DIOMAYE, CANDIDAT IDÉAL POUR LA CEDEAO ?
La succession de Tinubu est engagée. Le Sénégalais mise sur son profil de réconciliateur, Talon revendique l'alternance régionale et John Dramani Mahama fait valoir son expérience. Faure, handicapé par ses dérives autoritaires, part distancé

(SenePlus) - Fin juillet 2024, Bola Tinubu achèvera son deuxième mandat à la tête de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao). Dans un contexte régional fragilisé par le départ de trois pays francophones vers l'Alliance des États du Sahel (AES), la question de sa succession revêt une importance cruciale. Parmi les candidats potentiels, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye émerge comme une figure particulièrement intéressante.
Lorsque Bola Tinubu avait pris ses fonctions le 9 juillet 2023, il avait adopté un ton ferme, promettant que la Cedeao ne resterait pas « ce bouledogue édenté qui ne mord pas », rapporte Jeune Afrique. Face à la vague de coups d'État au Mali, au Burkina Faso et en Guinée, puis au Niger deux semaines après sa prise de fonction, le président nigérian avait opté pour une ligne dure.
Soutenu par les Occidentaux, il avait pesé de tout son poids pour imposer des sanctions fortes au Niger, assorties de menaces d'invasion militaire. Ces mesures ont conduit les régimes militaires ouest-africains à se retirer de la Cedeao - à l'exception de la Guinée - et à former l'Alliance des États du Sahel (AES).
Selon l'ancien ministre nigérian des Affaires étrangères Bolaji Akinyemi, cité par JA, « le prochain président de la Cedeao doit être capable d'équilibrer les deux intérêts » et entretenir « des liens étroits avec les Français ». Cette nécessité de réconciliation pousse de nombreuses voix à réclamer qu'un francophone succède à Tinubu - le dernier en date était le Nigérien Mahamadou Issoufou en juin 2019.
Avec le départ de trois pays francophones et la suspension de la Guinée, seuls quatre pays restent éligibles : le Sénégal, le Togo, le Bénin et la Côte d'Ivoire, cette dernière étant probablement écartée en raison de son année électorale.
Bassirou Diomaye Faye, la jeunesse et l'unité
À 45 ans, Bassirou Diomaye Faye présente un profil singulier. Le président sénégalais est « le plus jeune dirigeant démocratiquement élu de la sous-région », souligne Jeune Afrique. Plus significatif encore, « il est considéré comme une figure unificatrice car il entretient des relations cordiales avec la Cedeao et l'AES ».
Cette position d'équilibre se traduit par des déclarations conciliantes. L'année dernière, il avait déclaré que les États « sécessionnistes » pourraient réintégrer la Cedeao tout en conservant leur pacte militaire dans le cadre de l'AES.
Ulf Laessing, directeur du programme régional pour le Sahel à la Fondation Konrad Adenauer au Mali, estime qu'un compromis est possible. « Je ne pense pas que la Cedeao sera en mesure de ramener les pays de l'AES dans son giron. La meilleure stratégie serait d'élargir la coopération avec l'AES et d'accepter le statu quo », explique-t-il à Jeune Afrique.
Malgré ces atouts, la candidature de Diomaye Faye suscite des interrogations. David Aworawo, directeur du département d'histoire et d'études stratégiques à l'université de Lagos, tempère les espoirs en pointant que « sa jeunesse et son inexpérience pourraient constituer un désavantage », rapporte JA.
L'universitaire nigérian pointe également « son tempérament éruptif et son attitude anti-française prononcée », des traits qui pourraient compliquer les relations avec certains partenaires traditionnels de la région.
Une concurrence francophone serrée
Le Sénégalais ne sera pas seul en lice. Le Béninois Patrice Talon dispose d'arguments solides : son pays n'a pas occupé la présidence de la Cedeao depuis 1994, et « dans l'intérêt de l'équilibre régional et de la rotation du leadership, la nomination de Patrice Talon pourrait se justifier », analyse Jeune Afrique. David Aworawo confirme ce sentiment en affirmant que « le Bénin le mérite plus que jamais ».
Le Togolais Faure Gnassingbé présente également des atouts, notamment sa capacité à « entretenir de bonnes relations avec la Cedeao et avec les pays membres de l'Alliance des États du Sahel », ces derniers dépendant des ports togolais pour leur commerce international, selon Jeune Afrique.
Toutefois, les récentes évolutions constitutionnelles au Togo jouent contre lui. Comme le souligne un représentant du gouvernement nigérian cité par le magazine panafricain, « Faure Gnassingbé a fait de lui-même un président à vie. Cela va à l'encontre de l'esprit de la Cedeao ».
L'alternative ghanéenne
Face à ces candidatures francophones, le Ghanéen John Dramani Mahama représente une alternative crédible. « L'un des plus expérimentés et des plus respectés de la sous-région », il a déjà occupé le poste de président de la Cedeao de 2013 à 2015, rappelle Jeune Afrique.
Son avantage : il « n'était pas en fonction lorsque la Cedeao a imposé des sanctions aux pays membres de l'AES » et a su maintenir « une position neutre » depuis son retour au pouvoir en janvier. Il avait même « eu soin d'inviter les chefs d'État de l'AES à son investiture à Accra », témoignant de relations cordiales avec eux.
La succession de Bola Tinubu s'annonce donc disputée, dans un contexte où la réconciliation avec l'AES apparaît comme l'enjeu majeur. Bassirou Diomaye Faye, malgré sa jeunesse, pourrait bien incarner cette nécessaire synthèse entre fermeté démocratique et pragmatisme régional.