VERS UNE RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE AU MALI ?
Une transformation du pays vers le modèle mauritanien (modéré) semble improbable actuellement car il n’apporterait aucune solution à l’insurrection djihadiste actuelle, tout en ne répondant pas à la demande majoritaire des élites politiques

Va-t-on vers l’instauration d’une république islamique au Mali ? Si cela se produisait, il existe a priori une variété importante de modèles possibles, du plus modéré - comparable à la république islamique de Mauritanie, efficace contre les dérives radicales - au plus extrémiste et foyer de terrorisme - comme Daech, naguère en Irak et Syrie. Entre les deux, les « nuances de vert » produisent des modèles inspirés soit des Frères musulmans, comme dans la Turquie actuelle, soit de type wahhabite, comme en Arabie saoudite, ainsi que le souhaiterait l’influent imam Dicko au Mali. Une autre possibilité, poussée actuellement par l’une des tendances maliennes djihadistes serait un modèle plus radical, inspiré des Talibans d’Afghanistan et d’Al-Qaida.
Plusieurs facteurs pourraient conduire le Mali, ainsi que le Niger, à changer assez fondamentalement leur type actuel d’État laïc, hérité de la décolonisation, vers l’un ou l’autre de ces modèles.
Il y a d’abord un décalage croissant entre le modèle laïc et de démocratie inspirée par les pays occidentaux, défendu essentiellement par les élites politiques éduquées qui sont quelque peu coupées de la base, et la population, en majorité rurale et peu marquée par les idées occidentales. En milieu rural, les valeurs religieuses musulmanes ont largement remplacé les cultures anciennes et autochtones. Les écoles coraniques sont désormais plus fréquentées par les enfants que les écoles publiques, souvent encore qualifiées d’écoles « françaises » et réputées diffuser de « mauvaises valeurs ».
Une vague de « réislamisation » a été encouragée depuis des décennies par la diplomatie religieuse des États du Golfe arabo-persique, qui finance les écoles coraniques, l’enseignement de la langue arabe, les universités islamiques, des ONG islamiques, des bourses d’études etc. Sous cette impulsion, la réforme salafiste ou wahhabite a gagné du terrain, ses prédicateurs défendant la thèse d’une dérive religieuse locale du fait de la mauvaise connaissance de l’arabe ou encore de l’interprétation par les confréries soufies qualifiée de déviante.
Négocier ?
Enfin, sous la pression militaire des groupes djihadistes que les armées locales, même aidées par Barkhane ou d’autres forces étrangères, s’avèrent incapables de vaincre, l’idée de « négocier » avec eux progresse fortement, d’autant plus que prévaut la croyance traditionnelle que tout s’arrange par la palabre entre « frères » maliens. C’est déjà le cas localement, par des négociations à la base qui ont de facto cédé des territoires aux djihadistes imposant leur modèle en échange de la paix. Au Mali, l’imam wahhabite Dicko, très actif dans le champ politique, revendique la possibilité d’un accord national avec les djihadistes sur un modèle de république islamique qu’il ne détaille toutefois pas.