LA DIPLOMATIE SÉNÉGALAISE FAIT PEAU NEUVE
Entamé dès mai 2024 par le rappel des fidèles de Macky, le remaniement diplomatique touche à sa fin. Entre expertise technique et proximité militante, le nouveau pouvoir cherche l'équilibre pour incarner sa politique de rupture

(SenePlus) - Près d'un an après l'arrivée au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye, le nouveau Sénégal dessine les contours de sa diplomatie avec la France. Entamé dès mai 2024, "un mois après l'investiture du chef de l'État, par le rappel du personnel nommé sous Macky Sall", selon Jeune Afrique, le remaniement des postes diplomatiques clés à Paris touche aujourd'hui à sa fin.
Cette révolution silencieuse dans les couloirs de l'ambassade sénégalaise illustre la volonté de rupture du nouveau régime avec les pratiques de l'ancien président. Mais elle révèle aussi les défis d'une diplomatie en quête d'équilibre entre professionnalisation et proximité avec la diaspora.
L'homme fort de cette nouvelle architecture diplomatique s'appelle Baye Moctar Diop. Nommé en janvier "en remplacement d'El Hadji Magatte Seye, désormais affecté à Nouakchott, en Mauritanie", rappelle Jeune Afrique, cet ambassadeur dirige depuis mars la représentation sénégalaise à Paris. Un poste hautement symbolique pour un "diplomate de carrière réputé proche d'Ousmane Sonko".
Précédemment en poste à Bruxelles, Baye Moctar Diop hérite de "la délicate charge de gérer les relations diplomatiques avec la France, que le chef de l'État Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre appellent à réformer", souligne le magazine panafricain. Sa première épreuve du feu : accompagner une mission parlementaire sénégalaise du 16 au 20 juin, durant laquelle les élus ont rencontré leurs homologues français, notamment "Bruno Fuchs (MoDem), le président de la commission des Affaires étrangères du palais Bourbon, ainsi qu'Aurélien Taché (La France insoumise), président du groupe d'amitié France-Sénégal".
L'architecture diplomatique se complète avec Pierre Maad Faye, qui "devrait prendre ses fonctions début juillet à la tête de la délégation permanente du Sénégal à l'Unesco", selon Jeune Afrique. Ce poste était "resté vacant pendant plus d'un an après le départ en juin 2024 de son ancien titulaire, Souleymane Jules Diop". Ancien "directeur des Organisations internationales et de la mondialisation au ministère des Affaires étrangères", Pierre Maad Faye incarne lui aussi cette volonté de confier les postes clés à des professionnels de la diplomatie.
Innovation majeure de ce remaniement : pour la première fois, une femme dirige le consulat général du Sénégal à Paris. Adama Fall, "une fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, est arrivée en avril dernier", indique Jeune Afrique. Cette nomination s'inscrit dans la stratégie d'Ousmane Sonko, qui "avait souhaité que ne soient nommés que des diplomates de carrière aux emplois clés à l'étranger".
Un changement radical par rapport aux pratiques de l'administration précédente qui, selon le magazine, "privilégiait des personnalités issues du monde associatif ou engagées politiquement au sein de la diaspora". L'exemple le plus flagrant de cette ancienne logique : sous Macky Sall, "le poste de consul général était ainsi occupé par Amadou Diallo, militant de l'Alliance pour la République (APR), l'ancien parti présidentiel, et frère cadet d'Abdoulaye Daouda Diallo, l'ex-président du Conseil économique, social et environnemental".
Cette professionnalisation répond à une exigence pratique : selon Jeune Afrique, "la fonction exigeant d'être en contact régulier avec les ressortissants" nécessite une expertise diplomatique plutôt qu'une simple proximité politique.
Paradoxalement, cette volonté de rupture s'accompagne d'un pragmatisme assumé. Conscient que les nouveaux consuls "pour la plupart, n'ont aucun lien avec les pays où se trouvent les chancelleries qu'ils sont appelés à diriger", le gouvernement a opté pour une solution hybride. Ainsi, "pour compenser la possible méconnaissance des nouveaux consuls", explique JA, "le gouvernement a décidé qu'ils soient appuyés par des membres de la diaspora".
Cette stratégie trouve sa parfaite illustration dans le binôme formé au consulat parisien. Adama Fall sera donc "accompagnée par Tamsir Bathily, un militant de la première heure au sein de la section France du Pastef", récemment "nommé au poste de vice-consul". Un équilibre délicat entre technocratie et militantisme qui témoigne des défis de cette transition diplomatique.
Cette architecture révèle en creux les enjeux de la diplomatie sénégalaise post-Sall : concilier la rupture politique prônée par le nouveau régime avec l'impératif de maintenir des relations fonctionnelles avec l'ancienne puissance coloniale, tout en préservant les liens essentiels avec une diaspora de plus en plus influente dans l'économie du pays.