SONKO, DÉPUTÉ SUSPENDU OU DÉMISSIONNAIRE ?
La déclaration du Premier ministre sur son éventuel retour à l'Assemblée nationale révèle une zone d'ombre juridique, entre la version officielle du Pastef parlant de "suspension" et celle de l'opposition évoquant une "démission définitive"

La déclaration du président du Parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), Ousmane Sonko, Premier ministre, faite le jeudi 10 juillet 2025, lors de l’installation du Conseil national de sa formation politique, continue d’alimenter les polémiques. Elle relance notamment le débat sur sa situation à l’Assemblée nationale : a-t-il suspendu ou démissionné de son mandat de député ? Son entourage privilégie la thèse d’une suspension, qui lui permettrait de retrouver son siège s’il quittait le gouvernement. Mais, dans les rangs de l’opposition, nombreux sont ceux qui estiment qu’il a bel et bien renoncé définitivement à son mandat parlementaire.
«Théoriquement, je suis le chef de la majorité parlementaire. Je retournerai à l’Assemblée nationale si je devais quitter le poste de Premier ministre. » Cette déclaration d’Ousmane Sonko, leader du Pastef au pouvoir, faite en wolof ce jeudi 10 juillet 2025 lors de l’installation du Conseil national de son parti, continue de faire débat. Dans un long discours, il a écarté toute idée de démission de la Primature et réaffirmé son engagement à rester en fonction, tant qu’il bénéficiera de la confiance du président de la République, Bassirou Diomaye Faye.
Le président du Pastef, s’est voulu formel en assénant : «Je n’irai nulle part. Le jour où le président de la République m’appelle et me dit que je ne mérite plus d’être son Premier ministre, je rendrai le poste et retournerai à l’Assemblée nationale. Certains ont dit : c’est un homme de principe, il va démissionner si on le pousse à bout. Je dis à ces derniers que je ne démissionnerai pas, je ne bougerai pas », a-t-il indiqué. Non sans avoir rappelé son rôle dans l’avènement de la troisième alternance «J’ai désigné un candidat, j’ai battu campagne avec lui. Ensuite, j’ai dirigé la liste lors des élections législatives et battu campagne dans des conditions parfois très difficiles. En conséquence, qui peut revendiquer plus que moi ce qu’on a aujourd’hui ?», a-t-il demandé.
Amadou Ba, Pastef : « le Premier ministre Ousmane Sonko a tout simplement « suspendu » son mandat qui…»
Face à la controverse suscitée par cette déclaration, le député du Pastef, Amadou Ba a tenu à clarifier que son camarade de parti, le Premier ministre Ousmane Sonko, n’a jamais renoncé à son mandat de député à l’Assemblée nationale. Selon lui, ce dernier l’a seulement suspendu, conformément aux dispositions prévues par le nouveau Règlement intérieur de l’Assemblée. «Le Premier ministre Ousmane Sonko n’a jamais démissionné de son poste de député. Il a tout simplement «SUSPENDU» son mandat qui est incompatible avec la qualité de membre du Gouvernement. D’ailleurs, le nouveau Règlement intérieur de l’Assemblée nationale (RIAN) règle définitivement la question en précisant et encadrant juridiquement, la procédure de suspension et de réintégration du député nommé membre du Gouvernement ou à une fonction incompatible avec le mandat de député. Par conséquent, le Premier ministre peut retrouver son mandat de député dès qu’il quittera ses responsabilités de membre du Gouvernement», a-t-il réagi dans un post. Et d’ajouter : «Les opposants qui ont la haine de Ousmane Sonko en bandoulière, iront de déception en désillusion s’ils comptent sur des artifices et artefacts juridiques pour s’opposer au Premier ministre qui a déjoué tous les traquenards politico-juridiques les plus sophistiqués jamais ourdis contre un homme politique au Sénégal depuis l’indépendance», a conclu l’honorable député Amadou Ba.
Doudou Wade, ancien député : « Ousmane Sonko, démissionnaire, a perdu définitivement son mandat au regard…»
A la suite de la déclaration d’Ousmane Sonko, plusieurs réactions ont fusé, dont celle de Doudou Wade, ancien président du groupe parlementaire de la majorité libérale sous le régime de Me Abdoulaye Wade. Ce dernier affirme que l’actuel Premier ministre a perdu son siège de député à l’Assemblée nationale «Ousmane Sonko, démissionnaire, a perdu définitivement son mandat au regard de la règlementation en vigueur», a-t-il écrit dans un poste sur ses réseaux sociaux le jeudi 10 juillet 2025.
Ousmane Sonko à l’installation de la 15e legislature : « Je suis allé déposer ma lettre de démission en tant que député »
Et pourtant, lors de l’installation de la 15e législature, le lundi 2 décembre 2024, Ousmane Sonko avait déclaré renoncer à son mandat de député. « Je reste à la Primature. Je suis allé déposer ma lettre de démission en tant que député. Nous avons entamé un travail à la Primature. Le président a besoin de moi à ses côtés. On continue ce travail », avait-il affirmé devant des journalistes, après avoir accompli la formalité. Cependant, le lendemain, mardi 3 décembre 2024, les quotidiens Le Soleil et L’Observateur, rapportaient dans leurs éditions que le chef de file du Pastef, vainqueur des législatives du 17 novembre 2024 avec 130 députés, n’avait pas officiellement démissionné de son poste à l’Assemblée nationale, mais avait simplement suspendu son mandat. L’Observateur précisait même que Sonko conservait « la possibilité de reprendre son siège, si nécessaire». Une démarche identique à celle du secrétaire d’État à l’Urbanisme et au Logement, Momath Talla Ndao, qui a également suspendu son mandat de député afin de poursuivre ses fonctions gouvernementales. Ce choix contraste avec celui d’Abass Fall du Pastef, qui, lui a formellement démissionné de son poste de député après sa nomination au gouvernement.