«LA SUCCESSION DE TANOR DIENG PRESAGE D’UN SEISME POLITIQUE»
Le Professeur Moussa Diaw, Enseignant-chercheur en science politique à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis estime «impérieux» pour le parti de s’adapter aux demandes sociales

Suite au rappel à Dieu du Secrétaire général du Parti socialiste (PS), Ousmane Tanor Dieng, sa succession fait débat au sein du parti de feu Léopold Sédar Senghor. Le Professeur Moussa Diaw, Enseignant-chercheur en science politique à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis estime «impérieux» pour le parti de s’adapter aux demandes sociales. Il reste tout de même convaincu que le choc des ambitions entre leaders aux aspirations contradictoires risque de s’intensifier. Mieux, l’universitaire présage un «séisme politique» si l’intérêt supérieur du parti n’est pas mis en avant. Toutefois, il soutient qu’une telle situation ne devrait pas constituer un risque majeur pour le compagnonnage du PS dans Benno Bokk Yakaar (BBY), si bien évidemment, s’est-il empressé de préciser, le duo Aminata Mbengue Ndiaye et Sérigne Mbaye Thiam se confirmait à la tête du parti.
Comment appréciez-vous les différentes sorties de membres du Parti socialiste concernant le poste de Secrétaire général ?
A la suite de la disparition du Secrétaire général du parti socialiste, Ousmane Tanor Dieng, l’émotion et l’inquiétude ont gagné les différents leaders du parti qui se sont exprimés en termes de témoignages et d’inquiétudes sur l’avenir du parti. Si certains, comme Sérigne Mbaye Thiam, suggèrent des noms pour assurer la succession du regretté Secrétaire général, d’autres pensent plutôt que c’est le moment de relancer l’appel pour une retrouvaille de la famille socialiste dans un esprit de solidarité et d’ouverture de perspectives innovantes. Ces discours traduisent le sens d’une nécessité d’impulser de nouvelles dynamiques constructives et prospectives dans une formation politique devant renouer avec sa tradition de combat et de reconquête du pouvoir. Cependant, des divergences d’appréciation apparaissent dans les propos des différents intervenants. Ceux qui veulent déjà introniser Madame Aminata Mbengue Ndiaye en se référant au texte du parti sans passer par un débat contradictoire au sein du parti ont donné les options de leur positionnement. Au contraire les «Réformistes» parlent d’un Parti socialiste visant à retrouver une place prépondérante dans le paysage politique sénégalais. En tout cas, ce débat par médias interposés présage une succession annonciatrice de séisme politique dans cette formation si l’intérêt supérieur du parti n’est pas mis en avant face à des préoccupations individualistes ou sectaires.
Quelle lecture faites-vous de la recomposition politique au sein dudit parti ?
La recomposition interne au parti est impérative car le Ps constitue un grand parti historiquement implanté dans les pores de la société politique sénégalaise. Il a dominé l’espace politique depuis très longtemps en déterminant de manière absolue les imaginaires politiques et idéologiques. Après sa défaite en 2000 et d’ailleurs bien avant, il devrait s’adapter à l’évolution du monde à la suite de la fin de la guerre froide, avec ses conséquences sur l’offre idéologique mondiale. Par conséquent, un aggiornamento endogène et exogène s’imposait pour une reconfiguration conformément aux demandes sociales et aux exigences des élites politiques devant prendre la relève afin d’éviter des tiraillements. Ces derniers risquent d’intensifier les rivalités entre leaders aux aspirations contradictoires selon les ambitions des uns et des réflexes autoritaires de ceux qui veulent préserver leurs privilèges selon les convenances de parti et les rapports de forces. Dans tous les cas, les mutations sont inéluctables et le contexte actuel s’y prête. Dès lors, le renouveau politique s’appuie sur les imaginations politiques et l’esprit de reconquête des jeunes leaders, engagés dans la voie de la transformation, avec l’implication de toutes les forces du parti sans exclusive. Il est évident qu’il faudra des leaders volontaristes et dotés de ressources permettant de concevoir les sillages d’un Ps percutant.
Que vous inspire la position exprimée par le maire de Mermoz Sacré cœur, Barthélémy Dias, qui reste formel en soutenant qu’Ousmane Tanor Dieng ne les a pas mis à la porte du Ps ?
Le Maire de Mermoz, M. Barthélémy Dias, semble être cohérent dans ses positions relativement à l’action à entreprendre dans le parti, les enjeux et les défis majeurs que le Ps doit relever afin de se hisser à la hauteur des ambitions de cette grande formation politique. Ce courage politique exprimé librement lui a certes valu des soucis dans ses rapports avec la direction du parti, marquée par une gouvernance sans partage. Mais, il saisit cette situation nouvelle au sommet du parti pour se lancer dans une démarche de prise de contact et de sensibilisation de ses camarades à l’effet de mobilisation des principaux acteurs et de créer un élan de reconstruction au-delà des visions opposées sur les orientations et les positionnements. Je ne dirai pas que c’est une mission impossible mais les obstacles à franchir sont nombreux. Toutefois, les leaders se connaissent suffisamment et prendront conscience de faire en sorte que le parti ne doit pas se retrouver dans une impasse politique ou traverser une crise de succession. Cela dit, cette conviction de se considérer toujours comme membre du parti relève d’une interprétation personnelle qui n’engage que son auteur d’autant qu’il avance l’argument de ne pas recevoir la notification relative à son exclusion du parti de Senghor.
Quels lendemains pour le PS à sa tête les ministres Aminata Mbengue Ndiaye et Sérigne Mbaye Thiam ?
Si ce binôme se confirme à la direction du parti, ce qui est naturellement possible au regard de leurs liens avec le regretté Secrétaire Général, Ousmane Tanor Dieng qui avait facilité leur entrée et leur reconduction dans les gouvernements de Macky Sall depuis leur participation à la coalition Benno, la velléité de compagnonnage fera son chemin sans entraves significatives. Cependant, ce cas de figure, selon une logique de continuité en fonction d’une politique d’arrimage sur la base de partage de gain et de responsabilité rompt avec des aspirations et des ambitions incarnées par des frondeurs. Ces derniers militent pour un Parti socialiste fort de ses ressources humaines de qualité et tourné vers des horizons politiques ouvrant de nouvelles perspectives. Par ailleurs, le risque est grand d’assister à une fragmentation et à l’isolement si des mains invisibles ou étrangères au parti se mêlent à cette succession selon des recommandations postscriptum.