : justice instrumentalisée, institutions discréditées, mal gouvernance, corruption généralisée, gabegie, népotisme, détournement de deniers publics en toute impunité, découragement et désespoir grandissants - l’optimisme de la volonté : en faisant la politique autrement, en y mettant plus d’éthique, de vertu, de transparence et de patriotisme. C’est dans ce sens que va le financement participatif, dont les exemples les plus parlants tant au niveau national que dans la diaspora sont Bokk Naa et Nemmeeku Tour. Si elle se généralisait, cette pratique permettrait à nombre de militants de prendre conscience qu’on n’adhère pas à un mouvement politique pour s'enrichir, comme c'est souvent le cas dans le pays, mais parce qu’on est mû par des convictions. Elle permettrait aussi d'avoir plus de transparence quant à l'origine des fonds qui font fonctionner plusieurs partis en plus d’éviter que ceux-ci soient considérés comme des propriétés personnelles par quelques-uns des chefs de parti, qui y font la pluie et le beau temps, sous le prétexte ou la raison que ce sont eux qui cassent toujours ou la plupart du temps leurs tirelires. Avec le projet Pastef, il y a aussi une réelle volonté d’être souverain sur les plans politique, économique et culturelle. Ce qui est d’autant plus urgent et nécessaire que l’aliénation a de beaux jours devant elle dans le pays – d’où la fréquente référence à Cheikh Anta Diop tout au long du livre – et qu’il faut se défaire de l’étreinte de l’ex-puissance coloniale, qui n’a jamais été aussi influente et présente dans le pays que sous la présidence de Macky Sall. Mais par manque de courage ou par vil calcul politique, beaucoup de prétendants au pouvoir esquivent la question de la souveraineté, qui est pourtant centrale pour un pays puisque c’est autour d’elle que gravitent toutes les autres. C’est conscient de cet état de fait et de son importance que Pastef voit que le développement du continent ne se fera que dans un ensemble panafricain fort sans quoi nos petits États pauvres et impuissants seront encore et toujours sous le joug des grandes puissances néocoloniales. Sur le plan médiatique, Jotna Media Group, qui est financé intégralement par les dons des Patriotes, est l’outil de communication du parti. Une véritable lumière dans la grisaille médiatique dans le pays grâce aussi bien à la qualité et à la diversité des thèmes qui y sont traités qu’à l’excellence de nombre d’invités qui y sont interviewés et à la conscientisation des jeunes, à qui un appel fort a été lancé par Lamine et Sadikh, lesquels les invitent à se politiser davantage. Les vacances patriotiques, l’appel à un nationalisme économique fort, sont aussi parmi les nombreuses autres initiatives de Pastef.
Il y a toutefois une voix intérieure discordante, qui ne cesse de m’interpeller. J’ai d’abord essayé de l’ignorer sinon de la taire parce que ne voulant pas qu’elle éteigne la lueur d’espoir qui commençait à naître en moi à la suite de la lecture du livre. Mais au fil du temps, elle était devenue beaucoup plus persistante. Je décidai alors de lui tendre l’oreille sans pour autant être disposé à l’écouter encore moins à la suivre. Elle me défendit d’être d’un optimisme béat en me rappelant qu’il peut y avoir l’Océan Atlantique entre la volonté de rupture prônée par Pastef et la realpolitik, entre être au pouvoir et avoir le pouvoir et surtout entre l’énonciation de grands projets enveloppés dans de beaux discours lors de la conquête du pouvoir et leur mise en application pendant son exercice. Parce qu’il y a une autre réalité à affronter et à vaincre. De plus, par le passé, dans le pays, des hommes politiques ayant échafaudé de beaux projets politiques enrobés de discours mielleux pendant leur conquête du pouvoir, ont fait tout le contraire de ce pour quoi ils disaient lutter une fois qu’ils y sont parvenus. Après avoir écouté cette voix intérieure, je pensai qu’elle n’avait pas tort, et que son appel à la prudence et à la modération de mon optimisme n’était pas dépourvu de fondement. Je me dis tout de même que qui ne tente rien n’a rien ; Ku dul tukki, du xam fu dëkk neexe. Et par-dessus tout– bien que je ne sois pas membre du Pastef – ce parti et son leader Ousmane Sonko méritent un coup d’essai. La récente fusion de 13 partis et mouvements politique dans Pastef, dont certains sont dirigés par des leaders valeureux et connus dans le milieu politique depuis des années, est une marque supplémentaire de confiance. Qui plus est, le passage de Sonko non entaché d’irrégularités à la Direction des impôts et domaines, milieu réputé gangrené de corruption où il avait été inspecteur, plaide en sa faveur. Il suffit juste, pour en avoir le cœur net, de le comparer à celui de l’ancien receveur des domaines qui – selon l’information publiée par de nombreux sites internet et journaux - détient plus de 315 terrains immatriculés au nom des membres de sa famille[1] ou à celui de Mamour Diallo, ancien de cette Direction, cité dans un scandale foncier de plusieurs milliards. Sonko est par ailleurs charismatique et il jouit d’une grande popularité auprès de nombreux Sénégalais appartenant à presque toutes les couches sociales du pays.
Mais le chemin est long qui mène au palais. Les affaires Tullow Oil et Adji Sarr, les campagnes de désinformation et de diabolisation médiatiques entretenues par une certaine presse corrompue – que Lamine et Sadikh ont rappelées dans le livre –, ne sont que quelques-unes des nombreuses embûches qu’il va falloir surmonter. À coup sûr, d’autres peaux de banane seront étalées sur le chemin et des complots ourdis pour faire tanguer le navire Pastef et partant faire chuter son timonier. Et le régime en place fera tout pour s’accrocher au pouvoir, dût-il forcer une troisième candidature, à laquelle il n’a pas pourtant droit, ou semer le chaos. Car avec les nombreux gros dossiers sous le coude de Macky et la promesse de Pastef dans son projet de ne protéger aucun citoyen coupable de quelque forfait que ce soit, la bataille sera rude. Mais le dernier mot incombera au peuple, qui devient de plus conscient des enjeux. Et d’ici aux prochaines échéances électorales (présidentielles), beaucoup de choses peuvent se passer.
[1] https://www.seneweb.com/news/Societe/boulimie-fonciere-un-ex-receveur-de...