CE QUE RISQUE OUSMANE SONKO EN CAS DE NON-COMPARUTION
Le procès pour diffamation, injures et faux et usage de faux dans un document administratif opposant le leader de Pastef, Ousmane Sonko, au ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang, devrait se tenir demain jeudi 16 février sauf probable renvoi.

« A l'audience pénale, l'avocat assiste son client, il ne le représente pas…» précise un ancien juge du tribunal correctionnel de Dakar.
Le procès pour diffamation, injures et faux et usage de faux dans un document administratif opposant le leader de Pastef, Ousmane Sonko, au ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang, devrait se tenir demain jeudi 16 février sauf probable renvoi. Une chose est sûre, pour ces délits, rien ne peut contraindre le prévenu Ousmane Sonko quitte à se faire condamner par défaut. Selon un ancien magistrat du tribunal correctionnel de Dakar, si les faits sont d’une extrême gravité, le juge peut aussi délivrer un mandat d’arrêt à l’audience aux fins de l’exécution d’une condamnation rendue par défaut. Souhaitons que les trois parties à savoir le ministère public, le prévenu et la partie civile n’en arriveront pas là !
L’un, c’est le prévenu. Il s’appelle Ousmane Sonko, leader du parti Pastef. L’autre, c’est le ministre du Tourisme, Mame Mbaye Ninag, dans le rôle du plaignant ou de la partie civile. C’est lui qui, en tant que ministre de la Jeunesse et de l’Emploi au moment des faits et assurant la tutelle du Programme des Domaines agricoles communautaires (Prodac), a servi une citation directe à Ousmane Sonko pour diffamation. Le procureur de la République, trop heureux de pouvoir ferrer le prévenu Ousmane Sonko, a ajouté les délits de faux dan un document administratif et d’injures publiques. Pour rappel, le leader de Pastef avait déclaré face à la presse que le ministre avait été épinglé par l’inspection générale d’Etat (Ige) pour détournement d’un montant de 29 milliards cfa issu du Prodac. Par la suite, reprécisant ses propos, il avait soutenu qu’il s’agissait plutôt de l’Inspection générale des Finances (IGF) et non de l’IGE.
Citation direction ? L’expression est sur toutes les lèvres puisqu’il s’agit d’une « plainte fast track » sous la forme d’un acte d’huissier diligenté par la partie civile ayant pour effet de faire citer directement et de faire comparaitre rapidement le prévenu devant le tribunal correctionnel. Ce en faisant l’économie d’une instruction qui peut être longue et fastidieuse. Pour les affaires les plus complexes, le procureur de la République engage l’action publique par un réquisitoire introductif. Est-ce le cas pour l’affaire opposant Mame Mbaye Niang à Ousmane Sonko pour laquelle, on l’a dit, au-delà de la diffamation, l’accusation vise également deux autres délits tels que les injures publiques et le faux et usage de faux dans un document administratif. L’affaire a été appelée à l’audience de la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance hors classe de Dakar le jeudi 2 février dernier avant d’être renvoyée au jeudi 16 février c’est-à-dire demain. En fait, si cette affaire a retenu l’attention de l’opinion nationale et suscité des débats politico-judiciaires, c’est parce qu’elle pourrait avoir des conséquences politiques sur la candidature d’Ousmane Sonko en vue de la présidentielle de 2024.
Attention au recel ou « vol » de document administratif !
Mais quoi qu’il en soit, le mis en cause Ousmane Sonko, comme d’ailleurs tous les justiciables, doit obligatoirement se présenter à l’audience même s’il a la crainte légitime d’être condamné. Il est vrai que l’on voit mal comment un prévenu hors du commun comme Ousmane Sonko pourrait échapper à ces trois chefs d’inculpation qui le visent. Comme nous l’écrivions dans ces colonnes, pour la diffamation, il avait dix (10) jours pour apporter les preuves des faits réputés diffamatoires. Ces preuves, s’il les produit le 11e jour suivant la réception de la citation ou le jour de l’audience, « ce serait peine perdue ! » comme aime le dénoncer souvent notre directeur de publication Mamadou Oumar Ndiaye. En tout cas, « Le Témoin » quotidien reste convaincu que le prévenu Ousmane Sonko n’est plus dans les délais de production de preuves. Le problème c’est que si, par extraordinaire, il avait produit dans les délais un document établissant que Mame Mbaye Niang avait détourné 29 milliards au Prodac, il serait condamné pour recel ou vol de document administratif ! Donc dans tous les cas, qu’il produise l’exceptio veritatis ou soit incapable de produire la moindre preuve, qu’il soit présent à la barre ou qu’il brille par son absence, Ousmane Sonko a peu de chance d’échapper à une condamnation dans cette affaire. Surtout que la volonté du pouvoir en place, auquel la « justice » ne peut rien refuser, c’est de le voir condamner afin de l’écarter de la présidentielle de février prochain ! Encore une fois, rien ne peut contraindre le prévenu Ousmane Sonko à comparaître et il peut choisir de se faire condamner par défaut. Même en détention, un prévenu peut refuser de se présenter à la barre d’une juridiction quitte en subir les conséquences. Toutefois, selon un ancien magistrat (juge) du tribunal correctionnel de Dakar, la présence du prévenu ou de l’accusé à l’audience est obligatoire car « sinon son avocat ne pourra même pas prendre la parole pour le défendre. Parce qu’à l’audience pénale, l’avocat assiste son client, il ne le représente pas comme à l’audience civile » précise cet ancien juge ayant présidé une chambre correctionnelle pendant plusieurs années au tribunal de grande instance hors classe de Dakar. « Et si les faits sont d’une extrême gravité, le juge peut aussi délivrer un mandat d’arrêt à l’audience aux fins de l’exécution d’une condamnation rendue par défaut » explique notre interlocuteur tout en rappelant que décerner un mandat d’arrêt est laissé a l’appréciation du juge.
Le complot de trop ?
Interrogé à propos de ce procès Mame Mbaye Niang/Ousmane Sonko où se jouera une partie essentielle du destin politique du leader de Pastef, un avocat estime que, juridiquement, Ousmane Sonko aurait tout intérêt à se présenter à la barre pour éviter d’être condamné. « Parce qu’un jugement par défaut est une décision rendue en l’absence du prévenu et sans que les conditions d’un jugement réputé contradictoire soient réunies, c’est-à-dire en l’absence de citation de la personne. Politiquement, je comprends les avocats et partisans d’Ousmane Sonko qui ne parlent que de procès politico-judiciaire sur fond de complot. Normal car ils savent qu’en cas de lourde condamnation pour injures, faux ou usage de usage, recel ou vol de document administratif, le prévenu Ousmane Sonko peut être déclaré inéligible à la présidentielle de 2024 » explique cet avocat à la Cour. Et d’ajouter : « Par contre, sur le terrain politique, je vois mal comment le régime de Macky Sall pourrait organiser une élection présidentielle sans le leader de Pastef Ousmane Sonko. Non ! Quelle que soit la condamnation, personne ne pourra empêcher Sonko d’être candidat en 2024 à mon avis. Parce que c’est une exigence de la rue et du peuple sénégalais…Une chose est sûre, d’après ce que j’ai vu sur le terrain politique et entendu au sein de l’opinion nationale et internationale, empêcher Ousmane Sonko de se présenter à la présidentielle de 2024, c’est compromettre l’organisation de cette élection. Dommage que les responsables de la mouvance présidentielle ne disent pasla réalité du terrain au chef de l’Etat ! » se désole cet avocat chevronné.
Le leader de Pastef sera-t-il présent ou pas à la barre du tribunal correctionnel ce jeudi ? Nul ne saurait le dire, à part peut-être les avocats d’Ousmane Sonko. Certes, en cas de condamnation par défaut dans des cas d’une gravité extrême, le juge peut délivrer un mandat d’arrêt à l’audience aux fins de l’exécution de la peine. Toute la question est de savoir si, dans cette affaire opposant Mame Mbaye Niang à Ousmane Sonko, les faits reprochés au leader de Pastef entrent dans cette catégorie. Pour « Le Témoin » quotidien, les faits, tels que présentés et exposés, sont loin d’être d’une extrême gravité. Ce même si Mame Mbaye Niang, le Parquet et Benno Bokk Yaakar veulent faire croire le contraire !