«JE VEUX REDONNER A SAINT-LOUIS LA PLACE QUI EST LA SIENNE»
ENTRETIEN AVEC… Cheikh Bamba Dièye, candidat déclaré à la mairie de Saint-Louis

Cheikh Bamba Dièye dénonce le rejet des recours de l’opposition par le Conseil constitutionnel contre la loi modifiant le Code pénal et le Code de procédure pénale, mais aussi le nouveau Code électoral. Le député est surtout en colère contre les quatre qui ont pris des décisions alors que la juridiction n’est pas au complet. Le leader du Fsd/Bj, qui a déclaré sa candidature à la mairie de Saint-Louis, n’a pas encore précisé sa bannière, mais invite l’opposition à l’unité pour battre Mansour Faye qui, selon lui, n’est là que parce qu’il est le beau-frère du président de la République.
Le Conseil constitutionnel a rejeté les recours de l’opposition sur la loi portant modification du Code pénal et du Code de procédure pénale. Et hier, la requête contre le nouveau Code électoral. Comment avez-vous accueilli ces rejets ?
En violation de l’article 23 de la loi organique n° 2016-23 relative au Conseil constitutionnel, quatre des juges constitutionnels se sont réunis en toute illégalité pour rejeter notre recours sur les lois 10-2021 et 11-2021 portant Code pénal et Code de procédure pénale. L’article 23 est pourtant très clair. Il dit que le Conseil constitutionnel ne peut délibérer qu’en présence de tous ses membres, sauf empêchement temporaire de trois d’entre eux au plus, dûment constaté par les autres membres. On parle ici d’absence temporaire. Deux des trois manquants ont fini leur mandat et le troisième est décédé. Par conséquent, ils ne sont plus membres du Conseil constitutionnel. A ce jour, il manque trois membres au Conseil constitutionnel. Ce dernier ne peut donc se réunir légalement et toutes ses décisions sont illégales tant que le président de République n’aura pas nommé trois nouveaux membres. Lorsque la violation de la loi organique est le fait de juges constitutionnels, chaque citoyen peut se sentir légitimement en danger. On assiste à une véritable escroquerie constitutionnelle de personnes qui sont tout sauf des sages. Ils viennent de mettre en danger tout le pays. En plus de se déclarer incompétents dans toutes les matières qui leur sont soumises par l’opposition, les voilà maintenant qui font dans le faux et la violation des lois de notre pays. En siégeant en toute illégalité, ces quatre membres du Conseil constitutionnel ont trahi leur serment. Leur acte est un déshonneur pour ce pays. Il est triste de constater à nouveau que l’allégeance à un homme prime sur le droit et le respect des lois. Nous avons besoin de juges soumis à la loi, pas de girouettes à la solde d’un pouvoir politique.
Pourquoi vous êtes-vous opposé au vote de la loi modifiant le Code électoral ?
Pour une raison simple : nous ne voulons pas être complices de ce saupoudrage qu’on veut nous vendre comme un consensus fort. Ce texte est la résultante d’un dialogue de dupes auquel nous avions refusé de participer, sachant pertinemment, encore une fois, que le Président Macky Sall était à la recherche de caution pour un nouveau coup politique, comme ce fut le cas déjà lors de son premier appel au dialogue. Nous aurions même pu faire fi de tout cela et voter le texte s’il comportait des changements significatifs que beaucoup d’acteurs politiques demandent depuis des lustres et qui tombent sous le bon sens. Je pense au bulletin unique par exemple ou à la révision du parrainage, ou encore si le texte revenait sur cette disposition liberticide qui avait sciemment privé des citoyens de leurs droits civiques pour des raisons uniquement politiciennes.
Qu’est-ce qui pose problème dans cette loi ?
C’est le statu quo. Alors oui, il y a l’élection du maire au suffrage universel. Encore que si on voulait vraiment la révolutionner, on ferait sauter cette histoire de liste majoritaire. Mais à part ça, il n’y a rien de nouveau, rien qui aille dans le sens de la consolidation de nos règles démocratiques. C’est tout simplement dramatique après avoir dépensé des millions du contribuable. On aurait pu au moins s’épargner tout ce folklore dont on découvre que le seul but était de s’offrir du «mburu ak soow» (retrouvailles Idy-Macky). Les gens s’en nourrissent tous les jours dans ce pays sans tambour ni trompette et pas forcément de gaieté de cœur.
Un groupe de députés a décidé de saisir le Conseil constitutionnel pour l’annulation de cette loi. Avez-vous espoir que cela aboutisse ?
En toute chose, il faut faire sa part. Saisir le Conseil constitutionnel fait partie des modes de contestation qu’offre notre République imparfaite. Maintenant, nous avons suffisamment d’expérience dans le landernau politique de ce pays pour ne pas nous laisser berner par des illusions. Il y a fort à parier qu’ils vont soit trancher en faveur de la majorité soit se déclarer incompétents. Ce qui vient alimenter une rumeur tenace dans ce pays : l’incompétence est très chèrement rémunérée au Sénégal.
Vous avez déclaré votre candidature à la mairie de Saint-Louis, mais sous quelle bannière ?
Nous verrons sous quelle forme ce sera, mais à coup sûr, je serai candidat à la mairie de Saint-Louis. Ce que me disent les Saint-louisiens depuis que j’ai quitté la mairie et depuis que mon successeur y sévit me conforte dans le fait que ma candidature est une nécessité. Je veux reprendre la trajectoire que j’avais initiée avec les «domou Ndar» pour redonner à Saint-Louis la place qui est la sienne dans ce pays.
Disposez-vous réellement des moyens de renverser l’actuel maire qui brandit habituellement son bilan comme «trophée de guerre» ?
Les seuls moyens dont il faut disposer de manière essentielle pour gagner une élection, surtout locale, c’est le soutien des populations. Et sur ce plan, je fais confiance aux Saint-louisiens pour distinguer les bonnes graines des mauvaises. Vous parlez de bilan, après un mandat de plus de 7 ans, l’équipe actuelle n’est pas capable d’en présenter un qui puisse rivaliser avec ce que nous avons mis en place en 5 ans.
Quel projet proposez-vous pour convaincre les Saint-louisiens ?
Nous présenterons dans le détail, le moment venu, ce qu’est notre ambition pour Saint-Louis. Mais retenez d’ores et déjà que notre projet politique réservera une place de choix à l’environnement, au social et à l’économie ! L’urgence climatique de la région nous impose d’avoir une ambition écologique forte, et nous avons des idées très claires là-dessus. Ndar n’échappe pas à la situation sociale qui sévit dans ce pays. Par conséquent, nous allons rendre à la Municipalité son rôle de régulatrice sociale. Enfin, nous ambitionnons d’exploiter pleinement le potentiel économique de la région, qu’il s’agisse des canaux historiques tels que la pêche et le tourisme ou des canaux à venir avec l’exploitation du gaz et du pétrole au large de la région. Voilà quelques axes forts de ce que nous voulons mettre à place à Saint-Louis avec les Saint-louisiens.
L’idée d’une grande coalition de l’opposition pour faire face à Mansour Faye est agitée à Saint-Louis. Y adhérez-vous ?
Je comprends le principe, mais je préfère que l’on lise les choses autrement. Si une grande alliance doit être montée, ce sera pour Saint-Louis et pas contre un individu. Saint-Louis est beaucoup trop importante à mes yeux pour qu’on envisage son destin sous l’angle d’une opposition à une personne qui n’est là que parce qu’elle est le beau-frère du Président. Si j’ai un message à lancer à mes camarades de l’opposition, c’est que l’on s’unisse pour Saint-Louis et les «domou Ndar». La conséquence immédiate de cette union sera le départ de Mansour Faye.
Le Sénégal fait face à une troisième vague du Covid-19. Qu’est-ce qui explique cette recrudescence ?
Nous avons une chance inouïe avec cette pandémie que l’on refuse d’exploiter. On sait à l’avance tout ce qui va nous arriver avec ce virus à travers les pays occidentaux d’où nous parviennent tous les variants. Mais les autorités gouvernementales préfèrent naviguer à vue. Il est certain qu’il y a eu un relâchement global de toute la population parce qu’il faut reconnaître que 2020 a été très difficile pour beaucoup. Pour autant, le rôle du gouvernement est de rester alerte à tout moment et de nous éviter une catastrophe. Au lieu de ça, le président de la République a préféré parader dans tout le pays pour une pré-campagne municipale, exposant les populations à une propagation plus accrue du virus. C’est tout simplement irresponsable. Comment, demain, va-t-il pouvoir faire respecter des restrictions si elles s’avéraient nécessaires à nouveau. Je souhaite qu’on endigue cette 3ème vague au plus vite et je demande aux populations de remettre le bleu de chauffe pour la sauvegarde de leur santé. Mais le Président Macky Sall a indéniablement une responsabilité énorme dans ce que l’on vit là. Et dans certains pays, une plainte planerait sur sa tête pour mise en danger de la vie d’autrui avec des circonstances aggravantes du fait de sa fonction.